Fiche technique :
Avec Hilary Swanck, Chloé Sevigny, Alison Folland, Alicia Goranson, Brendan Sexton III et Peter Sargaard. Réalisé par Kimberly Peirce. Scénario : Kimberly Peirce.
Durée : 114 mn. Disponible en VO, VOST et VF.
Résumé :
Teena Brandon, une jeune adolescente du Nebraska, assume mal sa condition de fille. Elle déménage à Falls City et devient Brandon, un garçon aux cheveux courts, très vite adopté par une bande de désoeuvrés. Teena-Brandon s'intègre au groupe mais reste toujours prisonnière de cette crise d'identité sexuelle qui l'a hantée sa vie entière. Elle tombe amoureuse de Lana, la petite amie de John. En découvrant la vérité sur Teena, ce dernier entre dans une rage meurtrière. D'après un fait divers authentique.
L'avis de Ron Small :
L'histoire de Teena Brandon, c'est plus que la sienne, c'est l'histoire de Mathew Shepard, peut-être aussi l'histoire d'Howard Beach. Shepard a été tué parce qu'il était gay et Beach a été tuée parce qu'elle était black. Les deux ont été tués par intolérance, et aussi bien par peur. Teena a été tuée parce qu'elle était une fille qui voulait être un garçon. Elle a changé son apparence (bandé ses seins, coupé ses cheveux, trouvé une démarche), et son nom (mis Brandon devant Teena), tout ça pour devenir mâle. Choquant ? Pas vraiment. Quand vous avez jeté dehors toute la propagande religieuse et la moralisation dont on vous a bourré le crâne depuis tout petit, vous trouvez que cette histoire est en réalité un conte de fées moderne. Comme le mendiant qui voulait être prince, c'est la fille qui voulait être garçon. Mais contrairement aux contes de fées reconditionnés dont on nous gave, celui-là ne finit pas bien.
Je me rappelle la première fois que j'ai entendu parler de l'histoire de Brandon. C'était le soir avant les examens de fin d'année, une soirée noyée dans la pire angoisse d'avant le spectacle (enfin, presque la pire), mais j'étais à l'abri. J'avais étudié avec un tel acharnement que ma tête était pleine de trucs inutiles que j'aurais oubliés dans une semaine. Avant d'aller au lit, j'ai allumé Cinemax en espérant qu'ils passaient un film cochon quelconque, comme ils en mettent à 2 heures du matin. À la place, j'ai trouvé The Brandon Teena Story, un documentaire mal fichu, et pourtant poignant, sur la courte vie et l'horrible mort de Teena Brandon. C'était à rendre fou; voir ça, c'était comme être le témoin impuissant d'une injustice qu'on aurait pu empêcher facilement. À cause de la stupidité et de l'ignorance d'à peu près tous ceux qui y ont pris part. Et parce qu'une innocente a été sauvagement battue, violée et tuée seulement pour son désir d'être ce qu'elle n'était pas. Et qui parmi nous n'a pas eu ce désir, au moins un instant ? Est-ce que son souhait d'être un homme est trop dur à tenir à notre époque éclairée (« éclairé » signifie aujourd’hui qu'on garde les mêmes vieux préjugés, seulement ils sont gardés soigneusement enfouis sous la couverture, prêts à refaire surface dans la chaleur de l'évènement, comme Do The Right Thing de Spike Lee nous a montré). Après tout, nous ne jugeons pas mal ceux qui ont eu le nez retaillé, une liposuccion, des implants mammaires, toute la chirurgie pour vous faire devenir quelqu'un d'autre; le quelqu'un que vous voulez être. Quand Brandon est confrontée à son échange de réalité (pendant l'enquête sur le viol, rien de moins), elle est pratiquement forcée à dire « j'ai un problème d'identité sexuelle », alors que ce n'est pas vrai, elle se sent simplement mieux en homme.
