LES TOILES ROSES




MÈRE NATURE


Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 




De la fenêtre de mon bureau, j’ai une vue imprenable sur le petit parc à côté de chez moi. Je peux même dire que je le surplombe. Bon, ce n’est pas réellement un parc mais c’est tellement vert que je trouve que ça y ressemble. De grandes étendues d’herbe fraîche s’étalent sous mes fenêtres. C’est l’une des raisons qui m’ont fait acheter cette ruine que j’habite : la vue et le calme.

Aujourd’hui, entre deux travaux informatiques et littéraires, j’ai fait une petite pause. Je me suis tournée vers mon poste, ce vieux poste que j’ai acheté à l’âge de 15 ans avec l’enveloppe offerte par ma grand-mère et qui me suit partout depuis. Ensemble, on a vécu des fêtes d’école, des déménagements, des emménagements, des travaux, un paquet de travaux. Il ne bronche même pas quand je lui donne accidentellement des coups de pieds, il se contente juste de me faire comprendre son désaccord en redémarrant la chanson qu’il jouait. J’ai donc augmenté le volume de mon poste et Linkin Park a craché un peu plus fort son :

« I've become so numb I can't feel you there

Become so tired so much more aware

I'm becoming this all I want to do

Is be more like me and be less like you »

Je me suis approchée de la fenêtre et j’ai laissé les paroles m’envahir, tout en assouplissant cette raideur de la nuque que je dois à des heures passées collée devant mon ordinateur de bureau. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu l’herbe. Elle a été coupée il n’y a pas si longtemps. Elle est courte, comme les cheveux de mon frère Vincent. Elle n’est pas trop courte au point qu’elle aurait l’air d’un skinhead, non, elle a la coupe d’un jeune homme actif qui n’a rien de négligé.

Je devais aller faire des courses mais le ciel d’un gris étouffant et bas m’a retenue de bouger de chez moi. L’attente d’une visite aussi, remarquez. En guettant la présence de flaques sur le parking, j’ai cru qu’il pleuvait, mais aucune trace d’auréoles au centre de celles-ci. Aucune goutte ne s’écrasait sur leur surface lisse. Je n’avais pas l’excuse de la pluie. Dommage.

Et puis mes yeux se sont perdus sur l’herbe verte à mes pieds. Ses petites touffes et sa couleur si attirante. Et là, un fort coup de vent comme il en retentit depuis quelques heures déjà est passé. Un coup de vent si fort que les touffes d’herbes se sont couchées avant de se relever. Ça a commencé d’un côté pour finir de l’autre, c’est passé rapidement. C’est beau de voir les brins se coucher et se redresser puis se recoucher et les côtés plus clairs s’exposer.

Et là, d’un coup, je me suis aperçue que la terre avait la chair de poule. Vous savez, comme quand un courant d’air vous fait grimper ce frisson du bas des reins jusqu’au cou et que vous ne pouvez pas contrôler cette chair de poule. Vos poils se hérissent sur vos bras sans aucun contrôle. Eh bien la terre, elle a fait pareil sous ma fenêtre. Elle a frissonné. Elle a eu froid, très froid. Et il ne pleuvait même pas encore.

J’ai regardé la terre avoir plusieurs fois la chair de poule et je me suis réinstallée devant mon ordinateur pour vous le dire. Je viens de comprendre pourquoi la nature est une mère. Et je peux vous assurer d’une chose, c’est une mère qui a au moins les bras aussi poilus que moi.

 

Isabelle B. Price (Décembre 2008)

 

Lun 22 déc 2008 Aucun commentaire