LES TOILES ROSES



Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...

 

en collaboration avec : homo6

 

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Un Homo dans la cité, Brahim Naït-Balk (en collaboration avec Florence Assouline), Calmann-Lévy, 2009, 138p., 12 €

 

Parcours d'un homo dans la cité France...

 

Brahim Naït-Balk connaît la force du mot « handicap ». Il est directeur départemental handisport. Alors quand il écrit, sur la quatrième de couverture, évoquant son homosexualité, qu'elle est un « handicap majeur », on comprend qu'il donne à ce mot un poids que nous connaissons.

Nous avons eu plusieurs occasions de le voir dans divers médias à l'occasion de la sortie de ce livre, de ce témoignage, bouleversant de force et de courage. Confession ? Non, il faudrait qu'il y ait une faute, et à part dans l'esprit des membres de son entourage, il n'y a pas de faute.

Brahim est un exemple d'intégration parfaite aux principes dont certains vont nous rebattre les oreilles à propos d'une « identité nationale » aux contours grossièrement électoralistes.

Son éducation, sa scolarité, ses déménagements (Saint-Etienne, Montceau-les-Mines, le Maroc, Aulnay-sous-bois) sont les étapes d'une construction citoyenne et intellectuelle au bord d'un indicible abîme. La différence. Brahim n'est pas attiré par les filles. Il aurait même de drôles de manières, pas très viriles.

Il raconte avec un mélange très subtil de pudeur et de franchise les épreuves subies, dont on peut encore lire les traces dans les expressions de son visage d'homme blessé. Mais l'homme est un résistant. Il s'engage et anime l'une des seules émissions culturelles LGBT de la radio française. Clandestin dans son quartier et écouté dans le monde entier sur Homomicro.

Il fait partie des rares personnes ayant accepté de répondre à Frank Chaumont pour son livre Homo Ghetto. Et cette aventure individuelle existe en dehors de ce recueil de témoignages déjà commenté ici. Elle apporte la force de l'autobiographie d'un homme qui accepte de se battre à visage découvert, après avoir été la victime de « tournantes », un homme qui, n'aimant pas spécialement le foot, est un dirigeant du Paris Foot Gay, en geste militant.

Les récents débats au sujet de ce club et des refus d'un club de jouer contre eux pour des raisons homophobes n'auraient certainement pas eu tant d'échos sans le contexte créé par Un Homo dans la cité. Et l'on se dit que, dans ses fonctions de responsable handisport, ce gars-là qui a même rencontré des handicapés homosexuels (p. 138), doit avoir une capacité d'écoute et d'empathie qui nous donnent envie de faire sa connaissance…

 

LIENS DOCUMENTAIRES :

- Lire la longue critique de notre ami Philippe Ariño

- Le site de Brahim

- Le site de son émission de radio,

- Coup de cœur de Marina Carrère d'Encausse,

- Interview croisée de Franck Chaumont et Brahim Naït-Balk,

- Emission de radio « Spéciale homophobie » avec Jean-Luc Romero et Brahim Naït-Balk sur Générations FM,

- Interviewé par Thierry Guerrier sur France 5 dans l'émission C à dire du 7 octobre 2009,

- Brahim Naït-Balk sur Canal+ dans Salut les Terriens chez Thierry Ardisson,

- Dialogue dans Le Grand Journal de Canal+ entre Brahim Naït-Balk et Rama Yade, secrétaire d'Etat aux sports au sujet de l'annulation du match Paris Football Gay / Bebel Créteil.

 

ÉCOUTER LES ÉMISSIONS D’HOMO-MICRO :

- Avec Gérard Coudougnan

- Avec Daniel Conrad Hall

 

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Interview de Brahim Naït-Balk

Par Gérard Coudougnan


Un échange riche avec l'auteur d'Un Homo dans la cité

 

HANDIGAY et Les Toiles Roses : Bonjour Brahim et merci de venir ici, sur Handigay et Les Toiles Roses, dans un univers dont tu connais chacune des deux composantes, mais pas toujours réunies.

Ton témoignage est d'une telle force et en même temps d'une telle pudeur que l'on sent que tu connais le poids des mots, ceux qui encouragent, ceux qui blessent et ceux qui glissent sans laisser de traces : ton travail avec des personnes en situation de handicap se ressent dans la finesse de ton expression et c'est avec une personne infiniment proche de nous que j'ai le plaisir d'échanger. Si l'on veut hiérarchiser les obstacles à ton épanouissement personnel, comment classes-tu ta culture berbère, ton statut d'émigré, ta condition sociale et ton rôle de « chef de famille » ?

