LES TOILES ROSES





LA DIFFICILE POSITION DES ACTEURS ET ACTRICES

INTERPRÉTANT DES RÔLES GAYS & LESBIENS



Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 


Queer as folk


Il n’a pas toujours été facile pour les acteurs d’interpréter des personnages homosexuels. Aujourd’hui encore, certains montrent de profondes craintes quant à leur carrière. En 2000, lorsque Ron Cowan et Daniel Lipman décident d’adapter la série britannique Queer as Folk pour la télévision américaine, ils n’imaginent pas que certains seront aussi réticents à venir aux castings.

Et au tout début de la diffusion de Queer As Folk US, fin 2000 et début 2001, les acteurs principaux restent très évasifs quant à leur orientation sexuelle. Pour ne pas trahir les personnages ? Peut-être. Par peur pour leur carrière ? Peut-être. Par pudeur ? Peut-être également. Nul ne le saura vraiment. Il faudra attendre quelques années pour que Randy Harrison, l’interprète de Justin Taylor, Peter Paige, l’interprète d’Emmett Honeycutt, Robert Gant arrivé au cours de la saison 2 dans le rôle de Ben Bruckner et Jack Weatherall qui tient celui de Vic Grassi depuis le début déclarent ouvertement qu’ils sont gays. Gale Harold, le séduisant Brian Kinney, laisse lui planer le doute pour le plus grand bonheur des hétéros et des gays.

Au début de la série, les acteurs de Queer As Folk US vont d’ailleurs rivaliser de déclarations plus douteuses les unes que les autres entraînant une certaine polémique outre-atlantique. Chris Potter, qui interprète le rôle du Docteur David durant la première saison de la série, déclare : « Juste après qu’ils aient dit ‘Couper’ vous crachez. Vous voulez vous rendre dans un bar de strip-tease ou toucher une maquilleuse. Vous vous sentez sale. C’est un dur métier. » L’acteur s’excuse ensuite disant que ses propos ont été sortis de leur contexte mais le mal est fait et l’on se demande pourquoi et comment il est parvenu à obtenir ce rôle.

Hal Sparks, qui joue le rôle de Michael Novotny de la première à la dernière saison, compare le fait d’embrasser un homme au fait d’embrasser un chien « parce que vous n’avez pas d’émotion, ces sensations internes que vous avez quand vous voulez être avec quelqu’un. Donc pour un acteur c’est un challenge unique parce que vous devez rendre cela convaincant ».


Kerr Smith


Dans une autre série mais toujours dans le même genre, l’acteur Kerr Smith, quelques jours après avoir été cité par le GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation = Alliance Gay & Lesbienne Contre la Diffamation) pour son interprétation du personnage adolescent ‘out & proud’ (out et fier) de Jack McPhee dans la série Dawson, déclare lors d’une interview avec Entertainment Weekly qu’il ne fera pas plus d’un baiser par an : « C’est le plus loin que j’irai. Je ne pense pas que des adolescents ont besoin de voir deux mecs s’embrasser sur une base hebdomadaire. »

Désolée de vous décevoir Monsieur Kerr Smith mais c’est exactement ce dont ont besoin les jeunes adolescents homosexuels. Voir qu’ils ne sont pas seuls, réaliser qu’ils n’ont rien fait de mal et que leur attirance pour le même sexe est naturelle. Parce que quand Kerr Smith et Adam Kaufman s’embrassent en 1998 dans l’épisode 323 « True Love » de la série Dawson, il s’agit du premier baiser entre deux hommes sur le network américain. Une grande évolution contrebalancée par ces propos.

De ce point de vue là, interpréter un homosexuel semble être beaucoup plus difficile pour un homme que pour une femme. Peur d’être catalogué de « pédé » par les autres, peur d’être moins viril, peur des implications ? On peut essayer d’envisager plusieurs raisons mais cette crainte persistante chez les hommes est extrêmement moins flagrante chez les femmes.


