LES TOILES ROSES
09.
MARIAGE HOMOSEXUEL :
UN RETOUR AUX SOURCES...
Papy Potter
Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.
Vous le savez, c’est aujourd’hui la Saint Valentin. D’accord, c’est une fête honteusement commerciale où l’hétérocentrisme de notre société est encore plus affirmé. Okay, okay ! Ceci dit, je m’en fiche. Cela ne m’empêche aucunement de couvrir la maison de petits cœurs et d’offrir un cadeau à mon Grand à la lueur des chandelles. Je suis guimauve ascendant eau de rose ; je m’assume parfaitement.
Je profite de cette fête pour aborder le thème ô combien controversé du mariage gay. On connaît diverses opinions sur le sujet. Certains le considèrent comme une évolution (ou, plus précisément, comme une révolution). D’autres comme une singerie du mariage hétéro. D’autres encore comme une aberration. Les derniers y voient davantage une belle source de problèmes ou de divorces coûteux.
Personnellement, je le considère simplement comme un juste retour aux sources, rien de plus, rien de moins.
Car, n’en déplaise à votre présidence, le mariage homosexuel est aussi vieux que l’humanité. Les religions chamaniques le pratiquaient déjà il y a des millénaires. Le chamanisme est tout de même la religion la plus vieille de l’humanité. Elle est mondialement répandue, sous diverses variantes. Les peuples qui la pratiquent encore célèbrent toujours de tels mariages. Aux Amériques, en Mongolie, en Sibérie, chez les Inuits, tous ont leurs hommes et leurs femmes aux « deux esprits » mariés avec une personne de leur sexe biologique. J’en ai déjà parlé dans cette rubrique. La problématique des « deux esprits » est complexe, je vous le concède, vu qu’ils sont fréquemment perçus comme un troisième sexe, auquel cas leur mariage est socialement vu comme, on va dire, « hétérogendérique ». Il n’empêche que, biologiquement parlant, il demeure homosexuel. Point barre. Et qu’il est vu comme particulièrement sacré, je le crains.
Bien, passons à autre chose, je cesse de vous embêter avec mes chers chamans. Je ne vous ferai pas l’injure non plus de vous parler de la Grèce Antique, rassurez-vous (leurs unions homosexuelles sont supposées « matière connue », comme disent les profs). Venons-en à des considérations plus, euh, chrétiennes... Mon livre de chevet actuel, Queer myths, symbols and spirit de Conner et Sparks consacre toute de même quelques cinq pages encyclopédiques au terme « union » (en anglais, oui, je m’en excuse, ce n’est pas ma faute si les maisons d’édition francophones sont trop trouillardes pour traduire ce chef d‘œuvre). On y apprend, entre autres, que des mariages gays furent célébrés à Rome au XVIème siècle. Épatant, non ? Plus précisément, cela se déroula en l’église de Saint Jean (parfaitement, Saint Jean, vous savez bien, la folle tordue que l’on prend pour Marie Madeleine sur les tableaux). Non, ils n’ont pas reçu la bénédiction du pape, il ne faut pas déconner. Il paraît au contraire que les pauvres types furent brûlés par la suite comme tant d’autres.
En Europe, des mariages homosexuels furent néanmoins célébrés également… au Moyen Âge. Ils perdurèrent bien tard dans les pays Balkans, sous la très sainte bénédiction de couples mythiques tels les célèbres Serge et Bacchus. Le tout avec, il faut bien le dire, force cérémonie, comprenant bisous aux icônes, vœux échangés et vin lapé dans le calice. Certaines unions étaient plutôt scellées dans le sang, du genre qu’on en faisait lorsque l’on était des gosses, ce qui n’en demeure pas moins qu’il s’agissait de mariages virils et sacrés. D’accord, en nos jours placés sous le spectre hideux du Sida, voilà qui fait frémir. Toutefois, répétons-le, ça existait !
Toujours selon le même bouquin, on trouve des références à des mariages homosexuels en Inde voire dans le Sud de la Chine. Des bouddhistes réunies sous le nom des « dix sœurs » fondèrent la structure de mariages lesbiens qu’on célébra… jusqu’au XXème siècle, s’il vous plaît !
