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HUMEUR : Zanzi and the City

 


(6.04)


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PREVIOUSLY ON ZANZI AND THE CITY : cliquer ici.

 

À l’origine, la websérie Zanzi and the City est un billet d’humeur. Et si je revenais aux fondamentaux ? Au sortir de la triste année 2009, l’envie me saisit de pousser un coup de gueule sur tout ce qui me déplaît, et tant pis si cela fait grincer des dents, pleurer Margot, ou s’évanouir les âmes sensibles. Elles n’ont qu’à s’abstenir de me lire. Les autres, sortez votre flacon de sels !

Le climat


Le gratin de la planète s’est donc retrouvé à Copenhague le mois dernier pour tenter de trouver un accord en vue de lutter contre le réchauffement climatique, notamment sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce monstre tentaculaire qui menace l’humanité. Réchauffement climatique, dîtes-vous ? Je passe mon troisième hiver consécutif au Canada et jamais de vie je n’ai vu autant de neige que depuis novembre 2007, lorsque tomba la première chute de 40 centimètres. Une double grosse bite de poudre blanche, rien que ça. Et le phénomène n’a eu de cesse de se reproduire pendant six mois. Et six mois plus tard le festival a recommencé. Et de nouveau, nous sommes en plein dedans. Réchauffement climatique ? Le scénario apocalyptique qui me touche n’est autre que l’enfouissement sous des tonnes de neige. J’attends le jour où la pluie viendra...

Oh certes, la banquise fond, et on nous le prouve, photos à l’appui ! Oui, comme tout le monde ou presque, j’ai regardé Home, et je me désole de l’état dans lequel l’humanité a plongé la terre nourricière. Si la Terre se venge, tant mieux. Que des milliers de personnes meurent au cours d’un tremblement de terre, d’un raz-de-marée ou d’un cyclone me laisse indifférent. Si les catastrophes naturelles font plus de victimes, c’est parce que les victimes potentielles sont plus nombreuses qu’autrefois à habiter les zones dangereuses. Pascal Sevran l’avait dit, et cela avait sifflé dans les oreilles des bien-pensants du politiquement correct : dans les pays émergents – on ne parle plus du Tiers Monde : Monsieur Alfred Sauvy, votre expression a fait long feu – (mais au fait, de quoi émergent-ils ces pays, des ténèbres ?) les peuples se reproduisent encore comme des lapins et c’est bien cette surnatalité qui crée un déséquilibre et menace, comme c’est paradoxal, la survie de l’espèce humaine. La solution ? Certains préconisent d’étendre aux pays producteurs de marmaille la politique chinoise de l’enfant unique. Il serait intéressant de proposer à côté un mode de vie alternatif : l’homosexualité, qui contribue au développement durable en ne participant pas au renouvellement des générations.

Les « droits » des gays et des lesbiennes


Seulement voilà, il existe des gays et des lesbiennes qui veulent vivre comme les couples hétérosexuels et revendiquent les mêmes droits, dont celui d’élever des enfants. Baste ! Un droit, ça ? Plutôt un devoir, un engagement pour la vie, et durant les 25 premières années, une corvée. Voulez-vous donc changer les couches, vous lever 3 fois par nuit, vous réveiller à 6 heures du matin pour préparer le petit déjeuner mais aussi le goûter que vos chérubins emporteront à l’école où vous ne manquerez pas de les conduire ? Voulez-vous vous saigner aux quatre veines pour que votre précieux rejeton reçoive un enseignement de plus en plus de piètre qualité, mais concurremment, de plus en plus cher à payer ? Grand bien vous fasse ! Élever des enfants, c’est comme le coût de la justice au Canada, réservé aux riches ou aux pauvres. Ce n’est pas pour les classes moyennes. Vous voulez un gamin ? Pondez-en un, adoptez-en un, mais n’allez surtout pas imiter Angelina Jolie et Joséphine Baker, sauf si vous en avez les moyens. Cette saillie mise à part, je considère que les couples de même genre devraient avoir le droit d’adopter des enfants si bon leur semble. À défaut, ils peuvent accéder à la parentalité par d’autres moyens (dont la procréation naturelle) ; ils ne font pas de plus mauvais parents qu’un couple hétérosexuel, au contraire !

Là où le bât blesse, c’est dans la revendication du mariage. Qu’est-ce donc que cette fantaisie de vouloir absolument vous attacher avec un nœud que vous trancherez avec férocité dès que celui-ci commencera à vous étrangler ? Ma profession m’a mis en contact avec des cas de divorces. Douloureux, sordides, et quelquefois tellement au-delà des mots que j’en viens à me demander comment les protagonistes ont pu s’aimer un jour. Et qui trinque le plus dans ce jeu de massacre familial ? Les enfants ! J’ai récemment lu dans Marianne un article de fond sur le sujet du divorce, rendu plus facile par le législateur. Grâce à la bienveillance de nos gouvernants, et à l’exemple édifiant du premier d’entre eux qui nous a offert le spectacle d’un divorce-express avec sa deuxième femme et première « Première Dame », aujourd’hui on peut divorcer comme on va acheter une baguette chez le boulanger. Les gens n’imaginent pas ce qui les attend au bout du chemin : dissolution des biens communs, division par deux du revenu disponible, prestations en tous genres, déclassement social (aussi bien pour les hommes que pour les femmes). Quand un couple marié explose, c’est Hiroshima dans la famille. Selon les statistiques, 40 % des couples mariés au cours de la dernière décennie divorceront. Se marier coûte cher, divorcer coûte encore plus cher. Mais pour le divorce, cela s’entend au propre comme au figuré. Le droit au mariage est, de facto, un droit au divorce. Tel est le revers de la médaille tant convoitée. En tant qu’humaniste, je suis évidemment favorable à ce que tout le monde bénéfice des mêmes droits, quand bien même ceux-ci sont des pièges à cons. En tant qu’homme libre, je suis contre le mariage. Pour nuancer mon propos, je suis contre le mariage d’amour, foutaise romantique frappée du sceau mortel de l’éphémère. En revanche, se marier par intérêt offrirait, à mon sens, davantage de garanties quant à la pérennité de l’union.

 

TO BE CONTINUED...

6 janvier 2010

 


(6.04)


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PREVIOUSLY ON ZANZI AND THE CITY : cliquer ici.

 

Pour commencer ce billet, je vais oser un trait d’esprit qui, peut-être, aura l’honneur de figurer un jour dans le Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes (édition 2119) : « L’amour est aveugle, c’est pourquoi il ne m’a jamais vu ». Avant que le club de mes ex ne se mette à pousser des cris d’orfraie, je dois reconnaître que ce n’est pas vrai. Aveugle, myope ou presbyte (sans jeu de mots, svp), l’amour a croisé ma route plusieurs fois. Je me suis souvent interrogé sur les raisons de mes échecs, je pense même les avoir déjà évoquées à plusieurs reprises sur ce blog : problème de la distance, mauvais timing... Mes plus récentes réflexions m’ont amené à considérer que la réalité est encore pire que cela : je cours après l’amour et le fuis dès qu’il s’approche de moi.

Indéniablement, il y a matière à réflexion psychanalytique et remue-ménage cérébral auquel je ne vais pas me livrer dans ces quelques lignes. Je constate seulement que je suis un handicapé sentimental. Que celles et ceux qui ont la malchance de souffrir d’un handicap physique se rassurent : ce désordre émotionnel qui affecte ma vie privée ne me donne aucun droit ; donc, pas de place de parking ni de réduction SNCF. Au demeurant, je ne les revendique pas. La morale est sauve.

