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LE CHAUDRON ROSE

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21.

MES ÉPHÉMÉRIDES DE JUILLET

Papy Potter


Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.

 

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Bonjour à toutes et à tous,

Voici venu le beau mois de juillet et les éphémérides de votre Papy Potter préféré.

 

1er juillet : Athéna, Aphrodite et Artémis sont les trois déesses auxquelles les lesbiennes s’identifient le plus.

2 juillet : Catalina de Erauso naquit en 1592 et mourut en 1650. On la connaît sous le nom de « nonne soldat ». En effet, après avoir quitté le couvent, c’est sous des vêtements d’homme qu’elle devient une véritable guerrière. Elle prit de nombreuses identités masculines différentes. Elle repoussa de nombreuses demandes en mariage avec des femmes mais semble avoir présenté une vraie attirance pour elles. Condamnée à mort pour ses multiples duels, elle vécut dans de nombreux pays, exerça divers métiers et retourna même au couvent où elle fut autorisée à porter des vêtements masculins. Sa vie d’errance se termina en Nouvelle Espagne. Pourquoi l’exil, toujours, pour ces gens ?

3 juillet : Tezcalipoca est un dieu aztèque, muni d’une obsidienne dans laquelle il peut voir l’avenir. Il est invoqué pour guérir les maladies mortelles et est lui-même un voyageur de l’ombre, une divinité des carrefours. En tant que tel, il lui arrive de porter des vêtements de femme et d’avoir des rapports avec des hommes. Ses prêtres laissaient pousser leurs cheveux qu’ils peignaient de sang. Ils couvraient leur corps de substances psychédéliques, comme le tabac ou des champignons hallucinogènes, se teintaient de noir de la tête aux pieds et se perçaient la peau en divers endroits.

4 juillet : Kauxuma Nupika est une guerrière chamane du XIXème siècle, connue pour ses faits de guerre et ses actes de guérisseuse. Elle épousa un homme qui la répudia après un an. Elle revint dans sa tribu et annonça qu’elle avait été transformée en homme et était devenue « deux esprits ». C’est là qu’elle commença sa vie chamanique. Elle eut plusieurs amantes et épousa une d’elles. Elle fut assassinée et on raconte que ses pouvoirs de guérison étaient tels que ses blessures se cicatrisaient toutes seules. De sorte qu’il fallut lui arracher le cœur pour la tuer.

5 juillet : Naissance de Jean Cocteau en 1889.

6 juillet : Alexandrie fut fondée par Alexandre le Grand qui fut un homosexuel notoire. Elle est liée à l’homo-sensualité dans l’imagerie populaire d’alors. La prostitution masculine y était très pratiquée.

7 juillet : L’antique divinité égyptienne Amon est considérée comme hermaphrodite par nature, vu qu’il est dit de lui : « Je rencontrai ma main et versai ma semence dans ma bouche pour donner naissance à Shu et Tefnut », ce qui est clairement une référence à la masturbation et au sexe oral.

8 juillet : La couleur verte est fréquemment associée à l’homosexualité. C’est la couleur des « mignons », des « galbinati » ou homosexuels efféminés romains. Cette couleur fut reprise par Oscar Wilde comme symbole de l’homo-érotisme et par des groupements homosexuels français du XIXème siècle.

9 juillet : Dans certaines régions de Chine, le crapaud était lié à l’homosexualité. On raconte ainsi l’histoire d’un homme qui, après avoir eu des rapports avec un autre homme, tomba enceint et accoucha d’un crapaud.

10 juillet : Naissance de Marcel Proust en 1861. Bien sûr, le thème de l’homosexualité est plutôt crypté dans la Recherche du temps perdu. Elle est plus présente cependant dans le tome 4 : Sodome et Gommorhe. Peut-être faudrait-il que je le lise, celui-là ?

11 juillet : Le lotus est synonyme de sensualité et de spiritualité, de naissance et d’immortalité. Sa partie féminine est la fleur, on voit sa tige comme la partie masculine, ce qui en fait un symbole androgyne.

12 juillet : Le griffon est un lion ailé, symbole de griffondor, la célèbre maison scolaire de Poudlard (Harry Potter). Comme beaucoup d’animaux hybrides, le griffon est symbole d’homosexualité en ce sens où il incarne la fougue du lion et aussi son indépendance.

13 juillet : Wakdjunkaga est un personnage de la mythologie nord-américaine Winnebago. Créature farceuse, il change fréquemment de sexe. C’est déguisé en femme qu’il épousa un fils de chef à qui il donna trois enfants. On dit qu’il lui arrive de perdre sa vulve de la même manière qu’il porte son pénis dans une boîte. Il est associé à la chasse, la pêche et l’agriculture.

14 juillet : Les Xian (ou Hsien) sont des créatures féériques masculines chinoises qui séduisent parfois des jeunes hommes avec lesquels il leur arrive de rester de nombreuses années avant que le seigneur de féérie ne le découvre et ne les rappelle. À quoi ressemblent-ils ?

15 juillet : Il est souvent fait référence à Castor et Pollux quand on parle d’homosexualité. En réalité, ils sont frères. Quand Castor meurt dans un combat, Pollux décide de partager son immortalité avec lui. Ils passent donc six mois par an dans l’Olympe et six mois dans les enfers. Ils illustrent donc davantage le lien éternel entre frères jumeaux, qui n’est pas sans rappeler celui d’un amour homosexuel en effet.

16 juillet : Les shi niang sont des chamans chinois mêlant féminité et masculinité dans leur habillement. On dit d’eux qu’ils sont à la fois éveillés et endormis, c’est-à-dire entre deux mondes. Ils sont impliqués dans les célébrations du dieu canin Pan Hu et du dieu serpent Ta Wang Shen.

