LES TOILES ROSES


Fiche technique :
Avec Jake Gyllenhaal, Heath Ledger, Michelle Williams, Anne Hathaway, Randy Quaid, Linda Cardellini, Anna faris, Scott Michael Campbell et Kate Mara. Réalisé par Ang Lee. Scénario : Larry McMurty et Diana Ossana, d’après la nouvelle d’Annie Proulx. Directeur de la photographie : Rodrigo Prieto. Compositeur : Gustavo Santaololla et Rufus Wainwright.
Durée : 134 mn. En salle le 18 janvier 2006.
Résumé :
Eté 1963, Wyoming.
Deux jeunes cow-boys, Jack et Ennis, sont engagés pour garder ensemble un troupeau de moutons à Brokeback Mountain.
Isolés au milieu d'une nature sauvage, leur complicité se transforme lentement en une attirance aussi irrésistible qu'inattendue.
À la fin de la saison de transhumance, les deux hommes doivent se séparer.
Ennis se marie avec sa fiancée, Alma, tandis que Jack épouse Lureen.
Quand ils se revoient quatre ans plus tard, un seul regard suffit pour raviver l'amour né à Brokeback Mountain.
L’avis de Ron (Les mémoires d’un infirmier) :

Il y avait quelque chose de désespérant dans Brokeba
ck Mountain, quelque chose de terrible et d’inéluctable qu’on sentait venir dès les premières images.
Je me suis senti oppressé pendant tout le film, malgré les paysages de montagne, les rivières, les arbres et les moutons. Je me suis senti enfermé, seul et, au bout d’une heure, je regardais déjà ma montre en pestant de n’être qu’à la moitié du film.

Assis à côté d’un type qui sortait d’un abri anti-atomique pour la première fois depuis 30 ans, (timide et hautement improbable) scène de sexe entre hommes, réaction du mec : « Oh putain, oh putain, mais c’est pas vrai, c’est pas POSSIBLE ! »

Assis au milieu de crétins gloussant et éclatant même de rire au milieu de la scène la plus dramatique du film (l’épouse se rend compte que son mari est gay) comme s’ils regardaient George Beller sur la scène du Théâtre des Variétés, dans un vaudeville de boulevard avec hôtesses de l’air, portes qui claquent et femmes de chambre. Le public, hilare, n’en pouvait plus du malheur de cette femme, passant à mille lieues de la vision du réalisateur. Détail atroce, son sac à main sur l’épaule, détail sublime, cette larme qu’elle contient à grand peine et qui emplit son œil. Excellente prestation.

Assis devant un Ang Lee, réalisateur médiocre et surestimé alternant films ridicules (Hulk), chiants (Raisons & sentiments) ou ridicules et chiants (Ride with the Devil), voire beaux mais chiants (Tigre & Dragon) bref, autant d’œuvres dont je ne suis pas fan et qui me le font classer dans la catégorie des mecs qui ne savent pas faire concis (2h15 pour une nouvelle de quarante pages, il faut que ce soit dit), qui ne savent pas faire du majestueux (fallait faire péter le cinémascope sur ce coup-là, enfin).

Un mec pas doué.

Le film traite d’une histoire d’amour virile entre deux types qui ne savent pas communiquer et qui se parlent peu, de toute façon, quand ils en ont l’occasion. Je suis toujours un peu agacé par les love stories impossibles à la Route de Madison que je trouve faciles à écrire, à raconter.

Ah, le Drame, quel genre digne des plus grands artistes !

La Souffrance, c'est noble, c'est beau, presque...

On appelle ça des reliquats judéos-chrétiens, vous aviez deviné de vous-même, n'est ce pas ?
Ça fait le bonheur des psychanalystes depuis des décennies.
Dans ces histoires lacrymales, les héros ne se remuent pas assez le cul pour donner une chance à leur amour, ils restent assis comme des cruches à regretter l’autre, à ne pas oser, ils restent désespérément dans leur malheur contemplatif et, finalement, ne s’aiment pas tant que ça.