Je tiens juste à lancer une mise en garde aux aventuriers qui auraient l’imprudence, l’audace, le courage, l’inconscience ou la témérité de s’éprendre de ma complexe et tortueuse personne : il vous faudrait du temps pour apprivoiser l’animal sauvage que je suis, et lui inspirer confiance. Vous seriez en présence d’un émotif nerveux qui n’a pas encore confié ses névroses à un professionnel, et ne possède donc pas la clé qui lui permettrait d’en venir à bout. Vous devriez aussi convaincre un être blasé, cynique et désabusé, que, contrairement à ce qu’il croit, il a droit lui aussi au bonheur, et qu’il peut le trouver auprès de vous et avec vous. Autant dire que la tâche s’annonce difficile. Si tout ce que je viens d’écrire ne vous décourage pas, alors la médaille du mérite vous tend les bras.

Pour terminer, je vous livre ce sonnet de mon ami le poète Damien Dauphin, si toutefois vous ne vous demandez pas à quoi rime la poésie.

 

N’attends pas que je sois le compagnon parfait.

J’ai vécu trop longtemps à moi-même livré,

Et d’une vie à deux n’ai point l’expérience.

Sois donc compréhensif, armé de patience.

 

Si tu crois que la vie n’est qu’un jour de beau temps,

L’amour s’envolera au premier coup de vent.

Nous devrons affronter ouragans et orages

Avant que le soleil transperce les nuages.

 

Nous aurons un chez-nous en parcourant la terre,

Ferons notre foyer de la planète entière.

Quand, à la fin des temps, nous toucherons au port,

 

Je t’aimerai autant, je t’aimerai encore.

La mort ne peut tuer un véritable amour

Qui dans l’éternité est vivant pour toujours.

 

Écrit le 24 novembre 2009

 

[Edit du 10 décembre 2009]

Le fait de publier les épisodes de ma saga avec un temps de retard rend nécessaire leur datation car, entre le jour de l’écriture et celui de sa mise en ligne, il peut s’en passer des choses ! En l’occurrence, il s’est produit quelque chose : j’ai décidé de ne plus fuir.

If you wonder why, let me tell you it’s all about love.

 


(6.03)


http://www.france.or.th/IMG/arton1609.jpg

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Mes lectrices et lecteurs l’auront peut-être compris depuis quelques temps déjà, au fil des indices semés çà et là, qui par moi, qui par Daniel : je suis une espèce d’ambassadeur. Qu’est-ce qu’un ambassadeur ? Selon le bon mot de Sir Henry Wotton (1568-1639) (1), c’est « un honnête homme que l’on envoie mentir à l’étranger pour le compte de son pays ». Un ambassadeur est un diplomate. Qu’est-ce qu’un diplomate ? C’est un homme qui veut dire « peut-être » quand il vous dit « oui », et qui veut dire « non » quand il vous dit « peut-être ». S’il dit « non », ce n’est pas un diplomate. J’ai toujours eu les plus grandes réticences à dire non.

Un ambassadeur est un nomade. Tous les trois ou quatre ans, l’administration le fait changer de place. C’est un gitan au long cours, un zingaro de luxe, un esprit errant mais non sans patrie, contrairement à ceux du Spleen IV de Charles Baudelaire. C’est donc un pionnier, il fut depuis bien longtemps en avance sur notre époque qui vante la mobilité géographique et professionnelle. Son seul regret est de n’être point libre.

Voici deux ans et deux mois que je suis en poste au Royaume de Caribouland, un pays où l’on coupe du bois, pompe du pétrole, chasse les phoques, et grelote sous des mètres de neige durant une saison hivernale qui dure, selon les années, de six à huit mois. Arrivé à ce stade, je n’éprouve que lassitude et mélancolie, loin des riantes contrées du Royaume de France, depuis son comté de Flandre avec ses Ch’tis célèbres, en passant par le duché de Normandie paternel, et en traversant ses paysages changeants aux reliefs inégalés, le beau jardin des duchés d’Anjou, du Maine et de Touraine, le dauphiné d’Auvergne, et plus au sud, le comté de Nice arraché au perfide roi de Sardaigne ainsi que son duché de Savoie et le Mont-Blanc dont nous conservons, jalousement, et au grand dam de nos voisins Italiens, la souveraineté pleine et entière sur son sommet. Je m’étiole de même, loin des rives chéries de la Méditerranée et du royaume chérifien qui m’a adopté. Vous me manquez à en mourir.

Lorsque j’étais en poste au Royaume de Belgique, je ne suis resté que deux ans. Je peux dire que je suis parti au bon moment, car ensuite la situation s’est dégradée. Esteban, s’il lit ces lignes, pourrait en témoigner. Une troisième année ne m’aurait rien apporté et j’avais fait le tour du sujet. De retour à Paris, ce fut différent. J’étais lassé d’emblée. Il faut dire que le travail dans la capitale n’est guère passionnant. J’ai fait contre mauvaise fortune bon cœur et tenté de positiver ma situation. Il n’en demeure pas moins que la troisième année fut difficile à vivre. Il vous suffira de relire le journal de mon spleen McBealien pour vous en apercevoir.

Aussi, alors que je me trouve de facto dans ma troisième année à Caribouland, me posé-je cette question existentielle : est-ce que je fais l’année de trop ? Il me faut y répondre oui sans hésiter, car déjà mon souhait aurait été d’en finir dès l’été dernier. J’ai oublié pour quelles raisons je suis encore ici. Mais je n’y suis pas bien. Depuis la fin de l’été, je vogue à la dérive comme un bateau ivre. Je m’invente des maladies, peut-être inconsciemment dans l’espoir d’être rapatrié en avion sanitaire. Plus rien ne me motive, mais peut-être que l’écriture de ce texte est une lueur d’espérance au cœur de la nuit qui m’entoure.

Mon déménagement a commencé : je trie enfin des papiers dont certains remontent au début de la décennie. C’est ainsi que je redécouvre des histoires de ma vie, croise des fantômes de mon passé, et me remémore des amours défuntes et inachevées. Il est temps d’y mettre bon ordre. Lorsque tout sera convenablement rangé dans une boîte, je pourrai, au bon plaisir de la Providence, tourner définitivement la page de mon ancienne vie et en commencer une nouvelle.

 

6 novembre 2009

 

(1) Auteur anglais et diplomate qui n’a rien à voir avec l’homonyme inventé par Oscar Wilde dans Le Portrait de Dorian Gray.

 


(6.02)




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Un visage me fait face. Grand sourire. Ses bras m’agrippent et m’entraînent, pauvre chiffe molle, vers ses lèvres. Je me laisse faire, m’abandonne sans résistance. Je suis trop faible pour lui rendre son baiser. Les yeux clos, je tente encore de me remémorer la veille. Une langue gourmande fourrage ma bouche engourdie. Ma réputation de meilleur embrasseur du monde va en prendre un coup. J’ouvre les yeux. Interloqué, je me souviens enfin de la veille. La chapelle aux mariages, le gospel, les alliances… des fous rires. Ce n’est qu’un jeu. Du tapis vert à la blanche chapelle, tout n’est que jeux à Las Vegas.

— Je vous déclare punis par les liens du mariage ! Ah ah ah !!!

Le baiser cesse. Son sourire ultra-bright de star m’éblouit. Ses mains caressent mes cheveux, à présent je me souviens de tout. Devant moi se tient le sosie d’Elvis Presley, pas celui de la déchéance des dernières années, pas l’épave boursouflée, mais l’Elvis de la fin des années 60, encore beau et fringant, qui venait d’épouser Priscilla Beaulieu. Je n’ai pas épousé Scarlett, mais Elvis, le serial marieur de la wedding chapel ! Comment en suis-je arrivé là ?

La veille, enfin remémorée. Nuit du 16 au 17 juillet. Scarlett et moi quittons le Rouge Bar un peu éméchés. J’ai quatre mojitos dans le buffet, tandis que mon amie s’est envoyé une demi-bouteille de Cardhu comme on boit de l’eau minérale. Elle appelle un taxi. Le trip commence dans un bar à putes dont je n’ai pas retenu le nom. L’ambiance est glauque à souhait. Je proteste, n’ai pas envie de me faire tripoter.

— C’est pas pour toi, c’est pour moi ! gronde l’Irlandaise.

