LES TOILES ROSES

 

L'auteur :
Née à Paris en 1947, elle a fait ses études à Dijon (agrégation de Lettres en 1972), émigrée au Canada en 1973, elle enseigné la littérature (doctorat de création littéraire de l'Université de Laval) et la création littéraire dans diverses universités du Québec, en particulier celle de la ville de Chicoutimi (où elle réside). Elle a été la directrice littéraire de la revue Solaris de 1979 à 1990 (elle fait encore partie des quatre écrivains s'occupant de la direction littéraire de la revue, où elle est responsable des articles), a organisé en même temps des ateliers d'écriture SF & F. Elle est écrivaine à plein temps depuis 1990, mais se révèle créatrice dans plusieurs autres domaines : elle fait de la chanson (auteure-compositrice-interprète pendant une dizaine d'années, de 1973 à 1982), de la radio, de la télévision. Elle a écrit des articles et essais théoriques, organisé des congrès littéraires portant sur la science-fiction. Elle est également traductrice de nombreux romans de SF américains et anglais pour des éditeurs français et québécois, et a été chroniqueuse SF pour le réseau de Radio-Canada. Son oeuvre littéraire, importante et toujours de qualité, est traduite et célébrée en Amérique comme en Europe. Elle a obtenue de nombreuses récompenses littéraires et a sa place parmi les meilleurs auteurs actuels du genre. Elle aime la lecture, la musique, le cinéma, les chats (elle en a plusieurs), le ski alpin, la bonne chère et les jeux de mots.
L'avis de Stéphanie Nicot :
Ceux de nos lectrices et lecteurs qui attendraient de la SF aventureuse risqueraient d'être déçus à la lecture de ces Chroniques du Pays des Mères, troisième volume d'Élisabeth Vonarburg à être publié en France (lire chez Denoël Le silence de la Cité, Grand Prix de la SF française 1982, et le recueil Janus). Réglons d'emblée un problème d'image : Vonarburg est bien connue du microcosme SF pour ses positions féministes radicales que certains n'ont pas hésité à rapprocher — de façon peut-être un peu polémique — des courants « politiquement corrects » qui sévissent aux États-Unis. L'argument du roman repose en effet sur un sujet qui, par le passé, a toujours débouché soit sur des utopies féministes sexistes et bavardes, soit sur des mises en scène machistes des angoisses de castration masculines (La Révolte des femmes de Jerry Sohl ou Misandra de Claude Veillot par exemple). Ce « Pays des Mères » d'un futur lointain et indéterminé est en effet un monde totalement dominé par les femmes qui dirigent seules et confinent les rares hommes qui ont échappé aux soubresauts des siècles passés (oppression sexiste puis revanche féministe) et aux séquelles de problèmes génétiques (l'équilibre habituel des naissances a disparu au profit d'une rareté des hommes qui les confine aux tâches de reproduction). On pouvait craindre le pire...
Élisabeth Vonarburg nous offre le meilleur. À mille lieux des clichés, des visions revanchardes, des simplifications, l'auteur brosse peu à peu une vision prodigieusement subtile de cette société de femmes parvenue à un stade de développement et de réflexion tel qu'elle voit surgir de ses rangs des facteurs de dynamisme et de contestation de la séparation des sexes. Tout au long des 630 pages du roman, on se plaît à suivre Lisbeï, personnage tellement attachant et fort que le lecteur — masculin ou féminin, peu importe — s'y attache et suit ce cheminement vers la vérité et la lucidité qui traduit toute vie digne et imprègne tout récit initiatique, forme à laquelle on rattachera sans la moindre hésitation ces Chroniques du Pays des Mères. On finit peut-être par relativiser un peu les autres personnages, (c'est le seul reproche que l'on pourrait faire à Vonarburg), y compris ceux qui accompagnent le parcours de l'héroïne tout au long du livre.
Ce qui est proprement admirable dans le roman, c'est la capacité de l'écrivain à évoquer un passé mythique en nous faisant comprendre les interrogations de Lisbeï, qui remettra en cause la tradition et deviendra archéologue. Loin de tomber dans un didactisme appuyé, Vonarburg nous donne à imaginer les origines de cet univers au travers de bribes, de légendes (on mentionnera la puissance évocatrice d'une relecture au féminin de la passion du Christ), d'artefacts, d'interprétations parfois contradictoires du passé du Pays des Mères.
Autre grande réussite, et démonstration éblouissante quoique contestable dans sa systématisation, Vonarburg montre que le pouvoir c'est aussi le langage. À société de femmes, langage au féminin : au Pays des Mères, on voyage sur des « chevales », on élève des « enfantes », etc. Pour un lecteur masculin, l'effet de déphasage est immédiat.
Appel à la tolérance et à la rencontre entre les sexes, au refus du sexisme, Chroniques du Pays des Mères a été salué par la critique lors de sa sortie au Canada puis traduit aux États-Unis, où il a obtenu le prix spécial Philip K. Di
ck. Ce remarquable roman confirme qu'Élisabeth Vonarburg est désormais un écrivain majeur de la SF mondiale.
Pour plus d'informations :
Disponible au Livre de Poche, collection « SF » (France)
Site officiel d’Elisabeth Vonarburg

Lun 12 jui 2010 Aucun commentaire