LES TOILES ROSES


Fiche technique :
Avec Pascale Bussières, Don McKellar, Rachael Crawford et Henry Czerny. Réalisé par Patricia Rozema. Scénario : Patricia Rozema. Directeur de la photographie : Douglas Koch. Compositeur : Lesley Barber.
Durée : 95 mn. Disponible en VO, VOST et VF.

Résumé :
Camille et Martin s'aiment. Les responsables du collège religieux où ils enseignent leur demandent de légaliser leur union. Camille ne se sent pas prête pour le mariage. La mort de son chien la plonge dans un total désarroi. Sa rencontre avec Petra, irrésistible jeune femme, acrobate dans un cirque ambulant, va remettre en question son amour pour Martin.
L’avis de gayvisual :
Deux femmes projetées dans deux chemins de vie différents, tombent amoureuses l’une de l’autre, avec en toile de fond l’univers sacré de la religion mêlé à la magie du cirque. Magnifique, merveilleux, fantastique sont autant de qualificatifs employés par la critique pour célébrer la distribution de ce film en salle.
Elle-même élevée dans la rigidité du calvinisme, la réalisatrice canadienne, Patricia Rozema, va utiliser l’austérité et la dureté de la religion pour mieux libérer ses personnages et faire vivre une histoire d’amour. Elle se dit profondément influencée par Ingmar Bergman et Woody Allen, parce qu’ils parviennent à exprimer cette coexistence profonde entre spirituel et charnel. Ainsi, le titre du film est inspiré d’une réplique tirée du film de Bergman Fanny et Alexandre, qui se termine par « Le monde est un repaire de brigands et la nuit est en train de tomber… Aussi dépêchons-nous d’être heureux, gentils, généreux et bons. »

When Night is Falling est récompensé en 1995 dans six festivals internationaux, dont le très convoité festival de Berlin.
Camille enseigne « les belles histoires » de la mythologie dans un collège religieux calviniste au Canada. Équilibrée dans sa vie austère, elle semble promise à un de ses confrères ambitieux, Martin, qui enseigne la théologie. Alors qu’ils sont sur le point d’être promus responsables du collège, le Révérend, supérieur de l’établissement, leur demande d’abord de légaliser leur union devant Dieu. Camille doute. Elle n’est pas décidée à s’engager.
La mort de son chien Bob bouleversera son destin tracé et réglé par les institutions et l’ordre moral,  en lui faisant prendre conscience qu’elle vit à côté d’elle même. Elle place le corps de son chien dans son réfrigérateur afin de le préserver, pour ne pas devoir affronter sa disparition. Cryogénisé, le temps s’est arrêté. Elle l’aimait plus que n’importe qui d’autre au monde. Désemparée et inconsolable, elle entre alors dans une laverie automatique. C’est là qu’elle rencontre Petra, une artiste de cirque, qui la voyant pleurer, tente de la réconforter. Petra est très attirée par la fragilité de Camille et use d’un subterfuge pour la rencontrer à nouveau. Elle intervertit le contenu des sacs de vêtements.
Camille est troublée par la force douce de la liberté sensuelle de Petra. Tout semble pourtant séparer les deux femmes. Petra jongle avec la lumière alors Camille professe celle de Dieu. L’une est homosexuelle, l’autre pas. L’ordinaire de la vie de Petra est « sauvage », Camille évolue dans la tradition, l’austérité et le silence. Ces deux personnages profonds, imprégnés de mystère et irradiant de beauté vont s’apprivoiser et vivre un nouveau départ.
Le cirque, sanctuaire du rêve, de l’imaginaire et de la liberté fascine et impressionne Camille. D’abord elle ne se reconnaît pas dans ce nouveau monde. Elle a peur de Petra et d’elle même. Puis ses points de repère et les institutions vont voler en éclats au fur et à mesure qu‘elle va pénétrer l’univers initiatique de Petra. À cet instant, il n’est plus question d’aimer Dieu ou d’avoir la foi. Cet amour épidermique, où vibre une autre forme de spiritualité, l’ensorcelle.
Comment ses sentiments et ses désirs peuvent-ils coexister avec les exigences pesantes de sa vie ?
L’Amour profane effrite l’intransigeance du Sacré. Ses élans de tendresse ébrèchent ses convictions. Le charnel se confronte à la religion.
Le choix de Camille est une épreuve. Il s’agit, pour elle, de distinguer pour la première fois ce qu’est véritablement le bien et le mal. Tiraillée à la fois par son affection pour Martin et ses sentiments profonds pour Petra, sa carrière et le désir de vivre un amour intense, l’éthique et la liberté, elle doit choisir entre ombre et lumière. Une porte s’est ouverte, elle ne la refermera pas.
Ce dilemme est parfaitement illustré par l’esthétisme des images fortes et sensuelles qui soulignent le contraste entre l’univers austère, figé et intolérant du collège et celui du cirque où tout est bruit, couleur, mouvement, libération et profusion.
L’apport de ce film réside sans doute dans le fait que l’amour entre ces deux femmes soit célébré avec une grande liberté de ton et d’image. Alors que bien souvent, une histoire comme celle-ci est traitée d’une façon violente et douloureuse, ou bien à l’inverse à travers une comédie souvent réductrice, When Night is Falling choisit douceur et poésie. La sensualité et le velouté s’expriment à la fois à travers les personnages, les dialogues et les scènes de cirque.
Le film fait l’apologie de l’exploration de soi, du courage d’affronter ses désirs et de dépasser ses peurs, de la liberté d’être et de choisir sa vie.

When Night is Falling n’est pas un film gay militant bien qu’il soit devenu culte pour la communauté lesbienne dès sa sortie. Ce n’est pas non plus un film noyé dans l’eau de rose.
Il s’agit d’un conte de fée, sensuel et envoûtant, d’une haute qualité cinématographique qui apporte un souffle nouveau à la poésie des histoires d’amour au cinéma en balayant les tabous religieux. D’ailleurs la réalisatrice est persuadée que « la foi religieuse et l’amour profane sont d’une certaine façon similaires. L’amour est une croyance en quelqu’un, croyance par nature irrationnelle. »
Ce film canadien qui s’inscrit dans la lutte contre l’imprégnation du puritanisme en Amérique du Nord possède une sensibilité européenne. D’ailleurs il reçut aux Etats-Unis la même classification (NC17) que les films pornographiques. Comme s’il était intolérable et subversif d’oser présenter deux femmes faisant l’amour, ou bien peut être encore parce que l’une d’elles est noire. C’est avant tout un film d’amour et de douceur.

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Mar 31 jan 2006 Aucun commentaire