Et elle y va franco, renversante sur le comptoir, la pute frémit et son râle de plaisir étouffe le bruit d’un verre qui se brise. Deux cowboys, l’air goguenard, matent la scène avec une concupiscence non dissimulée. Une bosse se forme au niveau de leur entrejambes, bientôt leurs membres sont à l’air libre, gonflés d’excitation devant ces deux femmes qui font trembler les murs et les bouteilles. C’est obscène et fascinant. Les deux hommes s’approchent des deux femmes et le duo vire à l’orgie à quatre. Je demande au barman s’il fait les orgasmes. Il n’a pas l’air de savoir que je parle d’un cocktail au Bailey’s. Hypnotisé par la bacchanale qui se déroule sous ses yeux, il ne remarque même pas que je le contourne pour me servir moi-même un gin tonic. Alors que j’avale la dernière gorgée de mon verre, des cris saillants et caractéristiques m’annoncent au son du clairon que le dévergondage exhibitionniste du joyeux quatuor vient d’atteindre son point paroxystique.

 

Le taxi nous a attendus patiemment. Cette nuit, il va se faire des couilles en or. Cinq rues plus loin, nous assistons à ce qui ressemble à un meurtre, ou tout au moins à un vol à l’arrachée qui tourne mal. Nous ne sommes plus dans les bons quartiers, ceux qui protègent les touristes sous une bulle dorée. Notre cocher n’est pas téméraire, il bifurque rapidement. Passent de nombreuses minutes, qui ressemblent à un grand moment de solitude. Les cowboys sont restés au bar mais Scarlett a emmené sa nouvelle meilleure amie pour continuer la partie dans la voiture. La chapelle apparaît soudain.

— Arrêtez-vous là !

C’est blanc, c’est kitsch, c’est plutôt petit. « Elvis » est en train de marier un couple surexcité, tandis que deux autres attendent déjà leur tour. Ma contemplation du sacrement du mariage à la sauce yankee est troublée par les cris d’une chamaillerie. Scarlett vient de larguer sa pute. Une demi-heure plus tard, nous voici seuls avec Elvis. La nuit touche à sa fin, pour son business ce sont les heures creuses. Nous rions, délirons. Scarlett prend la place de l’officiant, plus évangélique qu’angélique, s’empare d’une Bible rose et entame le rituel. Il ne dure que trois minutes. Elvis roucoule des vœux et Scarlett prononce notre mariage. Nous échangeons des alliances, il y en a toujours en stock.

 

Vendredi 17 juillet, 15h15. J’affronte ma bataille de Marignan, j’ai enfin les idées claires. Que vaut le mariage de deux hommes, prononcé une femme qui n’a pas la compétence légale pour le faire ? Rien.

— À Las Vegas, la vie est un jeu.

Scarlett vient d’entrer dans la chambre, radieuse. Elle rit de bon cœur à la blague qu’elle vient de me faire. Elvis rit de concert, il échange avec elle un regard complice. Mes nerfs se détendent et je ris aussi.

— Zanzi chéri, me lance-telle, habille-toi vite. Tu es invité à un mariage et c’est pour dans quarante-cinq minutes.

— Encore un mariage ?

— Le mien, avec Aidan ! Tu es mon témoin.

— Aidan ?

— C’est moi, dit Elvis.

 

À 16 heures, deux Irlandais fous d’amour et espiègles se disent « oui » pour la vie. Mon trip n’est plus si bad. Royale, Scarlett m’a payé d’avance les deux prochaines nuitées au Bellagio. Six heures plus tard, à l’entrée d’une suite somptueuse, les jeunes mariés me souhaitent une bonne nuit. La leur ne fait que commencer, et je ne doute pas un instant que les murs de l’hôtel s’en souviendront de nombreuses années.

 

 


(6.01)




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Brume de cerveau. Nauséeux au réveil, la tête chancelante, les paupières lourdes, j’ouvre difficilement un œil alors que le soleil trône déjà haut dans le ciel. Quelle heure peut-il être ? L’horloge digitale posée sur la table de chevet indique 14:53. Encore… Fréquemment, quand je consulte le cadran durant l’après-midi, il affiche cette heure qui me rappelle invariablement une date. Avais-je vécu en direct la chute de Constantinople au cours d’une vie antérieure ? Je le crois. 14h53, déjà ? J’ai un arrière-goût pâteux dans la bouche, mes yeux se sont refermés et j’essaie de rassembler mes esprits. Où suis-je ? À Las Vegas. Qu’y fais-je ? Ou plutôt… Oh mon Dieu ! Mais qu’y ai-je fait ?

Je suis dans un lit qui me semble trop vaste pour moi. Un lit king size, extra-large, capable de supporter le poids d’un américain moyen en surcharge pondérale, ou d’héberger quatre personnes de mon gabarit pour une partie carrée. Les draps sont luxueux, froissés. Il y a bien six ou sept oreillers, tous éparpillés. La chambre est spacieuse, elle me semble immense, me donne le vertige. Je dois me souvenir… de ce que j’ai fait la veille. Je fouille ma mémoire à tâtons, je suis sonné, mal réveillé, pas réveillé du tout.

— Qu’est-ce que je fous ici ?

Je suis assommé comme quelqu’un qui n’a pas dormi la nuit précédente, s’est couché dans la matinée et n’a sombré que deux ou trois heures dans les bras de Morphée. À l’évidence, je n’étais pas seul. Soudain, cela me revient. Scarlett !

— Scarlett ?

Je revois Elvis Presley nous chanter « Love me tender » dans une wedding chapel. Ce n’est pas possible, c’est un mauvais rêve. Je regarde ma main : il y a bien un anneau d’or à mon annulaire. Merde ! Je la cherche du regard, l’appelle. Personne. Pas de réponse. La salle de bains ! Je vais ouvrir cette porte et trouver un tigre derrière, non ? Au point où j’en suis. Non. La pièce est vide. J’ai besoin d’une douche. La pluie artificielle s’abat sur mon corps fatigué et m’extirpe peu à peu de la torpeur dans laquelle je suis plongé. Alors, je me suis marié ? Avec une femme !?

15h12. J’ai envie de m’effondrer. La terrasse est comme un halo de lumière, il fait très chaud dehors, le soleil brûle. M’exposer, me laisser consumer. À quel étage suis-je ? Assez haut, suffisamment pour faire le saut de l’ange. Si je suis dans un rêve, je n’ai plus qu’à sauter pour provoquer mon réveil. À condition que je tombe à la renverse. Si je plonge en avant, je vais m’envoler. Il en va toujours ainsi.

— Mon chéri, tu es réveillé !

Tout au bord du précipice, je sursaute. Qui a parlé ?

La veille. Je dois me remémorer la veille. Les images se télescopent dans ma tête, se mêlent ; je m’embrouille. Ma vie, un film récemment sorti sur les écrans, une série des années 80 avec Robert Urich, un épisode de La Croisière s’amuse, le générique de Croque-Vacances, le visage de Casimir… Mais que se passe-t-il ? Je n’ose pas me retourner. Je dois me remémorer la veille. Le balcon se dérobe sous mes pieds et m’entraîne dans une chute vertigineuse. Qui a parlé ? La veille… aujourd’hui… Je n’y arrive pas. La tête me tourne, je tourne la tête. Un visage me fait face. Grand sourire. Ses bras m’agrippent et m’entraînent, pauvre chiffe molle, vers ses lèvres. Je me laisse faire, m’abandonne sans résistance. Je suis trop faible pour lui rendre son baiser. Les yeux clos, je tente encore de me remémorer la veille. Une langue gourmande fourrage ma bouche engourdie.

Ma réputation de meilleur embrasseur du monde va en prendre un coup.

J’ouvre les yeux. Interloqué, je me souviens enfin de la veille. Very bad trip

ZANZINTERVIEW (3)

 



Zanzi, interviewé par Gérard Coudougnan

(Un remake de La vieille et le bête  [Note de Daniel C. Hall])

 


Le Père Docu : Bonjour Monsieur Zanzi. Je suis infiniment touché par l’insigne honneur que vous faites à un rat de bibliothèque en lui accordant quelques minutes de votre radieuse présence.

