LES TOILES ROSES

     

Fiche technique :
Avec Gerard Butler, Lena Headey, Rodrigo Santoro, David Wenham, Dominic West, Vincent Regan, Michael Fassbender, Tom Wisdom, Andrew Tiernan, Andrew Pleavin, Greg Kramer, Stephen McHattie et Eli Snyder. Réalisation : Zanck Snyder. Scénario : Zack Snyder, Kurt Johnstad et Michael Gordon, d’après l’œuvre de Frank Miller. Directeur de la photographie : Larry Fong. Compositeur : Tyler Bates.
Durée 115 mn. Toujours en salle en VO, VOST et VF.


Résumé :
Adapté du roman graphique de Frank Miller, 300 est un récit épique de la Bataille des Thermopyles, qui opposa en l'an -480 le roi Léonidas et 300 soldats spartiates à Xerxès et l'immense armée perse. Face à un invincible ennemi, les 300 déployèrent jusqu'à leur dernier souffle un courage surhumain ; leur vaillance et leur héroïque sacrifice inspirèrent toute la Grèce à se dresser contre la Perse, posant ainsi les premières pierres de la démocratie.


L’avis de Mérovingien02 :
Certains médias en ont décidé ainsi, avec l'appui du pas du tout susceptible gouvernement iranien : 300 serait un objet de propagande nauséeux au service de l'administration Bush. Ha bon… Étrange. Étrange parce que la BD dont le film s'inspire date de 1998, ce qui tendrait à faire du dessinateur Frank Miller un sacré visionnaire. Étrange aussi parce que des séquences capitales ont été ajoutées au scénario pour éviter toute tentative d'analyse douteuse. Étrange enfin parce que le réalisateur Zack Snyder n'a jamais eu aucune autre prétention que de livrer un péplum excessif dans tous les sens du terme, tape à l'œil, poseur, épique et résolument « fun ». Du divertissement jouissif à consommer sans modération, qui sera sans aucun doute dépassé dans 10 ans mais dont on se souviendra pour ses partis pris grotesques et assumés qui en foutent plein les mirettes. This is Sparta ? THIS IS SPARTA !!!!

Léonidas aux Thermopyles (1814), Jacques-Louis David, Musée du Louvres


Ceux qui seront venus assister à un cours d'Histoire sur l'Antiquité grecque risquent la syncope : le combat d'une poignée de Spartiates face aux hordes d'envahisseurs Perses n'a jamais été envisagé sous l'angle des faits mais bien du mythe, de ceux qui nourrissent l'imaginaire et qui sont parfois capables de mobiliser les foules. Le narrateur n'est d'ailleurs autre que le seul survivant de la bataille des Thermopyles, guerrier perpétuant le souvenir et les idées de liberté de Léonidas pour mener une armée d'athéniens à la victoire. Rien de surprenant alors à ce que 300 joue à fond la carte du manichéisme pour verser franchement vers la dark fantasy qu'évitait le comic d'origine : sous le masque des Immortels se cachent désormais des visages ravagés proches des orcs du Seigneur des Anneaux, des créatures monstrueuses comme le Uber ou l'Éxécuteur sont introduits le temps d'une séquence chacun (apparition pour le moins frustrante concernant le second), des orgies macabres se tiennent sous la tente de l'Empereur Dieu Xerxès... À l'opposé, les surhommes Spartiates exhibent des abdos à faire pâlir d'envie les adeptes du bodybuilding et se baladent dans des tenues affolantes assumant pleinement leur imagerie gay.
L'esthétique revendiquée par Snyder est quand à elle totalement léchée, des ciels fantasmés (une lune géante auréolant le Mont des Oracles) aux tons ocres des champs de blé surgissant tout droit de Gladiator en passant par l'extrême stylisation des combats usant et abusant des ralentis/accélérés pour créer de somptueux ballets sublimant à outrance les exploits des guerriers aux slips en cuir et approchant de très près la dynamique d'une case de BD. Certes, le parti pris du tout numérique n'est jamais bien loin de faire basculer l'ensemble du métrage dans le kitsch complet (surtout qu'un paquet d'effets spéciaux et d'incrustations sur fond bleu a de la merde au cul) mais le délire est si outrancier qu'il en devient gonflé. Tout est dans l'art de la pose iconique et de la composition picturale poussée à l'extrême, permettant d'offrir des plans instantanément traumatisants par leur puissance visuelle, comme celui de Léonidas face aux navires brisés par la tempête, l'arbre des Morts ou encore le mur de cadavres s'écroulant sur l'ennemi comme une avalanche.
Si le réalisateur de L'Armée des Morts ne peut s'empêcher de reproduire fidèlement quelques unes des images charbonneuses du roman graphique de Frank Miller, il ne tombe jamais dans le même travers de Sin City. Alors que Robert Rodriguez s'était contenté d'un copié/collé (qui fonctionnait uniquement parce que la bande dessinée possédait un langage proche des codes du film noir), Zack Snyder a su insuffler une vraie part de Cinéma au modèle papier, prolongeant les vignettes et évitant le statisme qui lui aurait été fatal. Certes, le matériau qu'il avait entre les mains n'était pas suffisamment dense pour tenir la durée mais il n'empêche que les développements narratifs ET visuels méritent d'être salués tant ils parviennent à respecter l'œuvre dont ils sont l'adaptation, tout en apportant un supplément d'émotion bienvenu. Il suffit de comparer le traitement réservé à la formation des phalanges poussant l'adversaire dans le précipice chez Miller et chez Snyder pour s'en convaincre : de 4 cases, on passe à une séquence entière magistralement découpée et mettant en avant la stratégie de Léonidas. Même constat pour la séquence de la nuée de flèches ou l'ajout formidable de la charge d'un rhinocéros : courte mais efficace. Seule l'attaque des éléphants se contente d'un traitement illustratif forcément décevant tant son potentiel à l'écran aurait pu être énorme.