Brahim Naït-Balk : C'est d'abord ce statut de chef de famille : puisque j'avais une responsabilité, il fallait que je donne l'exemple. Cela m'empêchait de montrer quoi que ce soit en rapport avec mon orientation sexuelle. En fait j'avais du mal à m'assumer personnellement, c'était cela le plus difficile pour moi.

 

As-tu trouvé des livres ou des films qui t'ont aidé à avancer, ou d'autres qui, par une homophobie latente, t'ont perturbé ?

Non, absolument aucun. J'étais tellement emprisonné dans mon environnement, dans ma famille, en province, j'avais l'impression que l'homosexualité n'existait pas. C'est le problème dont je parle dans mon livre : si j'avais eu accès à des exemples, dans des livres ou des films, j'aurais réussi à m'émanciper et à comprendre. Mais cela n'a jamais été le cas. Dans un film comme La Cage aux folles, je ne me reconnaissais dans aucun de ces personnages très efféminés qui appartenaient à un monde de fiction totalement étranger à ma situation. Il m'a fallu attendre très longtemps et l'arrivée de la radio Fréquence Gaie qui m'a permis de comprendre beaucoup de choses. Il y avait à l'époque beaucoup d'émissions thématiques.

 

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Ton soutien le plus important a été la station de radio Fréquence Gaie et tu es maintenant l'animateur de Homomicro, l'une des seules émissions 100 % gay de la bande FM, et elle est en plus d'un excellent niveau. Comment as-tu vécu ton premier passage en direct ?

En fait, je fais de la radio depuis 18 ans, j'ai animé des émissions de sport sur Fréquence Paris Plurielle, une émission sur le sport amateur en Ile-de-France qui s'appelait Spormidable. Ensuite, il y a maintenant sept ans, j'ai proposé un concept d'émission gay parce que j'avais envie de m'émanciper et que les gens sachent qui j'étais réellement. Je voulais passer un message à ma famille, à mes collègues de travail, à mes collègues de la radio : c'était vivre au grand jour ce que je n'avais jamais réellement vécu...

 

Un coming-out radiophonique ?

Tout à fait. Un véritable coming-out radiophonique. Et pour lancer mon émission, je suis allé rencontrer l'excellente association Contact qui rassemble des parents d'enfants homos pour leur demander d'être partenaires de l'émission qui s'appelait donc à l'époque Les clés de Contact. Nous avons ainsi fonctionné en partenariat pendant un an et demi. L'idée était de faire s'exprimer parents et enfants homos : c'était des parcours très variés, très intéressants, très riches comme expériences. De mon côté, j'avais le sentiment de ne pas avoir vécu une situation unique. Une de mes demandes a été de proposer à des intervenants de tenir une chronique régulière. L'un des chroniqueurs de cette époque est Sylvain Guillot qui fait partie aujourd'hui de l'équipe d'Homomicro qui tient la chronique info presse. Cela fut pour moi une très belle aventure avec Contact, et même si cela s'est passé tardivement, j'ai réussi à m'émanciper et à trouver mon équilibre. La radio est pour moi une deuxième famille.

 

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Avant Clés de Contact, il y avait donc Spormidable. La querelle autour du match Paris Foot Gay / Créteil Bebel a donné un écho particulier à ton rôle d'entraîneur de ce club gay et gay-friendly : où en est-on aujourd'hui ?

La querelle a été lancée de façon très maladroite : l'entraîneur du Créteil Bébel a eu le tort de dire ouvertement qu'il refusait de jouer contre une équipe qui revendique son engagement gay. Malheureusement pour eux, ils ont été exclus du championnat suite à une commission qui s'est réunie au sein de la fédération qui gère le foot amateur. Conclusion pratique : le Créteil Bébel a décidé de s'exclure du championnat. J'aurais personnellement préféré un dialogue, une discussion entre dirigeants des deux clubs pour leur expliquer qui nous étions réellement et quel était notre combat. Cela aurait été préférable à une exclusion qui est toujours mal vécue et qui fait que beaucoup de ces exclus sont aigris et vont garder en eux cette méchanceté et cette homophobie.