Zanzi : Bonjour Père Docu.

 

Le PD : Je suis envoyé spécial, mandaté à la fois par les Toiles Roses et Overblog : depuis l’annonce de la fin de votre chronique, vos lecteurs hystériques ont fait exploser le site et son serveur.

Z : N'oubliez pas mes lectrices. Daniel C. Hall y tient beaucoup. Oui, je sais, j'en en ai entendu parler. L'opératrice est paraît-il en ce moment même en cure de repos.

 

Le PD : J'avais utilisé un terme qui englobait, sexisme de la grammaire, nos amies. Mais cette précision est en effet capitale. Pourriez-vous m’expliquer pourquoi tous ces fans déchaînés ne cessent de dire que le 11 septembre n’était qu’un « détail » en comparaison avec le 17 juillet ? C’est l’un des leitmotivs de leur déchaînement auquel notre rédacteur en chef ne parvient pas, malgré son immmmmmmense talent, à répondre.

Z : Il faut que vous sachiez que j'ai été contraint à la démission, si je puis dire. Mon contrat signé pour cinq saisons arrivait à échéance. Le rédac' chef et moi ne sommes pas parvenus à nous entendre sur ma juste rétribution pour continuer cette belle aventure.

 

Le PD : Nous sommes hélas tous un peu tous logés à une enseigne similaire  ... saviez-vous que notre chef était payé pour faire travailler bénévolement le « travailleur handicapé » que je suis ?

Mais je m'égare : la question suivante a trait à votre orientation sexuelle. Et là, je ne sais comment vous demander s’il y a un doute à dissiper, un changement à confirmer…

Z : Plaît-il ?

 

Le PD : Votre mariage express à Las Vegas a semé le trouble : désespéré beaucoup de jeunes gens, exacerbé la libido de hordes de femmes déchaînées, poussé à la démission l'hétéro de service... c'est un peu comme lors de votre arrivée, une situation de crise.

Z : Lucian Durden a démissionné ??? Mais pourquoi on ne me dit jamais rien ? (Zanzi soupire) Je me souviens de mon arrivée, il y a 3 ans. Il n'y avait pas une situation de crise. Simplement Les Toiles Roses était un blog pépère plan-plan qui tournait autour de deux thématiques : les critiques du cinéma gay et lesbien, et les citations philes et phobes. De temps à autre il y avait des vidéos roses. Tout cela manquait de peps et c'est la raison pour laquelle Daniel m'a engagé. Je suis le pionnier, j'ai ouvert la voie à tous les autres chroniqueurs : Isabelle (disparue elle aussi ?), Lucian, Marie, Frédéric, Jann... vous-même, Père Docu. C'était déjà un blog de qualité et bien référencé, mais je crois que la dynamique créée par Zanzi and the City a contribué a son développement.

 

Le PD : Oui, c'est le thème général des messages actuels : engouement pour les « blagues pourries » et anxiété profonde à votre sujet, vous, le rénovateur du blog ! Acceptez-vous que le dernier venu de l’équipe, devenu rédac’ chef adjoint suite à une « promotion strapontin » (il convient de respecter les phantasmes de la hiérarchie) vous fasse une proposition honnête ?

Z : Et quelle est-elle ?

 

Le PD : Il s’agit, vous vous en doutez, d’une multiplication par un chiffre que je ne peux – eu égard à la diversité sociale de notre public – ici révéler, de vos émoluments ?

Z : Vous voulez donc me réengager pour des clopinettes ?

 

Le PD : Euh, vous savez je ne suis pas à la comptabilité. Le chef m'avait dit : « on va faire comme dans les restaurants qui affichent La TVA a baissé, les salaires ont augmenté. J'embauche un infirme bénévole et je double le salaire de ceux qui écrivent bien.... »

Z : Certes, depuis toujours les benêts volent... on peut même dire qu'ils planent.

 

Le PD : Nous pourrons bientôt former une escadrille !

Revenons, s'il vous plaît à la suite de Zanzi and the City !

Z : Mais avons-nous vraiment besoin d'une suite ? Je réfléchis à de nouvelles aventures littéradieuses, un autre thème, que sais-je encore ? Zanzi quitte la City... Que pensez-vous de Zanzi in the Country ?

 

Le PD : Tant qu'il y a du Zanzi, vous savez, c'est le succès assuré... mais il conviendrait d'organiser un planning de publication car...

Z : Je ne maîtrise pas le calendrier. Sachez cependant que j'ai reçu des propositions fort intéressantes et autrement plus lucratives pour exercer mes talents ailleurs que sur Les Toiles. Mais je dois bien reconnaître que j'ai pour ce blog un attachement sentimental.

 

Le PD : Et croyez bien que le public ressent le même attachement viscéral à votre personne et à votre œuvre. Accepteriez-vous de donner quelques pistes à votre fan-club enthousiaste, dévot, confit d’admiration, que dis-je ? de vénération, pour la finesse et la force de votre éjaculation scriptoriale ?

Z : Des pistes ? Et pourquoi pas un jeu de l'oie ?

 

Le PD : Tout ce que vous voudrez, Monsieur Zanzi, j'ai là une boîte de préservatifs, un flacon de Jus de la Jungle, du whisky, quelques liasses de billets de la nouvelle banque "Monopoly" : le chef aimerait tellement vous voir reprendre la plume…

Z : Va pour le whisky et vous aurez (peut-être) une saison 6. Donnez-moi une bouteille de Cardhu !

 


(5.20)




        Lille, juillet 2009. Tandis que je trompe mon ennui sur Facebook, Scarlett O’Hara se met à me raconter son weekend en Suisse. Elle a de la chance de pouvoir faire du ski nautique sur le Léman, de siroter des whiskys le soir à Cologny, et de respirer le bon air frais de Genève. De mon côté, je savoure du mieux que je peux le caractère primesautier du climat qui, en ce début de mois, semble contredire les promesses estivales de la fin de juin.

        Scarlett est Irlandaise et fière de l’être. Les cheveux bruns presque noirs, les yeux verts, le caractère bien trempé et indomptable de son clan d’extraction immémoriale, la libido insatiable, c’est une femme aussi déterminée que l’héroïne homonyme du roman de Margaret Mitchell. Elle sait ce qu’elle veut. Aujourd’hui, je découvre qu’elle me veut…

        San Francisco, mars 2009. Ma collègue Laurence de Miami m’emmène au Westin St. Francis, hôtel fabuleux qui offre, au dernier étage de son ascenseur extérieur, une vue imprenable sur la ville et la baie. C’est la nuit, tout scintille comme dans la vitrine d’une bijouterie. En bas, les lumières ne sont plus que diamants, rubis, émeraudes, saphirs, ors jaune et blanc. Je m’enivre de beauté et de luxe. De retour dans le lobby, encore éblouis par les feux de la nuit, nous manquons nous cogner à une lady en robe de cocktail. Je viens de rencontrer Scarlett. Elle nous invite au bar lounge et nous faisons connaissance autour d’une bouteille de Cardhu.

        Moncton, juillet 2009. Je suis épuisé par le voyage de retour. Six heures d’attente à Montréal ont puisé ce qui me restait d’énergie pour retourner au travail dès le lundi 13. Mardi 14, il faudra assurer pour la réception de la fête nationale. J’assure, et vais me coucher de très bonne heure. Je m’effondre comme une masse sur le lit, après avoir pris la peine d’ôter ma veste. Au réveil, mon pantalon est froissé. En fin de journée il faut que je sois à Halifax pour la réception à bord des voiliers de l’Ecole Navale. Les obligations se succèdent les unes aux autres, je n’ai pas le temps de souffler, de m’arrêter et de penser. Penser… mais à quoi ? Mon téléphone carillonne. J’ai un message.

