LES TOILES ROSES
13.
BIENVENUE CHEZ LES RADICAL
FAERIES...
Papy Potter
Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.
Ceux qui, comme moi, sont fans de la série Queer as Folk US se souviennent vraisemblablement de cet épisode de la saison 3 où Emmet et Michael se rendent à un rassemblement des Radical Faeries. À leur arrivée, ils sont invités à se défaire de leurs vêtements quotidiens et à choisir une parure féérique par laquelle ils se sentent à même d’exprimer leur gaytitude. En soi, c’est déjà très interpellant. Les deux héros ont l’impression de débarquer à l’intérieur d’un autre monde. Tandis que Michael suit d’autres gays et se choisit « Panpan » comme nom magique, Emmet passe son après-midi à errer seul dans les bois avant de rencontrer un vieil homme très occupé à rassembler des pierres et de lui proposer son aide. Ce n’est que le soir qu’il se rend compte, lors de la réunion autour du feu (le cercle du cœur), que l’être avec qui il vient d’avoir une discussion si revigorante pour lui n’est autre… que l’esprit de Harry Hay, fondateur du mouvement, et décédé quelques années avant (en 2002).
Revoyez ce passage que j’adore (ah si, vraiment, moi, je ne m’en lasse pas) ici :
Harry Hay
C’est en 1979 que Harry Hay et son compagnon fondèrent ce mouvement. Leur objectif était de donner une dimension supplémentaire à la révolution sexuelle des gays telle qu’elle était vécue aux USA. Hay fit d’abord le constat que de nombreuses religions écartent les homosexuels. Nous grandissons donc avec une sorte de blessure spirituelle. Pour guérir cette blessure, Hay proposa la création de véritables communautés où l’on peut se réunir et parler sur le rôle que les gays ont à jouer dans ce monde. Nous sommes le peuple de l’invisible, un peu comme les fées dont le mouvement tire son nom (faeries voulant dire « fées » en anglais). Toutefois, nous sommes bien présents sur cette Terre, depuis que l’humanité existe. Mère Nature habite en nous. L’adjectif « Radical » renverrait, lui, à la notion de « racine » et donc à celle « d’identité ». Les Radical Faeries insistent sur cette notion « d’identité ». Dans les pays anglo-saxons, le mot « faeries » désignait d’une manière péjorative les homosexuels. Les Américains se réapproprièrent ce symbole. Ils se réclamèrent de ce « peuple invisible » qui œuvre dans l’ombre. Différents sanctuaires furent ainsi créés où les Faeries se réunissent, et cela, dans le monde entier. Peu d’entre eux sont francophones mais il existe le sanctuaire de Folleterre en France, dans les Vosges. Les réunions coïncident souvent environ avec les sabbats sorciers (les équinoxes, les solstices, ainsi que début février, début mai, fin octobre et début août). Il y en a donc huit par an ou à peu près. Au cours de ces rassemblements, transes chamaniques et drag queens chamarrées mènent la danse tandis que des rituels sont tenus, le plus souvent basés sur les traditions amérindiennes et aborigènes, plus ouvertes aux homosexuels.
À nouveau, le lien à la nature et à l’écologie sont fondamentaux dans ce mouvement bien qu’il ne se définisse pas comme « païen » en tant quel tel. Les Radical Faeries encouragent, d’une certaine manière, chacun à définir sa place en tant que gay (chacun ayant sa propre réponse) au sein de cette société hétérocentriste dont les normes ne doivent pas forcément être les nôtres.
J’ai contacté, fin février, le sanctuaire Radical Féérique de Folleterre, situé dans les Vosges françaises. Je leur ai soumis un questionnaire. Efthimios a eu la gentillesse de me répondre dans la semaine. Je l’en remercie d’autant plus chaleureusement que le français n’est pas sa langue maternelle. Efthimios insiste sur le fait que ses réponses n’engagent que lui. Il est tout à fait possible que d’autres Radical Faeries fournissent d’autres réponses à ces questions. Je lui laisse à présent la parole et vous laisse découvrir… Les photos qui émaillent l’interview sont tirées du superbe ouvrage « Faeries » de Keri Pickett :
INTERVIEW D’EFTHIMIOS
Par Papy
Potter
Les Toiles Roses : S'il vous fallait définir le terme "radical faeries" de manière succincte, quelle définition donneriez-vous ?
