LES TOILES ROSES

 


(5.10)





Parfois, mon métier m’offre en cadeau des rencontres magiques. Alexandre Jardin est de celles-ci, n’en déplaise à Daniel et à BBjane. De l’auteur, je ne connaissais que le nom sans jamais l’avoir lu, ainsi que les titres de deux de ses romans qu’il avait lui-même portés à l’écran : Le Zèbre et Fanfan. Pas plus que je n’ai lu les livres n’ai-je vu un seul de ces films. C’est dire mon ignorance, dont j’ai pris soin de ne pas faire état. En revanche, je suis capable de déclamer par cœur des tirades nées de la plume de son regretté père, Pascal Jardin, qui fut le dialoguiste de la série « Angélique marquise des Anges ».

Alexandre est venu à Moncton dans le cadre du Festival Frye, semaine littéraire qui a conquis sa renommée au-delà des frontières du Nouveau-Brunswick et de l’ensemble du Canada. Le faire venir en invité vedette de cette dixième édition fut un exploit. Personnellement, je ne fus pas déçu du voyage.

Alexandre Jardin qui a une copine lesbienne dont il apprécie le tempérament fantasque est, au fond, comme elle : fou des femmes. Je crois qu’il les aime encore plus passionnément. Il leur a consacré un livre l’an dernier : Chaque femme est un roman. A priori, il a donc plus de points communs avec Isabelle B. Price (et Daniel, adepte refoulé des plaisirs saphiques, désormais raide dingue de L-Word !) qu’avec Zanzi. Ce n’est pas tout à fait exact. J’aime les femmes. Je les aime dans les magazines, à l’écran… La seule différence ? Ne pas les aimer charnellement. Cette différence me conduit à les éviter.

Récemment, vous avez pu découvrir les prodiges que ma séduction malgré moi opère sur la gent féminine. Mon drame est celui-ci : il m’est odieux de décevoir, donc de dire « non ». Alors, pour ne pas dire non, j’évite les situations qui m’obligeraient à dire oui quand je voudrais dire non. Euh… oui, c’est bien cela, non ? Ma pensée s’effiloche comme une pelote de laine.

Donc, j’évite les femmes, en particulier les célibataires en mal d’amour. Les épouses fidèles et les mères adoptives me posent moins de problème : elles n’attendent pas de moi quelque chose que je ne peux leur donner. Les autres me stressent, mais en fuyant leur proximité, je passe peut-être (sans doute ?) à côté de certaines leçons de vie. Ces leçons, je viens de les apprendre par Alexandre Jardin interposé en lisant le roman précité. Ce livre envoûtant, c’est du Zanzi and the City d’hétéro ! L’imaginaire et le réel se fondent et s’y confondent dans un ensemble assez fou pour être cohérent. Le mensonge, ce produit de la fantaisie créatrice, détient lui aussi sa part de vérité et n’est pas dénué d’enseignements pertinents. Il n’est pas nécessairement bon de connaître avec exactitude l’origine des choses. Seule importe la leçon qu’on en tire.

Alexandre Jardin vit dans mon ancien quartier, nos mères ont le même âge. Prix Fémina à 23 ans, il fut précoce. En comparaison, je suis un prématuré tardif qui est loin d’avoir atteint son degré de reconnaissance. Contrairement à lui, je n’ai pas baigné depuis l’enfance dans la folie et la déraison  élevées en art de vivre. Voilà pourquoi je ne me suis pas encore révélé. Je n’ai pas osé, bien que je brûle de le faire. Alexandre l’a compris et m’encourage à sa manière. « Osez ! Osez ! Vite ! Vite ! ». Cette dédicace a priori facile, je l’ai comprise au fil de ma lecture. Suis-je prêt, cependant, à faire preuve d’audace, à oser revendiquer ma folie pour conquérir ma Liberté ? Poser la question, n’est-ce pas déjà y répondre ?

Oser. Vite.

Zanzi, le 2 mai 2009


Lire le précédent épisode,
cliquez ici.
Jeu 7 mai 2009 Aucun commentaire