        De Scarlett, le 15 juillet à 8h18 : « Arrive ce soir à Las Vegas pour trip Nevada jusqu’à dimanche. Envie de te voir. Rejoins-moi dès que tu peux. SO’H. »

        Las Vegas, jeudi 16 juillet 2009. C’est la onzième fois que je prends l’avion depuis le début de l’année, et le cinquième vol en moins d’un mois. J’adore m’envoyer en l’air à 10.000 pieds. Scarlett est descendue au Tuscany. Le style est chic et sans prétention, il respire un parfum d’Italie et je soupçonne l’endroit d’appartenir à un parrain de la mafia, mais n’en dis rien. Je découvrirai le Bellagio et le Caesars Palace une autre fois. Il y a des casinos partout et nous décidons d’aller tenter notre chance au Venetian, histoire de rester dans le trip italien. Je perds 600 dollars au bandit manchot et commence à grogner.

        — Changeons de spot, me dit-elle.

        Comme elle me sait fou de cinéma hollywoodien, elle m’emmène au MGM Grand. Mais je suis dans une déveine complète : je perds 500 dollars de plus. Les machines mangent mes pièces et n’en recrachent aucune, et je ne me sens pas encore assez confiant pour passer du poker virtuel au poker réel. Ce n’est pas mon soir et si je me laisse tenter par les sirènes du tapis vert, je vais y laisser ma chemise. Scarlett me prend par la main et m’entraîne au Rouge Bar.

        — Malheureux au jeu, heureux en amour. A la nôtre !

        En bonne Irlandaise, elle a commandé un double whisky sec ; de mon côté, j’ai choisi un mojito. Tout est rouge dans ce bar, on se croirait dans un appartement psychédélique des années 60. Le décor est propice à l’étourdissement, je risque d’y perdre l’esprit. Ma raison commence déjà à chanceler et je laisse Scarlett m’entraîner dans les rues de Vegas, la reine du désert, comme si je ne m’appartenais plus. L’aurore est magnifique, quasi irréelle, autant que l’anneau d’or que je porte à l’annulaire gauche. Ai-je rêvé, ou est-ce qu’une heure avant l’aube, j’ai prononcé des vœux devant le sosie d’Elvis Presley ?

        Scarlett m’embrasse tendrement et me caresse les cheveux de sa main gauche où brille une alliance flambant neuve. Le vent du désert nous enveloppe de son souffle chaud et sauvage. La journée s’annonce torride, caniculaire. De retour à l’hôtel, nous changeons de décor. Nos valises ont été déplacées sur un simple coup de fil. Vendredi 17 juillet, en pénétrant dans la suite nuptiale au bras de mon épouse, je n’ai pas l’impression de vivre la vie normale des gens normaux, mais plutôt la vie extraordinaire des gens extravagants.

 

Ainsi s'achève la saison 5 de Zanzi and the City

To be continued… or not.


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(5.19)




        Lille, juin 2009. Bien qu’il fasse encore jour, les bougies d’ambiance sont allumées, ainsi qu’à l’accoutumée, pour créer l’atmosphère propice à la divination. Jouxtées aux chats miniatures, les figurines d’anges disposées aux quatre coins de la pièce me sourient et me rassurent. Elle me sourie aussi, ma vieille amie qui, depuis déjà onze ans, observe mes péripéties et, pour la plupart, les anticipe. Un an après ma dernière consultation, je suis de retour chez elle pour tenter de déchirer le voile des ténèbres et d’entrevoir les moissons futures.

        Un matin à Paris, quelques jours plus tard. Je me réveille et allume mon ordinateur. Un message m’attend. J’ouvre ma boîte et en un instant, mon esprit vacille sous le choc des mots qui me déchirent l’aorte. L’abîme crépusculaire se fait plus béant qu’une plaie ouverte ruisselant un mascaret de sang. Pourtant si proche, il est si loin… éloigné par la peur de me faire du mal, éloigné par l’envie de me protéger… Derrière la reculade, se profile le désir d’aller de l’avant et de s’abandonner dans mes bras. Mais il est encore trop tôt. À moins qu’il ne soit déjà trop tard…

        Lille, juin 2009. Je coupe les cartes de la main gauche, vers moi, en pensant à moi. Le rituel est le même depuis la première fois, en juillet 1998. Je la regarde. S’est-elle déjà trompée ? Ce qu’elle me dit n’a rien à voir avec l’horoscope niaiseux qu’on lit dans le journal. Je porte en moi les images de ma destinée, mon propre fluide les communique aux cartes qui ouvrent des fenêtres sur demain. Pratiquement tout ce qu’elle m’a dit depuis plus de dix ans s’est réalisé, certes pas du jour au lendemain, et pas toujours de façon limpide. Il faut savoir analyser les événements a postériori, et c’est alors que les prédictions prennent tout leur sens.

        Elle dispose une première série de cartes selon le schéma habituel et me demande de retourner les autres sur le jeu. Le rideau s’ouvre sur le futur. L’oracle va parler.

        — Les choses vont bouger au niveau sentimental. Il y a une femme près de toi.

        Ce n’est pas la première fois qu’elle m’annonce que je vais finir avec une femme. C’est comme si elle s’obstinait à vouloir me faire reprendre le droit chemin, celui qui mène à la vie normale des gens normaux. Je lui souris et la laisse me raconter la suite. Une grossesse, un décès, un mariage, rien que de très habituel, ce sont là les événements qui rythment la vie des humains. Mon frère va se marier l’année prochaine, peut-être aura-t-il un autre enfant ? Il y a des gens plus ou moins âgés dans mon entourage familial, il se peut que quelqu’un meure. Un couple d’amis va se séparer… Ah ? Inutile de jouer aux devinettes, je le saurai une fois que cela se sera produit. Il y aura du changement dans mon travail et je vais déménager. Oui, j’y compte bien.

        Paris, juillet 2009. Une fois de plus il me faut partir, sans me retourner, et laisser des morceaux de mon cœur sur les toits et les pavés. Ces quelques jours sont passés comme un rêve ensoleillé, sous la chaleur d’un beau début d’été. Mais au matin dernier, mon téléphone reste muet. Il ne m’appellera pas, ne m’écrira pas. J’attends en vain, reprends le train. Après tout, le soleil brillera demain.

        Lille, juillet 2009. La dernière semaine de mes vacances est maussade. Le relatif mauvais temps s’est mis de la partie pour baigner le quotidien avec les larmes du ciel. Partie dans le sud avec ses parents, ma nièce n’est même plus là pour me distraire de ses facéties et de sa mine rieuse qui me ressemble tant au même âge. J’ai le cœur en déshérence. Pour tromper mon ennui, je me connecte sur Facebook et fais des quiz tous plus débiles les uns que les autres. Je joue au poker avec l’application Zynga. Si ce n’était virtuel, je serais riche : j’ai plus de 4 millions de dollars dans mon portefeuille.

        J’allume la fenêtre de conversation. Elle est internationale. Un ami écossais, joueur de cornemuse à Moncton, prend de mes nouvelles et s’enquiert de la date de mon retour. Un ami espagnol me raconte ses aventures avec une comtesse aux pieds nus et aux seins de glace. Une amie irlandaise veut me passer la bague au doigt. Elle se nomme Scarlett O’Hara…

 

To be continued…


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(5.18)




        Paris, juin 2009. Jour pour jour, un an après notre rencontre fortuite au cours d’un dîner en ville, j’ai revu Andrea. Notre histoire courte et intense avait connu la magie des romances non préméditées. Nous avions fait des projets, imaginé notre vie ensemble, notre maison en Suisse sur les hauteurs du Léman, et nous avions notre chanson, notre parfum. Nous avons nos souvenirs. Il fallait que je sache si notre rupture à l’automne avait du sens, et au final, découvrir si elle n’était que temporaire ou définitive. Allions-nous renouer à l’occasion de nos retrouvailles ? Dans le décor somptueux d’un restaurant oriental, j’ai découvert sans tristesse que nos chemins ne se rejoindraient plus jamais.