17 juillet : C’est en fait le 18 juillet 1300 que Gherardo Segarelli fut brûlé pour hérésie. Ce moine vivant dans la pauvreté et l’austérité fut accusé pour ses mœurs sexuelles. Ainsi est-il dit dans son procès verbal : « Demander si un homme peut toucher une femme qui ne soit pas son épouse et une femme puisse toucher un homme qui ne soit pas son mari et se palper mutuellement sur les zones impudiques en s'étendant nu et que cela puisse être fait sans l'ombre du péché… répondit que oui, un homme et une femme même n'étant pas unis par le mariage, et un homme avec un homme et une femme avec une femme peuvent se palper et se toucher mutuellement sur les zones impudiques. Il dit que cela peut advenir sans l'ombre d'un péché à condition qu'il y ait intention de parvenir à la perfection… Il ne pensait pas que de tels « tâtements » impudiques et charnels fussent coupables, au contraire ils pouvaient être faits sans péché chez un homme parfait. »

18 juillet : C’est aussi le 18 juillet, en 1610 cette fois, que meurt le Caravage. L’homo-érotisme de son œuvre n’a cessé d’être discuté. Son homosexualité fait encore l’objet aujourd’hui de controverses. Il semble néanmoins qu’il fut, à l’époque, impliqué dans diverses affaires de mœurs. Auxquelles un tempérament bagarreur n’est vraisemblablement pas étranger. Quel tableau de lui vous interpelle-t-il ?

19 juillet : Sainte Wilgefortis est fêtée le 20 juillet. Elle vécut au Moyen Age. Fille du roi du Portugal, elle ne désirait pas se marier mais au contraire entrer au couvent. Son père, souhaitant la marier au roi de Sicile, refusa. Elle pria alors pour être secourue. Le Christ l’aida en l’affublant de la barbe d’un vieil homme. Furieux, son père la força à aller à l’autel malgré tout. Quand le futur mari découvrit sa femme, il poussa un cri d’effroi et s’enfuit. La jeune femme fut alors crucifiée sur ordre de son propre père. Pourquoi le travestissement dérange-t-il tant ?

20 juillet : Mort de Sergueï Pardjanov en 1993. Ce cinéaste, d’origine arménienne, fut emprisonné sous le régime soviétique dans les années 70 pour cinq années de travaux forcés pour homosexualité et commerce d’art illicite.

21 juillet : Naissance en – 356 avant JC d’Alexandre le Grand. Il a été fait grand étalage de l’homosexualité de ce grand conquérant. Comme les mœurs étaient assez libres à l’époque, on peut raisonnablement penser qu’il était aussi bisexuel que n’importe lequel de ses compatriotes…

22 juillet : Xochipili est une divinité aztèque, nommé « le prince des fleurs ». Il est le patron des homosexuels et des transgenres. Il était célébré pendant des fêtes particulièrement fleuries. S’il n’était pas honoré correctement, il pouvait se venger en infligeant aux fidèles maladies vénériennes et hémorroïdes (nommés fleurs d’anus)

23 juillet : Prakriti purusha est le terme générique utilisé par les indous pour désigner les personnes bisexuelles ou attirées par des individus de leur sexe.

24 juillet : Saint Boris a vécu au Xème siècle de notre ère. Il fut assassiné avec son frère Gleb par leur autre frère Svyatopolk. Tous trois étaient fils du tsar Vladimir de Kiev. La raison de cet assassinat est que ce frère désirait posséder l’héritage à lui seul et les méprisait pour s’être convertis au Christianisme. Quoiqu’il en soit, Boris était amoureux de Georges le hongrois à qui il avait offert un collier en or parce qu’il l’aimait au-delà de toute raison. À la mort de Boris, Georges se serait précipité sur lui, souhaitant mourir plutôt que d’avoir à vivre sans lui. Boris est le saint patron de la ville de Moscou.

25 juillet : Osiris était invoqué dans des charmes amoureux lesbiens.

26 juillet : Le hula est une danse traditionnelle hawaïenne jouée par les femmes et les homosexuels que les gens de l’île appellent Mahu. Mais qu’ai-je fait de mon hula hoop ?

27 juillet : Dans la Rome antique, le corbeau désignait les homosexuels actifs. À la fin du XXème siècle, il symbolisait par contre les lesbiennes parce que les corbeaux vivent en couple (sic). Chez certaines tribus amérindiennes, le corbeau a le pouvoir de devenir femme. Il transforme alors ses testicules en cloche et son pénis en étui à aiguilles utilisées pour la conception de vêtements.

28 juillet : Kadesh Barnea est un ancien lieu biblique que certains chercheurs considèrent comme très riche en significations homo-érotico-spirituelles cryptées.

29 juillet : Le rhinocéros lavande était un symbole de la gay pride sur la cote est des USA lors des années 70. On pense qu’il allie féminité et masculinité, la couleur lavande étant sensée le lier aux gays.

30 juillet : Iitjjuaq (gros anus) est sans doute le premier chaman inuit. On lui doit, selon la légende, la découverte de la première amulette, une coquille d’oursin, qu’il employait pour gagner les pires maladies mortelles.

31 juillet : Chariton et Melanippus sont des compagnons légendaires (ou réels ?) impliqués dans une guerre contre le tyran Phalaris. Celui-ci, épaté par leur amour, les aurait relâchés. Apollon aurait dit : « Heureux furent Chariton et Melanippus, qui guident les mortels vers l’amour divin. »


Plongez dans les précédents « Chaudrons roses »

 

TO BE CONTINUED...

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20.

LA "BELGIAN LESBIAN AND GAY PRIDE"

EST MORTE !

Papy Potter


Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.

 

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Je ne l’avais découvert que le matin du samedi alors que je surfais sur Internet en baillant. Le journal télévisé me confirma toutefois la nouvelle. La « belgian lesbian and gay pride » est morte. À présent, on parle de « belgian pride ». Apparemment pas de gay, de lesbian, de bisexual et encore moins de transgender dans son nom. « Le défilé accueille tout le monde », ont précisé les organisateurs. Finies les gay prides de papa où les hétéros mataient du trottoir sans oser se mêler au cortège. Maintenant, la foule est totalement mélangée : gays, lesbiennes, bisexuels, transgenres et hétéros font la fête ensemble dans le meilleur des mondes.

