LES TOILES ROSES

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Fiche technique :
Avec Dean Stockwell, James Remar, Jason Behr, Kenny Cloutier, Andrew Cooper, Marianna Elliott (II), Joseph Foss, George Georgiadis, Brenda James, Robert Glen Keith, Joseph Kell, Andreas Michael Lamelas, J . Nancy Sawyer, Rondell Sheridan, Thomas G. Waites et Jaimz Woolvett. Réalisé par Victor Salva. Scénario : Victor Salva. Images : Don E. Fauntleroy. Musique : Bennett Salvay. Montage : Ed Marx. Son : Benjamin Patrik.
Durée : 95 mn. Disponible en VO.



Résumé :
Del Farraday (Dean Stockwell), la soixantaine bourgeoise et sportive, invite pour quelques jours, son fils aîné (Robert Glen Keith), jeune avocat englué dans sa médiocrité banlieusarde, dans son chalet de chasse, situé au bord d’un lac, en pleine forêt. Il désire se réconcilier avec lui. Arrivant au chalet, les deux hommes sont surpris d’y trouver déjà Campbell, le plus jeune des fils de la famille, que pourtant le père avait chassé deux ans auparavant lorsqu’il avait découvert son fils dans les bras d’un autre garçon. La nuit tombe, autour de la table du dîner la tension monte. Le père, brutal et homophobe, veut s’expliquer avec ses deux fils, lorsque soudain on frappe à la porte de la maison. Deux étrangers (James Remar et Jaimz Woolvett) demandent de l’aide. Ils prétendent que leur voiture est en panne dans ce lieu isolé. Del Farraday les fait entrer. Bientôt on découvre que c’est un piège. Les deux hommes sont en fait de dangereux psychopathes évadés de prison. Il s'avère que le fils gay est à l'origine de tout cela. Il s’est lié d'amitié, et même plus, avec l’un des taulards. Il a monté ce traquenard afin de se venger de son père, à qui il ne pardonne pas d’avoir brisé son histoire d’amour. Mais les choses ne se passent pas tout à fait comme Campbell l’avait prévu...


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L’avis de Bernard Alapetite :
Ne baraguinons pas : nous voilà devant l’un des meilleurs thrillers de ces dernières années. Le film bénéficie d’un savoir-faire cinématographique indéniable, d’une interprétation remarquable et surtout d’un scénario palpitant et toujours imprévisible. Il est en outre riche d’un sous texte qui permet au spectateur d’imaginer bien des péripéties hors champ. Rites of Passage échappe à tout accent mélodramatique. L’angoisse est distillée avec beaucoup d’habileté. Les quelques retours en arrière sont bien amenés. Ils offrent à la fois des plages de calme, faisant redescendre la tension, et des informations sur le passé des personnages, éclairant notamment l’incommunicabilité entre le père et ses fils. Le film évite le piège de la prise de parti, du bon contre les méchants, tant cette barrière entre le bien et le mal demeure ici floue et insoupçonnée. Rites of Passage n’est pas une œuvre gay, selon la dénomination classique dans le cinéma américain, mais l’homosexualité nourrit toute l’intrigue.


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Cela commence comme un drame familial, pour se métamorphoser en un thriller haletant. Victor Salva raconte, dans le commentaire du film sur le DVD, qu'il s'est inspiré d'événements de son passé pour écrire son scénario. Il a été également doté, comme son héros, d’un père autoritaire et obtus. Le tournage a été vécu pour lui de manière cathartique. Il a réalisé Rites of Passage directement après être sorti de prison. Le réalisateur, qui n’a jamais caché son homosexualité, ce qui aurait difficile au vu de ses films, a en effet été condamné à plusieurs années de prison, malgré ses dénégations, pour des actes de pédophilie sur un garçon de 12 ans. Il se serait inspiré de certains de ses anciens codétenus pour les personnages des tueurs.


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C'est en 1986, à l'occasion de la Sony/AFI Home Video Competition que Victor Salva – qui a commencé dès l’âge de treize ans à tourner des courts métrages en super 8 – est remarqué par Francis Ford Coppola, membre du jury. Son court métrage, Something in the basement, reçoit le prix dans la catégorie fiction. Deux ans plus tard, Francis Ford Coppola produit le premier long métrage de ce Californien d’alors trente ans, Clownhouse, un thriller à petit budget, dans lequel trois garçons sont attaqués par trois malades mentaux déguisés en clowns. Dès lors, le cinéaste se spécialise dans le registre de la série B angoissante ; il signe en 1995 Nature on the beast, un autre thriller interprété par Eric Roberts et Lance Henriksen. L'année suivante, Victor Salva change de genre cinématographique et met en scène son premier film fantastique, Powder, pour les studios Disney. Interprété par Jeff Goldblum et Mary Steenburgen, ce long métrage met en scène les aventures d'un jeune homme, doté de pouvoirs de télékinésie. C’est un énorme succès commercial.