Je le regrette, mais un championnat a des règles comme tout sport, et l'un des engagements élémentaires du sportif est de respecter les règles. Lorsqu'on les enfreint, il faut en assumer les conséquences : c'est le sport !

Le plus intéressant est que cette affaire a fait des vagues au sein du Créteil Bebel. Il y a des gens qui ont fini par ne pas être complètement d'accord avec le président. Ne serait-ce que pour ça, cela peut faire évoluer les mentalités dans leur club et même à l'extérieur. On a vu ainsi des musulmans qui ne se reconnaissent pas dans la démarche du Créteil Bebel : plusieurs sont venus nous dire : « Je suis musulman et en aucun cas je ne refuserai de jouer avec qui que se soit, ce n'est pas dans ma pratique ni dans ma manière d'être ». Cela veut dire aussi qu'il y a dans ce club des dirigeants un peu incultes, un peu désorientés, mais on retrouve hélas cela dans tout le sport !!!

 

Dans ton livre, tu parles de handicapés homos que tu as rencontrés en tant que responsable handisport : as-tu eu l'occasion d'aborder cette spécificité, le fait de devoir gérer un handicap physique avec une orientation sexuelle différente ?

C'était bien avant mon accession à ce poste de responsable handisport des Hauts-de-Seine : j'ai travaillé comme éducateur avec des accidentés de la route, des myopathes, des handicapés moteurs en tous genres. J'ai croisé parmi eux des homos qui savaient que je l'étais mais l'occasion d'en parler ne s'est jamais présentée. À l'époque j'avais ce rôle d'éducateur et je ne m'assumais pas, donc je craignais que l'on m'accuse de tenter d'influencer les gens dans son service, comme si un prosélytisme pouvait être exercé dans ce domaine ! Le fait de ne pas en discuter me paraissait complètement aberrant dans un monde éducatif où notre rôle est d'aider les personnes en difficulté : on arrivait à faire de l'orientation sexuelle un handicap supplémentaire. Ces personnes-là étaient comme moi emprisonnées dans leur cage, ce qui me rapprochait d'elles sans pouvoir pour autant les aider.

Une fois, un garçon avait déposé une petite annonce de rencontre par téléphone (c'était avant Internet !) et avait reçu la visite d'un homme qui lui avait dérobé pas mal d'objets de valeur. Ce problème avait été évoqué en réunion et la conclusion avait été terrible : c'était de sa faute, il n'avait qu'à pas faire ça. Heureusement aujourd'hui des sites existent et apportent des possibilités de lien !

 

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Merci, flatteur ! Il est vrai que l'on reproche parfois à Handigay un manque de réactivité et c'est l'occasion de souligner que nous cherchons, dans toute la mesure du possible à écarter les profils dangereux du site et que, même sur les sites de rencontres généralistes, il y a souvent de très longs mois entre un contact et une rencontre !

Je serai d'ailleurs le premier à conseiller l'utilisation de ce type de sites parce que, travaillant avec des personnes en situation de handicap, je comprends leur souffrance. Ces sites ne peuvent être que bénéfiques pour les informer et les aider à réduire leur isolement. On entre tout de suite dans le vif du sujet : on sait à qui on a à faire et c'est plus franc que d'aller sur un site généraliste en essayant de dissimuler le fauteuil roulant sur les photos ! Je ne vois que des avantages au fait de dire franchement et directement qui l'on est, à parler de son handicap comme de son orientation sexuelle.

Je t'avoue qu'avant de t'inviter à mon émission du 25 janvier 2010, je ne savais pas que vous existiez.

 

Je dois moi aussi te confesser mon ignorance de la qualité et de la fréquence (hebdomadaire !) de ton émission même si je l'avais écoutée en référence à propos d'un livre recensé sur le site.

Je te remercie de cette discussion et invite tes lecteurs à se rendre sur mon site http://www.brahimnaitbalk.fr/ où ils pourront à la fois trouver des liens avec mes activités dont mon émission Homomicro sur la radio Fréquence Paris Plurielle et partager leurs impressions.

 

Ton site est vraiment très riche et de mon côté je me permettrai tout simplement de recommander la lecture de ton livre Un Homo dans la cité.


Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées :
lestoilesroses@hotmail.fr.


TO BE CONTINUED…

Mer 10 mar 2010 Aucun commentaire