LES TOILES ROSES

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Laurent Fialaix

 

 


Laurent Fialaix, ne sachant pas mentir, avoue volontiers être né juste avant l’invention du MP3, des téléphones portables, de l’internet, des lecteurs DVD, de la téléréalité et de la livraison de pizzas à domicile. Ses premières années, il les passa donc à attendre que quelqu’un veuille bien inventer tout ça. Et ça lui a paru long, très très long…
Depuis ? Devenu journaliste, entre autres occupations il lit, écoute des disques, voit des films avant tout le monde… ce qui lui permet de frimer un peu de temps en temps (mais toujours raisonnablement !). Il rencontre aussi des people. Des stars vieilles ou jeunes, vraies ou fausses, en devenir ou déjà oubliées… Et il arrive même que ça le fasse rire ou que ça l’émeuve !
Par ailleurs, auteur, il a publié un premier livre, entre roman et récit : Nos Bonheurs fragiles (éd. Léo Scheer) sorti à la rentrée 2009. D’ailleurs, il se pourrait bien qu’à l’époque, Les Toiles Roses vous en aient parlé…

 

02.

Le jour où j'ai changé d'avis...

 

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Pour ce deuxième post j’avais prévu de vous parler de l’une de mes belles rencontres. Avec un livre. Avec son auteur. Et aussi de ce besoin de légèreté qui pèse sur nos quotidiens si lourds de combats et de batailles à mener ces derniers temps. Je l’avoue, j’étais tout prêt de prôner l’idée (certes contestable, mais qui donne tellement envie !) du : « Baissons les bras un moment, voulez-vous ?… Et VIVONS ! »

Mais voilà, ce matin, au réveil, j’ai changé d’avis. Deux facteurs m’y ont poussé. Deux événements qui se résument en quelques mots : la bêtise, l’ignorance, la haine, la peur sans doute, la rancœur ; dans tous les cas… une immense connerie.

C’est d’abord un article sur le site d’un grand quotidien qui m’a fait réagir. Il concerne Le Refuge, cette association qui vient en aide aux jeunes gays rejetés par leur famille. Une association que Les Toiles Roses soutiennent avec force et vigueur, et à laquelle Jean-Marie Perrier consacre son dernier livre, Casse-toi. Figurez-vous qu’à Montpellier où Le Refuge se situe, on a reçu du courrier. Anonyme, forcément. C’est tellement plus facile… L’objet du message ? Quand bien même on ne connaît pas ces jeunes, on veut les voir mourir, on les menace. « Avant, toutes ces personnes on les enfermait dans les asiles vu qu'il leur manque des neurones, ils ont la tête creuse, ils préfèrent aimer contre-nature », écrit le courageux expéditeur masqué, avant de terminer sa prose d’un post-scriptum qui donne la nausée : « On connaît toutes les habitudes de vos protégés et croyez-nous on va les criblé de plombs et les mettre en pièces détachées pour les punir ». Chacun de nos neurones saura apprécier cette littérature à sa juste mesure !…

 

Quelques minutes après cette édifiante lecture, moi aussi j’ai reçu du courrier. Moins grave (si j’ose dire), mais pas léger pour autant. Une lettre (anonyme, également) envoyée chez mon éditeur et réexpédiée par celui-ci.

L’écriture est celle d’une femme âgée, d’une mère broyée par le chagrin. Et qui semble m’en vouloir beaucoup. De quoi ? Devinez !

Pour argumenter elle use de telles armes que je n’ai pu m’empêcher de penser aux souffrances de son fils, au poids terrible qu’ont du être toutes ces années aux côtés des siens, avec le regard qui juge, les mots qui tuent. À lire ce courrier, je ne peux rien m’imaginer d’autre. Puisqu’il est anonyme, j’ai décidé de vous le livrer seulement expurgé de deux ou trois phrases qui pourraient aider à identifier son expéditrice… On ne sait jamais !

Ni bonjour ni le « Cher Monsieur » d’usage, ma correspondante entre directement dans le vif du sujet.

« À l’instant je viens de terminer votre livre. Je ne peux pas dire que ce fut des heures de plaisir, plutôt des moments de souffrance, parfois j’ai eu envie de le jeter par la fenêtre.

Je ne sais pas, mais je le crois, vous êtes sûrement homosexuel, s’il en est ainsi je vous plains !

Je disais « c’est une tare », mon époux « une maladie ». Il disait également « j’aurais dû faire médecine. J’aurais travaillé pour trouver un remède à cela dans les gênes ».

