LES TOILES ROSES
(5.06)
Au début de la deuxième quinzaine de mars, je suis allé assister à un séminaire de nonces, vicaires et autres diacres chez les pères franciscains de la côte ouest des États-Unis. Il me tardait de découvrir la ville chroniquée par Armistead Maupin. Autant vous le dire d’emblée : je n’ai pas croisé les fantômes de Michael Tolliver et de Madame Madrigal. J’étais en déplacement professionnel dans le but de découvrir de nouveaux procédés pour communiquer avec mes ouailles. J’ignore si la Légation va se donner les moyens d’utiliser les nouveaux médias qui nous ont été révélés dans le plus grand secret (l’un étant à la limite de la téléportation de Star Trek). À titre personnel, je vais utiliser à satiété ceux qui sont à ma portée. Enfin, histoire de faire baver la blogosphère, lors de la réception officielle à la nonciature franciscaine, j’ai rencontré un blogueur bien plus célèbre que Matoo ! Cette rencontre m’a fait l’effet d’une secousse sismique…
Ce fut bien la seule durant ces quatre jours. La terre n’a pas tremblé sous mes pieds. C’est dommage, cela aurait pimenté le voyage. Unfortunément, il ne fallait pas compter sur une fleurette pour rendre mon séjour plus attrayant, bien que je me sois découvert une communauté d’affinités avec un charmant collègue partageant mes goûts… culinaires. Mais il ne s’est rien passé. Je n’ai pas osé. Même un grand séducteur peut traverser des doutes et montrer des faiblesses… et ainsi manquer d’audace !
Le dernier soir, nous visitâmes Castro en groupe de huit pèlerins. Je n’ai aucun détail croustillant à vous raconter : Castro by night m’a déçu. N’était-ce donc que cela, la « Mecque gay » ? Pour un samedi soir, ce n’était guère animé et l’endroit m’a semblé cinq fois plus petit que le Marais. D’ailleurs, les quelques « beaux » couples homos que j’ai croisés ne se promenaient pas dans ce quartier rempli de créatures bigarrées. Quant au Golden Gate, il s’est obstinément dérobé à mon objectif digital, aussi bien sous la pluie normando-bretonne et un épais brouillard anglais, que sous le contre-jour d’un radieux soleil printanier.
N’allez cependant pas croire que je me plains de mon sort. J’ai été reçu au sein des sociétés phares de la Vallée en Silicone, et passé de bons moments amicaux et conviviaux avec les collègues les plus sympas qui soient. Tout ceci dans une ville géniale, grande mais à taille humaine, avec son incroyable relief et ses aspérités. Je ne regrette aucune minute de ces quatre jours de printemps, qui m’ont offert une agréable parenthèse loin de l’hiver cariboulandais finissant. Et même si, quelquefois, le vent de mars soufflait le froid, j’avais le cœur au chaud.
Je me suis promis d’y retourner, comme on prend une bonne résolution le matin du Nouvel An. Mais voyons donc, il faut que je tienne cette promesse ! Je n’ai pas traversé le pont, ni visité la prison d’Alcatraz. Je n’ai pas tout vu, je n’ai donc rien vu. J’exagère, comme d’habitude. Mais à peine, vous le savez bien. Je ne serai pas entièrement satisfait avant d’avoir goûté tous les martinis du restaurant panoramique du Top of the Mark (et il y en a 12 pages sur la carte !), ni couronné avec un baiser romantique la vue nocturne qu’offre, au 31e étage, l’ascenseur extérieur du Westin St. Francis Hotel sur Union Square. Reste à savoir qui m’offrira ce privilège.