La fête, dites-vous ? Il n’y a donc plus rien à revendiquer en Belgique pour les LGBT ? Bien sûr que si, je vous rassure. Notamment plus de facilités quand il s’agit d’adopter, ou une meilleure acceptation des personnes au genre moins marqué que les autres… Depuis quelques années, la gay pride belge s’est davantage ouverte aussi sur l’extérieur. Quand on a moins de revendications à formuler pour soi-même, on le fait pour les autres. Ainsi, la pride dénonce-t-elle notamment la situation souvent désastreuse des gays et des lesbiennes dans les autres pays du monde, en Afrique par exemple.

Il n’empêche. La disparition des mots « gays » et « lesbian » du nom de la pride belge m’interpelle. « Belgian pride » donc. La première idée qui me vient est que cela exprime davantage la fierté d’être belge dans un pays où les problèmes communautaires ont réussi à faire chuter le gouvernement. Bien, pourquoi pas ? La seconde idée est qu’à présent que les LGBT ont conquis des droits essentiels, ils sont des citoyens à part entière et non des citoyens de seconde zone. Donc « belgian », oui.

OK !

Toutefois, cela n’exprimerait-il pas aussi que « maintenant que les gays et les lesbiennes n’ont plus rien à demander, ou si peu, au moins, on ne les entendra plus ? » Ou, pire, que « finalement les gays en tant que groupe ne sont que politiquement définis. Maintenant que tous les droits sont conquis, pourquoi encore parler de mouvement LGBT en Belgique ? »

Désolé, si je comprends la volonté des organisateurs, une part de moi déplore la disparition des mots «gay », « lesbian », « bisexual » et « transgender » de l’appellation de la « pride». À trop vouloir se fondre dans la masse, ne tue-t-on pas aussi certaines spécificités ?

Ce qui m’amène à la sempiternelle question : « Au-delà des revendications en termes de droits et de lutte contre la discrimination, existe-t-il une identité « gaye » ? lesbienne ? » Et si oui, quelle est-elle ? Cela veut dire quoi, être gay ? Est-ce seulement être un homme qui vit des relations affectives, amoureuses, sexuelles avec un ou plusieurs hommes ? Ou est-ce aussi autre chose ? On peut, pour répondre à cette question, formuler la question autrement : « Les gays ont-ils, comme la plupart des autres groupes identitaires, une culture et/ou une philosophie et/ou une histoire ? » Je pense, pour ma part que oui. Les gays ont une culture qui leur est propre, ce qui ne signifie pas que leur culture en tant qu’être humain se limite à cette culture « gaye ». Je veux simplement dire qu’il existe un cinéma gay, une littérature « gaye », sans doute même une peinture et une musique. Sinon d’ailleurs, pourquoi ce blog existerait-il ? De même, les gays ont une histoire, même si le mot lui-même est assez récent. Les homos existent depuis toujours et ont traversé diverses périodes, tour à tour méprisés et respectés, voire honorés. Certaines sociétés leur confiant même des fonctions sociales et religieuses précises.

Une « belgian » pride qui efface les mots « gays » et « lesbiennes » ne commence-t-elle pas à les replonger de manière insidieuse dans le silence dont ils ont eu tant de mal à sortir ? Comme si, en dehors de leurs revendications politiques ils n’existaient tout simplement pas ? D’accord, tout le monde a vu que cette pride était somme toute très « gaye » et très lesbienne. Mais tout de même…

À trop vouloir se fondre dans la masse, on finit par disparaître soi-même.


Plongez dans les précédents « Chaudrons roses »

 

TO BE CONTINUED...

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19.

MES ÉPHÉMÉRIDES DE JUIN

Papy Potter


Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.

 

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Bonjour à toutes et à tous,

Voici venu le beau mois de juin et les éphémérides de votre Papy Potter préféré.

 

1er juin : L’aigle est associé à Zeus, amant de Ganymède. Mais il est également lié à Jean, le disciple préféré de Jésus. De sorte que, contre toute attente, c’est un animal totem gay. Et votre oiseau-totem, quel est-il ?

2 juin : Elsa Gidlow est née en 1898 et vécut jusqu’en 1986. Sa recherche spirituelle la conduisit à travers la théosophie, le taoïsme, le bouddhisme, le druidisme et finalement la célébration de la déesse. Selon elle, la lesbienne est vierge par nature car indépendante des hommes. Ses désirs et ses besoins existent avant la naissance. Elle naît comme telle et ne le devient pas. Et moi, quelle est ma position actuelle sur le sujet ? Suis-je né gay ou le suis devenu ? Ai-je choisir de l’être avant ma naissance ou est-ce une prédestination indépendante de moi ?

3 juin : Le paon est la monture de la divinité indoue Kartikkeyeh, associée à l’homo-érotisme. Il représente la capacité à transformer la laideur en beauté et la mort en immortalité. Les alchimistes l’associent à l’androgynie et au transgendérisme. Il est également l’attribut du dieu bleu de la Feri tradition.

4 juin : Les Al jink sont des hommes d’ascendance turque, juive, grecque et arménienne, probablement d’origine égyptienne. Ils se maquillent, se parfument, « s’empommadent » les cheveux, portent des vêtements féminins et se livrent à des relations homosexuelles. Ils passent pour entretenir des rapports privilégiés avec les djinns. Et vous, quels êtres féériques sont en relation avec vous ?

5 juin : Saint Boniface est un religieux assassiné le 5 juin 754, qui fonda de nombreux couvents et églises. Au XVIIème siècle, et jusqu’au XIXème, les mexicains s’adressaient à ce saint pour guérir les sodomites. Ironiquement, il devint un saint patron des gays eux-mêmes alors qu’il s’était attaqué farouchement à l’homosexualité. Pourquoi les saints deviennent-ils les patrons de ce(ceux) qu’ils ont combattu ?

