LES TOILES ROSES

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Histoire de l’homosexualité :

01. De l’Ancien Régime à nos jours

 

JULIEN GELLY

 Émission Ce n’est que de l’amour n°2 (16/11/10)

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Julien Gelly n’a que 22 ans et brille (autant que son désormais fameux sourire ravageur) en Master d’Histoire Contemporaine à Nancy. Si jeune et pourtant très engagé, il est conseiller municipal de Le-Bouchon-sur-Saulx dans la Meuse, vice-président et secrétaire de l’association Équinoxe 54 et chroniqueur de l’émission Ce n’est que de l’amour sur RCN. Ce sont ses chroniques que nous publions dans leur intégralité dans cette nouvelle rubrique.

 

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Daniel Conrad : Peux-tu commencer par nous dire un mot de l’homosexualité en France sous l’Ancien Régime (jusque 1789) ?

Julien Gelly : Sous l’Ancien Régime, donc du temps de la monarchie, les mentalités sont profondément imprégnées par la religion catholique qui considère les relations homosexuelles comme un véritable crime religieux, une perversion de la nature créée par Dieu. Au XVIIIe siècle encore, des personnes reconnues coupables d’homosexualité sont torturées voire exécutées (cas d’un religieux condamné au bûcher en 1783).

 

Nous avons l’image du Code Napoléon qui au début du XIXe siècle vient dépénaliser l’homosexualité. Celle-ci va-t-elle pour autant être mieux acceptée ?

En effet, avec la Révolution française et l’établissement de nouvelles normes juridiques, le Code pénal de 1791 dépénalise l’homosexualité, ce sur quoi le Code pénal de 1810 établi sous le règne de Napoléon Ier, ne reviendra pas. Cela va d’ailleurs influencer d’autres législations européennes. Pour autant, on aurait tort de considérer qu’elle est acceptée.

La dépénalisation n’est pas synonyme d’une pleine liberté et encore moins d’une pleine égalité, notamment sur un plan juridique, et les personnes coupables d’homophobie ne peuvent pas être inquiétées par la justice. L’homosexualité n’est pas punie en tant que telle pénalement, mais elle est réprouvée tout au long du XIXe siècle par la mentalité bourgeoise. C’est au cours de ce siècle que le mot « homosexualité » apparaît (probablement en 1869), siècle connu pour le développement de la médecine qui la juge comme une maladie mentale.


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Que signifie le terme « triangles roses » utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale ?

La prochaine étape importante nous amène à la défaite de la France face à l’Allemagne nazie et au gouvernement de Philippe Pétain qui sur le modèle du IIIe Reich, fait voter en août 1942 une loi qui pénalise à nouveau l’homosexualité. Les peines encourues vont de 6 mois à 3 ans de prison. Dans la réalité, les homosexuels sont envoyés vers les camps de concentration allemands grâce à la collaboration entre la police française et la Gestapo. On les appelle les « triangles roses », de la couleur du petit triangle qu’ils portaient sur leurs uniformes de prisonniers dans les camps. En Europe, on estime que 10 000 homosexuels sont déportés dont peut-être 40% survivront à la rigueur des camps.

Cette pénalisation n’est pas remise en cause à la fin de la guerre, ce qui empêche les homosexuels de se voir reconnaître en tant que déportés au même titre que les juifs notamment et ainsi, de réclamer justice.

 

Que se passe-t-il d’un point de vue législatif pour les homosexuels avant la nouvelle dépénalisation de l’homosexualité par François Mitterrand ?

La IVe République franchit un pas supplémentaire vers la répression de l’homosexualité en passant de sa pénalisation à sa qualification en tant que « fléau social ». Elle est considérée comme circonstance aggravante en matière d’outrage à la pudeur (amendement Mirguet, 25 novembre 1960).

En 1968, la France adopte officiellement la classification des maladies mentales de l’Organisation mondiale de la Santé, liste dans laquelle figure l’homosexualité.

Dans ce contexte, la police tente de réaliser des fichages des homosexuels.


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Je viens de le dire, François Mitterrand, premier président de gauche de la Ve République, est notamment connu pour avoir dépénalisé l’homosexualité après son arrivée au pouvoir. Peux-on nous en dresser un rapide historique ?