Oui.

J’estime, pour ma part, que l’amour donne la foi, l’envie d’abattre les montagnes, de combattre les éléments, l’envie de traverser le pays puis l’enfer à pied pour en revenir avec l’autre, l’amour donne le pouvoir de tout quitter, de ne plus réfléchir.

L’amour, le vrai, c’est ne plus se poser de questions.

Deux détails m’agacent, dont personne ne parle.

1) Cliché homosexuel par excellence : le plus sensible des deux gays, le plus amoureux, celui qui pleure de ne voir jamais l’autre, se fait forcément mettre, est forcément passif (« c’est une femme pour pleurer autant, hein, donc il ne domine pas sexuellement »).

Comme si la virilité avait quoi que ce soit à voir avec la pénétration. N’importe quoi.

2) Les maquillages sont ratés, et l’histoire se passant sur vingt années, voir des ridules puis des rides apparaîtrent sur les visages des garçons, mal dessinées, mal réalisées, gâche un peu le plaisir, preuve supplémentaire de l’amateurisme d’Ang Lee filmant en très gros plan des regards ou des expressions de ces héros. L’artifice saute aux yeux.

Edit :
Pas du tout d’accord avec Garoo qui juge le titre polémique. Il faut penser aux 59 millions de Français qui n’habitent pas dans le Marais et qui se tapent comme de l’an 40 des pratiques sexuelles ethnocentrées de 1 500 tafioles résidant sur quatre rues.
Je le cite: « Au fait… si la nouvelle date de 1997, l’auteur n’a aucune excuse pour avoir choisi un nom aussi… euh, équivoque. (À part celle d’être une femme et d’avoir soixante ans, donc de ne pas être très au fait des pratiques sexuelles déviantes de la fin des années quatre-vingt-dix ».

Edit 2 :
Me réservant le droit d’être totalement de mauvaise foi pour étayer mes dires, de temps en temps, j’avoue humblement avoir adoré Ice Storm d’Ang Lee. Mais c’est l’effet Sigourney Weaver uniquement.
*

(Pour le beau Jake)

L’avis de Dragibus :

Pourquoi suis-je allé voir Brokeba
ck mountain ?
Un film de pd, un « western gay » comme le scande la presse haut et fort ! Certainement.

J'ai détesté ce film, il n'a suscité en moi que de la haine, c'est dire en somme si j'avoue l'avoir adoré.

C'est quoi cette haine, si ce n'est l'expression d'un amour tant contrarié, c'est quoi ce sentiment bizarre qui me retourne les tripes, qui me rappelle que sans amour je ne suis que la moitié de moi même.

J'avais pourtant tout fait, depuis le temps, pour me vacciner de l'amour, fuyant à grandes brasses tous ces océans de mièvreries sentimentales qui nous entourent... Finalement, j'échoue à nouveau sur cette île, perdue au loin, à grands coups d'écume dans la gueule !

C'est quoi ces deux pauvres cow-boys paumés, qui gardent des moutons au milieu de nulle part, pas foutus d'éviter de se toucher sous la tente, après une cuite au whisky.

Ah, pour sûr, si Ang Lee nous avait fait un film avec une vraie pochtronne, au hasard... Catherine Deneuve, même après une caisse de Ja
ck D. 12 ans d'âge, elle risquait pas de virer sa cuti si facilement...
Non, non, au lieu de ça, il nous montre deux petites pédales, qui fument des blondes (pas des gitanes maïs) à défaut de se les taper... et ça marche, et ça marche encore sur moi, quelle tache !

Ça fonctionne, parce que ça me rappelle l'amour de mes phantasmes, cet amour que je cherche et que je n'ai pourtant jamais eu, impérieux, irrépressible, irréversible et impossible.

Ce malaise profond, celui qui décontenance, qui fout en rogne, qui vous transforme subitement en cet autre que l'on cache bien loin au fond de soi et avec tant d'efforts...

