LES TOILES ROSES

    
    

Fiche technique :
Avec Gale Harold, Randy Harrison, Scott Lowell, Peter Paige, Chris Potter, Hal Sparks, Sharon Gless, Michelle Clunie et Thea Gill. Créée par Russel T. Davies.
Durée : 990 mn. Disponible en en VO, VOST et VF.


L'avis de Mérovingien02 :
Quand Russel Davies lance la courte série Queer as Folk en Grande-Bretagne à la fin des années 90, c'est toute la smala des conservateurs qui se met en branle. Pensez donc : des personnages d'homos vivant les jours et les nuits de Manchester au rythme de leurs amours, de leur travail, des sorties en boîte et surtout de leurs coups de bite... Largement de quoi susciter la controverse à l'époque puisque les scripts ne s'embarrassent d'aucun tabou, notamment dans la représentation libérée de la sexualité des gays. C'est certainement ce côté audacieux et un rien provocateur qui a attiré l'œil de la chaîne payante Showtime (dont le slogan est « No Limits »), les décidant à mettre en route un remake américain afin de contrer le monopole d'HBO sur les séries de luxe.
Menée par les scénaristes Ron Cowen et Daniel Lipman, cette version yankee de Queer as Folk prend un mauvais départ puisque les premiers épisodes ne sont qu'un décalque parfois au plan près du modèle britannique, ne laissant strictement aucune échappatoire aux petits jeux des comparaisons entre les petits gars de Pittsburgh et ceux de Manchester. Parce que les auteurs sont partis des mêmes personnages et des mêmes intrigues que ceux de Russel Davies, ils ont privé le spectateur du plaisir de la découverte, se contentant surtout de surenchérir dans les scènes de sexe osées et les corps huilés se dandinant sur le dance-floor. De quoi propulser directement le show dans la case des séries communautaristes et bourrées de clichés, avec en prime un générique d'ouverture d'une laideur à filer de la conjonctivite à Baz Luhrman. Pourtant, très vite, les scénaristes redressent la barre et parviennent à redéfinir par petites touches les traits de caractère de chacun des protagonistes. Si l'on peut regretter une certaine frilosité quant à l'âge de Nathan devenu Justin (le jeune garçon passe de 15 à 17 ans en traversant l'Atlantique), on pourra apprécier que Brian, l'alter ego US de l'égoïste Stuart, s'humanise par petites touches jusqu'à un plan final bouleversant où les larmes ne peuvent plus être retenues tandis que Michael, pur geek comme Vincent, incarne désormais un authentique adulescent trop naïf. De même, l'introduction du personnage de Ted permet de sortir des sentiers battus puisqu'il ne correspond pas aux étiquettes de la communauté à laquelle il appartient (il est d'ailleurs associé à la musique classique alors que l'essentiel de la bande originale se compose de morceaux de techno). Lentement mais sûrement, le Queer as Folk américain s'affranchit du modèle, en modifiant par exemple l'issue d'une overdose ou en développant un véritable triangle amoureux permettant d'étoffer considérablement la psychologie de chacun : Michael est amoureux depuis l'enfance de Brian et semble bloqué sur cette frustration jusqu'à s'épanouir au contact de David, un homme plus vieux que lui et qui le couve comme un père ; Justin aime Brian et affirme son identité jusqu'à en devenir le miroir en plus jeune, Brian n'aime personne mais se prend d'affection pour Justin qui lui renvoie l'image d'une certaine jeunesse oubliée et qui comble le vide laissé par Michael... Tendres, attachants et parfois cruels, les héros sont le cœur sensible qui fait battre la série, la preuve que Ron Cowen et Daniel Lipman ont compris qu'un étalage de soirées mousse et de zigounettes ne servait à rien sans propos et sans émotion pour les relayer.
