LES TOILES ROSES
Fiche technique :
Avec Avec David Winter, Scott Larcher, Katharina Schutz et Hannes
Thannheiser. Réalisation : Moritz Seibert. Scénario : Moritz Seibert. Directeur de la photographie : Markus Hansen. Montage : Sue
Nichols. Musique : Andreas Koebner.
Durée : 102 mn. Disponible en VO, VOST et VF.
Résumé :
1996, en Allemagne, Michael, 15 ans, un ado blond, bien ancré dans son époque, walkman et jeux vidéos, est le rejeton d’une famille éclatée,
mais aisée : père chef de pub à New York, terre promise pour le garçon, et mère médecin à l’hôpital local, à proximité de Stuttgart. Michael, déstabilisé par la séparation de ses parents,
est un élève médiocre au bord de la petite délinquance. Un jour, au début des vacances scolaires d’été, le garçon « emprunte » la BMW de sa mère pour emmener copains et copines en
virée. La voiture est bientôt prise en chasse par la police pour excès de vitesse. Elle est rattrapée à cause d’une charrette anachronique qui lui barre la route. Sur ce curieux véhicule est
juché David, un garçon brun de l’âge de Michael, accoutré d’un costume bizarre constitué d’une chemise blanche et d’un pantalon noir. Il va pieds nus. Les regards des deux adolescents se
croisent. C’est le coup de foudre.
David fait partie d’une secte chrétienne : les jacobites, qui comme les amishs, refusent toute modernité, électricité, machines... La communauté de David est une branche de la secte qui, venant
du Canada, tente de s’implanter dans cette région d’Allemagne. Le garçon subit une discipline très stricte, tout contact avec des personnes n’appartenant pas aux jacobites lui est interdit, comme
toute visite à la ville proche ; ainsi il ignore tout du monde moderne.
Depuis l’apparition fortuite de ce curieux adolescent, Michael n’a plus qu’une idée en tête : le revoir… par curiosité, par désir ? Michael épie donc la communauté et découvre vite que
David, en cachette des siens, a pour habitude d’aller nager dans le lac, près des fermes de la secte. C’est sa seule joie dans son austère vie. Michael parvient à apprivoiser le farouche David.
Une tendre amitié naît entre les deux garçons, qui se transforme bientôt en amour exclusif.
Michael devient le mentor de son ami, de moins en moins jacobite, lui faisant découvrir le pays des merveilles qu’est le monde extérieur David. Michael achète à son ami (avec la carte de crédit
de sa mère !) une paire de Sneakers. David est éberlué de ce cadeau... La mère de Michael doit partir une semaine pour des raisons professionnelles. La maison
appartient donc au garçon qui, aussitôt, invite son ami à venir chez lui. David quitte son groupe, peut-être sans idée de retour possible...
L’avis de Bernard Alapetite
:
Rarement une passion amoureuse entre deux garçons aura été aussi bien décrite. Elle n’est pas sans rappeler celle qui unissait les deux
adolescents dans Une Histoire simple de Jacques Duron. Dans David au pays des merveilles, il est question d’amour, pas de sexe. Si les corps peu habillés de
Michael et David sont souvent en contact, ce sont pour des chahuts, des baignades ou pour le tendre abandon d’une tête sur une épaule. Les gestes d’amour se limiteront à un baiser sur la
commissure d’une lèvre et à un doigt caressant une joue. Mais il passe plus d’amour dans ces gestes que dans bien des copulations. L’attirance physique des deux garçons l’un pour l’autre est
palpable. Le sexe n’est pourtant pas nié par la réalisation. On assiste à la découverte par David, troublé, du corps nu de son ami, lui qui n’avait jamais vu que la nudité de son propre corps, et
à celle de la masturbation et du corps des filles, devant lequel il a une curieuse réaction.
Cette histoire est aussi celle de la confrontation de deux mondes, celui de l’aujourd’hui de Michael que tout oppose à l’hier rêvé de David. Le suspense du film réside dans le fait de savoir si
David choisira l’Allemagne d’aujourd’hui et son ami Michael, en sachant que tout retour dans sa communauté lui sera alors interdit, ou s’il ira retrouver sa famille au sein de cette prison hors
du temps que sont les jacobites qui ont décidé de s’en retourner au Canada, n’ayant pu s’adapter à ce coin d’Allemagne, trop proche du « monde ».
Ce film a la grâce. Car chacun de ses défauts, et ils sont nombreux, ne font paradoxalement qu’augmenter son charme. Les maladresses sont à l’unisson de celles des deux garçons que l’on voit
inventer des gestes d’amour – en rupture de modèle – sur leurs corps, souvent peu vêtus mais jamais exhibés.
Les invraisemblances scénaristiques comme cette communauté autarcique vivant près de ce lac des premiers âges à quelques coups de pédale du centre de la grande ville ou comme l’univers familial
stéréotypé de Michael ne font que renforcer le miraculeux récit, n’isolant que mieux l’histoire d’amour des deux garçons sur fond de conventions sur laquelle elle ne fait que prendre plus de
relief...
Curieusement Moritz Seibert, dont David au pays des merveilles est le seul long métrage à ce jour, est à l’aise pour camper la communauté jacobite, qui rappelle beaucoup celle
des amishs de Witness. En quelques scènes, il nous fait découvrir ces naufragés du temps, alors qu’il peine à peindre la banalité bourgeoise de l’Allemagne
d’aujourd’hui. Si la réalisation ne brille pas par son invention, elle est remarquablement soutenue par une interprétation sans faille, jusqu’à la moindre silhouette. Les deux adolescents sont
remarquables.
Un film rare qui réussit à peindre l’amour entre deux garçons à l’âge de tous les possibles.
Une VHS en VO. existe en Allemagne.
Pour plus d’informations :
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