LES TOILES ROSES



L'auteur :

Née en 1967 à La Nouvelle-Orléans, récompensée en 1994 par le British Fantasy Award, Poppy Z. Brite fait figure de chef de file d'une nouvelle génération d'auteurs entre littérature underground et terreur. Son oeuvre provocatrice dévoile la réalité froide et crue d'une société puritaine à la dérive.
L'avis de Robert Wagner :
Zach est un jeune hacker de La Nouvelle-Orléans qui vit de ses exploits de pirate informatique, une vie ponctuée d'aventures sans lendemain et dominée par la peur de s'engager dans une véritable relation amoureuse. Mais sa vie va être un peu bousculée lorsqu'il apprend que le FBI l'a repéré et vient l'arrêter. Il prend la fuite, sans trop savoir où aller. Trevor a vingt-cinq ans et revient dans la ville de Missing Mile où son père, Bobby McGee, un dessinateur de BD underground, a massacré sa femme Rosenna et le frère cadet de Trevor, Didi, à coups de marteau vingt ans plus tôt. Trevor revient à Missing Mile parce qu'il veut comprendre ce qui a conduit son père à de telles extrémités et surtout pourquoi, lui, Trevor, a été épargné. Les trajectoires de Trevor et Zach vont se croiser à Missing Mile pour le meilleur et pour le pire.
Sang d'encre témoigne une nouvelle fois (après Âmes perdues, chez le même éditeur) de l'habileté diabolique de Poppy Z. Brite dans la construction de personnages de chair, de sang et d'émotions. Les aventures de Trevor et Zach sont la preuve que l'on peut maîtriser la littérature de terreur sans faire appel aux clichés qui l'ont affaiblie ces dernières années — d'ailleurs, quand Zach voit dans un miroir une version en pleine décomposition de lui-même, sa réaction pourrait être celle de tous les lecteurs fatigués par ces clichés : « Zach fut pris d'une soudaine bouffée de rage. Qu'est-ce que c'était que ce truc blanc ? Des asticots ? Du pus ? Encore du sperme ? Mais qu'est-ce que c'était que ce Grand-Guignol à intention moralisatrice ? » Les intentions de Brite ne sont certes pas moralisatrices. Elle ne juge pas, elle décrit avec précision et sensibilité et mieux encore, elle permet au lecteur de comprendre et de ressentir de l'empathie pour ses personnages. Ni anges, ni démons, ils sont humains et on en vient à aimer même leurs défauts pour cela.
Poppy Z. Brite est aussi l'auteur qui a su le mieux saisir le lourd héritage de la génération issue des années 60. Zach contemple une photographie sur un emballage de brosse à dents : « Une photo montrait la famille idéale, le père, la mère, la fille et le fils, tous dotés d'un sourire étincelant — et sans doute des plus hygiéniques. Qu'étaient donc devenus ces visages typiques des années cinquante, se demanda Zach, ces icônes innocentes de la publicité d'après-guerre, ces archétypes made in America » et Trevor lui répond : « Les sixties sont arrivées et leur ont défoncé le crâne. » Et toutes les valeurs traditionnelles de l'Amérique ont été désintégrées dans la conflagration, en premier lieu la plus sacrée d'entre elles, la famille.
Les personnages de Poppy Z. Brite se cherchent tous une famille que le modèle nucléaire ne leur donne plus. Alors qu'il tient Zach dans ses bras, Trevor songe : « Tu es venu ici à la recherche de ta famille. Peut-être as-tu commis l'erreur de supposer qu'elle était composée de Bobby, de Rosenna et de Didi. Kinsey et Terry t'ont accueilli à bras ouverts, t'ont manifesté plus de tendresse que tu n'en avais jamais connu. Et qui tiens-tu dans tes bras sinon un membre de ta famille ? »
Sang d'encre est le roman sidérant d'humanité et de maturité d'un écrivain de trente-deux ans qui n'a pas fini de nous émouvoir et de nous étonner.
Pour plus d'informations :
Disponible chez Albin Michel et J'ai Lu (France).
Site de Poppy Z. Brite (en anglais).
Bibliographie française de Poppy Z. Brite.
Lun 9 nov 2009 Aucun commentaire