6 juin : La papaye est, au Chili, un symbole de l’homosexualité. Dégustons.

7 juin : Le FHAR, ou Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, est un groupe dissident né en 1971 dans le sillage de mai 1968 et dénonçant une société machiste, hétérocentriste et homophobe. Le manifeste des 343 salopes est sans doute ce que l’histoire a le plus retenu d’eux, avec leur intervention dans une émission de Ménie Grégoire : « Nous sommes plus de 343 salopes. Nous nous sommes fait enculer par des Arabes. Nous en sommes fiers et nous recommencerons ». Un autre slogan célèbre est sans doute le savoureux : « Prolétaires de tous les pays, caressez-vous ! ». Si j’avais été adulte dans les années 70, quelle place aurais-je adopté dans cette société ? La même qu’aujourd’hui ?

8 juin : Naissance de l’écrivain belge Marguerite Yourcenar en 1903. Les Mémoires d’Hadrien explorent la relation entre le spirituel et l’homo-érotisme en parlant des amours d’Antinous et de l’empereur Hadrien. Oserai-je un jour commencer enfin à lire L’Œuvre au noir ?

9 juin : Si la couleur rose est souvent associée aux homosexuels, la fleur est elle, celle de l’amour inconditionnel pour ne pas dire cosmique. Un amour inconditionnel, par définition, est sans condition, et ne se limite donc pas à l’hétérosexualité. Allez, hop, un bouquet de roses dans la maison.

10 juin : Le lapin est l’animal dont le lien avec l’homosexualité est le plus répandu et le plus universel sur le plan culturel. Ainsi, les kabbalistes au XVIème siècle prétendaient que les homos se réincarnent en lapins. De même, il est dit que le lapin de l’Arche de Noé perdit sa femelle et dut, du même coup, incarner aussi la féminité de son espèce. Moïse condamnait également le fait de manger du lapin car cela rendait les gens homosexuels. Un conte du Moyen Âge prétend aussi qu’un moine, ayant eu des rapports sodomites, tomba enceint et accoucha d’un lapin qui resta à ses côtés. En Chine également, le lapin était associé à l’homosexualité.

11 juin : Harihara est une divinité indoue née de l’union de Siva et de Vishnou. Il n’est donc pas androgyne mais composé de deux moitiés masculines. Sa moitié gauche (normalement féminine) est occupée par Vishnou et porte une fleur de lotus. Elle est de couleur indigo. La moitié droite (normalement masculine) est occupée par Siva, est plus pâle, et porte un trident. Il voyage à dos de cheval et protège de la famine et de la lèpre. Il unit donc en lui deux principes masculins dont il symbolise l’union.

12 juin : Culiacan est une ancienne cité de la côte ouest du Mexique. Au XVIème siècle, on y recensait des prêtres intersexués, comme le signale notamment Pedro de Castaneda. Et si on mangeait mexicain ce soir ?

13 juin : Au XIIIème siècle, les jeunes Frédéric Ier de Bade et Conradin de Hohenstaufin, connu sous le nom de Conrad III (roi d’Italie et de Jérusalem), sont parfois considérés comme ayant été amants. Ils furent en tout cas élevés ensemble et participèrent à la campagne d’Italie où ils furent emprisonnés. Tous deux furent décapités à Naples en 1268.

14 juin : Tsil tsa hassun, chez les Navajos, est décrit comme l’être des montagnes, un esprit qui ressemble à une femme mais qui, en réalité, serait un homme. Existe-t-il quelque part dans les environs un lieu semblable dont le génie protecteur serait aussi un être androgyne ?

15 juin : Les jeunes femmes de pierre sont des chinoises à l’apparence masculine, dont on disait qu’elles devenaient souvent des chamanes et avaient été créées par les dieux ou par Bouddha, selon les traditions. La plus connue d’entre elles un personnage théâtral : « sœur de pierre du couvent de la lumière pourpre ». Bienvenue à la couleur pourpre.

16 juin : Shinu No Hafuri avait un amant : Ama No Hafuri. Les shintoïstes croient que ce sont eux qui ont amené l’homosexualité au Japon. Ils servaient tous deux une déesse ancestrale. Quand Shinu tomba malade et mourut, Ama ne le supporta pas et se suicida. Tous deux furent enterrés dans la même tombe.

17 juin : C’est la fête du dieu égyptien Hapy. Ce dieu androgyne est protecteur du Nil. Il est barbu mais porte néanmoins souvent une poitrine de femme. Sa tête est coiffée de la jarre dans laquelle on entrepose les poumons des personnes momifiées. En tant que protecteur du Nil, il est considéré comme l’union de deux êtres divins masculins, Hap-Reset, seigneur du Nil du Sud et Hap-Meht, seigneur du Nil du Nord. Il était servi par des prêtres transgenres et son culte fut aboli au IVème siècle par l’empereur romain Constantin. Les musulmans en ont cependant intégré une partie dans leur fête sacrée Lêlet al-Nukta, la nuit de la pluie céleste.

18 juin : Naissance en 1566 de James Ier d’Angleterre. Il comparait son amour pour son amant Georges Villiers à celui du Christ pour Saint Jean : « Jésus a son Jean, j’ai mon Georges ».Il s’avéra très hostile aux pratiques païennes et à la sorcellerie notamment. Pourtant, c’est bien à elle que Georges fit appel pour sauver James sur son lit de mort. Pour l’empêcher de mourir, il fallait, dit-il, offrir une autre âme humaine en sacrifice. N’ayant pas d’enfant à sa disposition, il enveloppa un porcelet de vêtements enfantins. Il le sacrifia. Le subterfuge n’a pas marché et James Ier d’Angleterre mourut. Le pauvre porcelet avait donc trépassé pour rien !

