LES TOILES ROSES
Fiche technique :
Avec Alessandro Gassman, Francesca d’Aloja, Halil Ergun, Serif Sezer, Mehmet Gunsur et Carlo Cecchi. Réalisé par Ferzan Ozpetek. Scénario de Ferzan Ozpetek et Stefano Tummolini. Directeur de la
photographie : Pasquale Mari. Musiques de Pivio Aldo De Scalzi.
Durée : 94 mn. Disponible en VO, VOST et VF.
Résumé (dos du dvd) :
Architecte italien, Francesco apprend qu’il est l’héritier de sa tante Anita, qui vivait en Turquie. Il décide de partir à Istanbul afin de
régler la succession. Arrivé sur place, il découvre que ce qu’il croyait être une maison est un réalité un hammam… Envoûté par Istanbul, Francesco retarde son retour en Italie et hésite à vendre
le hammam. Sans nouvelles de Francesco, sa femme Marta se rend à son tour en Turquie et découvre un homme bien différent de celui qu’elle croyait connaître…
L'avis de Daniel Conrad Hall :
Le hamman, ce lieu mystérieux si emblématique de la culture turque ou arabe. Derrière les portes et les brumes duquel, les hommes (ou les
femmes) partagent des secrets et des rites qui titillent notre imagination. Et bien Hammam porte bien son nom et tient toutes ses promesses. Avant tout, c’est un film qui envoûte. Le
terme n’est pas trop fort, un charme étrange opère dès les premières minutes du film. Tout d’abord grâce au talent et à la sensualité de son acteur principal, Alessandro Gassman, remarquable de
justesse et de sobriété.
Ensuite c’est Istanbul, la ville de tous les fantasmes, qui nous séduit grâce à ses charmes discrets (même les plus vénéneux). Istanbul, personnage à part entière de ce film, que l’on sent vivre,
respirer, palpiter et qui, insidieusement, nous captive et nous capture. Mais aussi ce vieil hamman qui va abriter les amours interdits de deux jeunes hommes et qui va les conduire au drame. Et
cette narration, assez étrange, entre poursuite des aventures du personnage principal, lecture de vieilles lettres très émouvantes, arrivée de la femme de notre « héros »… Tout
participe à se sentir véritablement intégré à la trame de l’histoire et même au décor. Vous l’aurez compris, ce n’est pas tant l’intrigue qui compte, mais les sensations et les sentiments, le
mystère et l’envoûtement, la sensualité et la suggestion, la poésie et la musique… Alors il faut bien admettre que si la magie a parfaitement opéré sur moi, d’autres resteront peut-être froids et
détachés, car insensibles à cette tentative de séduction.
Saluons tout de même le jeu remarquable de Gassman, de Halil Ergun et de Francesca d’Aloja, mais aussi la réalisation sobre et efficace de Ferzan Ozpetek qui réussit l’exploit de nous faire aimer
Istanbul de l’intérieur et les turcs, dont cette famille si attachante. Hammam est une puissante invitation au voyage, une plongée dans les vapeurs moites, purificatrices et sensuelles
d’un univers masculin décalé et pourtant bien réel. Acceptez de faire ce voyage, vous ne le regretterez pas…
L'avis de Yann Gonzales (avis donné à la sortie du film en 1998)
:
Dans le marasme actuel du cinéma italien décrit depuis longtemps par de nombreux critiques et historiens,
Hammam, présenté l'année dernière au Festival de Cannes dans le cadre de la "Quinzaine des réalisateurs", vient rappeler la diversité de la cinématographie italienne, dont le Festival
d'Annecy se fait l'écho chaque année.
Francesco (Alessandro Gassman, talentueux fils de Vittorio), un jeune architecte romain, doit se rendre en Turquie
pour hériter d'un hammam légué par une tante qu'il n'a jamais connue. Il y rencontre les membres de la famille chez qui vivait son aïeule. Ceux-ci l'adoptent très vite et, peu à peu, Francesco
tombe amoureux de la Turquie et de son nouveau mode d'existence, avant de se décider à rénover le vieux hammam...
Ferzan Ozpetek, dont Hammam est la première œuvre, a longtemps vécu entre la Turquie et l'Italie, ce qui
permet au film d'échapper à un exotisme de pacotille, à un regard touristique dans l'appréhension cinématographique de l'univers turc (la représentation de l'Italie étant réduite à un lieu unique
: l'appartement du couple).
Ozpetek parvient ainsi à créer un climat envoûtant et chaleureux, à travers sa vision de l'architecture orientale,
son amour de la culture turque, et surtout l'indolence qui semble bercer le pays, malgré la menace d'un urbanisme grandissant qui le ronge telle une gangrène.
C'est d'ailleurs de son hédonisme revendiqué que Hammam tire ses séquences les plus touchantes. Les repas,
par exemple, sont traités sur un mode festif dont les signes les plus aisément identifiables sont l'abondance de la nourriture et de la parole.
Par contre, le film est d'une trop grande timidité dans son approche des corps. Car le véritable sujet du film est
finalement celui du rapt d'un corps (celui de Francesco puis, plus tard, celui de Marta) par un pays. Malheureusement, Ozpetek l'élude quelque peu en privilégiant une sorte de suspense facile
autour des amours de son héros.
Ainsi, Hammam joue le jeu des fausses pistes manipulatrices et roublardes, avant une scène de révélation
qui s'apparente à un climax voyeuriste contrastant avec la limpidité du reste de l'entreprise.
Il devient alors évident que le film souffre d'une mise en scène trop approximative (utilisation un peu abusive de
la caméra subjective pour souligner la situation de l'étranger, par exemple) pour aborder un thème aussi magnifique.
Malgré tout, Hammam demeure une belle œuvre de résistance dans sa façon de célébrer une civilisation qui
risque de rendre l'âme (au sens fort) à tout moment.
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