LES TOILES ROSES

 


(6.14)
par Zanzi

freaks-triangle_amoureux.jpg © D. R. Freaks de Tod Browning (de gauche à droite : Zanzi, sa belle-sœur et son frère)


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Zanzi quitta la nonciature, traînant dans son sillage le maître d'hôtel du Potiron, à qui la nouvelle fut si odieuse qu'elle lui donna la chiasse. Le cul rivé à la fosse d'aisance pendant trois interminables journées, le nonce perdit cinq kilos qu'il ne tarda pas à retrouver en engloutissant des tonnes de pâtés lors de la foire annuelle des dames patronnesses de la paroisse. Sans un regard derrière lui, Zanzi s'embarqua pour la France où sa famille l'attendait avec impatience. Son petit frère était sur le point de se marier.

Rien n'est plus étranger à Zanzi qu'un mariage, tant il est persuadé qu'il ne tiendra jamais le premier rôle en une semblable cérémonie. Cependant, il allait être le premier témoin du marié, et diantre ! il n'allait pas laisser passer cette occasion qui, quant à elle, ne se reproduirait sans doute pas. Zanzi fit le décompte du nombre de mariages auxquels il a assisté depuis sa majorité. Voyons... deux copines de l'école maternelle, quatre cousins et cousines, une amie du lycée, un ami de mon frère, cela fait huit chez les hétéros, et un mariage homo à Bruxelles, au cours duquel j'ai failli me tuer en voiture sur l'avenue Louise, songea-t-il, en se disant que ce dernier exemple n'avait rien d'un heureux présage. Cela fait neuf. Mon vrai-faux mariage à Las Vegas ne compte pas. Avec celui de mon frère, cela fera dix. Même pas un demi-mariage par an ! Voilà pour les statistiques qui ne jouent pas en ma faveur, si tant est qu'un mariage soit, selon la légende, une occasion idéale de rencontrer l'âme sœur, pensa-t-il en soupirant.

L'heure était aux réjouissances. La reine-mère attendait le grand jour depuis si longtemps ! Et elle allait y tenir le rôle de la marieuse, à sa plus grande joie. Les préparatifs allaient bon train, le plus grand souci de chacun étant d'arborer une toilette seyante. Zanzi souriait, il savait que ce mariage ne serait pas comme les autres. Pour commencer, sa belle-sœur ne ressemblerait pas à une meringue, contrairement aux autres épousées qui se croient obligées de se déguiser en princesse pour avoir l'air de vivre un conte de fées. Ma belle-sœur est une vraie princesse, se dit Zanzi, elle n'a pas besoin de recourir à ce genre d'artifice. Ensuite, les mariés avaient décidé d'innover en choisissant de ne pas recevoir au Château, mais dans une taverne ! C'est tout mon frère, ça, c'est son côté flibustier...

La cérémonie proprement dite fut sobre, teintée d'une légère pointe d'émotion, ainsi que d'une touche d'humour qui ne retranchait rien à la solennité de l'instant. D'une plume énergique, Zanzi zébra le registre d'un grand Z qui semblait s'élancer à l'assaut de l'acte d'état civil. Voyons, ce n'était que cela ? C'est si facile ! Il en fut presque déçu. Fin de l'acte 1. L'acte 2 se jouera plus tard. Le grand tralala, la bénédiction de l'évêque lisant le message de félicitations du pape, les grandes orgues dans la cathédrale, les carrosses, tout ça, ce sera pour 2012. Après les élections et un peu avant la fin du monde...

Zanzi était content. Pour une fois, personne ne commit l'impair de lui demander quand viendrait son tour. « Jamais » n'est pas une réponse satisfaisante pour qui pose la question. Et Zanzi n'aime pas mentir. Un voile de tristesse recouvrit ses yeux quadricolores lorsque son esprit se mit à vagabonder et à se raconter des histoires qui ne pouvaient arriver. Une belle histoire d'amour, un vrai conte de fées... Balivernes ! Cela n'existe que dans les livres pour enfants. La réalité est différente. Je ne veux pas y penser maintenant, j'y réfléchirai demain, dit-il en paraphrasant Scarlett O'Hara. Puis il reprit un verre de rhum de contrebande. Cette taverne est une pure merveille, on se croirait dans Moonfleet !

Le lendemain de noces fut un jour ordinaire. Tiens, le pays n'est pas en grève ? Suis-je bête, c'est dimanche ! Et Zanzi rit de sa bonne blague. Il décida de s'attaquer à la pile de courrier qui attendait depuis des mois. Facture, facture, facture... Le facteur n'est-il bon qu'à apporter des factures ? Pas étonnant qu'Olivier Besancenot fasse de la politique à côté ! Publicité pour un livre de recettes aphrodisiaques, ou la bague de Ré de Danielle Gilbert, facture... Tiens, une lettre de Paris.

« Mademoiselle Arielle Dombasle et Monsieur Bernard-Henri Lévy vous prient de leur faire l'honneur... »

Une invitation ! Un événement mondain ! Zanzi sentit poindre l'excitation. Il décacheta l'enveloppe suivante, postée de Nancy, et lut : « Monsieur Daniel Conrad Hall... » Une invitation ! Fichtre, ma vie sociale reprend du poil de la bite ! exulta-t-il. Oh non... pas le même jour que la soirée chez BHL ! Nôôôn...

 

 

TO BE CONTINUED...
Lun 22 nov 2010 Aucun commentaire