19 juin : Adonis est un dieu romain, dont la féminité fait dire qu’il incarne le modèle contreculturel de la masculinité. Mais qu’est-ce que la culture de la masculinité ? Et surtout qu’est sa contre-culture ?

20 juin : La Belgique autorise aux homosexuels en 2006 d’adopter. Quel droit reste-t-il à conquérir pour les gays en Belgique ?

21 juin : Amant du roi houx, le chêne atteint ce jour le sommet de son règne. Les jours commencent à décroître, il va devoir céder peu à peu la place au seigneur de l’ombre, le roi houx. En ces jours de solstice d’été ont également lieu les fêtes de la Saint-Jean qui, rappelons-le, aurait été l’apôtre préféré du Christ. L’herbe de la Saint-Jean la plus connue est le millepertuis. C’est le moment de la cueillir. Ce sont aussi les fêtes de la musique. La musique sacrée a souvent été l’apanage des homos et des transgenres. Que l’on pense aux eunuques, aux castrats et aux autres…

22 juin : Saint Paulin de Nola vécut au IVème siècle et se convertit au Christianisme qui attirait également son mentor Hansonius. Paulin s’éloigna de lui pour se libérer de la culpabilité de leur relation homosexuelle. Il devint évêque et fut canonisé. Pourquoi le sentiment de culpabilité ?..

23 juin : On entre dans le signe du Cancer. Les femmes nées sous ce signe ont, paraît-il, une allure plus masculine que les autres, ou une tendance au lesbianisme.

24 juin : Les Paksu Mudang sont des chamanes coréens du troisième genre, associés parfois aux Hwarang, les garçons fleurs, qui formèrent un corps d’armée dans la Corée bouddhiste.

25 juin : Hé é é é est une guerrière Hopi aux deux esprits qui protégea son village contre une attaque alors que les hommes étaient partis.

26 juin : Sahaykwisa est une chamane Mohave dont le nom signifie « femme sans enfant ». Elle vécut au XIXème siècle et était spécialisée dans la lutte contre les maladies vénériennes. Elle fabriquait également des potions pour protéger les femmes des avances des hommes. Quand elle-même se maria, elle perdit ses pouvoirs. Elle fut assassinée par deux hommes qui la traitèrent de sorcière. Pourquoi les chamanes gays sont-ils si souvent spécialisés dans ce genre de thérapie ?

27 juin : Au XIXème siècle fleurirent les Molly Houses en Angleterre. Ces lieux tenaient à la fois du bar travesti et du bordel, tout en permettant à leurs visiteurs de participer à des réunions politiques ou religieuses. Ainsi, des mariages homosexuels y étaient pratiqués, à la fois sérieux et moqueurs. Ces mariages dénonçaient, tout en se les réappropriant, les coutumes du mariage. Ce genre de lieu existe-t-il toujours ? Peut-on considérer que les bars gays sont les descendants des Molly Houses ?

28 juin : En 1969 débutent à New York les émeutes de Stonewall. Suite à une descente de police, les homosexuels rassemblés là se révoltent. Ce sont les débuts d’émeutes qui vont durer trois jours. Elles sont traditionnellement considérées comme un moment phare de la lutte homosexuelle pour la conquête de ses droits civiques. Quel est mon sentiment face à cet événement ?

29 juin : Puck est un esprit farceur de la forêt, popularisé par le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Au fil du temps, il fut de plus en plus relié au transgendérisme et à l’homosexualité. En effet, son rôle était le plus souvent joué par de jeunes acteurs ou actrices à l’allure androgyne. De plus, la potion dont il couvrit les yeux d’Obéron avait le pouvoir de rendre celui-ci amoureux de la première personne qu’il croiserait. Ce qui, en soi, ne garantit pas qu’il s’agira d’une personne du sexe opposé.

30 juin : La nuit des longs couteaux a lieu en 1934. On la considère en général comme marquant le début de la persécution des homosexuels dans l’Allemagne nazie. Quelle aurait été ma vie si j’avais vécu en tant qu’homosexuel à cette époque ?


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18.

DE LA PRÉHISTOIRE DE L'HOMOPHOBIE...

Papy Potter

 

Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.


 

« Tu ne coucheras pas avec un homme comme on le fait avec une femme, car ce serait une abomination ». (Lévitique 18.22)

« Si un homme couche avec un homme comme le fait avec une femme, ils seront tous deux punis de mort. Leur sang retombera sur eux » (Lévitique. 20.13)

 

Voilà des phrases bibliques tristement célèbres. Et qui, dit-on, explique la plus grande part de l’homophobie, encore aujourd’hui. L’opinion la plus répandue est en effet que la haine envers les homosexuels est d’origine religieuse. Plus encore, que les trois grandes religions monothéistes en sont la source. C’est sans doute la raison pour laquelle l’IDAHO interpelle cette année, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre l’homophobie, les pouvoirs religieux à se positionner clairement contre l’homophobie.

Il est vraisemblable, cependant, que cette haine dont nous faisons l’objet ait des racines beaucoup plus anciennes que ces textes. Je pense, mais ce n’est là que mon opinion personnelle, que ces écrits n’ont fait que se réapproprier un sentiment déjà présent avant l’apparition des religions monothéistes.

Je défends personnellement l’hypothèse que c’est l’idée de la domination de l’homme sur la nature qui est une des racines de l’homophobie. Un phénomène qui était déjà bien présent avant que les anciens testaments ne soient écrits.

L’homosexualité existe depuis toujours. L’homme préhistorique avait aussi ses homos. On voit mal pourquoi il en serait autrement vu que l’homosexualité est pratiquée dans tout le règne animal. Je ne crois pas, cependant, que cette pratique ait causé problème chez les humains de la Préhistoire. En tout cas pas avant que certaines valeurs ne se soient développées. Mais quelles valeurs du cheminement humain a provoqué l’émergence de l’homophobie ?