Efhtimios : Les Radical Faeries accueillent toute personne ayant une vision spirituelle de sa sexualité et de la position de sa sexualité dans la société ainsi que dans la nature. Toute expression qui surgit de cette vision est célébrée.
Les Radical Faeries sont originaires des États-Unis. Comment sont-ils arrivés en Europe, et en France en particulier ?
Grâce à trois fées, une américaine, une allemande et une hollandaise qui se sont connu(e)s dans un rassemblement aux États-Unis. Le premier rassemblement des fées fut organisé en 1995 à Terschelling aux Pays-Bas. Le premier rituel a eu lieu à Paris en octobre 1994. Apres plusieurs années de rassemblements, les fées ont créé une association française et ils ont acheté une maison dans les Vosges, qui s'appelle Folleterre.
Quels sont les sanctuaires principaux européens ?
Pour le moment il n'y a que Folleterre.
Comment définiriez-vous la spiritualité des Radical Faeries ? Quelles en sont ses particularités ? Comment la pratiquez-vous ?
La spiritualité des Radical Faeries est « inclusive » (ndlr : dans le sens, sans doute, de « inclure » en opposition à « exclure ». Je ne vois pas de mot français pour exprimer cette idée), non-dogmatique, fluide, et créée sur la base de l'inspiration de chacun(e). Elle célèbre la nature, la sexualité, les relations de cœur, les éléments et les esprits qui y sont impliqués.
Comment se déroulent vos rassemblements ? Qu'y fait-on ?
Les rassemblements ont lieu dans une infrastructure très légère qui couvre les besoins de nourriture et repos etc. Typiquement, les rassemblements sont entièrement construits autour des idées exprimées par les gens présents. Très souvent il y a un "heart circle" (cercle du cœur) le matin où on parle et on écoute avec et par le cœur. Souvent il y a des rituels, des danses, des ateliers, un cabaret, un défilé de mode, beaucoup de moments ludiques et toute autre chose proposée par les fées présentes. Aussi on partage le travail de cuisine, etc.
De quels horizons spirituels viennent les participants ?
De tous les horizons. Les Radical Faeries sont « inclusives ».
On dit parfois que les Radical Faeries dérivent de la wicca ou du paganisme. Est-ce vrai ? En quoi ?
Non, mais ces éléments sont très présents grâce à notre amour pour la nature et sa spiritualité.
Que trouverait chez les Radical Faeries un gay qui y viendrait pour la première fois ?
Souvent les gens qui viennent pour la première fois sont stupéfaits à cause de l'ouverture d'esprit et le chaleureux accueil. Souvent ils disent qu’ils se sentent enfin chez eux.
Selon vous, les gays ont-ils un rôle spirituel à jouer dans notre société ? Si oui, quel est-il ?
Si on exprime notre sexualité spirituellement on ne peut pas jouer un rôle. Ce rôle dépendra du rôle que chaque société accorde à la sexualité.
Dans quelle mesure les grands courants religieux de notre époque se retrouvent-ils chez les Radical Faeries ?
Ils se retrouvent mélangés, transformés, recyclés, abandonnés, reconfigurés, moqués, respectés, etc. etc.
Y aurait-il un ouvrage, un film, que vous conseilleriez pour mieux comprendre le mouvement ?
Pour comprendre mieux les débuts, il faut lire The Trouble with Harry Hay de Stuart Timmons et Radically Gay de Harry Hay. Il y a beaucoup des choses sur le Net (sur Youtube aussi). Il y a une revue qui s'appelle RFD, qui est publiée par les Radical Faeries aux États-Unis.
Pour plus d’informations :
Le site de Folleterre : http://www.folleterre.org
Le site des eurofaeries (radical faeries européens) : http://www.eurofaerie.eu
Bien sûr, la page wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Radical_Faeries
Il existe également plusieurs groupes de discussion Yahoo.
Je vous invite également sur le site américain des Radical Faeries : www.radfae.org
À chacune de ses parutions, j’aime personnellement feuilleter le webzine des Radical Faeries de Denver, accessible sur le site cité ci-dessus.
Et, surtout, rien que pour le plaisir des
yeux : Faeries de
Pickett, un formidable ouvrage photographique autour des Radical Faeries, assorti de commentaires intéressants.
Et vous, quel serait votre nom féérique ? me demanderez-vous…
Le mien ? Il est possible de le trouver dans les limbes du Net…
Plongez dans les précédents « Chaudrons roses »
TO BE CONTINUED...