LES TOILES ROSES





JEUNES FILLES EN UNIFORME
(Allemagne, France - 1958) :

Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 

Fiche technique :

Avec Lilli Palmer (Mle Elisabeth von Bernburg), Romy Schneider (Manuela von Meinhardis), Therese Giehse (la directrice), Margaret Jahnen (Miss Evans), Blandine Ebinger, Adelheid Seeck, Gina Albert, Sabine Sinjen, Christine Kaufmann et Danik Patisson. Réalisation : Geza von Radvanyi. Scénario : Friedrich Dammann (sous le pseudonyme de F. D. Andam), Franz Höllering et Christa Winsloe. Directeur de la photographie : Werner Krien. Montage : Ira Oberberg. Compositeur : Peter Sandloff.

Durée : 96 mn. Disponible en VF.



Résumé :

Prusse, 1910, la mère de Manuela vient de mourir. L'adolescente de quatorze ans est alors prise en charge par sa tante qui l'envoie à Postdam, un pensionnat strict pour les jeunes filles issues de la noblesse. Là-bas, les adolescentes sont élevées dans le respect des traditions, avec rigueur et discipline pour être de bonnes élèves puis de bonnes épouses et enfin de bonnes mères de famille.



La directrice, une femme intransigeante et dure, dirige ces jeunes élèves d'une main de maître. Patriote, elle forme la nouvelle génération de mères de futurs soldats. Manuela a du mal à accepter cette discipline de fer tout et se rebelle à plusieurs reprises.

Au fil des jours, l'adolescente admire de plus en plus Mlle von Bernburg, son professeur, et tombe rapidement amoureuse de cette dernière. Malheureusement cet amour est inconcevable.



Avis personnel :

En 1931, sortait dans les salles le film allemand Mädchen in uniform réalisé par Leontine Sagan et Carl Froelich. Il était basé sur une pièce de théâtre, Gestern und Heute, écrite par F.D. Adam et Christa Winsloe qui signaient d'ailleurs le scénario de cette adaptation cinématographie. Un doux parfum de scandale accompagna la projection de ce long métrage. L'homosexualité féminine était pour la première fois ouvertement évoquée même si elle n'était pas nommée et l'héroïne se travestissait en homme. Il y avait de quoi choquer la société puritaine bien pensante.



Quelques années plus tard, en 1958, ce film eut droit à un remake comme le cinéma sait si bien les faire. Celui-ci comprenait une distribution prestigieuse et bénéficiait d'une réalisation certes classique mais d'actualité (pour l'époque).

Le rôle de Manuela von Meinhardis permit à Romy Schneider de s'émanciper et de faire la démonstration de son talent, loin des compositions de jeunes filles prudes auxquelles elle était habituée.



Que dire sur ce long métrage ? À part qu'il s'agit d'un classique historique dans la représentation de l'homosexualité féminine au cinéma. Évidemment, il se termine mal. Manuela tente de se suicider mais ses camarades la sauvent de justesse et Mlle von Bernburg quitte l'école pour permettre à l'adolescente de l'oublier et de mener à nouveau une vie « normale ». À savoir que la première version se terminait encore plus mal puisque dans celle-ci, Manuela se suicidait réellement.



Dès le début du film, il est facile de comprendre que toutes les adolescentes vouent une admiration sans borne à Mlle von Bernburg qui est l'unique personne à leur témoigner un minimum d'intérêt et d'affection. Lorsque Manuela arrive à l'école, son uniforme lui est remis. Il a déjà servi comme elle le fait si bien remarquer et la précédente propriétaire des vêtements a brodé les initiales EVB dans un cours. Des initiales qui signifient Elizabeth Von Bernburg.



Toutes les adolescentes aiment Mlle von Bernburg. Elles se battent pour passer du temps avec celle-ci pour lui plaire et cherchent à savoir par tous les moyens quelle est sa « préférée ». Alors que pour la plupart elle comble l'absence d'autorité parentale aimante, pour Manuela, elle représente rapidement beaucoup plus. Manuela tombe réellement et profondément amoureuse de sa professeur.

Et lorsque complètement ivre, après son triomphe en Roméo dans la pièce de Shakespeare Roméo et Juliette, elle avoue à toutes ses camarades qu'elle aime Mlle von Bernburg et que celle-ci l'aime, elle est mise en quarantaine, isolée à l'infirmerie. Les autres adolescentes n'ont plus le droit de lui adresser la parole et Mlle von Bernburg est convoquée chez la directrice. Celle-ci lui interdit de reparler à Manuela pour son bien. Mais Manuela désobéit comme elle l'avait déjà fait auparavant et se rend dans le bureau de Mlle von Bernburg pour lui avouer son amour.