 

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Aux temps préhistoriques où l’homme était chasseur-cueilleur, l’animal et le végétal étaient perçus différemment d’aujourd’hui. Nous autres, humains dits civilisés, avons tendance à croire que l’homme est supérieur à l’animal. Et que cela justifie que nous puissions l’exploiter. On peut d’ailleurs se demander en quoi l’homme serait supérieur. Tout dépend, finalement, du point de vue sous lequel on se place. Si on prend par exemple comme critère discriminant  la force, ou l’efficacité de nos cinq sens, ou la vitesse à la course, c’est déjà beaucoup moins évident. L’homme chasseur-cueilleur avait avec la nature un rapport de respect et de crainte bien plus prononcé qu’aujourd’hui. Nous avons vu ensemble dans les précédents billets que l’homosexualité était sans doute déjà pratiquée à l’époque et que des fonctions spirituelles étaient vraisemblablement confiées aux homos dans le cadre religieux chamanique où vivaient les humains d’alors. Les principales étant la connaissance des végétaux, l’intermédiation conjugale et les rites funéraires, pour ne citer qu’eux. Des fonctions toujours observées dans les tribus dont le fonctionnement est l’héritage de ces chasseurs-cueilleurs.

Ces chasseurs-cueilleurs sont nomades. Ils sont constamment confrontés à l’inconnu. Ils marchent. Et leurs chamans marchent avec eux. Ils sont les sentinelles qui avancent dans l’inconnu. Marcheurs d’entre les mondes. Ils vont au pays des défunts et en reviennent. Ils entrent dans le royaume des esprits animaux et y collectent des informations qu’ils retransmettent ensuite aux humains. Ils sont toujours entre deux mondes, entre deux univers, entre deux états. D’où le fait que les hommes efféminés et les femmes masculins aient été perçus comme des chamans très puissants, car ils sont eux, aussi, voyageurs entre les sexes. Souvent autorisés, par leur statut, à épouser quelqu’un de leur sexe biologique, ils étaient dits « deux esprits ».

 

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Le respect de ces anciennes cultures pour ces hommes et ces femmes particulier(e)s est mondialement répandu. On le retrouve dans toutes les cultures chamaniques, que ce soit en Asie ou en Amérique, voire en Australie. Ces êtres étaient honorés, admirés, respectés et craints. Le fait même que les traditions « deux esprits » soient si proches les unes des autres suggère qu’elles existaient avant même que les grandes migrations humaines n’aient lieu. Et que les hommes les ont tout simplement emportées avec eux. 

Les choses se sont sans doute gâtées quand est apparue l’agriculture. L’homme commença à modifier son rapport avec la nature. Certes, il était toujours dépendant des forces naturelles, des pluies et du soleil. Mais une nouvelle notion apparaissait dans son cadre de vie : celle de propriété agricole. La nature devint ainsi source de possessions. L’homme décréta que la terre et tout ce qui y poussait ou paissait lui appartenait.

Mais l’agriculture est difficile. Elle nécessite des bras. Et à qui reviendra la terre cultivée une fois son propriétaire mort ? Quand l’humain se décida maître de la terre, il faisait déjà sien la phrase biblique « allez et multipliez-vous. Et dominez la terre ». Multipliez-vous ! Comment sinon la cultiver ? Comment sinon y aurait-il héritage ? On peut raisonnablement penser que toute attitude sexuelle contraire à la reproduction a, dès ce moment, été perçue comme dangereuse. Les homosexuels ne participaient pas à l’acte reproducteur permettant la croissance humaine et la domination agraire. Déjà à l’époque, ils étaient donc répudiés.

Sans doute cela n’a t-il pas été si drastique. Les homos, on l’a vu, étaient aux portes de la vie et de la mort à leur manière, en tant que détenteurs des secrets des plantes et passeurs funéraires. De ce fait, il était nécessaire qu’ils continuent, eux, à se déplacer pour aller d’un foyer à l’autre, d’un village à l’autre, afin d’y pratiquer les rites funéraires, les soins, les mariages. D’une certaine manière, ils restèrent, eux, nomades. Et évoluaient donc à l’extérieur des villages.

Tout le monde sait en quoi « celui qui vient de l’extérieur » est perçu comme dangereux. C’était d’autant plus vrai que les « deux esprits » étaient nantis de certains pouvoirs. Et qu’ils étaient vus comme plus puissants que les autres. La frontière entre le respect et la crainte est ténue. Et la crainte conduit facilement à la haine. Une crainte renforcée par le fait que ces gens ne vivaient plus dans le village Les « deux esprits » ne transmettaient, de plus, aucun héritage autre que spirituel.

 

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Je suis sincèrement convaincu que les racines de l’homophobie plongent dans ce terreau-là. La sédentarité. L’homme est devenu homophobe en devenant sédentaire. Et parce qu’il se mit à craindre ces chamans puissants qui étaient devenus extérieurs au village. Ce qui fait remonter l’homophobie à bien plus longtemps que les monothéismes.

Les temps où la nature était respectée évoluaient, de plus, dans la lumière d’une figure divine beaucoup plus présente. La Déesse Mère. C’est assez normal car la Terre était perçue comme un centre d’où sortent les végétaux. L’homme efféminé pouvait donc raisonnablement être perçu comme supérieur aux autres. Tel ne fut plus le cas lorsque Dieu le Père dépassa la Déesse dans le cœur des hommes. L’homme efféminé ne fut plus perçu que comme un traître. Un monde où l’homme reste perçu comme supérieur à la femme méprise ceux qui par leur attitude ou leur sexualité se comportent « comme » des femmes.

Alors, étant à ce stade de mes réflexions, je paraphrase une formule célèbre : « j’ai fait un rêve ». Dans ce rêve-là, la femme était perçue comme l’égale de l’homme. L’homme se percevait comme l’égal de ses frères animaux et végétaux et retrouvait un lien sacré avec la nature. Un lien de respect, non de domination. Dans ce monde-là, peut-être, le « deux esprits » pourra sourire à nouveau.


