LES TOILES ROSES

Fiche technique :
Avec Nathan Lopez, Soliman Cruz, JR Valentin, Ping Medina, Bodgie Pascua et Neil Ryan Sese. Réalisation : Auraeus Solito. Scénario : Auraeus Solito & Michiko Yamamoto. Directeur de la photographie : Nap Jamir. Musique : Pepe Smith. Montage : Kanakan Balintagos, Clang Sison & JD Domingo.
Durée : 100 mn. Actuellement en salles en VO et VOST.
 


Résumé :
Dans un quartier pauvre de Manille, Philippines, Maximo 12 ans (Nathan Lopez), très féminin, est le garçon à tout faire de sa famille de petits voleurs. Il fait le ménage, la cuisine, la lessive, recoud leurs vêtements, et parfois même leur sert d'alibi. En retour, son père et ses deux frères aînés qui l'aiment le protègent. Ce bel équilibre va se briser lorsque Maximo rencontre Victor, un jeune policier intègre et séduisant. Ils deviennent amis. Victor (Soliman Cruz) encourage Maximo à changer de vie, ce qui provoque la colère de sa famille...

L’avis de Bernard Alapetite :
L’éveil dont nous parle le titre c’est l’éveil sexuel d’un pré-adolescent dont l’objet de son premier amour est un homme.
Ce qui est le plus troublant pour nous, spectateurs français, c’est l’acceptation de la singularité de Maximo, charmante petite folle, par sa famille de petits malfrats hyper virils qui semblent trouver naturel que le garçon endosse le rôle féminin dans leur foyer en remplacement, en quelque sorte, de la mère trop tôt disparue.
Le film est en partie autobiographique, nourri par les souvenirs du réalisateur de sa découverte, lorsqu’il avait 13 ans, de son homosexualité.
Le tournage de L'Éveil de Maximo Oliveros a duré seulement treize jours, en numérique, avec pour tout budget les 10 000 dollars octroyés par la Fondation Cinemalaya. Auraeus Solito démontre qu’avec le système débrouille, on peut tourner un film lorsque l’on est animé de la passion du cinéma... et que l’on a du talent. Par exemple la maison du policier est ainsi sa propre maison et les figurants sont ses voisins et ses amis...

 

  

Auraeus Solito fait preuve d’un vrai sens du cinéma, même si certains plans sont mal éclairés, mais il y en a de magnifiques ; si le montage est parfois trop brutal et si le rythme aurait été meilleur en resserrant, surtout au début, les scènes. Il inscrit son film dans la grande tradition du cinéma philippin de Lino Brocka, sachant comme lui nous proposer un cocktail équilibré de cinéma social, proche du documentaire, et de mélodrame. Solito pose un vrai regard sur ses personnages et dirige ses comédiens avec talent. Sans mièvrerie, sans tomber dans le glauque, avec une pointe de kitch bien venu et inévitable aux Philippines, il délivre un message d’espoir et de courage.
Le film est riche d’informations sur la vie quotidienne d’un pays que l’on connaît assez peu en occident. On peut être surpris par la façon dont les personnages considèrent l’homosexualité. Dans le dossier de presse, le réalisateur s’explique sur la place de l’homosexualité dans la société et dans le cinéma de son pays : « La société philippine accepte mieux les gays à présent. Je préfère le mot "accepter" que "tolérer" qui implique trop négativement la différence. Dans tout le pays, vous pouvez voir beaucoup de jeunes gays, habillés en femme sans que cela pose de problèmes, même avec leur famille. Peut-être est-ce dû au fait que les anciennes générations philippines croyaient que les meilleurs médiums pour communiquer avec les Dieux étaient les gays : ils possèdent une double sensibilité spirituelle, celle de l'homme et de la femme... Dans les années 70, les personnages étaient des homosexuels oppressés qui ne pouvaient pas s'accepter eux-mêmes. Dans les années 80, les gays au cinéma faisaient pression sur les beaux garçons défavorisés pour qu'ils deviennent des "macho dancers" ou des strip-teaseurs. Enfin, dans les années 90, les homosexuels n'étaient plus que des faire-valoir comiques et hystériques. Dans mon film, je voulais mettre en scène un personnage libéré, aimé pour ce qu'il est. Le fait qu'il soit gay est juste un détail de l'histoire. »
Dans ce genre de film à très petits moyens, qui en plus repose sur les épaules d’un adolescent, le casting pour le rôle principal est essentiel. Le réalisateur avait déjà auditionné plus de cent garçons pour le rôle de Maximo sans être satisfait, lorsqu’il a aperçu deux frères jumeaux, danseurs de hip hop qui se présentaient pour un autre film. L’un deux, Nathan Lopez, avait à la fois le dynamisme et le côté féminin qu’il recherchait. Il est né en 1991 et confesse en interview être un excellent danseur. Les thaïlandais ont pu le voir dans la série télévisée Anghel na walang langit, Mga en 2005 et plus récemment dans Sana maulit muli.
Après un succès inattendu au box-office dans son pays, où il a devancé les grosses productions américaines et hongkongaises, le film a raflé un nombre de prix impressionnant dans les festivals gays, en particulier celui de Berlin où il a reçu le Grand Prix du meilleur premier film, le Prix du public jeune et le Teddy Bear d'Or récompensant le meilleur film du festival. Auraeus Solito a tourné en 2006 son second film, Tuli, au sujet d'un circonciseur et de sa fille, amoureuse de sa meilleure amie. Il a été sélectionné au Festival de Sundance et de Berlin.

L’Éveil de Maximo est la pureté du premier amour d’un garçon de douze ans pour un homme ; confronté à l'horreur et à la corruption des quartiers pauvres, un drame social poignant habillé en un beau mélodrame.
Pour plus d’informations :
Site officiel
du film

Mar 10 avr 2007 1 commentaire
C'est un beau film, comme quoi avec peu de moyen il est possible de réaliser de belles fictions. Je ne pense pas que ce soit un mélodrame, même si Maxi a la larme facile! Le réalisateur refuse le pathos, et au contraire il s'écarte d'une vision mièvre en proposant une issue ouverte et prometteuse. S'il s'agit d'une autobiographie, le résultat est convainquant.
psykokwak - le 18/04/2007 à 17h12