        Le cœur et l’esprit tournés vers l’avenir, j’ai repris ma route toujours aussi sinueuse, ondoyante, escarpée, truffée de dangers mais semée d’étoiles et de paysages magnifiques. Une route sans retour, comme la rivière torrentielle de mes amours. J’ai fait des rencontres merveilleuses, caressé la poussière des étoiles filantes, allongé mon corps sur un sable d’aurore, et je me souviens de tout ce que l’oubli n’a pas effacé. Je ne me demande plus pourquoi cela n’a jamais marché avec qui que ce soit. Ils sont un petit nombre, qui auraient pu étancher ma soif d’absolu et me donner ce sentiment de plénitude que l’on éprouve lorsque l’on est avec l’être aimé. Esteban, Vincy, Kamil, Javi et l’an dernier, Andrea. Des êtres d’exception qui m’ont fait toucher du doigt le bonheur auquel j’aspirais, auquel j’aspire encore.

        Paris, juin 2009. J’envie quelqu’un que je ne connais pas de connaître ce bonheur simple, fait de hauts et de bas et parfumé à la Chantilly, avec quelqu’un que je ne connais pas davantage mais qui a tout de l’ami idéal. Normal, sérieux, fidèle, honnête. Il me téléphone, prend de mes nouvelles. Son ami est jaloux. Sans raison. Il ne le trahira jamais. De mon côté, je ne ferai rien qui puisse l’inciter à tromper sa confiance. Mon miroir ne s’en remettrait pas. Mais je rêve… un tel accomplissement est-il possible ? Y a-t-il, sur cette terre, quelqu’un pour moi ? Une solitude à deux, un tour du monde express, une peau de mouton étendue sur le parquet, une bouteille de champagne, un appartement avec vue sur la Tour Eiffel et l’univers entier comme maison. Songe… mensonge ?

        Paris de mes amours, cité des amoureux, comme la Seine a coulé sous le pont Alexandre III depuis l’émoi des premières fois ! Je te sillonne, te redécouvre, m’aventure dans des rues que je n’avais jamais arpentées… C’est une promesse de renouveau. L’avenir existe encore. Je suis ivre de liberté, laissant mes pieds me guider au hasard, à l’intuition. Des bribes de souvenirs me reviennent en mémoire, des flashes, des échos du passé. Ce sont des lieux, des visages, des couleurs, des sonorités, des senteurs… Je ne veux pas me retourner.

        Sur Facebook, un troubadour d’amour offre son cœur. Il donne l’aubade comme Bernard de Ventadour à la cour d’Aliénor d’Aquitaine. Et ça marche. On lui fait les yeux doux. Peut-être devrais-je l’imiter… Mais j’ai déjà le cœur qui palpite au bord du jour déclinant et de l’abîme crépusculaire qui s’ouvre devant moi. Le vertige me saisit et la tête me tourne. Je contemple la beauté et la souffrance réunies. Il n’y a aucune disharmonie dans cette union. Un sourire succède aux larmes, et l’inquiétude s’efface devant la joie. Le ciel peut attendre. Le ciel attendra. Laissez-moi goûter à cette promesse de paradis sur terre, laissez-moi savourer ces heures trop courtes, laissez-moi croire que je les revivrai pour mille et une nuits.

        Paris, juin 2009. Le solstice d’été a déjà une semaine mais les nuits sont encore courtes. Le soleil qui se lève de bonne heure dissipe lentement les brumes de mon sommeil. Si ce n’était qu’un rêve, je voudrais me rendormir et ne plus jamais me réveiller. Et si c’était vrai ?

        J’allume mon ordinateur. Un message m’attend…

 

To be continued…


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(5.17)




        D’aucuns pensent que la quête de l’amour occupe une trop grande place dans ma vie. Peut-être y accordé-je trop d’importance, mais que voulez-vous ? Aimer est dans ma nature de garçon, et je crois sincèrement que, comme dans la chanson « Nature Boy », la plus grande chose que l’on puisse apprendre est d’aimer et d’être aimé en retour.

 

       

Je me suis souvent interrogé sur l’origine de ce besoin, presque viscéral, et ne doute pas un instant qu’il plonge ses racines dans l’histoire de ma famille. Ce que je m’apprête à révéler est très impudique, mais qu’importe ! Il faut que ça sorte. Je suis le fils premier né d’un couple insolite, ou plutôt improbable. Je connais les détails de la rencontre de mes parents, au cours de leurs vacances en Tunisie. En revanche, ce qui demeurera pour toujours un mystère jamais résolu, c’est ce qui les a conduits à se marier. Les intéressés se sont toujours montrés évasifs sur le sujet. « Ça s’est fait comme ça », ou une phrase du même style, se veut une assertion qui n’explique rien du tout. Rien, dans leur démarche, ne semble receler la moindre once de romantisme et de sentiment amoureux.

        J’ai donc grandi, et me suis construit, en ayant la conviction profonde d’être le rejeton d’un foyer hors normes, donc anormal. Je passe sur l’inversion des rôles – mère au travail, père au foyer – quand j’avais deux ans, concept pionnier et révolutionnaire à l’époque, pour en venir à l’essentiel : la perception, voire la certitude, que mes parents ne s’aimaient pas. À charge de la preuve, l’absence de manifestation de tendresse (bisous), de mots doux (je ne les ai jamais entendus se dire « je t’aime », ni s’appeler « mon chéri, ma chérie »), et de comportement habituel aux couples « normaux », comme le simple geste de se tenir par la main en marchant dans la rue.

        Peut-être me suis-je trompé sur toute la ligne, peut-être s’agit-il seulement d’un excès de pudeur exacerbée, renforcée par leur vécu personnel avant de se connaître. Je l’ignore, mais cela ne change rien au résultat. J’ai eu (et les ai encore) des parents aimants, mais j’ai été privé de parents amoureux, capables de m’offrir un modèle de stabilité, de complicité et de sérénité. C’est pourquoi je m’évertue à faire tout mon possible pour ne pas suivre leurs traces.

 

       

        Quand j’aime, j’ai besoin de le dire, de l’écrire, de le montrer et ce, peut-être, au risque d’en faire de trop. Emballements, coups de cœur et coups de foudre sont logés à la même enseigne : Auberge de la Passion. Il arrive que le feu soit uniquement intériorisé : sentiments non réciproques, ou volonté de ne pas aller trop vite dans la relation pour ne pas effrayer l’autre, en constituent les raisons majeures. Mais le feu est là, et bien là. Comme le feu grégeois, la flamme brûle en permanence au fond de moi et n’attend qu’un souffle (d’amour) pour se transformer en brasier.

        Aimer, c’est faire don de soi à autrui, et ça passe par le toucher. Mes nuits d’amour comptent presque autant de baisers que le ciel compte d’étoiles. C’est invariable : quand j’ai quelqu’un dans mes bras, je couvre de baisers le corps offert à mon étreinte, à n’importe quel moment de la nuit. Un mouvement indique l’éveil ou le demi-sommeil, et voici que ma bouche se pose sur la première parcelle de peau qu’elle peut toucher. Épaule, dos, cou, oreilles, cheveux, lèvres si le visage me fait face, et c’est parti pour une salve de bisous.

        Sans doute ne dormons-nous pas beaucoup, mais nous dormons très bien ! Faire l’amour, cela peut n’être que ceci : embrasser la personne que l’on aime. Songez qu’à l’école primaire, des enfants qui s’embrassent sur la bouche pensent qu’ainsi ils font l’amour ! Comme ils ont raison ! Écoutez les mots tout simples des enfants, ils disent la vérité. S’embrasser est l’acte le plus intime et le plus personnel qui soit. Il n’est jamais anodin, car il révèle un sentiment, une émotion. C’est un acte d’amour. Mes baisers en disent long sur mes sentiments.


