LES TOILES ROSES
Les humeurs apériodiques de Bernard Alapetite
Remarque préalable : toutes les images de cette chronique sont cliquables pour être agrandies.
Si Platt Lynes a connu la célébrité en tant que portraitiste et surtout photographe de mode, son travail le plus personnel se trouve dans ses photos de danse et surtout dans ses nus
masculins.
On peut penser que c'est à Paris qu'il rencontre ce couple de jeunes intellectuels américains ; Monroe Wheeler deviendra critique d'art. Jean Cocteau les évoque dans sa préface à sa réédition d'Opéra : « Et je me vois encore circuler entre ma chambre et celles de Glenway Wescott et de Monroe Wheeler pour leur lire les textes du "Musée secret" , textes ou je donnais à nos énigmes la froide allure d'un procès-verbal. » Il renonce à ses ambitions littéraires, probablement sur la suggestion de Gertude Stein dont le portrait a été une des premières photos du jeune homme à être publiée en 1931.
Wescott
Dès 1933, Lynes était une figure centrale dans le monde de la photographie de mode à New York. Il est rapidement devenu célèbre pour ses images fortement stylisées, caractérisées par leur éclairage expressionniste, leurs appuis verticaux surréalistes, et leur mise en scène suggestive. Wescott, Wheeler et Platt Lynes se sont installés ensemble à New York. Pendant cette période, Lynes vit confortablement.
Très beau lui-même, il s’ entoure de beaux garçons qui semblent enlever de bonne grâce leurs vêtements devant son appareil-photo. Pour ces images, Lynes emploie un éclairage, venant du cinéma expressionniste allemand, qui dramatise les images. Les décors sont minimalistes pour que le regard se focalise sur le corps masculin comme objet charnel, sensuel, de désir. Il met en scène ses modèles dans des poses stylisées, ses photographies expriment souvent un désir profond d'intimité érotique avec eux. Si beaucoup de ses images sont fort discrètes, quant à la représentation des organes génitaux masculins, elles le seront beaucoup moins dans les années 50, quelques unes se concentrent clairement sur ceux-ci, et quelques unes aussi présentent des couples d’hommes s’ embrassant...
Les photographies, qu’aujourd’hui on associe le plus volontiers au nom de Platt Lynes, sont souvent les images de nus d’hommes de cette époque, élaborées étape par étape, dans un studio, dans lesquelles le moindre petit détail est sous contrôle. Ces images, réalisées à l’aide d’un Rolleiflex, montrent son utilisation inventive de l'éclairage diffusé qui semble venir de partout et de nulle part. Les corps des hommes sont idéalisés, leurs visages sont sculptés par la lumière et les ombres. Ils se découpent avec précision sur des fonds neutres.
En 1935, il fait ses premières photographie de danseurs pour la toute récente compagnie de l'American Ballet fondée par Lincoln Kirstein, le beau-frère de son ami, le peintre Paul Cadmus, et George Balanchine, aujourd’hui le New York City Ballet. Le photographe mène alors grand train. Il gagne beaucoup d’argent mais en dépense encore plus. Parallèlement à son travail commercial, il réalise des images homo érotiques. Il photographie surtout ses amis dont le jeune Yul Brynner, les peintres Paul Cadmus et Jared French dont il influence le travail par ses photos de nus.
En raison de la censure pendant la deuxième guerre mondiale (et ensuite), Lynes a limité la circulation de son travail sur le corps masculin à ses amis et à quelques admirateurs. Il faut se souvenir que les photos de nus de Platt Lynes n’ont été publiées seulement à l'étranger, dans le magasine homo érotique allemand "Der Kries", et seulement sous les pseudonymes de Roberto Rolf et de Robert Orville. A partir du début des années 40, ses succès dans le portrait et les photos de mode ont commencé à diminuer à New York.
Edward Hopper Auden
Malheureusement il s’aperçoit qu’il est difficile pour lui de retrouver le succès d’hier. D'autres photographes comme Richard Avedon, Edgar de Evia et Irving Penn (sur ce site un Irving Penn insolite) ont pris sa place dans le monde de la mode. Allié à son désintérêt croissant pour le travail commercial, cette concurrence le rendit incapable de retrouver la notoriété qu’il avait connu avant-guerre. Il commence à consacrer sa vie photographique à l'imagerie homo érotique. En 1951, des retards dans le règlement de ses impôts amène l’Etat à lui confisquer son studio et à vendre aux enchères ses appareils-photos. A partir de ce moment, ses mise en scène pour ses images de nu deviennent moins sophistiquées pour arriver à une esthétique plus naturaliste. En 1949, Lynes entame une relation amicale et professionnelle avec le Dr. Alfred C. Kinsey. Ce dernier a édité son étude controversée sur la sexualité masculine l'année précédente.
En 1949, Kinsey commençait sa recherche sur l'homosexualité et l'érotisme masculin gay. Bien qu'alors acheter et vendre des photographies de nus d’hommes ait été illégal, Kinsey achète plus de
six cents tirages à Lynes et plusieurs centaines de négatifs pour ses nouvelles archives, ce qui les a sauvé d’une probable destruction. Alfred Kinsey a rassemblé les photographies de Lynes en
tant qu'élément de ses recherches obsédantes sur la sexualité humaine. Il les a retenues, non seulement pour leur qualité mais aussi pour ce qu’elles disaient de l’esthétique homosexuelle au
milieu du vingtième siècle.
Jean Babilée dans L'Amour et son Amour, 1951
ce blog devient de plus en plus sexy.
Merci Bernard !