(c) D. R.
Le titre est trompeur : je ne vais pas parler d’éjaculation. Dans ma profession (c’est-à-dire,
nonce apostolique du chanoine honoraire de Saint-Jean de Latran) il est d’usage, dès la deuxième année de la mission à la nonciature, de songer au lieu qui nous accueillera au terme de la
troisième. C’est ainsi que, sous ma robe de bure, je suis d’ores et déjà amené à me projeter dans un avenir encore lointain et pour le moins incertain.
Récemment, j’ai dressé la liste des nonces qui sont susceptibles de changer de paroisse en 2010, et
parmi ceux-ci, j’ai noté les diocèses les plus intéressants… financièrement. Eh oui, confiteor deo omnipotenti, j’en suis venu à considérer que si ma profession m’impose le vœu de
célibat, en revanche je ne suis pas soumis à celui de pauvreté, au contraire ! En conclusion, pour avoir fait (plus ou moins) le deuil d’une vie privée riche d’amour et épanouissante,
suis-je tenté de céder à l’appel du lucre.
À cet égard, être nonce en terre d’islam est particulièrement juteux. L’obligation de cacher
soigneusement mon goupillon ne va pas sans certaines compensations. J’envisage donc de demander la nonciature dans plusieurs pays où le croissant n’est pas synonyme de petit déjeuner français.
Entre autre, le Sultanat d’Oman, pays natal de mon cher Kamil. Hélas ! je viens de découvrir que les livres et « cassettes vidéo » (sic ! ils ne connaissent pas encore le
dvd ?) sont soumis à la censure. Dans ce cas de figure, ce qui m’inquiète n’est pas tant l’approvisionnement sur place en nourritures spirituelles, que la perspective affreuse que ma
bibliothèque et ma dévédéthèque soient scrutées à la loupe par les douaniers censeurs en dépit de l’immunité de mes biens.
D’autre part, je viens d’apprendre que le nonce à Montréal, qui aurait dû rentrer à la Basilique-mère
cette année, a obtenu une prolongation d’un an. S’ouvre donc une nouvelle fenêtre d’opportunité à laquelle je ne m’attendais pas. Certes, à Montréal, j’aurais plus de chapelles à visiter et de
fonts baptismaux à inspecter, ainsi qu’un nombre élevé de pécheresses à absoudre avec miséricorde. Mais je crains aussi d’être trop absorbé par les tâches purement administratives pour me
délecter de la joie de rassembler sous mon aile les brebis égarées.
Nouveau choix, nouveau dilemme. J’ai beau me projeter, je ne vois pas où j’atterris. L’Afrique et le
Moyen-Orient sont tentants. Le produit de la dîme y est plus rentable, mais si cela équivaut à sacrifier ma quête du graal, cela en vaut-il réellement la peine ?
Je n’ai plus qu’à me laisser porter par le courant, au fil de l’eau. À Terre-Neuve, j’ai découvert une
côte sauvage et majestueuse. La nature, dans sa splendeur immaculée sous le manteau de l’hiver, m’a procuré les bienfaits d’un matin calme. Je me suis promené sous la tempête de neige et me suis
surpris à aimer cela. Et si je touchais au port quelque part entre l’Est et l’Ouest ? A mari usque ad mare.
Zanzi, le 6 février 2009.
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