LES TOILES ROSES
Fiche technique :
Avec Piotr Kozlowski, Marco Hofschneider, Rene Hofschneider, Michele Gleizer, Sally Perel, Klaus Abramowsky, Julie Delpy, André Wilms,
Ashley Wanninger, Halina Labonarska et Delphine Forest. Réalisation : Agnieszka Holland. Scénario : Agnieszka Holland et Paul
Hengge, d’après les mémoires de Sally Perel.
Durée : 112 ou 107 mn. Disponible en VO ou VOST.
Résumé :
Inspiré des Mémoires de Sally Perel, Europa Europa raconte l'itinéraire d'un jeune juif contraint pendant la guerre d'épouser
l'idéologie communiste lorsqu'il fuit en Union soviétique, puis celle du nazisme lorsque les Allemands envahissent l'orphelinat où il est réfugié. Il en oublie sa propre identité et, pour
sauvegarder sa vie, il devient même le meilleur élément d'une école d'élite pour la jeunesse allemande.
L’avis de Jean Yves :
Europa Europa… ou le destin d'un garçon juif allemand à la beauté absolue, happé par l'histoire, pris entre les feux du
communisme et du nazisme, et obligé d'entrer dans la peau d'un soldat hitlérien pour sauver la sienne.
Une fable philosophique même si elle est tragique.
Europa Europa… le titre n'est pas un simple
redoublement du mot ; sur l'affiche du film, cette répétition sonne comme les deux faces d'une même monnaie, celle par laquelle le siècle a
payé : nazisme et communisme.
Pas facile de devenir un homme quand on est pris entre ces deux feux contraires. Quand on est
juif allemand et que sa peau ne vaut pas cher.
« Sauver sa peau », l'expression – dans ce film –- prend un sens très concret. Car Europa
Europa s'ouvre sur une cérémonie judaïque de circoncision, et se boucle sur l'image de deux frères occupés à pisser côte à côte (à se soulager).
La réalisatrice n'a sans doute pas innocemment encadré son film par ces deux scènes-miroir : son
principal personnage n'est-il pas précisément le sexe du héros, l'objet-sexe mis au secret, ravi à lui-même et dérobé à tous ? La circoncision de l'adolescent Sally focalise pour lui les
enjeux de sa vie : tout ensemble attestant son identité juive, sanctionnant l'interdit porté sur son désir, cristallisant une initiation au monde.
Lyrique, tumultueux, emporté, Europa Europa est le récit, presque invraisemblable, du destin de ce garçon, antihéros secoué par l'histoire : celui-ci ne devra son salut, au bout du
compte, qu'à la séduction sans borne qu'il exerce sur toutes et sur tous.
La famille quittant l'Allemagne natale pour la Pologne, Sally envoyé en URSS avec son frère
aîné, séparé de lui à la frontière, trouvant refuge dans un orphelinat soviétique et se transformant en Komosol modèle, pour endosser ensuite, prisonnier de la Wermacht », la posture de
l'Aryen pure souche, métamorphosé en nazillon exemplaire, promu héros de surcroît et pistonné d'un collège gratin sous la bannière à croix gammée : pas très glorieux, en
somme.
Mais les vents contraires de l'histoire stimulent les girouettes, et Sally avait-il le choix ?
Seul impératif : planquer « la chose ». Pour survivre.
L'originalité du film tient à cette coïncidence chez le héros, entre la recherche de son
identité spirituelle et celle de son identité sexuelle.
La circoncision, c'est un marquage. Son identité, physiquement, est dans son
sexe.
D'ailleurs, il la refuse au point de s'automutiler, pour tenter d'effacer sa différence
insoutenable.
Mais son identité, c'est aussi cette beauté qui le sauve...
Paradoxalement, le sexe est pour lui une menace de mort, et en même temps ce qui sauve son
âme.
Deux personnages, deux Allemands, incarnent aussi, chacun à sa manière, une différence à se
réaliser : Robert, l'homosexuel qui cherche à toucher Sally dans son bain et perce ainsi son secret, et la mère de Leni, l'adolescente nazie. Robert est le personnage le plus complexe et le
plus attachant du film. C'est, d'une certaine manière, la version mûre du héros. Sally est un candide perdu dans le tourbillon de ses problèmes très concrets. Robert, lui, est un adulte qui
vit sa différence avec toute sa conscience. Quand il comprend que Sally est juif, la solidarité l'emporte sur le désir. Il ne peut pas profiter de sa situation de dépendance car ils sont du
même bord.
Le cliché aurait voulu que Sally soit sauvé par une fille de son âge. Or il est dépucelé, à son
corps défendant, et de façon burlesque, par une nympho quadragénaire nazie... et l'adolescente Leni finira par lui préférer son copain « pur Aryen ».
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