Au final, cet amour ne sera jamais consommé à part un timide baiser lors d'une répétition de Roméo et Juliette. Il n'empêche qu'il est dépeint de manière juste et réaliste. Mlle von Bernburg se sacrifie pour une noble cause. Elle a peu de droits mais beaucoup de devoirs envers ses élèves, des futures mères de soldats prussiens ayant pour devoir de protéger leur pays.

À noter que lorsqu'une élève désobéit aux ordres et parlent à Manuela, elle est arrêtée par une enseignante qui déclare : « Je t'assure que Manuela ne mérite pas ton amitié. Et sa fréquentation ne peut que te nuire. [...] Tu es encore trop jeune. Crois-moi, tu comprendras plus tard et tu me remercieras de mes conseils. » Malgré les années, il est incroyable de penser que ce film est toujours aussi actuel.



EXTRAITS :

MANUELA  : Vous êtes… Je veux dire… Vous êtes tellement… tellement. Merci.

MLLE VON BERNBURG  : Alors va dormir maintenant, descends. Bonsoir.

MANUELA  : Bonsoir. Le dimanche, quand je vous vois vous en aller dans votre jolie robe, vous êtes si élégante que j'ai toujours peur que vous ne reveniez pas avec nous.

MLLE VON BERNBURG  : Pourquoi te mettre de telles idées en tête, où voudrais-tu que j'aille ?

MANUELA  : Je ne sais pas. Tous les soirs, quand je m'endors, comme je vous l'ai promis, je me dis que je suis heureuse, très heureuse. Mais vous, je ne crois pas que vous vous disiez cela.

MLLE VON BERNBURG  : Tu te trompes. Si je ne me le dis pas comme toi, tous les soirs, je suis très heureuse, le matin, quand je vous retrouve, quand vous arrivez toutes en classe, que mes regards se posent sur vous. Je t'assure, je suis très heureuse. Bonsoir Manuela.

MANUELA  : Bonsoir.

 

MISS EVANS  : Vous avez ignoré la première des règles d'un professeur, la règle qu'un éducateur se doit d'observer et qui est de garder ses distances.

MLLE VON BERNBURG  : Je garde les distances lorsque je le juge nécessaire.

MISS EVANS  : Pour Meinhardis, cela vous a paru inutile. Et votre attitude envers elle est pour le moins étrange.

MLLE VON BERNBURG  : Je crains qu'il ne vous soit impossible d'en juger. Vous commandez à des uniformes, je ne vois que des jeunes filles à éduquer.

MISS EVANS  : Votre éducation me parait assez particulière.

MLLE VON BERNBURG  : Vos insinuations sont absolument injustifiées.

LA DIRECTRICE  : Quoi qu'il en soit, il est certain que Manuela Von Meinhardis a eu à votre égard, une attitude. une attitude équivoque et malsaine. Pour ne pas déplaire à la princesse, je ne puis la renvoyer. Aussi, ai-je décidé que jusqu'à nouvel ordre, nous l'isolerons complètement des autres élèves. Elle sera seule, dans une chambre où vous-même n'aurez pas accès.

MLLE VON BERNBURG  : Mais madame la directrice.

LA DIRECTRICE  : Je ne tolère aucun commentaire.

Jeu 4 jun 2009 3 commentaires

LA DIRECTRICE  : Je ne tolère aucun commentaire.

 

Que voulez-vous dire après cela ?

Francois le Nicois - le 04/06/2009 à 13h34
Mais ici, la Directrice est un Directeur. Donc nous pouvons commenter.

Romy Schneider casse ici l'image rose bonbon de Sissi, dont elle avait tourné le dernier opus un an plus tôt. Même si elle devait encore incarner des personnages à la guimauve, comme "Katia" (1959), ce rôle en annonce d'autres, plus difficiles, dont au théâtre "Dommage qu'elle soit une putain" (1961).
Damien - le 04/06/2009 à 16h00
Et Lili PALMER devait retrouver un rôle voisin 12 ans plus tard dans LA RESIDENCE, film ultraqueer (à la fois gay et lesbien) de Narciso Ibanez SERRADOR, dans lequel elle fricote avec ses jeunes élèves tout en séquestrant son fiston... Mémorable !...
BBJane - le 04/06/2009 à 19h50