Et il nous le montre, cet amour si bandant, avec tous ses aspects qui nous paralysent entre rejet et dépendance.

Pendant plus de deux heures, on aura droit à tout avec Heath et Jake : les rapports de force, la soumission, la fusion, la violence, les jeux, la frustration, le déni, le désespoir, les « je t'aime, moi non plus », les embrassades viriles, les « plaque toi là, tu vas y avoir droit » suivis de grands moments de passivité soumise, l'acceptation, la séparation, les larmes que l'on retient devant lui, celles qu'on déverse en cachette, l'anorexie amoureuse, la boulimie du désespoir (le plus souvent en alcool et cigarettes), le mal au bide quand il s'en va... la peur de demain, celle du regard des autres, les projets déçus, la nostalgie de celui qui est parti, les regrets qui n'en finiront plus, les souvenirs quand il ne reste plus que ça...

J'suis tellement en colère après ce film, qu'il ne m'a même pas fait pleurer, et dieu sait que je chialouse pour un rien (on m'appelle Niagara Falls chez UGC)...

Il m'a foutu les boules, simplement parce qu'il m'a rappelé pourquoi c'est si beau deux hommes amoureux, parce qu'il m'a fait comprendre aussi qu'un amour impossible, c'est mieux que pas d'amour du tout. Il est là le véritable secret de Brokeba
ck Mountain !
Je le hais donc je le l'aime !

Pour plus d’informations :

Bande annonce
Mer 19 jui 2006 4 commentaires
ouah ! ça c'est des papiers de haut vol... avec l'ensemble des posts sur ce film, ça devient terriblement interessant et ca interpelle ! ouah !
luc - le 26/01/2006 à 15h44
Je trouve le papier de Dragibus excellent, à la fois personnel et très pertinent, avec grand style, chapeau!
Nicolas - le 26/01/2006 à 17h08

Merci Ron, "Assis au milieu de crétins gloussant et éclatant même de rire au milieu de la scène la plus dramatique du film (l’épouse se rend compte que son mari est gay)", je me suis senti désespèrement seul à ce moment, avec toute la salle morte de rire ... Comme à la lecture des critiques, merci pour se que tu as écrit, je le sens moins seul :)


Kriss

Kriss - le 26/01/2006 à 20h03
Eh ben...
Je suis allée voir ce film un peu "par hasard", au sens où j'ai decouvert le film et regardé la bande annonce sur Allocine 10 minutes avant de partir pour le cinema.
Bref. C'était le seul film en VO du ciné ce jour là, j'aime beaucoup les films de cowboys pour la beauté de leurs paysages, j'étais curieuse de voir ce que ça donnerait avec Ang Lee plutôt que Redford à la camera et j'avais adoré Donnie Darko (cf Jake Gyllenhaal). En plus, pour une fois, c'est gros film à priori tous publics qui sort un peu partout et ça parle pas d'une histoire d'amour hétéro! (je le rappelle, je n'avais pas entendu parler du film avant, j'étais vierge de toute polémique "western gay").

En sortant... d'abord l'apathie, pas moyen de discuter avec ma voisine d'à côté (une des rares restée au générique) ni avec les deux vieux cinéphiles qui decortiquent l'opus au scalpel des termes techniques, évitant le sujet qui fâche chez "Brokeback Mountain".

Je me suis senti oppressé pendant tout le film, malgré les paysages de montagne, les rivières, les arbres et les moutons. Je me suis senti enfermé, seul

Désolée de citer la critique de manière un peu brute grace aux balises italique, mais ce qui est écrit là c'est exactement ce que j'ai du ressentir... j'ai eu du mal à admettre que ce film était mauvais.. je pensais aux décors magnifiques, je pensais à "the ice storm", mais en vain. Après le séance, j'ai passé une soirée d'errance sur fond d'anxiété et d'opression. Je rejoins donc Ron à 200%, cette critique a su donner une forme écrite à ce que je ressentais vis à vis de ce film mais ne pouvais pas concrétiser.
scapegott - le 27/01/2006 à 08h13