Après la première Gay pride indépendante en France en 1977, celle d’avril 1981 réunit 10 000 manifestants. La gauche emmenée par François Mitterrand s’empare de la question de l’homosexualité et promet sa dépénalisation en cas de victoire. Avec la victoire socialiste le fichage est interdit en juin 1981. L’année suivante, sous l’impulsion du ministre de la Justice, Robert Badinter, l’homosexualité est dépénalisée (le 27 juillet 1982, après deux votes négatifs du Sénat à majoritairement à droite). C’est la fin d’une discrimination pénale et légale.


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L’autre épisode connu en matière d’histoire de l’homosexualité, c’est bien celui du Pacs

Dans les années 90, après les années SIDA et le renouveau militant lié à ce fléau, la revendication d’une reconnaissance des couples homosexuels s’accentue, ce qui est lié à la volonté de transmission légale des biens.

En 1997 suite aux élections législatives anticipées, la gauche arrive au pouvoir. Depuis quelques années, des militants, des intellectuels, des associations, des partis de gauche et d’anciens ministres (Martine Aubry, Élisabeth Guigou, Michel Rocard) prennent position pour la reconnaissance du couple homosexuel.

Un texte baptisé Pacs commence à être débattu en 1998. La droite s’y oppose de façon virulente et parfois violente. Elle est d’ailleurs sont soutenue par l’Eglise catholique qui qualifie cette loi de « dangereuse et inutile ». La députée UDF Christine Boutin se fait remarquer par ses prises de position et l’épisode où elle brandit sa Bible dans l’Assemblée nationale au cours d’un argumentaire de cinq heures contre le Pacs (elle déclare : « Une société qui mettrait sur le même plan l’homosexualité et l’hétérosexualité travaillerait à sa propre disparition »). Philippe de Villiers, député souverainiste, et elle prédisent la destruction de la société et de la famille si cette loi est votée. Roselyne Bachelot est la seule à droite à défendre la loi. Même le président de la République, Jacques Chirac, y est défavorable. La gauche est mise en minorité lors du vote le 9 octobre 1998 et le 17 octobre, 2 000 personnes défilent à Paris pour défendre le Pacs. Le 31 janvier 1999, plus de 100 000 personnes manifestent à Paris à l’appel de l’alliance RPR-UDF-DL et de Génération anti-Pacs au nom de la défense de la famille. Le Sénat dominé par la droite s’oppose au texte deux fois avant qu’il ne soit finalement adopté le 13 octobre 1999.


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Quelle est la position de la droite face à l’homosexualité depuis son retour au pouvoir en 2002 ?

Contrairement aux craintes et à ce que certains députés avaient annoncé, la droite au pouvoir ne revient pas sur le Pacs. L’opinion publique s’est faite plus tolérante et deux textes de lois viennent même renforcer la lutte contre l’homophobie.

— En mars 2003, l’homophobie est considérée comme circonstance aggravante lors de crimes liés à l’homophobie ou l’orientation sentimentale et sexuelle.

— En 2004, suite à l’agression de Sébastien Nouchet, l’homophobie est criminalisée et défendue par une nouvelle institution chargée de lutter contre les discriminations : la Haute autorité de lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE).

— En 2007 enfin, le Pacs est réformé, notamment en matière successorale. Le partenaire défunt peut depuis faire bénéficier au partenaire survivant de leur logement commun.

Toutefois, la droite française refuse encore à ce jour une reconnaissance pleine et entière du couple homosexuel d’un point de vue légal, par l’ouverture au mariage donc, et plus encore en matière de parentalité (adoption et procréation médicalement assistée) alors que ces droits sont déjà accordés dans de nombreux pays dans le monde (mariage : Pays-Bas, Belgique, Canada, Afrique du sud, Norvège, Suède, Portugal, Islande, Argentine et certains Etats des Etats-Unis). Cette opposition parfois encore aujourd’hui sujette à des expressions à relents homophobes est d’autant plus à considérer que dans l’Union européenne, des députés d’extrême droite au discours franchement haineux envers les homosexuels sont présents dans 18 des 27 pays qui la compose. En Espagne où les couples homosexuels peuvent accéder au mariage depuis 2005 et à l’adoption au même titre que les couples hétérosexuels grâce au gouvernement au socialiste José Louis Zapatero, la droite annonce qu’elle reviendra sur ces acquis si elle accède au pouvoir.

Sam 20 nov 2010 Aucun commentaire