LES TOILES ROSES

 

L'avis de Jean Yves :
En dehors de la stricte harmonie antithétique des deux sexes, la culture musulmane ne propose aucune autre forme de réalisation du désir. Des rapports qui n'uniraient pas l'homme et la femme sont considérés comme dénaturants, brisant l'architectonique cosmique telle que la propose l'Islam.
« L'homosexualité (Liwât) fait l'objet de la condamnation la plus vive. Elle est assimilée au zinâ (1) et on préconise d'appliquer à ceux qui s'y livrent les châtiments les plus horribles ».
Le Liwât finit même par désigner toutes les formes de perversion sexuelle et parasexuelle. Néanmoins, la pédérastie bloque en Islam toute les perversions et constitue en quelque sorte la turpitude des turpitudes.
La perception de l'homosexualité par l'Islam, telle que nous la rapporte Abdelwahab Boudhiba, est une conception où émaillent les œuvres érotologiques de traits poétiques à la gloire de l'éphèbe, nécessairement imberbe et dont la séduction est toujours comparée à celle exercée par la femme : « L'imberbe est comme une femme », écrivait textuellement Quanâwi (1310).
La seule vue de jolis garçons passe, selon les traités du fiqh pour « troublante et terriblement tentatrice ». Pour la littérature classique, Bouhdiba cite le Maghrébin Ahmad Ibn Youssef at Tifaschî (XIIIe siècle) qui n'aborde l'homosexualité que par le biais des « jouvenceaux » ou des « hermaphrodites ». A propos de Mohammed Çâdiq Hassan Khan, Boudhiba écrit : « L'auteur nous donne de précieuses indications historiques sur l'homosexualité de son époque. Acculturation grecque d'abord, elle est devenue turco-persanne avant d'être intégrée aux sociétés arabo-musulmanes alors que l'érotisme homosexuel restera toujours ignoré en Inde ». C'est bien la Grèce originelle qui transparaît dans cette expression homosexuelle essentiellement pédérastique, qui ne tolère nulle part le désir et l'amour entre hommes. La puberté reste la période tremplin qui détourne le mâle des autres hommes.
« La puberté, c'est le moment où la sexualité vient à l'ordre du jour, où l'on prend congé du monde féminin, où, devenu homme, on est requis de se comporter comme les hommes. ».
L'homme doit dès lors mettre en valeur sa pilosité et le fétichisme du poil est mis à l'honneur... pour les femmes seulement. « La barbe et la moustache sont pour l'homme ce que les tresses de cheveux sont pour les femmes » (Les mille et une nuits). Bouhdiba nous dit que « la barbe jouit d'une place toute privilégiée. Elle est en effet le symbole de la virilité (...) Elle est destinée à attirer le regard ». Mais l'auteur ne peut citer aucun passage traitant de l'érotisme du poil dans une optique homosexuelle.
La partie la plus intéressante du livre semble bien être la réflexion finale sur les perspectives offertes par l'Islam. L'auteur note que le monde musulman est frappé par une crise de la sexualité avec les velléités d'émancipation des femmes et par une crise des croyances traditionnelles.
« A une jeunesse déçue, désemparée (...), l'Islam actuel ne semble pas encore apporter la bonne parole. Et ce, faute d'avoir mis suffisamment à contribution, comme l'ont fait le christianisme et le judaïsme, l'apport enrichissant et novateur des sciences humaines, de la linguistique, de l'histoire, de la psychanalyse, de la sociologie... L'islamologie s'avère actuellement incapable de fournir une nourriture spirituelle adéquate. »
Le livre de A. Bouhdiba est une somme passionnante d'érudition et de réflexion sur l'érotologie musulmane et les enjeux que provoque le choc des conceptions traditionnelles avec les impératifs plus souplement pragmatiques des sociétés modernes.
J'ai mis volontairement l'accent sur l'homosexualité, mais cet ouvrage renferme bien d'autres aspects. A lire absolument.

(1) Zinâ : antithèse de dieu, paganisme exprime la rupture avec la communauté musulmane.
Pour plus d'informations :
Publié chez Editions PUF, Collection « Quadrige-Essais Débats » (2004)
 
Que dit le Coran de l'homosexualité ? par Claude Courouve
Homosexualité et Islam, Bab Al Hourria : site des gays arabes

Sam 10 jui 2010 Aucun commentaire