Gerard Butler

Généreux dans le spectacle, le réalisateur l'est aussi avec ses personnages qu'il étoffe sensiblement pour éviter toute analogie politique maladroite, notamment via une sous intrigue ajoutée à Sparte pas franchement indispensable et plombant le rythme des affrontements mais accordant un beau rôle à la reine Gorgo tout en renforçant l'impact dramatique du dénouement. Si le peuple Sparte était proche d'un régime fasciste, le film évite l'amalgame entre sujet et discours dès les premières séquences en offrant une vision particulièrement douloureuse des conditions d'entraînement (violence du père pour endurcir l'enfant, absence de l'amour maternel, abandon au froid et aux loups). De même, c'est par orgueil que les guerriers Spartiates périront puisque leur obsession de l'eugénisme les mènera à leur perte (la vengeance du difforme Ephialtes). Enfin, ne manquons pas de signaler les derniers mots de Léonidas, absents du comic, et allant à son épouse, comme si derrière le sacrifice se cachait le regret d'avoir privilégié la force et le courage au détriment de l'amour.
Film d’action génialement pompier mais traversé d'un souffle épique certain, cette ode inoffensive à un peuple guerrier dévoué à l'honneur n'atteint certes pas l'ampleur d'un Seigneur des Anneaux (les 300 du titre n'ont l'air d'être qu'une cinquantaine) mais trouve sa propre identité dans un procédé technique offrant le champ libre à tous les délires possibles. Ça n'a peut-être pas grand chose à voir avec le récit des Thermopyles par Hérodote mais la jouissance est totale et immédiate, largement appuyée par le charisme insoupçonné d'un Gerard Butler incarnant comme personne la virilité à l'état pur. Espérons que la rencontre Alan Moore/Snyder fonctionnera aussi bien sur la prochaine adaptation, nettement plus périlleuse, des Watchmen.

Pour plus d’informations :
Site officiel
du film et celui-là.

Mer 25 avr 2007 5 commentaires

Je regrette fort votre critique. Malgré les prouesses techniques du film, il s'agit bien d'un film politique qui ikkustre la guerre de civilisations.Et en plus le fait de présenter Xerxeès sur un char à la Gay pride n'est pas du tout innocent. Les Spartiates sont bien virils de leur côté.