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17.

MES ÉPHÉMÉRIDES DE MAI

Papy Potter


Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.

 

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Bonjour à toutes et à tous,

Voici venu le joli mois de mai et les éphémérides de votre Papy Potter préféré. L’occasion de se pencher sur certaines célébrités comme Léonard de Vinci ou Jeanne d’Arc. De célébrer certaines fleurs. Et de réfléchir aussi aux actes que l’on pourrait poser à l’occasion de la prochaine journée internationale de lutte contre l’homophobie. Que mai vous soit fleuri et parfumé.

 

1er mai : Au Nigeria, les boris se livrent à des rituels de possession. Un esprit apprécié des homosexuels dans ce contexte est Dan Galadima, dit le prince, aux attitudes efféminées et gracieuses.

2 mai : Mort de Léonard de Vinci en 1519, scientifique, inventeur et peintre homosexuel. En 1476, il fut impliqué dans un procès pour sodomie sur un jeune homme de 17 ans. Hantant les bains publics à la recherche de modèles, il portait ‒ à soixante ans passés ‒ un manteau rose et court, significatif, dit-on, de son homosexualité. À sa mort, son protégé, Melzi, révéla la profondeur des sentiments qui les unissaient.

3 mai : Kama est le dieu indou de l’érotisme. Son physique inspire des sensations torrides, le détail croustillant étant qu’on lui prête l’odeur d’un éléphant en rut. Il porte un arc en canne à sucre et des flèches faites d’abeilles. Dans ses mains, on trouve le lotus bleu, le jasmin, l’iris, la fleur de mangue… Quand il ne dérange pas les sages de leurs méditations, il réside à Kamaloka. On lui connaît une passion pour le dieu Krishna dont il dit : « Même si je devais mener des vies entières d’austérité, je veux que la dernière soit celle d’une des bergères de Krishna pour pouvoir lui caresser les orteils à loisir. » C’est bien sûr de son nom que dérive le Kama sutra.

4 mai : En Chine, la pêche symbolise l’homosexualité en plus de l’immortalité. Allez, la saison des pêches arrive !

5 mai : Saint Maxime affirmait au Vème siècle l’androgynie du Christ et le retour de l’humanité à cet état lorsque viendra la fin des temps. Il n’est apparemment pas le seul à le penser. D’où cela vient-il et pourquoi est-ce le cas ?

6 mai : On fait parfois référence à Saint Jean comme l’apôtre préféré ou bien-aimé de Jésus. D’apparence efféminée, c’est lui que certains prennent pour Marie Madeleine dans certains tableaux. Son église, selon certaines croyances, succèdera à celle de Pierre.

7 mai : Naissance de l’artiste homosexuel Tchaïkovski en 1840. On lui connaît des idylles avec Alexeï Apoukhtine et Vladimir Gérard. Il est un des compositeurs dont l’homosexualité est la mieux documentée. Et si on écoutait une de ses œuvres, en souvenir ?

8 mai : Le temple d’Artémis, dans l’actuelle Turquie, est une des 7 merveilles du monde. Il fut détruit définitivement au Vème siècle, et fut le théâtre de rituels lesbiens et transgenres. Quel lieu moderne, couru des gays ou des lesbiennes pourrait-il rivaliser avec ce statut merveilleux ?

9 mai : Le lilas est un arbre qui symbolise l’androgynie. Certains disent que l’esprit du lilas aurait vécu avec celui de l’iris pendant plus de 7 000 ans. Embaumons la maison de son parfum.

10 mai : Les bajasa sont des chamans aux deux esprits chez les Torajda Bare’e. Ils célèbrent la déesse Ndo i Lino et le dieu Puë di Songe chez qui ils se rendent en chevauchant l’arc-en-ciel pour soigner les âmes des malades qui leur sont confiés.

11 mai : En Dalmatie, chez les Mérédites, on pratiquait encore au XIXème siècle une cérémonie au cours de laquelle une femme pouvait annoncer son désir de vivre comme un homme et être considérée comme tel. Elle s’habillait alors de façon masculine et pouvait épouser une femme.

12 mai : Le chamanisme féérique est un groupement créé à la fin du XXème siècle aux USA pour apprendre aux gays à communiquer avec les esprits des plantes et des animaux, notamment.

13 mai : Le temple des deux fleurs, en Chine, était un lieu où l’on célébrait les amours homosexuelles masculines. On y demandait leur bénédiction à un couple d’esprits dont l’un se nommait Choy. Les japonais détruisirent ce temple en 1854. De nos jours, existe-t-il un temple quelque part où ces amours seraient célébrées et où les gens pourraient venir demander la bénédiction d’un couple gay divin dans le genre de Choy et de son amant ?

14 mai : Mort du Pape Jean XII en 964, qui pratiquait des cérémonies païennes et homosexuelles. Quelle fut son œuvre et en quoi a-t-il marqué l’Église ?

15 mai : L’autel de Ganymède, au forum romain, était un lieu de rendez-vous pour les homosexuels. De nos jours, à nouveau, quel autel le serait ?

16 mai : L’homme vert existe sous la forme du roi chêne et du roi houx. Protecteur du peuple végétal, il est représenté sous forme de masques en Allemagne et en Angleterre. Le houx règne sur l’hiver et le chêne l’été. La passation de pouvoir de l’un à l’autre a une forme initiatique et sexuelle.

17 mai : Journée mondiale contre l’homophobie. Concrètement, que puis-je faire pour marquer le coup ? Quelles activités sont organisées dans ma région en cette occasion ?

18 mai : Le brésilien Darcy Penteado revisite le conte de Blanche Neige en en faisant une dragqueen qui meurt après avoir avalé une pomme gorgée d’insecticide. Le miracle est que dans la tombe, elle paraît plus jeune que jamais. Le conte se termine en faisant de Blanche Neige une sainte brésilienne. Et si je devais revisiter un conte célèbre, lequel serait-ce ?

