LES TOILES ROSES

                  
                                  La rencontre impossible                                         Les ailes qui voient

                   
   Le piège                                                            Le pendule

MON TRAVAIL AVEC  SALIM

Par Michel Giliberti

 
Michel Giliberti est né en 1950, en Tunisie, où son père tenait un cinéma nommé L’Olympia. Il partage sa vie entre ses deux pays d’origine : la Tunisie et la France.
On l’a d’abord découvert de 1976 à 1981 comme auteur-compositeur-interprète. Il enregistra trois albums, mais déçu de n’avoir pu laisser libre cours à ses ambitions, il reviendra à l’univers de la peinture et de l’écriture.
Il est un peintre connu et reconnu tant à l’étranger qu’en France où il est exposé en permanence
Il travaille actuellement sur de nouveaux romans et continue à peindre.

J’ai rencontré Salim Kechiouche pour la première fois, chez moi. Il était en compagnie de l’acteur Samuel Ganes et d’un metteur en scène.
Nous avions une réunion de travail à propos de ma pièce Le Centième nom qu’il s’apprêtait à jouer. J’ignorais alors combien il m’apporterait d’émotions à le voir sur scène avec mes mots dans sa bouche et comme il allait si bien s’identifier au personnage complexe du jeune Palestinien Jihad.
Je me souviens de son arrivée, au volant de sa voiture, et de son grand sourire généreux, tandis que je lui indiquai l’entrée du jardin au fond du chemin qui mène à la maison.
Et puis ils sont entrés.
J’ai fait un thé à la menthe pour tout le monde avant d’écouter une première lecture de la pièce. Puis nous avons travaillé tous les quatre sur la façon de monter la pièce.
Très vite, la simplicité de Salim, sa bonne humeur et sa détermination au travail m’ont emballé. Tout au long de notre entretien, j’étais souvent distrait par ses yeux. Je trouvais chez lui un potentiel dramatique assez peu utilisé. Au bout de quelques heures, je lui confiais un peu maladroitement que j’aimerais bien le peindre et tenter de capturer la part sombre de sa personnalité.
Il a aussitôt accepté.
J’avais ainsi la preuve que son sourire ne mentait pas.
Salim est généreux.

Depuis que je peins, j’ignore toujours pourquoi tel modèle plus que tel autre me donne l’envie de créer. C’est ainsi. Le désir doit être immédiat, irréfléchi. Il est souvent physique, c’est-à-dire qu’il doit déclencher chez moi une dynamique de travail et un besoin de me dépasser. Ce ne sont certainement pas les seules raisons (les mécanismes de la créativité chez un artiste sont si complexes !) mais de toutes celles que je décode, l’intention est de loin la plus indispensable à la création.
Quand un modèle me convient, je lui suis fidèle pendant des années. Une amitié faite de confiance, de partage et de compréhension s’installe généralement entre nous et continue son « œuvre ». Il est intéressant pour moi que le modèle se livre doucement, qu’au fil du temps et des séances, il trouve au plus profond de lui ce que j’essaie de restituer sur la toile. J’aime ce moment où le modèle passe d’un état à l’autre et se livre sans fard.

Pour revenir à Salim, nous avons commencé à nous rencontrer dans les jours qui suivirent notre premier entretien et à travailler ensemble avec 2PAC et NTM à fond dans les oreilles. Quelques mois plus tard, dix tableaux voyaient le jour, pas mal de dessins et des centaines de photos. J’ai pu ainsi transposer sur mes toiles et dans mes photos sa fragilité, sa pudeur et aussi sa force.
La vulnérabilité d’un acteur a quelque chose d’émouvant, la sienne lui donne parfois un côté enfantin qui le rend attachant. Qui dit enfant, dit rebelle et qui dit rebelle dit dissident.
Salim est un rebelle attaché à ne pas le montrer. Il y a une grande retenue dans ses faits et gestes, même quand il donne l’impression de se livrer. Vous pouvez partager une soirée avec lui, à rire, boire, parler et au bout du compte, le lendemain, vous vous apercevez qu’il est resté secret, inquiet même et qu’il n’a livré de lui que ce qu’il voulait bien. Cette ambiguïté que je cultive moi-même m’a donné le fil conducteur des toiles que j’ai peintes autour de sa personnalité. J’ai symbolisé sa fragilité en associant son image à celles d’oiseaux meurtris, captifs ou mêmes morts. Je voulais absolument le transporter dans un univers à la fois onirique, sombre et fantastique qui puisse réveiller nos propres inquiétudes, parfois nos angoisses, mais toujours, nos meurtrissures humaines, nos peurs face à la souffrance, à la mort : notre impossible envol. Cet impossible envol est un des thèmes récurrents de ma peinture dont l’esthétisme n’est jamais qu’un moyen d’accrocher le spectateur et où, par la suite, il perçoit tout le drame qui s’y cache.

Les toiles de Salim seront exposées à la galerie Benchaïeb, 64 rue Mazarine à Paris du 23 novembre 2006 au 23 janvier 2007 au mois de Novembre. Ce sera la première étape de mon travail autour de Salim, avant la sortie d’un livre sur lui au printemps 2007.

D'autres toiles sont visibles sur le site de Salim.


Note de Daniel C. Hall : Nous retrouverons Michel cette semaine. Néanmoins qu’il me soit permis de dire à quel point nos longues conversations téléphoniques m’ont touché. Michel Giliberti est un grand artiste, un grand bonhomme. Michel sera à l’honneur en 2007 sur Les Toiles Roses. Et une semaine n’y suffira pas. Merci à toi, Michel et j’ai hâte de te rencontrer et de continuer notre dialogue. Merci aussi à Jean-Charles Fishhoff, des éditions Bonobo, de m’avoir permis ce contact.

Mer 25 oct 2006 1 commentaire
Merci de me donner envie de connaitre Salim dont j'ignorais l'existence et qui me semble être quelqu'un de formidable dans mon metier et dans sa vie ! Quelle belle semaine vous nous donner ! Jicé
jean-claude - le 25/10/2006 à 14h22