LES TOILES ROSES
Veni Vidi Vincy - Photo © D. R.
THE M WORD
2009 est morte, vive 2010. Je voulais vous parler de l’Homme idéal selon les gays argentins. Puis j’ai tardé. J’aurais, alors, pu vous annoncer que je quittais définitivement la vie numérique. Comme Lionel. Ou encore que je prenais ma retraite de clavardeur impénitent, parce que l’envie n’y est plus, parce que j’ai trop écrit depuis 16 ans… Comme Amélie.
Mon premier billet de l’année sera donc dédiée à une Reine, une Femme, qui aime les femmes.
Amélie Mauresmo. Grande championne. Lorsqu’une personnalité décède, l’hommage est unanime ; même les ennemis se font louangeurs. La Mauresmo met un terme à sa brillante carrière et les regrets naissent ici et là. Avec, cependant, une certaine retenue. Comparée à ses confrères sportifs qui ont été dans le même cas, alors qu’elle a longtemps été la seule femme parmi les vingts sportifs les mieux payés dans son pays, on sent une forme de misogynie. Un ton médiatique condescendant. Un « je ne sais quoi » de gêné. Pourquoi ? Après tout, Amélie est la plus grande joueuse du tennis français depuis Suzanne Lenglen, qui désormais a le droit à sa station de tramway sur la ligne 2, soit dit en passant. Elle est même, tous sexes confondus, le plus grand joueur de tennis en France depuis le début de l’ère open (1968). Plus de titres que Noah. La seule à avoir gagné le prestigieux Wimbledon, la seule aussi à avoir emporté le Masters de fin d’année… Unique, Mauresmo a été numéro 1 mondiale durant 39 semaines, ce qui en fait l’une des neuf joueuses les plus dominantes du circuit dans l’Histoire moderne de son sport. Le palmarès (545 matchs gagnés, 25 titres en simple, 15 millions de $ de gains) est long et rend encore plus inexplicable l’absence de gros titres et de ferveur médiatique.
© D. R.
Il y a deux raisons, sans doute inconscientes, certainement honteuses. Mauresmo n’a pas gagné Roland Garros (contrairement à Noah-l’ambianceur et Pierce-l’allumée) et Amélie « m » les femmes.
Le chauvinisme (pour ne pas dire nationalisme) reste très prégnant dans le Sport. Un grand sportif est avant tout un héros national, quelque soit le pays. Ne pas gagner sur son terrain de jeu, c’est un peu comme ne jamais réussir à jouir dans son propre lit. Alors, certes, la machine à laver le linge ou le canapé n’empêchent pas d’avoir des électrochocs orgasmiques, mais on imagine très bien, maintenant que Freud est tombé dans le domaine public, ce qu’un psychanalyste en dirait.
Ce n’est pas le plus grave. Que Nelson Monfort et les mauvais commentateurs de France Télévision n’aient jamais pu éructer un « OUI AMELIE ! » en mai sous le soleil de la Porte d’Auteuil est peut-être même salutaire pour nos cerveaux et nos tympans.
Non, on sent bien qu’il y a autre chose. Le même virus invisible qui a brisé une première fois la jeune étoile montante du tennis français (finaliste en Australie dès le début de sa carrière), qui n’a pas enthousiasmé les foules lors de sa retraite. Un malaise insidieux qui gâche un peu l’émotion que cela aurait du procurer : une forme d’homophobie.
Rappelez-vous les Guignols de Canal + qui l’ont transformée en « mec » avec des cheveux longs, caricature de sportive est-allemande. Ou Martina Hingins qui l’insulte en l’accusant d’être « à moitié homme ». On n’a jamais critiqué Martina Navratilova pour son lesbianisme que je sache. Et quand on regarde les épaules de nageuse de Mary Pierce, personne ne la traite de camionneuse. Contrainte de faire son coming-out, Mauresmo connaîtra alors une petite descente aux enfers et une baisse de forme. Blessée intimement. La bassesse des uns fait le malheur des autres. L’homophobie continue de planer sur le monde sportif – et ailleurs, aussi, poussant au suicide de nombreux jeunes, à la dépression des milliers de garçons et de filles, à la schizophrénie ceux qui se résigneront à l’hétérosexualité malgré eux... Comme si l’homosexualité était une faiblesse dans un monde qui ne s’exprime qu’en forces. Sa nature faisait ainsi de l’ombre à son talent. Certes, elle n’a pas le physique d’une bimbo d’Europe centrale ou de Russie. Mais elle avait un revers unique, un panache rare, une force gracieuse et réussissait des coups impossibles. Elle les as toutes battues : les Williams, Henin, Clijters, Hingins, Davenport, Ivanovic, Seles, Dementieva, Capriati... Combien peuvent se targuer d’un tel tableau de chasse ?
Éminemment sympathique, la Picarde « m » le vin et les chiens. Les femmes aussi. Mais il est regrettable que le plus bel éloge vienne du site officiel de la Women Tennis Association : « …douce, drôle, intelligente, amicale, la classe totale… Au revoir Amélie. »
Vincy (9 janvier 2010)
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