LES TOILES ROSES
Photo (c) Fred Mounier
Je n'aime pas une femme, je l'aime, Elle.
Charlotte Bousquet
Pour la treizième livraison de cette série de textes basée sur les hypothèses "Si j'étais homosexuel(le)" pour nos ami(e)s hétéros gay-friendly et "Si j'étais hétérosexuel(le)" pour nos ami(e)s gays hétéro-friendly, j'ouvre les portes de notre blog à une jeune femme aussi séduisante que brillante : Charlotte Bousquet. Philosophe de formation, passionnée par l’histoire et la mythologie, par les contes et le fantastique, Charlotte Bousquet est une auteure aux multiples facettes. Elle a publié des textes dans différents fanzines et anthologies, des articles universitaires, a participé à la création du jeu de rôles COPS dont elle a écrit le roman et n’aime rien tant que se jouer des étiquettes. Ses écrits, jeunesse, thriller, fantasy, fantastique, le montrent bien. Convaincue que le rôle d’un auteur est aussi de s’engager, elle a créé, au sein de CDS éditions – fondée avec son époux l'illustrateur et graphiste Fabien Fernandez aka Fablyrr – la collection pueblos qui a pour but d’aider des organismes humanitaires et écologiques à travers des anthologies thématiques. Son prochain ouvrage, Prysmes, recueil illustré de onze nouvelles chromatiques sur les thèmes de l’amour, de la mort et de la folie paraîtra début décembre aux éditions Le calepin jaune. Et Fablyrr, le mari de Charlotte, devrait bientôt se coller à cet exercice. Grosses bises et merci, Charlotte.
Matin d’hiver.
Je me blottis sous la couette, tout contre elle.
Je hume le parfum fleuri de ses cheveux d’encre. Je caresse sa peau douce, blanche dans cette chambre sombre. Je reste là, contre son corps, attendant en rêvant son éveil.
Matin de printemps.
Réveillée tôt par le chat affamé, je m’habille, je sors acheter des roses – rouges – et des croissants. À mon retour, une odeur de café. Elle a senti que je quittais le lit. Un baiser à l’abri des giboulées.
Matin d’été.
Sept heures. Les réflexes ont la vie dure, même en vacances. Même loin de Paris. Au moment où je me lève, je sais que notre minou ronronne à son oreille. Moi, je vais m’occuper des chevaux avant que le soleil du Maroc ne soit trop fort. Et je pense à elle.
Matin d’automne.
Pluie continue, ciel bas, le crépuscule avant l’heure. Mais le temps m’indiffère, puisqu’elle est là, son
visage félin reposant, lisse et émouvant, sur l’oreiller. Je l’embrasse tendrement et vais préparer le petit déjeuner. Le chat se frotte contre mes jambes.
SMS de L. Je me souviens soudain de la conversation que nous avons eue, il y a quelques années, au début de notre amitié. L. s’interrogeait. Voulait savoir, comprendre pourquoi j’aime une femme, non un homme. Si j’ai toujours été lesbienne. Comment. Pourquoi.
La réponse était simple. Peut-être un peu facile, parce que volée à Montaigne. Mais je suis sûre qu’il ne l’aurait pas mal pris. « Parce que c’est elle, parce que c’est moi. » C’est ainsi, et je sais que cela peut choquer. Ce n’est pas ma sexualité qui a déterminé ce choix – si choix il y a eu… à moi, cela a toujours semblé plutôt une évidence. C’est notre rencontre.
Je n’aime pas une femme, je l’aime, Elle. Et pour moi, c’est tout ce qui importe.
Avant ? Avant, il y a eu des amants, des amantes. Des passions éphémères, une pénible relation. Une dose d’ascétisme. Et quelques folies sans conséquences.
Je ne peux imaginer la vie sans elle, ma muse, mon âme-sœur et je sais, je sens que la réciproque est vraie.
Voilà ce qui aurait pu se passer, si je l’avais rencontrée, Elle, et non Lui.
Si j’étais homosexuelle, ma vie aurait sans doute un peu changé. Parce que les rencontres nous changent. Parce que chaque histoire est unique. Pas en raison de mes préférences sexuelles. Ce qui importe avant tout, c’est la relation à l’autre, le partage, l’accueil de l’altérité. Peu importe qu’il soit homme ou femme, puisque c’est lui, ou elle, dans son entière singularité que l’on aime, dont on est aimé.
Charlotte Bousquet
(Site : www.charlottebousquet.com, Blog : www.charlottebousquet.over-blog.com)