LES TOILES ROSES



(5.03)


(c) D. R.


Le titre est trompeur : je ne vais pas parler d’éjaculation. Dans ma profession (c’est-à-dire, nonce apostolique du chanoine honoraire de Saint-Jean de Latran) il est d’usage, dès la deuxième année de la mission à la nonciature, de songer au lieu qui nous accueillera au terme de la troisième. C’est ainsi que, sous ma robe de bure, je suis d’ores et déjà amené à me projeter dans un avenir encore lointain et pour le moins incertain.

Récemment, j’ai dressé la liste des nonces qui sont susceptibles de changer de paroisse en 2010, et parmi ceux-ci, j’ai noté les diocèses les plus intéressants… financièrement. Eh oui, confiteor deo omnipotenti, j’en suis venu à considérer que si ma profession m’impose le vœu de célibat, en revanche je ne suis pas soumis à celui de pauvreté, au contraire ! En conclusion, pour avoir fait (plus ou moins) le deuil d’une vie privée riche d’amour et épanouissante, suis-je tenté de céder à l’appel du lucre.

À cet égard, être nonce en terre d’islam est particulièrement juteux. L’obligation de cacher soigneusement mon goupillon ne va pas sans certaines compensations. J’envisage donc de demander la nonciature dans plusieurs pays où le croissant n’est pas synonyme de petit déjeuner français. Entre autre, le Sultanat d’Oman, pays natal de mon cher Kamil. Hélas ! je viens de découvrir que les livres et « cassettes vidéo » (sic ! ils ne connaissent pas encore le dvd ?) sont soumis à la censure. Dans ce cas de figure, ce qui m’inquiète n’est pas tant l’approvisionnement sur place en nourritures spirituelles, que la perspective affreuse que ma bibliothèque et ma dévédéthèque soient scrutées à la loupe par les douaniers censeurs en dépit de l’immunité de mes biens.

D’autre part, je viens d’apprendre que le nonce à Montréal, qui aurait dû rentrer à la Basilique-mère cette année, a obtenu une prolongation d’un an. S’ouvre donc une nouvelle fenêtre d’opportunité à laquelle je ne m’attendais pas. Certes, à Montréal, j’aurais plus de chapelles à visiter et de fonts baptismaux à inspecter, ainsi qu’un nombre élevé de pécheresses à absoudre avec miséricorde. Mais je crains aussi d’être trop absorbé par les tâches purement administratives pour me délecter de la joie de rassembler sous mon aile les brebis égarées.

Nouveau choix, nouveau dilemme. J’ai beau me projeter, je ne vois pas où j’atterris. L’Afrique et le Moyen-Orient sont tentants. Le produit de la dîme y est plus rentable, mais si cela équivaut à sacrifier ma quête du graal, cela en vaut-il réellement la peine ?

Je n’ai plus qu’à me laisser porter par le courant, au fil de l’eau. À Terre-Neuve, j’ai découvert une côte sauvage et majestueuse. La nature, dans sa splendeur immaculée sous le manteau de l’hiver, m’a procuré les bienfaits d’un matin calme. Je me suis promené sous la tempête de neige et me suis surpris à aimer cela. Et si je touchais au port quelque part entre l’Est et l’Ouest ? A mari usque ad mare.

 

Zanzi, le 6 février 2009.



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Lun 9 fév 2009 2 commentaires
Je n'ai pas tout compris Zanzi mais en clair c'est l'argent ou la quête du graal. Faut en parler à Arthur !

T'as essayé les listes, pour et contre. Alice et Tasha viennent de faire ça dans "The L-Word" et finalement alors que les contre gagnaient elles ont volontairement renversé la situation en faisant un classement par point...
Isabelle B. Price - le 09/02/2009 à 20h47
Je suis incapable de faire une liste de pour et de contre. Mon cerveau n'a pas été programmé pour cela.

Je vais donc laisser les lesbiennes la faire à ma place.

Isabelle et BBJane, à vous de jouer !
Zanzi - le 09/02/2009 à 20h59