 

        Je suis certainement un incorrigible romantique, un rêveur assoiffé d’amour et gourmand de câlins, un monstre de tendresse qui dévore sa proie à grands coups de bisous. Ce que je suis, pour le meilleur et pour le pire, je le dois à ceux qui m’ont fait.

 

Zanzi, le 24 juillet 2009


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(5.16)




Je ne sais plus si je vous l’ai déjà dit, mais j’ai eu une enfance heureuse, protégée. C’était le temps où l’on jouait aux billes dans la cour de récré, à la balle au prisonnier, à colin-maillard. Le soir, après les devoirs, on regardait L’Île aux Enfants, le pays de Casimir. Le mercredi, sur TF1, Soizic Corne et Jacques Trémolin venaient nous enchanter avec Sibor et Bora, les visiteurs de ce jour-là, tandis que naissait un concurrent sur Antenne 2, Récré A2. Les téléphones n’étaient pas portables, ils avaient encore un cadran, mais les plus modernes commençaient à fonctionner avec des touches. Il n’y avait pas encore le Minitel, pas d’Internet. C’était le temps d’un bonheur simple, j’aurais aimé qu’il ne finisse jamais.

Mais tout a une fin, et tout a un commencement. Mon enfance est morte à la fin de l’été de mes onze ans, lorsque je suis entré en sixième. Quand j’ai quitté l’école primaire de mon quartier pour l’immense bâtisse d’un collège-lycée, c’est là que les problèmes ont commencé. Enfant joyeux et expansif, je suis subitement rentré dans ma coquille et devenu un adolescent difficile à cerner, désorienté par un mal-être indéfinissable. Capable d’être brillant dans les matières qui m’intéressaient, archi nul car dilettante dans les autres, mais également capable d’être bon dans mes matières faibles et mauvais dans mes matières fortes, je pense, avec le recul, que j’ai fait à cette époque charnière et délicate de mon existence une forme de dépression qui n’a pas été diagnostiquée. Et par-dessus tout ça, j’ai développé des complexes.

D’abord, un complexe de taille. Il est rapidement apparu que je n’atteindrais jamais la taille idéale du héros de mon enfance, Tarzan, soit 1m85 (selon le roman d’E.R. Burroughs). Pis, j’étais globalement moins grand que les autres. À l’orée de l’âge adulte, ma croissance s’est arrêtée à la taille Tom Cruise/Nicolas Sarkozy (en trichant un peu, mais eux-mêmes trichent aussi). Soit. Avec le temps, je me suis aperçu que je n’étais pas le seul dans ce cas et que ce n’était pas un drame en soi. Néanmoins, demeurait sous-jacent un certain malaise à une époque qui vante à outrance le culte du corps et de la jeunesse. Je suis bien proportionné, mais la société dans laquelle nous vivons nous incite à en vouloir toujours plus, générant ainsi d’inévitables frustrations.

Autre complexe : ma voix. Là, je reconnais que c’est bête. Je présuppose que c’est le lot commun d’éprouver un complexe lorsque la voix mue. Cela vient du fait que, durant une période transitoire, on n’est plus ce que l’on était avant, et l’on n’est pas encore que ce que l’on sera ensuite. Une fois passée la transition, vient le temps de l’adaptation, de l’acceptation d’un soi nouveau, mais celle-ci est rendue malaisée par les supports d’enregistrement. Au niveau de l’oreille interne, personne ne s’entend comme les autres nous entendent, et ceci provoque un effet de distorsion lorsque nous entendons un enregistrement de notre voix. Ce sont mes paroles, mais ce n’est pas moi. Je n’aime pas cette voix, je n’aime pas ma voix. Longtemps, ce complexe m’a empoisonné l’existence.

Tout a commencé à changer le jour où j’ai recommencé à chanter. Je dis bien « recommencer », car je chantais déjà beaucoup durant mon enfance, répétant les chansons écoutées sur mon petit transistor. J’ai même intégré beaucoup plus tard la chorale municipale pendant un an, mais c’était surtout pour avoir un semblant de vie sociale. Et puis, un jour, ou plutôt un soir, j’ai participé à un concours de karaoké. Une Harley Davidson était en jeu. Je n’ai pas gagné la moto, mais ce soir-là, j’ai reçu davantage en cadeau : j’ai finalement appris à aimer ma voix. Cette voix portée par le micro et la reverb qui enthousiasma l’audience, était la mienne. J’ai chanté « Hello » de Lionel Richie, et ce moment magique fit l’effet d’un déclic.

Depuis, je m’amuse beaucoup de l’effet de surprise que provoque le son de ma voix chez celles et ceux qui, ne connaissant de moi que mon visage, sont étonnés du décalage qui existe entre l’image et le son. Nul ne s’attend à ce timbre de velours, parfois grave, souvent langoureux, volontiers charmeur. J’ai appris à en user au téléphone qui en retranscrit bien les effets.

Quelquefois, il m’arrive encore d’éprouver un vague regret à l’idée que je ne serai jamais un apollon sur papier glacé, aux mensurations idéales, au visage parfait (peut-être trop), qui suscite l’envie et le désir des foules. Et puis je me dis que ces garçons trop beaux qui font la couverture des magazines finissent par avoir une vie banale et sans relief. Ils se succèdent les uns aux autres, comme un clou chasse l’autre, et le nouveau fait vite oublier l’ancien. Connaissez-vous le nom du mec en couv’ de Têtu ou de PREF ce mois-ci ? Vous souvenez-vous de celui du mois dernier, ou d’il y a six mois ? Bien sûr que non. Une esquisse de célébrité mensuelle ne suffit pas à les tirer de l’anonymat. En revanche, vous n’allez pas oublier ce qui va suivre.

         Pour me prouver à moi-même que je suis capable de balancer aux orties ce qui me reste de complexes, j’ai décidé de poser, et de m’exposer. Nu, dans les limites de la bienséance imposées par une serviette qui cache ce que le commun des mortels ne saurait voir, et qui est réservé à de rares élus, en attendant l’unique. Me voici, dans un éclairage retouché par Charles Louis Hennecent Orsini, qui semble nimber d’or mon corps offert à vos regards ébahis.




Zanzi, le 2 juillet 2009


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(5.15)




Le 26 juin, alors que je prenais le métro à Gare de Lyon, je lis sur une affiche partiellement déchirée la phrase suivante : « Michael Jackson is deaf ». Ah bon, me dis-je, il est devenu sourd. J’ignorais que les rhinoplasties à répétition pouvaient entraîner une perte de l’ouïe. Le célibat, c’est sûr, mais la chirurgie inesthétique, voilà qui était nouveau. Et puis quelques heures plus tard, j’appris qu’il n’était point question de surdité mais de trépas. Derechef j’achetai un journal, Le Figaro car il annonçait par ailleurs que la grippe cochonne terrassera la moitié de la population française à l’automne, et découvris avec tristesse que Farah Fawcett était morte. Ce n’était certes pas une surprise, sa fin ayant été annoncée depuis des semaines.

Aussitôt, il me vint à l’esprit une relation de cause à effet. Partant d’icelle, je vais lancer une rumeur sur un drôle de drame : Michael Jackson est mort de chagrin en apprenant la mort de Farah Fawcett. Ou plutôt, son chagrin était tel qu’il fallut, pour le calmer, augmenter sa dose quotidienne de paracétamol, de Démérol et autres Pataplouf ou placebos qui achevèrent d’envoyer ad patres cette momie vivante.

À vrai dire, l’icône androgyne et transraciale est morte au bon moment. Ni trop jeune, ni trop vieux, à la veille d’un monstrueux come-back, il s’éclipse bruyamment. Je ne fais pas partie des chanceux qui ont acheté un billet pour ses concerts londoniens, ou même deux, sans quoi je les aurais conservés. Ils valent très cher ! Revendus sur eBay ou dans des enchères classiques d’ici quelques années ou décennies, c’est un investissement très sûr qui devrait rapporter sur le long terme.