Il est étonnant de'appeler à voter royal d'un côté et publier la critique élogieuse d'un film plus que douteux de l'autre côté.


J'en ai pour preuve l'utilisation idéologique du film en Grèce par les idéologues les plus réactionnaires et le grand succés auprès des nationalistes outranciers.


Les excuses trouvées au film que vous citez ne suffisent pas pour justifier l'apologie d'un film qui joue sur l'ambiguité et qui est purement commercial et point artistique.


 

nikos - le 25/04/2007 à 09h59
Cher ami,
Mérovingien insiste bien sur les efforts du réalisateur pour éviter l'analyse douteuse. Il en fait mention et connaissant bien Mérovingien (qui est expert en cinéma), je peux vous assurer que s'il avait senti ce que vous reprochez au film, il l'aurait exprimé et condamné. Faut-il alors condamner la bédé de Miller parue en 1998 sur les mêmes bases ?
Quel rapport avec l'appel au vote pour Ségolène Royal ? Ce raccourci est lui douteux.
Quant à l'utilisation en Grèce de ce film par les extrêmistes, ce n'est ni la faute du réalisateur ni du créateur original. Si Sarkozy utilisait Batman pour démontrer les bienfaits de la karcherisation, faudrait-il condamner Batman ?
De même un autre avis paraîtra sur notre blog et il est assez éloigné de celui de Méro mais tout aussi instruit. Que faut-il que je fasse : censurer deux de mes meilleurs critiques ? Cela me semble, là aussi, fort douteux.
Bien à vous,
Daniel
Daniel C. Hall
"cette ode inoffensive à un peuple guerrier": l'expression est curieuse. Comment voir comme "inoffensif" l'apologie de la guerre indiscriminée, l'érection de l'Autre en ennemi à exterminer? Que le film soit bien réalisé, c'est une chose dont on peut débattre. De s'aveugler à ce point sur les valeurs qu'il véhicule (consciemment ou non: c'est là une autre question), c'est confondant.
Nicolas - le 25/04/2007 à 10h18
Cher Nicolas,
Voir ma réponse plus haut. Mais ce que vous dites là peut s'appliquer à tous films traitant de guerres, qu'elles soient antiques ou modernes... Quant aux films traitant de la 2e guerre mondiale et d'Hitler...
Bien à vous,
Daniel
Daniel C. Hall
Gilou - le 25/04/2007 à 12h05
eh ben on n'a pas du voir le même film !!! Moi je n'y ai vu que des effets spéciaux (amélioration des corps des spartiates) ratés, un chef ennemi grotesque, de même que ses "immortels" avec des masques  à la limite du ridicule, des costumes (surtout ceux des ennemis) au delà du ridicule... Des répliques qui se veulent comiques et qui tombent à plat. Bref, je me suis rarement autant emmerder en allant voir un film...
greg - le 25/04/2007 à 23h17
Merci d'abord à Daniel pour m'avoir défendu vis à vis de mon article et aussi pour le simple fait de publier cet article, preuve s'il en ai que 300 est bel et bien un film furieusement gay étalant des icones musculeuse en petite tenues légères.


Sinon, pas grand chose à ajouter à ce qu'à dit Daniel et à ce que j'ai écris moi même. Je ne vois pas plus d'idéologie dans 300 que dans le Seigneur des Anneaux (qui avait reçu aussi son lot d'attauqes parce que montrant de beaux héros blonds aux yeux bleux face à  des monstres défiguré venan de l'Est). Comme je l'ai déjà écris, il y a une différence entre le sujet du film et le discours. Ici, comme dans par exemple le remake de la Colline a des Yeux ou la saga de l'Inspecteur Harry, c'est avant tout le fun et le plaisir qui prime, aussi régressif soit-il


pas le temps de développer plus mais je te renvoyer nikos vers le blog d'un autre nicolas qui résume assez bien mon point de vue :

http://nicco.free.fr/?2007/03/22/545-raison-d-etat

et un autre pour la route
http://nicco.free.fr/?2005/01/12/38-y-en-a-un-peu-plus-je-vous-le-laisse
mero - le 26/04/2007 à 22h48