LES TOILES ROSES


bhv_vincy10.jpg Veni Vidi Vincy - Photo © D. R.

 

L'ÉTOILE ROSE (1)

 

 

« Dois je parler ou me taire ? et pourquoi taire ce qui est plus vrai

que la vérité ? » (Erasme, Éloge de la folie)

 

 

Avant d’aborder ma nouvelle décennie, il fallait que je fasse une fois dans ma vie cette fameuse Gay Pride. J’en ai souvent contesté les effets : peu représentative de l’homosexualité dans son ensemble, caricaturant à outrance l’image que s’en font les ignorants, carnaval un peu mercantile… J’en ai jamais dit le bien que je pouvais en penser : rassemblant ceux qui se sentant exclus et qui peuvent s’affirmer enfin publiquement, fête bon enfant joyeuse et vibrante, et bien entendu symbole historique : quelques jours avant ma naissance, la première marche des fiertés (la Christopher Street Liberation Parade à New York) avait lieu pour réagir aux émeutes de Stonewall l’année précédente.

Plutôt que de vous faire partager ma vision, je préfère vous raconter une histoire. Celle inventée d’une longue marche entre Port Royal et Bastille, où chaque visage, chaque corps, chaque mouvement de foule m’ont inspirés un commentaire, un délire, et finalement un feuilleton. Tout est inventé, imaginaire. Quoique.

 

Épisode 1 

 

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Sous la pression des députés Vanneste, Boutin et Lucca, le Président Sarkozy a décrété que tous les délinquants homosexuels seraient déchus de leur nationalité. Sont visés ceux qui se marient à l’étranger, ceux qui élèvent des enfants ou qui ont adopté en trichant et tous ceux coupables de crimes graves. De même, l’effort budgétaire devant être national, il a été décidé d’arrêter les remboursements par la sécurité sociale de tous les traitements permettant de lutter contre le HIV. Enfin, les aides seront coupées à toutes les associations gays, lesbiennes, trans et bi, laissant les collectivités locales endosser les dépenses compensatoires.

Suite à ces annonces, doctement justifiées par Brice Hortefeux (« Un homo ça va, mais quand il y en a plusieurs… ») et Roselyne Bachelot (« Des caïds immatures qui transmettent le virus et des gamins apeurés par leurs désirs… »), une immense manifestation a spontanément envahi la capitale. 50 000 personnes selon la police, 800 000 selon les organisateurs [Note de l’auteur : chiffres authentiques].

La foule a, au départ, marché tranquillement, devant des badauds parqués derrière des grilles. On se demandait qui était l’animal étrange du zoo : le passant ou le manifestant ?

 

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Autant dire que l’ambiance n’est pas plombée seulement par l’ombre du SIDA. On distribue des tracts, les politiciens viennent se révolter en groupe devant les caméras, les homos de droite sont chassés, les slogans fusent, colériques. Pendant qu’une réunion de crise se tient à l’Elysée, l’Unon Européenne ordonne à la France de revenir aux principes fondamentaux des droits de l’Homme. Sur le web, on parle déjà de chasse aux homos. Des économistes et des sociologues très sérieux divaguent sur les chaînes TV, affirmant que cela va faire fuir des investisseurs étrangers, que le pays va perdre un quart de point de croissance, que notre image risque d’être gravement endommagée… Les chaînes ne sont pas « folles » : les gays sont une part importante de leur audience.

 

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Sur le pavé, il n’y a pas de place. Les gens sont collés serrés. Ils viennent de partout. C’est coloré, musical, cosmopolite. Les filles sont le ventre à l’air, les garçons exhibent la marque de leur caleçon. Mais il n’y a pas que des bodybuildés. Il faut de tout pour faire un monde… C’est ce monde-là que nous allons découvrir. Il suffit comme Alice de plonger au fond du trou.

 

(Vincy, 1/08/2010)

 

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TO BE CONTINUED...
Lun 2 aoû 2010 Aucun commentaire