LES TOILES ROSES


L’auteur :
Bruce Benderson est né à New York. Il a notamment publié chez Rivages Toxico et New York Rage.
L'avis de Matoo :
J’avais lu et aimé Toxico et New York Rage de Bruce Benderson, et comme son dernier opus venait de recevoir le Prix de Flore, j’ai voulu le découvrir à son tour. Il s’agit résolument d’un auteur gay, et parfois trash, queer et décapant, mais ce qui me plait surtout dans ses bouquins, c’est son écriture. Son côté provocant et cru est toujours contrebalancé par un sens du mot et un style qui m’ont toujours fasciné, un peu comme chez Dustan d’ailleurs. Et en effet, je trouve une certaine résonance entre Nicolas Pages et ce roman de Benderson.
Ce livre a d’autobiographique le fait que l’écrivain se mette en scène dans une aventure amoureuse avec un prostitué roumain rencontré à Budapest. Donc « érotique » peut être pris dans un sens très étymologique puisqu’il s’agit d’un épisode amoureux, voire passionnel. Mais cette liaison tumultueuse est aussi l’occasion d’évoquer d’autres éléments très personnels de la vie de l’auteur, tels que sa relation avec sa mère, son travail et plus largement son existence.
J’ai eu très très peur en commençant à lire cet ouvrage, surtout par rapport à l’intrigue centrale du roman. En effet, le début a beaucoup trop, pour moi, de relents de vieux bouquins d’écrivains pédés qui racontent leurs frasques. Le genre de roman que j’aimais bien lire chez Balland il y a quelques années, mais que je trouve franchement moisis aujourd’hui. Parce que l’on voit l’auteur qui rencontre un prostitué et qu’il narre leurs ébats, leur relation viciée par l’argent. Et puis il y a cette amorce de rapport « amoureux » entre un occidental âgé et bedonnant et une petite frappe hétérote de Budapest qui se prostitue pour quelques dollars. Du coup, la relation amoureuse parait tout de suite vouée à sa perte, et l’auteur passe vraiment soit pour un vicelard de base, soit pour une pauvresse finie.
Mais le livre décolle car, encore une fois, je trouve que Bruce Benderson écrit terriblement bien. Il réussit donc à captiver l’attention dans tout ce qu’il raconte autour de cette histoire, et j’ai finalement bien accroché grâce à la manière dont il transcende cette simple escapade inconsidérée. Les évocations de sa mère notamment sont vraiment frappantes de beauté et d’amour. Le pauvre va très loin pour avoir de l’argent et entretenir son micheton, ou payer ses voyages, car il accepte même une traduction d’une biographie de Céline Dion. Et à 10 heures de boulot par jour, on peut comprendre la gravité de ce supplice de Tantale.
L’auteur tente par tous les moyens de se rapprocher de son amant et de sa culture. Le livre se dédouble ainsi au fur et à mesure, entre sa propre intrigue, et une histoire de la Roumanie. Benderson s’identifie à certains personnages historiques du pays et se prend de passion pour la fin de la monarchie roumaine du siècle dernier qu’il raconte avec beaucoup d’émotions.
Ce n’est pas un bouquin sensationnel, mais il a une véritable qualité d’écriture, et j’ai vraiment été sensible à certains émois existentiels de l’auteur, à ses crises, ses doutes, ses regrets, à la manière dont il véhicule ses émotions et surtout dont il les analyse. Oui, il y a finalement vraiment quelque chose à en retirer pour soi.
Pour plus d'informations :
Publié chez Rivages, « Roman étranger » (2004)
Tout sur Bruce Benderson (+ interviews)
Mar 13 sep 2005 Aucun commentaire