LES TOILES ROSES



Fiche technique :

Avec Mark Lee, Arthur Dignam, Paul Goddard, Tom Kennedy, Paul Davies, Alen Carey, Heather Mitch, Alexander Brown et Dennis Miller. Réalisation : Michael Thornhill. Scénario : Frank Moorhouse, d'après son recueil de nouvelles The Everlasting Secret Family and Other Secrets. Chef Opérateur : Julian Penney.
Musique : Tony Bremmer. Montage : Pamela Barnetta.
Durée : 93 mn. Disponible en VO et VOST.



Résumé :
Un important sénateur d’âge mûr (Arthur Dignam) se rend dans une école privée de garçons pour y choisir son nouvel amant. Au sein d’un groupe de beaux jeunes gens, il désigne un blondinet (Mark Lee). On arrange alors plusieurs rencontres entre eux. Le garçon accepte les avances du politicien, et bientôt il est introduit dans un groupe composé de notables homosexuels et de leurs jeunes amants. Notre héros est ensuite intronisé dans cette confrérie, « la famille », lors d’un rituel vaguement maçonnique. Il apprécie bien vite le pouvoir et le prestige auxquels il a droit en tant que garçon-objet du sénateur.

Pour parfaire sa carrière, le sénateur doit se marier. Il choisit une jeune femme de la meilleure société, brushing et coupé Mercedes. Et voici notre garçon-objet jaloux et inquiet pour son confort. Un jour le chauffeur du sénateur, Eric (Dennis Miller), apprend au garçon que lui aussi a été un des amoureux du politicien mais le temps ayant fait ses ravages, il n’est maintenant plus que son chauffeur. Plus tard, le jeune homme devient l’amant d’un juge distingué (John Meillon) avec lequel il entretient des rapports sadomasochistes dans lesquels il est le dominant. Le jeune homme, terrifié de voir que son statut privilégié s’érode, exige que le juge lui fournisse le nom d'un médecin qui connaîtrait le secret de l’éternelle jeunesse... Pour améliorer son image, le sénateur a un enfant. Il amène son amant au domicile conjugal pour s’occuper de son fils.

Seize ans ont passé. Le fils du sénateur, influencé par son mentor, devient homosexuel et est aussi initié à la « famille ». Le sénateur et son fils dépendent alors de l'amour du jeune homme qui est devenu, au fil du temps, le point central de leur vie.


L’avis de
Bernard Alapetite :
Ce film pourrait être inquiétant à plus d’un titre, d’abord parce qu’il traite de l’abus sexuel perpétré par des nantis et notables sur une jeunesse naïve mais surtout par ce qu’il présente une sorte de théorie du complot avec comme d’habitude une secte secrète, cette fois de dépravés sexuels qui mènent le monde uniquement pour assouvir leurs fantasmes libidineux. Heureusement, on ne croit pas une seconde à cette fable abracadabrantesque issue de la plume d’un gros frustré. Cela dit, on comprend qu’un tel film puisse se faire sur le terreau de l'hypocrisie sexuelle de la société australienne des années 60 et 70, qui est par ailleurs assez justement dépeint.
The Everlasting Secret Family mélange une étude psychologique et de milieu presque naturaliste avec un scénario complètement barré, avec ce médecin qui peut donner la jeunesse éternelle à un Dorian Gray version éphèbophile. L’étrangeté du film est renforcée par son environnement bucolique, la ville de Camberra et ses alentours, la capitale nationale de l'Australie, ville uniquement administrative et assez artificielle, située au milieu de nulle part. Ensuite l’intrigue se transporte à Sydney, qui est vécue par le garçon curieusement comme un lieu claustrophobique dont on ne verra que le port de plaisance, vu de la fenêtre de l’appartement, à la reconstitution soignée, très design chic année 70, dans lequel le sénateur a installé son amant sous la garde de son chauffeur... Autre bizarrerie : on ne connaîtra jamais ni le nom du garçon ni celui du sénateur.
Si on laisse de côté le fatras ésotérico-fantastique, le rite crypto maçonnique pour être coopté dans « la famille » étant d’un ridicule achevé et devant déclencher une franche rigolade, on découvre un film sensible qui nous raconte la difficulté d’un homme politique à vivre son amour homosexuel, les accommodements qu’il doit faire pour parvenir à maintenir son rang, comme épouser une femme qu’il n’aime pas et avoir un enfant qui l’indiffère. On peut noter avec quelle habileté il se sert de ce dernier pour amener au domicile conjugal son amant. Ce sénateur, qui a des faux airs du « bon » docteur Goebbels, n’est pas le prédateur cynique qu’on pourrait croire à la lecture du pitch du scénario. Il aime sincèrement le garçon mais il ne veut pas lui sacrifier son statut social. Il ne laisse pas tomber non plus son ex, recyclé en factotum. On perçoit que sa femme n’est pas dupe et préfère ces arrangements plutôt que de perdre elle aussi le rang dans la société auquel son mariage lui a permis d’accéder. Elle ne veut pas plus perdre l’amour de son fils qu’elle accepte de partager avec l’ancien amant de son mari... Mais ce film sans l’habillage du scandale et du bizarre était sans doute plus difficile à réaliser mais c’est celui-là qui intéresse le cinéaste.

Le chef opérateur réussit un beau travail de mise en images, mention spéciale pour la scène d’ouverture avec tout le collège s’ébattant en petite tenue blanche sur un stade au gazon tout britannique, bien aidé par un décorateur soucieux du moindre détail. On peut regretter le puritanisme du filmage. Pourtant le film commençait bien avec le bouchonnage du garçon nu par le sénateur, malheureusement cette scène croquignolesque restera veuve même si l’on a plusieurs fois l’occasion d’admirer Mark Lee, qui a été la co-star avec Mel Gibson de l’excellent Gallipoli de Peter Weir, en culotte fort seyante. En dehors de son physique accorte, tout de même pas assez juvénile pour le rôle, il joue très bien comme le reste de la distribution : des habitués des plateaux de la télévision australienne. On reconnaît dans le juge adepte de la fessée John Meillon, un des rôles principaux des Crocodile Dundee. Dans ce panorama non exhaustif, je m’en voudrais d’oublier la musique de Bremner, façon chœur liturgique, interprétée par de mâles voix, qui intervient régulièrement à des moments où elle est complètement décalée !

Il faut aller au-delà de la surface de cette bizarrerie australienne – avec sa société secrète d’homosexuels très organisée : « la famille », qui ressemble à la fois à un fantasme de pédéraste et à une phobie de policier homophobe – pour découvrir une histoire humaine dont les antipodes n’ont pas le privilège.

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Mar 3 mar 2009 Aucun commentaire