LES TOILES ROSES
Fiche technique :
Avec Michael Legge, Allen Leech, Amy Shiels, David Murray et Frank Kelly. Réalisation : David Gleeson. Scénario : David Gleeson. Image : Volker Tittel. Montage : Andrew Bird. Décors : Jim Furlong. Costumes : Grania Preston.
Musique : Stephen McKeon.
Durée : 89 mn. Disponible en VO et VOST.
Résumé :
Shane (Michael Legge), 20 ans, trop sage, cherche un appartement au centre de Limerick, Irlande, pour sortir des jupons de sa mère et ne
plus arriver en retard à son travail. Il ne se doute pas que d’accepter de cohabiter avec Vincent (Allen Leech), un gay extraverti, va radicalement changer sa vie. Shane, hétéro, timide et
passionné de dessin, travaille dans la fonction publique pour vivre. Il va se trouver confronter à un nouvel environnement détonnant. Vincent, son nouveau colocataire, veut à tout prix le
faire sortir de sa carapace, le décoincer. Et puis il y a Keith (David Murray), le voisin dealer qui s'attache étrangement au jeune homme qu’il rencontre lorsque Shane découvre
accidentellement sa cache où il entrepose la drogue qu’il vend. Keith recrute habilement le naïf Shane pour récupérer de l’héroïne à Dublin. Shane se laisse entraîner dans toute une série de
problèmes, mais Vince est toujours là pour lui donner un coup de main et le sortir des difficultés…
L’avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
Une comédie romantique gay qui se déroule à Limerik, Irlande, où je ne soupçonnais pas qu’il y eût une vie gay, ni une école de mode. Voilà
un long métrage qui, au moins, vous l’apprendra et vous fera sortir des clichés habituels sur l’Irlande. Cela fait plaisir, un cinéaste d’une telle fraîcheur qui filme avec élégance cette
histoire tellement simple et claire (mais pas si rose que cela) que l’on pourrait aimer quelle soit la notre, de ce garçon qui sort des jupes de sa mère et qui se « dessale » au
contact de ses voisins... Mais comme dans toute vie ordinaire, dans celle de Shane il se passe plein de choses extraordinaires, certaines pas jolies, qu’il voudrait oublier et d’autres
formidables, qu’il espère que ceux qu’il aime n’oublieront pas. Il n’est pas difficile de s’identifier à Shane ; on tremblera pour lui tout le long du film, tellement il est
attendrissant.
Ils sont vraiment mimi ces deux colocataires, peut-être un tout petit peu trop caricaturaux, mais des caricatures comme cela nous en connaissons tous, mais malheureusement en moins mignons...
Ce n’est pas un film pour les malins et les cyniques, mais il y a peut-être un peu trop de malins. C’est une histoire pour ceux qui croient encore en l’Homme, que la vie n’est pas écrite,
qu’il faut un peu de chance, pas mal d’opiniâtreté et beaucoup de générosité, et que peut-être alors… les rêves peuvent devenir réalité…
Le film sonne toujours juste. Les scènes entre les deux garçons sont remarquablement justes et souvent émouvantes, elles sentent le vécu. En écrivant ce mot « vécu », je pense que
c’est ce qui manque à bon nombre de jeunes cinéastes-scénaristes de nos contrées qui se veulent cinéastes qui tournent avant d’avoir eu une quelconque expérience de la vie. Cowboys and Angels est le premier long métrage, largement autobiographique de David Gleeson, âgé d’une quarantaine d’années. « J’ai basé l’histoire sur mon
expérience personnelle et le personnage principal travaille dans le département où moi aussi je travaille. Il partage l’appartement avec un jeune étudiant d’Art comme je l’ai
fait. »
Il a été difficile à monter. Il a fallu dix ans à Gleeson pour réaliser son rêve, d’autant qu’il souhaitait que le film soit tourné entièrement à Limerick, ce qui n’avait jamais été fait.
Grâce entre autre à une coproduction allemande qui a vu l’universalisme de cette histoire, pourtant fortement ancrée en Irlande, le cinéaste a eu les moyens de sa modeste ambition. Il a
soigné sa réalisation, la dotant d’une charte esthétique forte et précise : « Les couleurs de Cowboys & Angels sont le bleu acier
des clubs branchés, le noir velouté des nuits obscures et le rouge écarlate d’un premier baiser. La lumière, les décors et les costumes sont le reflet de cet univers à la séduction venimeuse.
Un monde où les personnages essaient de s’infiltrer et d’exister sans perdre leur intégrité. »
C’est au cinéma de Mike Leight que ce film fait penser : même fluidité du montage, même évidence des acteurs, tous remarquables, même justesse des dialogues.
Au début de leur cohabitation, Shane dit à Vincent : « Tu as de la chance d’être gay, vous avez un milieu... » Cette remarque m’a remis en
mémoire certains garçons, moins rares qu’on pourrait croire, qui affichent leur homosexualité avec ostentation et qui finalement, pratiquent assez peu. Comme si être gay leur permettait
surtout d’avoir un milieu, une famille de substitution, une appartenance et aussi de vivre plus facilement en « adulescent », de fuir les responsabilités familiales ; un peu comme
certains cadets de famille au XVIIIe siècle qui rentraient dans les ordres non par foi, mais pour trouver un refuge et une raison sociale.
Ce qui nous surprend surtout pour un film irlandais, c’est son optimisme et sa confiance dans les possibilités humaines. On a peur que Shane soit trop timoré pour
saisir cette chance qu’est sa rencontre avec Vincent. On ne voudrait surtout pas qu’il termine comme Jerry, le vieux collègue qui est passé à côté de sa vie...
Si nous sommes surpris qu’un tel film nous vienne d’Irlande, c’est d’abord à cause de la profonde méconnaissance que la plupart des français ont de l’Europe, les récents développements
politiques sur le sujet n’arrangeant pas les choses, et en particulier de son cinéma. Pour la quasi totalité des spectateurs, un film ne peut être que français ou américain. Il suffit de
consulter les chiffres des entrées dans la revue Le film français pour constater que la part du « reste du monde » ne fait que diminuer. Et pourtant, les grands
festivals couronnent presque exclusivement ces films du « reste du monde ». Cannes 2006 n’a-t-il pas décerné sa palme d’or au film britannique Le Vent se lève, qui
comme Cowboys & Angels, est interprété par des acteurs irlandais, tout comme le beau et gay Breakfast on pluto, autant de films où ils montrent leur
excellence. Le grand combat cinéphilique d’ici et maintenant est de promouvoir les films d’ailleurs pour ne pas se laisser phagocyté par les manières de voir américaine et française. Le
plaisir du cinéma est au bout de ce combat qu’il ne faudrait pas considérer comme superfétatoire.
Il y a beaucoup de tendresse et d’émotion dans Cowboys & Angels, une histoire d’aujourd’hui, dans une Europe d’aujourd’hui. On ne vous en voudra pas, si vous verser une
larme, à la fin, dans votre pinte de guiness.
Pour plus d’informations :
***