Autre rumeur, qui me vient d’un ami retrouvé après neuf années de perdition : c’est LaToya Jackson qui est morte le 25 juin ! Michael, lui, serait déjà décédé depuis des années, dans un accident d’hélicoptère avec LaToya qui aurait pris sa place. Vous verrez que très bientôt, on va finir par le repérer avec son ex-beau-père Elvis Presley, en pleine réunion de famille…

Mais celui qui m’inquiète, c’est Christopher J., son sosie officiel, tant physique que vocal, qui le remplaçait déjà sur scène et dont j’ai déjà parlé à mots couverts dans L’histoire de la fille qui était LGBT. Que va-t-il devenir ? Je pense aussi à Flora, qui me disait avoir passé une semaine à Neverland avec eux (du temps du mariage avec Lisa Marie), Flora qui, surprise par des paparazzis à Paris avec Chris, fut confondue avec l’infirmière, future Mme Jackson numéro 2, lançant ainsi involontairement une vraie rumeur qui se solda par le divorce puis le remariage que l’on sait. Elle doit être effondrée… Ou il doit être effondré, car Flora, rappelez-vous, songeait à changer de sexe…

Voilà les vraies questions qu’aucun journaliste n’ose poser ! Que va devenir Christopher ? Qu’est devenue Flora ? Tous deux font partie de la mémoire des nuits de Neverland, le pays d’où l’on ne revient jamais complètement… sain d’esprit. Quelqu’un a-t-il aussi envisagé que cette mort pouvait très bien n’être qu’un énième coup publicitaire avant une nouvelle série de concerts ? Physiquement, Jackson pouvait très bien ne plus être en mesure d’assumer cette nouvelle tournée, censée le renflouer. Mettre en scène sa propre mort et filer à l’anglaise pour éviter de se produire à Londres, c’est tout bénef ! Regardez comme la vente des CD a explosé ces derniers jours sur Internet ! La légende est encore plus vivante quand elle est morte, et le cash coule à flots… comme les larmes de Madonna. Cinquantenaire, elle aussi, craint-elle d’être la prochaine sur la liste ? Sa science de la kabbale pourrait le lui révéler, en attendant qu’elle offre à son public et au monde entier une sortie aussi spectaculaire et réussie que celle du défunt « roi de la pop ».

 

Zanzi, le 2 juillet 2009


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(5.13)




L’été arrive, et les gens nagent dans le bonheur. Dans un mois à peine, la moitié des Français qui auront coulé des jours heureux de RTT et de fins de semaine longues comme des viaducs ou le pont d’Avignon vont partir en vacances. Certes, en majorité ils les passeront dans un camping de pauvresses. Peu importe, ils n’en foutent pas une rame de toute façon. Entre-temps, des étudiants en grève depuis janvier se verront décerner le diplôme le plus dévalorisé de tous les temps. Ils sont heureux, ils n’ont rien branlé d’autre que leurs sexes pendant six mois et ils sortiront diplômés de la Fac. Le temps de réaliser qu’ils n’auront droit qu’au chômage n’est pas encore venu. Ils sont jeunes, ils sont heureux, ils vont profiter de leurs vacances et de leur jeunesse entre copains et copines, forniquer dans les dunes, prendre des bains de minuit et des cuites mémorables dont le souvenir adoucira le triste quotidien qui les attend au tournant de l’âge adulte et des responsabilités qui seront les leurs.

L’été arrive, et les gens se fichent pas mal des élections européennes. Vingt-huit listes en présence rien qu’en Ile-de-France, voilà de quoi décourager les meilleures volontés. Eh quoi ! d’ailleurs c’est le jour de la Fête des Mères. Pour peu qu’en plus il fasse beau, faudrait être maso pour aller se faire chier au bureau de vote du coin, non ? Alors, j’active le mode révolutionnaire, version mi-Che mi-Fidel, et appelle tout le monde à s’abstenir massivement d’aller voter le 7 juin ! Non pour rejeter l’Europe et la construction européenne dont je me réjouis, encore que sur ce point j’aurais préféré que l’on approfondisse et consolide les institutions avant d’élargir à tout-va l’Espace communautaire, mais pour signifier aux guignols qui nous gouvernent et à la masse de cloportes qui veulent devenir députés européens qu’on les envoie se faire foutre ! Avec leurs conneries, ils finiront bien par tuer la démocratie. Donc, le 7 juin, fêtez votre maman, dites-lui que vous l’aimez de toutes les façons que ce soit, et oubliez le reste. Avec 80 % d’abstention, Zanzi criera victoire ; à 85 % ou plus, ce sera un triomphe !

L’été arrive, et je suis toujours célibataire. Ça m’ennuie de croiser des couples qui affichent un bonheur indécent. Être jeunes, beaux et heureux sous le soleil est une insulte à ma détresse sentimentale. D’aucuns diront que je ne fais pas vraiment ce qu’il faut pour changer les choses. Je réponds : à quoi bon ? À quoi bon essayer de trouver l’amour à Caribouland alors que dans un peu plus d’un an je vais quitter ce pays, et que personne ne me suivra quelle que soit ma future destination ? À quoi bon, aussi, essayer de trouver l’amour en France, puisque je suis encore bloqué à Caribouland pour un an et que les relations à distance sont vouées à l’échec ? La quadrature du cercle, me direz-vous ? Les mathématiques et la géométrie n’ont jamais été mon fort. Combien de temps devrai-je encore attendre pour goûter à la joie de vivre et éprouver du plaisir à être vivant ? Je ne veux plus attendre.


L’été arrive, et pour en profiter au maximum, j’ai décidé de me la péter en roadster cabriolet (1) et de faire mon coming-prout. Je reconnais que cela ne remplace pas l’amour, mais en attendant, ça met du baume au cœur. Dimanche 31 mai, sous le soleil, j’ai éprouvé une joie enfantine au volant de ma nouvelle voiture. Rouler cheveux au vent, c’était un rêve d’enfant. Il est devenu réalité. Je suis allé à la marina de Shediac, et l’on aurait dit un festival de voitures de sport et de cabriolets. Des BMW, des Corvette, et ma mienne. Flambant neuve, à peine 300 km au compteur, une sellerie en cuir rouge, un bijou. Et vous savez quoi ? Les gens d’ici s’en fichent. Je ne fais pas d’envieux, et c’est très bien ainsi. Je satisfais mon plaisir personnel, à bien y réfléchir il s’agit d’une forme d’onanisme. Personne ne me regarde dans la rue ou quand je sors le samedi soir, personne ne me regarde davantage quand je suis au volant de ma voiture. Seul avec mon joyau de 200 chevaux, je zappe sur les canaux de la radio satellite et puis je me fous de tout le reste.

En conduisant mon roadster, j’ai laissé mon esprit vagabonder vers un ailleurs dont les contours ne sont pas très bien définis. Et j’ai rêvé que je conduisais une vieille Jeep sur une piste à moitié désertique, pleine de bestioles qui font peur, style mygales, tarentules, cobras, et des plantes qui piquent, comme des cactus. J’aurais un vieux chapeau vintage pour protéger ma tête des rayons du soleil, tout serait vintage en fait, cabossé de partout, avec un réel vécu au fond de l’âme. Je commence d’ailleurs à être vintage, moi aussi. Ne suis-je pas l’un des plus anciens blogueurs des Toiles Roses ? Cela fera 3 ans à la fin du mois d’août. Quand l’été qui arrive entamera son déclin.

 

Zanzi, le 1er juin 2009 (2)

 

(1) Suite à cet achat, et parce que je ne suis pas hypocrite, j’ai quitté le groupe « Exister n’est pas consommer » sur Facebook. Quand je l’ai rejoint, il s’appelait « Il faut plus qu’un sac Vuitton pour m’impressionner ». Et c’est vrai ! C’est d’un m’as-tu-vu…

(2) Bon anniversaire à Norma Jeane Mortensen Baker, alias Marilyn Monroe (83 ans) et à Diana Frances Spencer, Princesse de Galles (48 ans).


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