LES TOILES ROSES

nuits2.jpg

 

Fiche technique :

Avec Qin Hao, Chen Sicheng, Wei Wu, Tan Zhuo et Jiang Jiaqi. Réalisation : Lou Ye. Scénario : Mei Feng. Directeur de la photographie : Jian Zeng. Montage : Jian Zeng, Florence Bresson et Robin Weng. Compositeur : Peyman Yazdanian.

Durée : 115 mn. Actuellement en salles.

 


Résumé :

Nankin, de nos jours, au printemps. La femme de Wang Ping le soupçonne d’infidélité. Elle engage Luo Haitao pour l’espionner et découvre ainsi l’amour que son mari porte à un homme, Jiang Cheng. C’est avec lui que Luo Haitao et Li Jing, sa petite amie, se jettent alors à corps perdu dans une folle équipée amoureuse. C’est pour tous trois le début de nuits d’ivresse suffocantes, qui égarent l’esprit et exaltent les sens. Un sulfureux voyage aux confins de la jalousie et de l’obsession amoureuse.


nuits3.jpg

L’avis de Voisin blogueur :

Deux hommes, Wang Ping et Jiang Cheng, ensemble dans une maison isolée. Des étreintes passionnées, des sentiments palpables. Ils se retrouvent souvent en cachette. Wang Ping est marié. Sa femme paie un jeune étudiant, Luo Haitao, pour espionner son compagnon. Elle ne tarde ainsi pas à découvrir qu’il la trompe et le choc que cela soit avec un homme ne fait que décupler le poids de la trahison. Alors que son mariage vole en éclats, Wang Ping attend du réconfort de la part de Jiang Cheng. Mais ce dernier ne supporte plus la complexité et la tournure dramatique que prend leur relation. Il traine dans les bars et finit par se lier avec Luo sans savoir qui il est. Luo, à force de le suivre, s’est épris de lui mais continue d’entretenir une relation avec une jeune femme travaillant à la chaine, Li Jing (qui elle-même a une relation ambiguë avec son patron). Nous sommes à Nankin, c’est le printemps, les fleurs éclosent et les désirs explosent…


nuits5.jpg

Lou Ye avait déjà marqué les esprits avec ses précédents longs-métrages et en particulier Une Jeunesse chinoise qui avait subi les foudres de la censure dans son pays. C’est ainsi que Nuit d’ivresse printanière fut tourné clandestinement. Beaucoup de caméra épaule, une réalisation très instinctive qui colle parfaitement avec les égarements de ses protagonistes. Voici une œuvre très sensuelle où l’on passe d’un personnage, d’un corps à corps à l’autre avec une grande fluidité. Alors qu’on pouvait s’attendre à un drame classique sur l’adultère, le réalisateur tisse une intrigue aux allures de ballet mélancolique où chacun s’oublie ou tente d’oublier dans des bras trop souvent de passage.


nuits6.jpg

Les relations ne seraient-elles que des nuits d’ivresse dont on ressort avec un violent mal de crâne et une sensation d’égarement ? Alors que les couples se font et se défont, nous plongeons dans l’intimité de chacun, nous assistons au portrait d’une société perdue entre désir et raison, qui se cherche sans jamais parvenir à vraiment se trouver. Chaque rencontre est l’occasion de s’explorer, l’espoir de se renouveler mais cela ne dure qu’un temps : une saison remplace une autre. Il y a des partenaires, des souvenirs qui ne sont pas interchangeables tant ils sont douloureux. Jiang Cheng va le réaliser peut être trop tard.

Avec peu de moyens, Lou Ye livre une œuvre intense, troublante et très sensible. Un film où tout peut basculer d’un moment à l’autre, où les couples peuvent se former ou se détruire d’une scène à l’autre. Nuit d’ivresse printanière diffuse délicatement et très brillamment son parfum de spleen. Avec en bonus des scènes d’intimité à faire tourner la tête.


nuits7.jpg

L’avis de Frédéric Mignard :

Portraits d’errances amoureuses en Chine contemporaine par le réalisateur d’Une Jeunesse chinoise et Suzhou river. Le résultat est sensuel, remarquablement mis en scène, mais également abscons et ennuyeux.

De Lou Ye, on se souvient surtout en France de Suzhou river et d’Une Jeunesse chinoise. C’est d’ailleurs à cause de ce dernier, projeté à Cannes en 2006, que le cinéaste s’était vu interdire de tourner chez lui, en Chine, pendant 5 ans, pour avoir utilisé des images d’archives de la manifestation de Tian’anmen. Lou Ye était également passé par la croisette en 2003 avec Purple butterfly, toujours inédit sur notre territoire.


nuits8.jpg

Avec Nuit d’ivresse printanière, présenté insolemment à Cannes en mai 2009, le cinéaste signe une œuvre trouble et érotique, qui aborde, fait remarquable pour un film chinois, le thème de l’homosexualité. Une nouvelle provocation à l’égard des autorités chinoises ? En tout cas, les corps déshabillés dans l’étreinte et le feu ardent de la passion dévorent l’écran. Avec un sens exquis de la mise en scène, qui empreinte au documentaire à l’image vacillante et à l’exercice de style esthétique, l’auteur n’est pas là pour s’embarrasser de ses choix de réalisation. Son intérêt se focalise sur l’éternel triangle amoureux, source de frustration, de jalousie et de colère. La femme, l’époux infidèle et l’amant se déchirent en beauté sous la caméra bienveillante de Lou Ye, qui ne se pose pas en donneur de leçon. Au contraire, il complique la donne avec quelques variations sur le thème de l’attraction physique.


nuits9.jpg

De notre côté, l’attrait visuel et l’indéniable parfum de scandale passés, l’on se retrouve vite à s’ennuyer. Trop abscons dans son approche des personnages et étiré inutilement, le récit ne se laisse jamais dompter et déconcerte. Il aurait gagné à être davantage resserré, surtout après l’écho cannois un peu tiède qui était déjà le signe d’une déception mesurée. Au final, ces nuits d’ivresse printanière ne sont pas désagréables, mais qu’est-ce qu’elles sont longues à passer...

Pour plus d’informations :

Ven 23 avr 2010 Aucun commentaire