Alyson Hannigan


Devant les questions insistantes des journalistes sur sa vie privée, Alyson Hannigan, l’interprète de Willow Rosenberg dans la série Buffy contre les Vampires, s’amuse à dire qu’elle a déjà couché avec une femme pour essayer quand elle était étudiante. Amber Benson qui joue sa petite amie, Tara, déclare en 2001 : « Je trouve qu'il n'y a pas assez de rôles gays dans les séries. À la télévision, les homosexuels et les lesbiennes ont rarement la possibilité de voir des personnages qui leur ressemblent et auxquels ils peuvent s'identifier. J'espère que ma petite contribution permettra de faire avancer les mentalités. » Et le plus intéressant reste à mon avis qu’elle ne cherche pas à tout prix à justifier le fait que dans la réalité, elle est bien hétéro !

Moins agréable et plus français, les déclarations (la même année) d’Isabelle Renauld qui interprète le personnage de la profileur Lauren Valmont dans la série Brigade Spéciale sur TF1. Alors que son personnage est sorti tout naturellement du placard en expliquant à sa coéquipière que quand elle ne conduit pas, elle s’endort toujours en voiture et que c’était pareil avec Barbara, son ex, Isabelle Renauld s’empresse de préciser que si son personnage est homosexuel elle ne l’est en aucun cas même si elle ajoute pour rester politiquement correct : « Je n’ai aucun tabou à ce sujet. »


Rebecca Hampton


Cette année, en 2008, le personnage de Céline Frémont dans le feuilleton Plus Belle La Vie rencontre une lesbienne fière et forte en la personne de Virginie Mirbeau. Toutes les deux tombent amoureuses pour le plus grand plaisir d’une forte base de fans. Rebecca Hampton explique pourtant dans Télé 7 Jours : « Elle n'est pas homosexuelle, elle tombe amoureuse. Les scènes me gêneraient si ça m'était arrivé dans la vie. Mais là, je joue, et je m'amuse beaucoup. »

On se demande parfois si les acteurs considèrent les spectateurs stupides au point de faire un amalgame entre le personnage et celui qui l’interprète. Pensent-ils sincèrement que l’on va toujours les assimiler à un seul et unique rôle ? Pensent-ils sincèrement que le plus grand défi pour un acteur est d’embrasser une personne du même sexe ?

Mais le pire n’est pas là. Le pire réside à mon avis dans la capacité qu’ont les acteurs à adapter leurs propos en fonction des personnes qui les interviewent et à passer sous silence ce qu’ils pensent réellement. Kerr Smith déclare ainsi à PlanetOut : « Je pense que si interprétez certains rôles, vous êtes un modèle. Mais je ne vais pas donner de conseil. Je suis juste un acteur. Je dis simplement les mots que Kevin écrit sur les pages. Je veux dire, chapeau aux gens qui traversent cela. Il faut être résistant. »

Mais ce n’est pas précisément ce qu’il a fait, donner des conseils sur le fait que les adolescents n’ont pas besoin de voir deux hommes s’embrasser de manière régulière à la télévision ? D’un côté il n’est qu’un simple acteur, d’un autre il se permet de juger ce qui est bon ou pas pour les jeunes. Je ne comprends plus.

 

Boys don't cry


Et puis petit à petit les choses semblent changer. En fait, il est indéniable qu’elles ont changé. Le tournant survient en 2000 lorsque Hilary Swank remporte l’Oscar et le Golden Globe de la Meilleure Actrice pour son interprétation du transgenre Brandon Teena dans Boys Don't Cry. En 2004 Charlize Theron gagne l’Oscar, le Golden Globe et l’Ours d’Argent de la Meilleure Actrice pour son rôle de la tueuse en série Aileen Wuornos dans Monster. Deux Oscars pour deux grandes actrices qui changent la donne. Et plus récemment encore, le film Le Secret de Brokeback Mountain de Ang Lee remporte le Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2005 ainsi que quatre Golden Globes dont celui du Meilleur Film, du Meilleur Réalisateur et du Meilleur Scénario. Les deux interprètes principaux (Heath Ledger et Jake Gyllenhaal) seront également nominés aux Oscars mais repartiront bredouilles.

