LES TOILES ROSES
Jan Le Bris de Kerne a 31 ans, vit et travaille à Paris. Tzigane de l'audiovisuel, il a travaillé comme journaliste, chroniqueur, blogueur, communicant, etc. Gitan et aventurier par nature, au-delà de sa vie professionnelle de jour, il a été très actif dans la presse magazine gay et a participé au lancement de Pink TV. Aujourd'hui, il publie dans PREF Magazine en kiosques une chronique appelée « Vodka Pimenta » ! Il tient aussi le blog Jan de Kerne dans le Lisbonne gay.
La révolte fondatrice des gays, comme si vous y étiez.
Du sang, des larmes, de l’adrénaline et de la conscience politique.
En 1933, les lois américaines interdisent la simple existence de bars gays. Quelques mafieux profitent du manque en ouvrant des enseignes louches pour toute sorte de laissés pour compte : drag queen, clones vêtus de cuir, blacks, latinos et prostitués. Le Stonewall, créé en 1960, est un de ces endroits interlopes au 53 Christopher Street à New York. Il ne désemplit pas. Les gays lui reconnaissent l’immense mérite d’exister.
En 1966, l’interdiction de se regrouper dans les bars est enfin levée. Regain de succès pour le Stonewall. Du coup, chagrin, pour les forces de l’ordre qui préparent une opération spéciale coup de filet dans les milieux de la pègre. C’est le motif de la descente.
27 juin 1969. Il est 3 heures du matin. 9 flics en civil entrent dans le bar. Pétrie d’intentions délicates, la police contrôle un à un les clients avant de les jeter dehors, non sans les gratifier de quelques doux adjectifs. Ils ordonnent la fermeture immédiate du bar.
5 heures du matin. Le bar est vide. La jeunesse gay délogée aurait du s’évanouir aux quatre vents, la peur au ventre. Seulement voilà, ce 27 juin à 5 heures du matin, sur le trottoir de Christopher Street, la jeunesse gay en a assez d’avoir peur et au ventre, elle n’a rien d’autre que la rage. 200. Ils sont 200 à attendre en silence et à laisser monter en eux l’insurrection.
La police sort du Stonewall avec comme prise le barman, le portier ainsi que trois trav’. Cette vision a pour effet celui de l’étincelle sur la poudre. Les folles sont les premières à dégainer. Elles se ruent sur leurs amis arrêtés. Cris, coups, larmes. Et puis pierres et bouteilles sur les policiers. La foule gronde. De tout le quartier arrivent des dizaines de travelos perchés sur talons, pédés en cuir et pire, des lesbiennes. 400. Ils sont maintenant 400.
Leur belle assurance virile perdue, les policiers se réfugient dans l’antre de leurs adversaires : ils se barricadent dans le Stonewall. Les hurlements redoublent, Un parcmètre est arraché et placé contre la porte : la police est prise au piège. Dans la rue, on allume un brasier. Mais les renforts arrivent, la foule est dispersée et 13 arrestations sont opérées.
28 juin 1969. La même foule en furie. Ivre de rage et festive. Les unités anti-émeute interviennent sous les jets de bouteilles enflammées. Quelques excentriques se tiennent par le bras et dansent le french cancan. On les calme à coup de matraques, deux heures durant.
29 juin 1969. Le New York Daily titre : « Descente dans une ruche homo: les abeilles piquées sont devenues folles ! » 500. Ils sont 500 à gueuler des slogans comme « Gay is good ». Les matraques fondent déchaînées sur les pédés. Une violence inouïe. Beaucoup sont blessés et restent à terre mais deux jours d’émeutes suivront encore.
La révolte des coiffeuses et des folles de Stonewall a donné une conscience politique aux gays et provoqué la première Gaypride en 1970. Fin d’un chapitre qui a permis à d’autres chapitres de s’ouvrir : celui des marches des fiertés LGBT du monde entier.
Pour faire vivre ce bel héritage de courage et de révolte face à l’injustice, une seule chose à faire : marcher.