Si l'on peut toujours arguer le manque de réalisme de la série dans sa représentation du milieu gay (on se promène le plus naturellement du monde en backroom et on trouve une concentration impressionnante d'homos au mètre carré), on ne pourra nier la pertinence avec laquelle les auteurs en étudient les différentes facettes sans jamais sombrer dans le militantisme à deux balles (à l'exception des catastrophiques épisodes 16 et 17). Si l'on en revient en permanence à la boîte de nuit « Le Babylone », c'est parce que cet endroit est autant la Cité des Dieux où des apollons nus sont vénérés sur des totems au-dessus de la piste de danse qu'un endroit de décadence sévèrement critiqué par les rastafaris. Culte du corps, ambiance de débauche, superficialité, drogue... Le bonheur qu'on y trouve peut vite virer au cauchemar, le lieu devenant le théâtre de tragédies (overdose dans les toilettes) ou de plaisir (le sous-sol où l'on y baise en toute décontraction). À ce titre, le fabuleux épisode 20 est particulièrement intéressant dans sa manière de révéler les deux versants de l'homosexualité avec un montage parallèle entre l'insouciance d'une Élection de l'Homme de l'Année et la descente aux Enfers d'un séropositif arrêté pour racolage, la musique techno et les paillettes contrastant avec un silence grave et une lumière sale. On pourra également faire le rapprochement entre la scène d'hôpital qui ouvre la saison dans la joie et la bonne humeur d'une famille d'un nouveau genre (accouchement d'une lesbienne) et celle qui la clôture sur une note dépressive après l'agression homophobe dont est victime Justin.
La plus grande force de ce Queer as Folk là reste néanmoins qu'il parvient à toucher tous les publics pour la simple raison que derrière ses thématiques gay « obligées » (coming-out, homoparentalité, homophobie), les auteurs parlent avant tout de la difficulté à être accepté des autres et de s'accepter tel que l'on est. Qu'il s'agisse de Justin quittant violemment sa maison après une altercation avec son bourgeois réac de père ou bien de Vic vivant très mal sa séropositivité (sa marginalisation passera par une absence de sexualisation à l'écran), qu'on nous parle du simple désir de fonder sa propre famille sans réitérer les erreurs de la génération précédente (les relations de Brian avec son paternel font parties des meilleurs moments de la saison) ou de l'image qu'on aimerait incarner (l'hilarant coach d'Emmett dans l'épisode 9 qui est en fait son pseudo Internet), tous les thèmes touchent à des questions universelles auxquels homos et hétéros apporteront leurs propres réponses. Comme quoi les êtres humains ne sont pas si différents que ça quelles que soient les personnes avec lesquelles ils couchent.
Loin d'être la série ghetto qu'on aurait pu craindre, le Queer as Folk yankee parvient à concilier plaisir des yeux avec des scènes de cul sans chichi (mention spéciale aux joies du SM) et le plaisir du cœur par de purs moments d'émotion relayés par une mise en scène constamment inventive (superbes travellings arrières lors d'une banale discussion entre les deux lesbiennes, traduisant leur éloignement progressif l'une de l'autre). Ceux qui viendront se rincer l'œil en auront pour leur compte mais les autres, ceux qui voudront gratter la couche de strass pour dépasser les apparences, découvriront une très belle étude de la Vie. L'ensemble est peut-être moins transgressif que l'original, plus « formaté » sans aucun doute. Mais tout aussi attachant.

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Lun 30 avr 2007 1 commentaire
Enfin une critique qui met à sa véritable place cette belle série qui a souvent pâti d 'une sorte de mépris surtout de la part des gays qui s 'esbaudissent à juste raison devant Six feet under mais rechignent à trouver des qualités à Queer as folk sans doute parce que les pédés n 'aiment pas qu 'on leurs tende un miroir dans lequel ils se voit tels qu 'ils sont et non comme  ils se rêvent d 'être.
Por ma part pendant cinq saisons (ans?) avec Queer as folk j 'ai retrouvé des amis habitant une ville provinciale  des USA où je n 'allait que parce qu 'ils y étaient  aujourd 'hui ils me manquent je n 'ai plus de nouvelles de Pittsburgh où j 'espère qu 'ils vont bien.
Bernard Alapetite - le 01/05/2007 à 11h50