LES TOILES ROSES

 


(6.13)
par Zanzi

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Il arrive aux hommes les plus intelligents d'être touchants de naïveté. Zanzi est de ceux-là. Il ne voit pas le mal qui rôde autour de lui, surtout dans les endroits les plus inattendus pour le rencontrer. C'est ainsi qu'il tomba littéralement des nues en apprenant que la sœur ménagère de la nonciature, celle qui avait nettoyé la moquette tachée par le terreau de la plante renversée un beau soir de juillet, poussée par une curiosité malsaine voire diabolique, s'était introduit dans le bureau du frère portier. Qu'allait donc chercher là cette vestale rendue nerveuse par des années de chasteté ? La vidéo-surveillance ! Et que voyait-on sur ce film ? Zanzi et Mariano, s'embrassant sur le sofa...

La Sœur ménagère n'était pas foncièrement méchante, hélas !, sinon elle aurait fait chanter Zanzi pour trente pièces d'argent ; mais elle avait un défaut encore plus pernicieux : elle était bavarde comme une concierge. Certes, elle n'était pas vraiment fautive, la malheureuse, puisqu'elle était originaire de Lusitanie, ainsi qu'en témoignait une moustache naissante des plus disgracieuse. Cependant elle moucharda auprès de Sœur Marie-Jacqueline, qui faisait office de secrétaire à la comtesse von Blunwald. Celle-ci, aussi commère que la sœur ménagère, se mit à raconter par le menu les soirées privées que donnait l'attachée cultuelle dans son hôtel de la Rue Princesse. D'écho en écho, le bruit parvint jusqu'aux oreilles du nonce, dont le tour de taille avait encore augmenté et qui se cherchait une nouvelle soutane XXL.

Nous n'avons pas encore présenté le nonce. Le père Gérard Manjouÿ, la cinquantaine, est un prélat qui préfère les plaisirs de la table à la célébration du Saint-Sacrifice. Il a, depuis longtemps, rangé son bréviaire pour ne lire que des livres de cuisine ou, mieux encore, le Guide Michelin. Sa plus grande obsession est de conserver son maître d'hôtel, créateur talentueux de mets raffinés dont le nonce se régale plus que trois fois par jour, oubliant ce que faire maigre et le Carême veulent dire. C'est donc ce personnage, sensuel à sa façon, qui s'adonne quotidiennement au péché de gourmandise, qui se mit à pousser des cris d'orfraies en apprenant les frasques, somme toute vénielles, de Zanzi et de Cécilie.

Le nonce, qui ignore encore que les potentats locaux l'ont surnommé « le Potiron », entra dans une rage folle que seul un fricot de poulet, avalé en toute hâte à l'heure du thé, parvint à calmer. Il avait en face de lui un sérieux problème. Apparentée à toutes les familles du Saint Empire romain germanique, ayant un grand-oncle maternel cardinal, Cécilie von Blunwald était la protégée du Saint-Siège et donc, intouchable. De son côté, tout vice-nonce qu'il était, Zanzi semblait, de prime abord, plus vulnérable. Mais « le Potiron » fit des recherches et ne tarda pas à découvrir que Zanzi était un chevalier de l'Ordre du Saint-Sarcophage, ainsi que de l'Ordre pontifical et mystérieux du Sanctuaire, que l'on croyait dissout depuis le XIVe siècle. Appartenir à ces confréries en faisait un homme dangereux. Saisi de vertiges, le Potiron se laissa choir dans son fauteuil, et souffrit d'une terrible indigestion qui lui gâcha son souper.

Le lendemain, la Sœur ménagère fut exilée chez les Inuits, et Sœur Marie-Jacqueline fut priée instamment de se montrer discrète, car on avait encore besoin de ses services. Cécilie reçut une promotion, et fut nommée chargée de mission auprès de l'archevêque. Les hôtes de la Rue Princesse se désolèrent en apprenant la nouvelle, dont elle les consola en donnant une dernière fête, plus somptueuses que toutes les précédentes. Restait le cas Zanzi. Le nonce ne pouvait le renvoyer, sous peine de représailles. L'ombre menaçante du bailli local de l'Ordre du Sanctuaire planait sur les rondeurs de son hypogastre, le faisant redouter d'être livré vivant à la fureur vengeresse d'une centaine de homards carnivores. Il fallait régler l'affaire à l'amiable.

— Le mieux serait que vous démissionniez, souffla le Potiron, soudain hors d'haleine. Cela nous permettrait d'éviter le scandale.

Zanzi n'avait plus envie de jouer. La lassitude l'avait gagné.

— Je n'en ai cure de la nonciature ! lança-t-il comme un défi à la figure du Potiron.

Et, fier de son effet, il tourna les talons... et la page.

 

 

TO BE CONTINUED...
Lun 15 nov 2010 1 commentaire

C'est pour quand le prochain épisode ? Celui-ci me déprime tout particulièrement aujourd"hui...

Zanzi - le 15/11/2010 à 17h28