Ce fichu documentaire m'a tenu réveillé jusqu'à 4 heures, mais ça valait la peine. L'histoire de Teena Brandon a bien plus de signification que tout ce que j'avais ramassé dans le gigantesque manuel de Psychologie que j'avais englouti ce même soir.
Dans Boys Don't Cry, Hilary Swank jouant Brandon va bien au delà de la simple pose macho. Avec ses cheveux courts, sa carcasse frêle, son grand sourire, Swank ressemble à un Matt Damon extrêmement gauche. Mais regardez de plus près son sourire, comment elle se moque sincèrement d'elle-même, sa galanterie naturelle, et vous pouvez l'aimer en homme. C'est facile de comprendre pourquoi la pauvre fille des petites villes tombe amoureuse d'elle. Elle a quelque chose qui manque aux autres mâles, un rien de gentillesse. Elle arrive avec des fleurs alors que les autres amènent des bières et des capotes.
Quand le film commence, Teena quitte sa ville natale de Lincoln pour Falls City, une agglomération de mobile homes. Grâce à une bagarre de bistrot, elle fait la connaissance de deux loulous (tous deux extrêmement bien joués par Peter Sarsgaard et Brendan Sexton) et de leurs nanas. Une d'elles retient l'œil de Teena. C'est Lana, la fille de petite ville, qui comme toutes les filles de petite ville rêve de s'échapper des limites de son patelin. Brandon est dans la même situation, elle rêve d'échapper aux limites de sa féminité. Teena la séduit par la douceur, quelque chose que les hommes du coin ne connaissent pas (certes une généralisation, mais étonnamment appropriée à en juger par le documentaire). Leur relation est au cœur du film, et réussit certainement à équilibrer le style presque médical de la conclusion, brutale et sans frémissement. Ce qui rend la violence bien plus difficile à supporter; on nous apprend à veiller sur le personnage et la cruauté envers elle fait mal, comme elle doit.
Kimberly Peirce (coscénariste et réalisateur ; sûrement un talent à surveiller) renforce la nuance lyrique avec des séquences de paysage de la grande plaine américaine, accélérées jusqu'au point où ce qui bouge n'est plus que des traits de lumière qui se hâtent en clignotant.
Graduellement le film devient moins hâtif, et un peu plus difficile à regarder. Peirce ne nous cache presque rien. Nous voyons les meurtres, les coups, le viol, mais ici ils servent un but, alors que dans une production hollywoodienne comme dans Le déshonneur d’Elisabeth Campbell, ça ne sert à rien. Dans ce dernier film le viol est tourné par Simon West, cinéaste commercial, comme un fantasme de « gang bang » masochiste. West emploie des mouvements de caméra voyants, un style glacé, pour faire ce qui finit par ressembler à une spot de pub bien lisse sur le viol. Peirce bouge à peine la caméra; elle nous montre simplement les faits. Boys Don't Cry ne prêche pas, ne donne pas d'explication morale des personnages, il fait la chronique d'évènements qui ont eu lieu. Et il leur donne de la vie et du sens en nous emmenant dans un roman d'amour étrangement touchant qui a l'air simple en surface. C'est simple comme le romantisme tragique de Roméo et Juliette, mais complexe à cause d'un grand plus.
Le film de Peirce est sans compromis sur le fond. J'imagine à peine comment on aurait pu en faire un film grand public (il y a eu un projet). Ce film offre l'intensité crue, l'exploration des tabous, et la vérité de l'émotion qui étaient (avant Tarantino) la marque de fabrique du film indépendant. Maintenant, au milieu des cadavres puants des machins sarcastiques et tendance, Boys Don't Cry est à une autre hauteur, et on en sort plus réfléchi.
Pour plus d’informations :
Et puis c'est connu, tous les journaux en parlent : les gays sont riches, friqués, sans enfant et seul ! Alors pour compenser, ils claquent, jettent l'argent par les fenêtres, achètent des toilettes en or massif et autres porte-PQ en diamants. C'est bien connu !
Daniel, bien sournois, lui.