Je n’ai jamais rencontré « un homo » heureux. Sa vie est en « dents de scie », faite de déceptions, souvent de regrets et de honte…

Je vous dis cela parce que mon fils était homosexuel, il est mort à 39 ans. Depuis l’âge de 10 ans ses penchants se sont révélés. J’ai compris que sa vie serait un calvaire… et elle l’a été. Parce qu’aujourd’hui c’est pire qu’hier, il y a le sida ! Tous le savent mais leur pulsion est si forte qu’ils oublient tous les risques. Affronter le sida c’est autre chose qu’hier où il n’existait pas. Mon fils, pendant quatre ans je l’ai aidé à vivre avec le sida. (…)

Être « homo » est vraiment une maladie, pire que le cancer. Le cancer, on peut l’avoir un jour, on le soigne ou on en meurt. L’homosexualité, on l’a en naissant, on vit malheureux, et on finit par en mourir. Je compare la vie qu’a aujourd’hui son frère, entouré d’une épouse merveilleuse, de deux enfants heureux de vivre…

C’est pour tout cela que votre livre m’a écœuré.

Ce n’est pas une lettre anonyme, mes pensées viennent du cœur. »

 

Honnêtement ? Cette femme, dans son désespoir, m’a bouleversé en même temps qu’elle m’a horrifié.

Je n’ai jamais eu véritablement à souffrir d’homophobie. Jamais directement, en tout cas. Je n’ai jamais été renié ou rejeté comme le sont les jeunes du Refuge. Je n’ai jamais été menacé physiquement, hormis par quelques gamins imbéciles lors des années collège. À 12 ou 13 ans, ils pratiquaient les raccourcis et véhiculaient les idées toutes faites qu’ils entendaient à la maison. Avec le recul, comment leur en vouloir ?

Bref, je n’ai jamais eu à me plaindre vraiment. Mais j’ai eu de la chance. Beaucoup de chance. Sauf que voilà… Quand je lis de tels propos, je me dis que peut-être les chanceux comme moi pourraient-ils aujourd’hui ouvrir enfin les yeux. Face à ces propos extrêmes, ces ignorances, ces violences insoutenables, ne serait-il pas enfin temps d’agir ? D’agir vraiment. Intelligemment. En oubliant un peu le militantisme « tête baissée » qui (les résultats le prouvent) ne sert plus à rien, si ce n’est à braquer un peu plus les « étroits d’esprit ». J’ai l’intime conviction qu’avant d’aller violenter les certitudes des plus frileux et des extrémistes, avant de tenter de faire bouger les consciences par la provocation (comme celle, certes amusante et légère, des fameux Kiss in devant Notre-Dame de Paris), il faut prendre le temps de parler, d’expliquer, et – osons le mot – de rassurer. Alors, peut-être finiront-ils un jour par se taire. Ou par avoir honte de penser ce qu’ils pensent !

 

« C’est pas gagné !», dites-vous, à ce moment de votre lecture ?  Bien sûr que si. À condition d’être aidés par les plus puissants que nous. Et chacun sait qu’on peut compter sur le soutien des pouvoirs publics. À commencer par celui du gouvernement. Ben oui, regardez Martin Hirsch, le Haut Commissaire à la Jeunesse et à la Solidarité ! C’est lui qui a eu la bonne idée de commander ce dessin animé, Le Baiser de la lune. Pour expliquer l’homosexualité aux enfants du primaire. Pour les habituer. Pour banaliser, en finalité, pour rendre la vie plus facile aux garçons qui aiment les garçons et aux filles qui aiment les filles. Bon, d’accord, il avait juste oublié que ses collègues n’étaient pas aussi ouverts que lui.

Sérieusement, vous trouvez que j’ai tort d’être optimiste ? Entendu, je vous le concède. Mais laissez-moi espérer un peu, un tout petit peu…

Oh, tiens, et si on commençait par diffuser Le Baiser de la lune à l’Assemblée Nationale ?… Il y en a certains qui seraient étonnés. Même pas sûr qu’ils savent que ça existe, ça !… Quoi ? Ben l’amour ! Quoi d’autre ?…

 

Imprimez et envoyez l'appel au Président de la République : http://www.le-refuge.org/courrier/lettre_au_president.pdf

 

Laurent Fialaix (20 février 2010)

Lun 22 fév 2010 Aucun commentaire