LES TOILES ROSES

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MADAME X,

infirmière scolaire :

« J'ai bondi quand il y a quelques années un membre de l'équipe de direction a dit en présentant l'établissement : « Ce n'est pas un lycée de pédés ! »

 

 

[Note : Pour protéger l’identité de Madame X, des jeunes en question, pour respecter le secret médical et devoir de réserve, nous avons « anonymisé » l’ensemble de ce témoignage. Néanmoins, Gérard et moi tenons à saluer le travail des personnels de l’Éducation Nationale, enseignants, administratifs, médicaux dont beaucoup aident, chaque jour, des élèves en souffrance. Nous aimerions que les associations de lutte contre l’homophobie reçoivent un agrément du Ministère pour intervenir dans les établissements scolaires sans passer par un véritable « parcours du combattant » indigne de la patrie des Droits de l’Homme et du Citoyen.]

 

Les Toiles Roses (Gérard Coudougnan) : Bonjour madame. Vous êtes infirmière scolaire et avez exercé dans divers types d'établissements dont un lycée professionnel. Dans cet établissement, il y avait 95 % de garçons. Comme collègue de travail, j'ai pu apprécier vos qualités d'écoute qui font que les élèves viennent se confier à vous sur divers sujets. Le mal de tête qui permet de venir vous demander un cachet d'aspirine est parfois un prétexte pour venir s'entretenir avec vous de sujets plus graves. Quelques élèves sont venus vous parler de leurs difficultés d'intégration au lycée et dans leur famille en raison de leur homosexualité. Pouvez-vous nous donner quelques exemples, dans le respect évident du secret professionnel qui nous lie vous et moi à ces jeunes ?

Madame X : Je pense d'abord à Stéphanie (1), une élève majeure dont la petite amie, Mélanie (1), avait 17 ans. Les parents de Mélanie menaçaient Stéphanie de porter plainte pour « détournement de mineure » et empêchaient par tous les moyens tout contact entre les deux jeunes filles. J'ai expliqué à Stéphanie que cette plainte n'avait aucun fondement dans un pays où la majorité sexuelle est, pour tous (2), fixée à quinze ans. Mélanie était victime d'un isolement permanent, maintenue enfermée chez elle et ses moyens de communication sous contrôle. Ne fréquentant pas le même lycée que Stéphanie, elles avaient peu d'occasions de se voir et la menace de plainte, malgré l'absence de tout fondement légal, inquiétait beaucoup les deux jeunes filles.

 

Elles étaient donc victimes d'une sorte de « mise à l'isolement » assez différente du Casse-toi ! dont il est question dans le livre de Jean-Marie Périer ?

Oui, tout-à-fait. Je n'ai pas connu de jeunes expulsés de chez eux pour ce motif. J'ai, en revanche, plusieurs exemples de séquestrations ou harcèlements d'une violence assez proche d'une mise à la porte du domicile familial.

 

Pouvez-vous nous en dire plus ?

J'ai encore en tête l'exemple de Xavier (1), 17 ans. Ses parents l'avaient surpris dans une posture sans aucune équivoque possible : au lit avec son petit ami. Ils se sont mis à l'insulter et à le harceler avec un objectif précis : l'amener vers l'hétérosexualité, dont il s'était détourné « par accident ». Contrôle du téléphone, de l'Internet, interdiction de sortir seul en dehors du lycée, conversations forcées sur la beauté des femmes et l'abomination des « pédés ». Xavier était quasiment séquestré et victime d'un harcèlement moral permanent.

 

Comment l'avez-vous aidé ?

J'ai fait le tour des solutions possibles en attendant sa majorité ; je lui ai donné le numéro de la Ligne Azur (3) puis conseillé de faire un courrier au juge pour expliquer la maltraitance morale dont il souffrait. Ce n'est qu'après avoir entendu leur fils expliquer devant un juge qu'il était homosexuel, et que ni lui ni personne ne pourrait le faire changer que ses parents ont compris et ont desserré leur étau. Xavier est devenu majeur quelques mois plus tard. Il a eu le courage de ne pas dissimuler son homosexualité au lycée et je me souviens qu'il me disait d'un air amusé : « Madame, si je suis le seul à oser le dire, j'en connais d'autres dans le lycée qui jouent les machos mais sont comme moi »

 

L'Éducation Nationale vous donne-t-elle les moyens de faire face à ce genre de situations ?

Si l'on se sent concerné, oui. J'ai participé à une journée de formation « Lutte contre l'homophobie en milieu scolaire » et l'on nous a parlé non seulement de la Ligne Azur mais aussi de cette institution dont je retrouve ici le nom et la mission, Le Refuge. Il faudrait simplement faire passer plus largement le message... J'ai bondi quand il y a quelques années un membre de l'équipe de direction a dit en présentant l'établissement : « Ce n'est pas un lycée de pédés ! ». J'ai eu honte pour lui et pour l'ensemble de l'équipe pédagogique.

 

Merci Madame et encore bravo pour la qualité de votre écoute. Je sais que vous êtes l'un des éléments de stabilité invisible mais réel de votre lycée.

 

(1) Les prénoms ont été modifiés

(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Majorité_sexuelle

(3) Numéro de téléphone : 0810 20 30 40. Site : http://www.ligneazur.org/

 

Un site important à consulter, par des membres de l’Éducation Nationale :

http://www.homoedu.com/

 

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Ven 5 fév 2010 Aucun commentaire