La critique américaine B. Ruby Rich  spécialisée dans le cinéma gay le résume très bien : « Donna Deitch a eu du mal à trouver des actrices pour Desert Hearts. Ce qui a changé ? Hilary Swank a eu un oscar. Ça a tout changé. »


Le Secret de Brokeback Mountain


À partir de là, incarner un personnage gay ou lesbien devient moins rédhibitoire. Ça devient même tendance et chic. Ça devient une preuve de courage. Oui mais tous les personnages homosexuels ne débouchant pas forcément sur ce genre de récompenses, il faut éviter, pour la plupart d’entre eux, de froisser la grande majorité des spectateurs. C’est une des raisons pour lesquels ces personnages sont si lisses. Les acteurs les interprétant devant, eux, être hétérosexuels et bien sous tous rapports. L’actrice Nina Landey l’explique très bien : « Tous ces rôles vont à des acteurs hétéros. Et ils vont à des acteurs hétéros parce que le public préfère voir Hilary Swank ou Charlize Theron. C’est plus facile de regarder ces personnages et de leur trouver du courage. »

Et c’est ainsi que dans les programmes télé et autres magazines grand public, les acteurs séduisent tout le monde. Les gays et les lesbiennes s’accordent sur leur ouverture d’esprit et leurs prises de position alors que la ménagère de plus de cinquante ans est rassurée d’apprendre l’amour qu’ils portent à leur époux ou épouse.

Force est donc de reconnaître qu’aujourd’hui l’objectif affiché est de gagner sur tous les tableaux. Alors qu’incarner un personnage homosexuel semble plus aisé pour les femmes que les hommes, j’aurai tendance à adorer les déclarations de John Waters : « On devrait récompenser les homos qui jouent des homos. Ça, c’est courageux. Les hétéros veulent jouer les homos pour avoir un oscar. « Je suis pro, j’embrasse un homme. » J’aimerais voir des hommes gays qui auraient peur d’être enfermés dans ce rôle. »


Rupert Everett


Après tout, c’est vrai, ça n’a pas vraiment réussi à Rupert Everett de jouer un gay dans Another Country avant de faire ouvertement son coming-out en 1989. Parce que son plus grand rôle ensuite était en 1995 aux côtés de Julia Roberts dans Le Mariage de Ma Meilleure Amie où il interprétait… un homosexuel.

Le mot de la fin pour Chris Goutman, producteur exécutif et réalisateur du soap opera As The World Turns. Lorsque l’un des apprentis comédiens de l’émission In Turn lui déclare : « Je pense qu’on s’en est bien sortis, malgré les obstacles. Un baiser entre deux hommes… », Chris Goutman rétorque : « Tu te trompes d’obstacle. » Et si la réponse était aussi simple que cela ?

 

Isabelle B. Price (03 Août 2008)

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Ven 15 aoû 2008 3 commentaires
Encore un brillant article ! Merci d'Isabelle de penser à nous les filles ! C'est un plaisir intense de te lire chaque fois ! <bravo aussi aux autres amis de l'équipe de ce site ! Bisous Mich'
michelle C. - le 15/08/2008 à 16h10
J'adore vous lire et votre sens de la concision. Néanmoins, je ne suis pas absolument persuadé que les actrices hétéros se posent moins de question que leurs homologues mâles hétéros avant de jouer un rôle lesbien. Nous sommes peut-être plus discrète, moins maladroite et moins machos que nos amis. Vous ne croyez pas ?
Karine - le 16/08/2008 à 11h47
Je pense effectivement Karine que les actrices hétéros restent plus discrètes sur ce sujet.
En même temps je pense qu'elles se posent moins de questions sur les implications probables concernant l'homophobie dont elles pouraient être victimes. Si tu y réfléchis l'homosexualité féminine a toujours été mieux accepté que l'homosexualité masculine. Interpréter une lesbienne est donc moins dangereux pour une carrière qu'interpréter un gay.
Enfin c'est un avis perso, je ne détiens pas non plus la seule et unique vérité.
Isabelle B. Price - le 17/08/2008 à 18h45