Même en Afrique ! Non, vous ne rêvez pas. Ce fameux continent où l’on prétend sans ciller que l’homosexualité est un vice apporté par les blancs, ils y mariaient des bonnes femmes. Si, si, j’vous jure. Les Nuer le pratiquaient encore dans le Haut Nil au XXème siècle. Les Azande également, avec des charmes amoureux prononcés pour lier les deux dames. Le tout incluant des jeux érotiques rituels usant tout bonnement de bananes, de manioc ou de patates douces.
Selon moi, et en conclusion, le droit au mariage gay n’est, en rien, une révolution ! C’est un retour aux sources, ni plus ni moins. C’est l’interdire qui fut, bien au contraire, une régression. Il a toujours fait partie de l’histoire de l’humanité. Il est universel. À ce point de vue, je souhaiterais d’ailleurs bien comprendre pourquoi les diverses contrées qui le célébraient dans le monde finirent par le jeter aux oubliettes. La seule faute aux monothéismes ? Peut-être. Je n’en sais rien, je m’interroge.
Je crois personnellement, pour résumer, que le droit au mariage est un dû. Qu’il fait partie de la nature sacrée et sociale de l’homme. À ce point de vue, un homo n’est pas différent d’un hétéro. Toutes les considérations du style : « le mariage ne peut se concevoir qu’entre un homme et une femme » ou « le mariage doit avoir la procréation comme valeur centrale » sont des fadaises.
Je vis, moi, dans un pays où le mariage gay est autorisé depuis sept ans. C’est un droit, bien sûr, non une obligation. Mon compagnon et moi ne nous sommes pas mariés, ce qui n’en exclut pas la possibilité future. Entre parenthèses, il y a quelques années, nous avons regardé avec des yeux comme des soucoupes le bazar que causa un mariage homosexuel en France je ne sais plus où, pardonnez-moi. Vu de l’extérieur, c’est aussi terrifiant qu’une pendaison en Iran, vous m’excuserez. Je ferme la parenthèse.
Avant de terminer, je souhaite vous communiquer ces quelques statistiques belges, tirées de ce site :
De 2004 à 2008, 10 923 mariages homosexuels (gays et lesbiennes confondus) ont été célébrés en Belgique. Pour 307 malheureux petits divorces.
Chez les hétéros, il y eut 222 424 mariages pour 156 881 divorces.
Autrement dit, chez les homos, pour un mariage, on a compté 0,03 divorces. Par contre, chez les hétéros, pour un mariage, on a compté 0,7 divorces. Soit donc… proportionnellement 20 fois plus de divorces chez les hétéros que chez les homos. Fabuleux, non ? Les homos ne sont-ils pas les instables que l’on croit ? On m’objectera que le mariage gay est autorisé en Belgique depuis peu (2003), je suis d’accord. Sur la durée, on en reparlera sans doute dans 10 ans. Mais tout de même, cela m’interpelle. Je pense, pour ma part, que l’explication est la suivante : les hétéros se marient encore parfois pour respecter les conventions. Les homos le font, eux, envers et contre tout ; ils sont vraisemblablement plus sûrs de leur coup. En clair, ils se marient par amour avant tout. N’en déplaise à tous ceux qui ont cessé d’y croire ! Bien, j’assume : je suis un incorrigible romantique ; l’idée d’un mariage, ce n’est pas que je le désire ab-so-lu-ment. Disons que s’il me le demande, je ne pense pas que je dirais non ! J’ai la folie de croire que l’amour homosexuel est tout aussi beau, voire tout aussi sacré que n’importe quel autre. Il fait partie, ni plus ni moins, de la nature de l’homme. Ai-je tort ?
Sur ce, je vous souhaite une bonne Saint Valentin. Ainsi que bien des yeux érotiques enflammés, sur fond de chandelles rouges ou de cœurs emplumés. Cela, même si vous êtes tout seul ! Après tout, il faut aussi savoir s’aimer, soi, non ?
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TO BE CONTINUED...