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Après son incarcération, il est mis au ban d’Hollywood mais Coppola ne l’a pas oublié et co-produit Rites of Passage, de l’aveu de Salva son film le plus personnel. Puis il revient à ses premières amours, le thriller d'épouvante, avec Jeepers Creepers, le chant du diable. Ce film à petit budget et sans prétention, dans lequel deux adolescents se retrouvent aux prises avec une terrifiante créature, remporte un succès surprise à travers le monde. Cette faveur du public le remet définitivement en selle et il ne tarde pas à lui donner une suite, sobrement intitulée : Jeepers Creepers II (2003). Cette fois, c'est à un bus rempli de basketteurs que le monstre s’attaque. Les deux Jeepers Creepers sont à forte teneur homoérotique. On ne risque pas d’oublier une séquence du début de Jeepers Creepers II où de beaux adolescents prennent un bain de soleil sur le toit de leur schoolbus ! En 2006, Victor salva a tourné Peaceful Warrior qui se déroule dans un gymnase, avec Scott Mechlowicz et Nick Nolte mais qui ne nous est pas encore parvenu ici, sur nos écrans.


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L’interprétation de Rites of Passage est irréprochable.  Elle démontre quel réservoir de talents possède le cinéma américain. Il faut bien dire qu’avant le film de Salva, on attendait peu de choses de Jason Behr, vu presque seulement à la télévision, surtout dans Roswell. Il a fait aussi de nombreuses apparitions dans d’autres séries comme JAG (où il retrouve Dean Stockwell), Profiler, 7 à la maison, Cracker et Buffy. En 1999, il joue le rôle récurrent de Chris Wolfe dans la série Dawson (saison 2). Parallèlement à sa carrière télé, Jason fait une courte apparition dans Pleasantville avec Reese Whiterspoon. Ici, il est remarquable dans son rôle de jeune gay écorché vif et tient le film de bout en bout. On l’a revu avec plaisir dans The Grudge. On a pu voir Robert Glen Keith (D J Farraday) en vedette dans l’excellent remake californien de Mort à Venise, Death in Venice, CA. À la manière d’Hitchcock, Salva apparaît furtivement en pianiste d’hôtel au tout début de Rites of Passage.


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Pouvez-vous vous souvenir, vous que la camarde a épargné et qu’Alzheimer traque, du temps où, rue d’Ulm ou bien dans un pelucheux cinéma de quartier, vous restiez le dernier, assis dans votre inconfortable fauteuil, au risque de vous faire écraser les orteils, jusqu’à la dernière image pour tenter de mémoriser le générique du film que vous veniez de voir, classique ou nanar peu importait ; ce qui comptait, c’était d’engranger un maximum d’images et de noms, qu’ensuite vous vous réciteriez pour conjurer vos insomnies, comme d’autres se remémorent la litanie des empereurs romains ou la nomenclature des papes. Si vous êtes de ceux-là, mes frères cinéphiles et cacochymes, l’apparition du nom de Stockwell, le père homophobe, aura dû vous titiller la mémoire. Vous vous serez précipité vers votre bibliothèque ou votre ordinateur et « mais bon dieu, mais c’est bien sûr ! », ce nom vous disait quelque chose, mais comment reconnaître dans ce père intransigeant Le Garçon vert du film éponyme de Losey traqué par tous parce que... différent.


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Rites of Passage est une œuvre mature. On sent que le réalisateur est proche de ses personnages. Il traite frontalement de l'homophobie tranquille de certains parents. Le couple père/fils composé de Dean Stockwell et Jason Behr fonctionne à merveille dans cet affrontement entre le désir d’être soi et les vieilles lunes moralisatrices. Il est aussi très rare de trouver l'homosexualité au centre d'un thriller américain. Elle est presque toujours cantonnée dans les comédies ou les comédies dramatiques. Chaque scène est excellemment filmée. Salva sait bien profiter des magnifiques décors où il a eu le bon goût de situer son thriller. Don E. Fauntleroy, qui signe aussi l’image des deux Jeepers Creepers, est un virtuose des atmosphères nocturnes dans lesquelles se déroulent les trois quarts du film.


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Il y a un DVD seulement pour la zone 1, sans sous-titres français, chez deux éditeurs (??). Il contient un précieux commentaire du réalisateur et des scènes coupées qui ne sont pas inutiles à la compréhension de l’intrigue et qu’il aurait été bon de garder dans le montage final.

Pour plus d’informations :
Voir la bande annonce

Lun 25 aoû 2008 Aucun commentaire