LES TOILES ROSES



Fiche technique :

Avec John Robinson, Normand Fauteux, Diane Heatherington, Richardo Keens-Douglas, Bernard Behrens, Charlotte Boisjoli et Brenda Kamino. Réalisation : John Greyson. Scénario : John Greyson. Images: Miroslaw Barszak. Montage : Miume Jan. Musique : Glenn Schellenberg. Chorégraphie : Susan Mc Kenzie.
Durée : 100 mn. Disponible en VO et VOST.


Résumé :
Richard Burton (John Robinson) est un personnage historique, explorateur et sexologue de l’époque victorienne – le même qui dans le film crypto gay Aux sources du Nil, de Bob Rafelson, organise une exposition sur les grandes épidémies à travers les âges. S’il officie aujourd'hui encore au Muséum d'Histoire naturelle de Toronto, c’est qu’il est tombé dans une source qui offre l’immortalité ! Il révèle l’existence d’un « patient zéro », un steward canadien, premier porteur du virus du sida en Amérique du Nord, qui sera la pièce maîtresse de son exposition…

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Sa brillante démonstration n’est qu’un pamphlet stéréotypé décrivant les homosexuels comme des êtres irresponsables et dangereux… Mais l’esprit du « patient zéro » (Normand Fauteux) est de retour sur Terre afin de se venger d’avoir été aussi lâchement accusé.

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Mais bientôt Burton tombe amoureux du fantôme sexy et ils engagent un combat pour tenter de réhabiliter le « patient zéro ». Leur quête va être parsemée de rencontres extraordinaires, comme le singe vert d'Afrique, le comité d'Act Up, Miss VIH et bien d'autres personnages fantasques, merveilleux mais aussi tellement humains…

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L’avis de Bernard Alapetite :
Le vrai coup de génie de Greyson est d’avoir utilisé pour traiter un thème tragique : la mort annoncée par le sida et l’incurie des pouvoirs publics. Le genre cinématographique le plus léger qui soit : la comédie musicale. Il s’en explique : « Le film a commencé dans ma tête dès 1987, un ami me montra la couverture de California Magazine qui titrait : “L’homme qui apporta le virus en Amérique du Nord”. L’histoire contait qu’un steward franco-canadien homosexuel était responsable du premier cas de sida sur le continent à la fin des années 70. Mais d’autres sources affirmaient que des cas de sida avaient été remarqués dès la fin des années 60. Zéro patience est né de ces contradictions. Il était important que Zéro patience soit une comédie musicale car cela offre une vraie panoplie de possibilités, de contenus et de formes et peut atteindre ainsi le plus large public. »

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Mais on aurait aimé que John Greyson ait autant d’audace dans sa réalisation que dans l’écriture de son scénario. Et de l’audace il en a eu pour, en 1993, écrire ce scénario sur le sida. Un courage que l’on peut mettre en parallèle avec celui qu’eut Ernst Lubitsch, lorsqu’en 1942, il tourna To be or not to be sur la persécution des juifs par les nazis. Si, comme dans le chef-d’œuvre de Lubitsch, il mêle très habilement humour et dénonciation politique, il est par trop timoré dans la mise en images de ses idées. En contrebande, le cinéaste dénonce en vrac : l’inconscience des milieux gays lors de l’émergence de la maladie, l’égoïsme et la lâcheté individuelle de ce petit monde, la rapacité des laboratoires pharmaceutiques, l’hypocrisie des hétérosexuels, l’incapacité des médecins et bien d’autres choses encore… et tout cela en faisant rire.

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John Greyson réussit à marier intimement le militantisme et l’imaginaire. Le vrai sujet de son film est la manipulation, voici ce qu’il en dit : « L’hypothèse du patient zéro a été tellement montée en épingle par les médias, qu’aujourd’hui on la considère comme une évidence. J’ai donc décidé de faire un film sur la "politique des faits douteux" ». Glen Schelling, le compositeur, renchérit : « La question essentielle dans le film est de savoir quel point de vue idéologique se cache derrière de telles hypothèses ? Pourquoi notre culture s’applique-t-elle systématiquement à trouver des origines et des responsables pour tout ? Dans la chanson "Positive", Georges chante : "Je sais, je sais, je sais que je ne sais pas". Et son incertitude s’oppose à "la culture des certitudes" de Burton. Ceci est la principale dialectique du film. (…) Nous ne prétendons pas donner des solutions mais mettre en scène les luttes et les dilemmes autant personnels que politiques. »

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À la lecture de ces déclarations, qui ne sont certes pas mensongères au vu de l’œuvre, on pourrait croire à un film à thèse alors que c’est aussi, et surtout, un film loufoque et iconoclaste dont le morceau de bravoure est un duo chanté entre deux… anus. Mais pourquoi Greyson nous inflige-t-il alors de très vilaines prothèses alors qu’il y a de bien beaux culs canadiens ! On cherche encore la raison, lors de son assez timide exploitation en salles en France en 1995, de l’interdiction aux moins de 12 ans du film car il y a bien peu de corps dénudés et de sexe explicite dans ce film, et bien sûr aucune nudité frontale. L’un des principaux défauts du film est paradoxalement un certain puritanisme, l’autre est la pauvreté des chorégraphies qui n’exploitent pas à fond les savoureuses situations de départ, comme un trio chantant dans un sauna, mais il faut dire que le film a été réalisé avec peu de moyens.

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Si les yeux n’en ont pas toujours pour leur compte, les oreilles seront ravies par la jouissive bande originale. La grande originalité du film est que c’est par les chansons, très mélodieuses, que passe le message politique et philosophique du film dont l’essence est que chacun a la possibilité d’agir sur les choses pour infléchir le cours de sa vie. Ce dynamisme positif fait du bien, surtout sur un tel sujet. Il est toutefois dommage que le cinéaste n’aille pas au bout des pistes qu’il ouvre, comme celle du prologue du film où nous découvrons une salle de classe dans laquelle un garçon d’une dizaine d’années ânonne l’histoire de Shéhérazade. À partir de ce lieu d’évasion qu’est une salle de classe, Greyson invente une histoire parallèle à celle des mille et une nuits encore plus extravagante que son modèle, une histoire pour vaincre à sa manière la pire des morts annoncées (n’oublions pas que nous sommes en 1993) : celle causée par le sida.

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John Greyson, qui est né en 1960 à Toronto, a été tout aussi délirant dans Lily et Urinal mais dans un registre plus noir. Depuis 1984, il a réalisé une quinzaine de films dont le dernier, Proteus, date de 2003. Il a également tourné deux épisodes de la série Queer as folk, version américaine.

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Zero patience est édité en DVD par Optimale, en VO sous-titrée, et malheureusement sans aucun bonus – pas même la bande annonce. De plus la compression n’est pas excellente, surtout au début.
Pour plus d’informations :

 

 

Lun 17 mar 2008 1 commentaire
le film 10/20 sauvait par les chansons
thierry - le 11/12/2007 à 13h38