19 mai : Saint Alcuin est un prêtre poète ami de Charlemagne, dont certains auteurs, comme John Boswell, ont noté combien la poésie est empreinte d’homoérotisme.

20 mai : En 1939, ce jour, la castration des homosexuels est autorisée dans l’Allemagne nazie. Souvenons-nous.

21 mai : Chez les indiens Zuni, Kolhamana est un deux-esprits à la fois guerrier et conciliateur entre les deux polarités, masculine et féminine, solaire et lunaire. Il porte une tunique masculine sur une robe féminine. La moitié de sa coiffure est dressée comme celle des femmes, l’autre est tombante comme celle des hommes. D’une main, il porte un arc et des flèches, de l’autre du maïs. Correspond-il à ce que nous appellerions aujourd’hui les « intersexués », appellation moderne des « deux-esprits » ?

22 mai : Naissance du politicien américain Harvey Milk, militant pour les droits civiques des gays, et premier homme public américain ouvertement gay. Il fut assassiné en 1978, le 27 novembre. Souvenons-nous.

23 mai : C’est la Saint Guibert, souvenons-nous d’Hervé Guibert justement, qui révéla sa séropositivité dans son magnifique écrit À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie. Il mourut du SIDA le 27 décembre 1991, à l’âge de 36 ans. Son œuvre artistique révèle tout le drame de cette maladie, notamment à travers les photos qu’il a prises de son corps pour en montrer la transformation.

24 mai : Une loi française de 1950 fixe la fête des mères au dernier dimanche de mai. La relation des homos avec leur mère n’a pas fini de faire parler d’elle. Une BD lui a même été consacrée, publiée d’abord dans le magazine Gai Pied, dont le fondateur, Jean Le Bitoux, vient de disparaître.

25 mai : C’est aujourd’hui qu’avaient lieu les fêtes d’anniversaire d’Artemis. Ses prêtresses, accompagnées des megabyzoi, portaient des images à son effigie, ainsi que de l’or et de l’argent. Les megabyzoi portaient des vêtements sacerdotaux, masculins et féminins. Ils avaient le visage rasé et maquillé. Ils composaient des musiques, réalisaient des horoscopes, s’occupaient des finances du temple. La castration des temps anciens fut remplacée par un rituel symbolique, l’initié étant pris en charge par un aîné. Ils lisaient le futur en utilisant des sortes de runes de bois aux lettres peintes d’or. Elles étaient aussi utilisées comme amulettes protectrices.

26 mai : Pele est une déesse volcanique hawaïenne dont le compagnon était bisexuel. Extrêmement jalouse et fière, elle attire beaucoup de lesbiennes comme en témoigne l’ouvrage Sexualité lesbienne sacrée de Diane Mariechild. Quelle part volcanique, jalouse et fière ai-je en moi ?

27 mai : Papaver (le coquelicot) était l’amant d’Anethus (l’anis). À sa mort, il se transforma en coquelicot. Les amants homosexuels romains s’offraient des guirlandes de fleurs en leur mémoire. Et si on les rassemblait en bouquet : coquelicot et anis ? Les premiers coquelicots sortent dans les champs.

28 mai : Kalunga est une ancienne divinité africaine de la tribu des Kwanyama en Angola. Par le passé, elle était servie par des prêtres transgenres nommés Kimbanda. La divinité fut d’ailleurs importée en Amérique avec l’esclavage. De sorte qu’encore aujourd’hui, le mot « calungagem » désigne des gestes efféminés et des démarches chaloupées.

29 mai : Svin-fells-as est un fé allemand. Il partage l’existence d’un autre fé, dans les montagnes, qui se transforme en femme toutes les neuf nuits.

30 mai : Sainte Jeanne d’Arc. On la connaît pour les voix qu’elle entendit, de Saint Michel, de Sainte Catherine et de Sainte Marguerite. Dans sa jeunesse, dans l’auberge (La Rousse) où elle servait, elle partageait la couche d’une jeune femme, Catherine. Lors de ses visions, Jeanne fut enjointe d’abandonner son allure féminine pour servir la France en tant que guerrière, on va dire « spirituelle ». Elle se coupa donc les cheveux et se mit à porter l’épée. On connaît les combats qu’elle conduisit contre les anglais. Ce sont eux qui la rendirent au clergé français. Elle y fut condamnée pour hérésie et sorcellerie. De même, son transgendérisme lui fut reproché. Retrouvée habillée en homme dans sa cellule peu après son procès, elle fut brûlée vive le 30 mai 1431.


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16.

QUAND JÉSUS EST UNE FEMME (PRESQUE) COMME LES AUTRES...

Papy Potter

 

Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.


Jésus ? Une femme ? Qu’est-ce qu’il va encore nous inventer, le chaudronneux ? vous entends-je penser.

Laissez-moi vous conter d’abord l’événement qui se trouve à l’origine de ce billet. Il y a quelques mois, nous nous sommes rendus à Notre Dame à la Rose, à Lessines, en Belgique, afin d’y découvrir les plantureux jardins de plantes médicinales. Tant que nous y étions, nous avons également visité le musée qui, autrefois, était un hôpital et un couvent. Nous choisîmes la visite « version longue » qui s’est avérée être un vrai délice de découvertes.

Aujourd’hui, l’endroit retrace tout un pan de l’histoire médicale et hospitalière. Rien que pour cela, le musée se montre d’une précieuse richesse culturelle. Par ailleurs, de nombreuses œuvres d’art accueillent le visiteur. Parmi elles, le tableau « des lamentations » est, à lui seul, une vraie curiosité. Son auteur est, hélas, inconnu, le tableau n’étant pas signé. Toutefois, dès que je l’aperçus, un détail attira tout de suite mon regard. Et non des moindres. Le Christ barbu, nu de poitrine, était pourvu d’une très étrange caractéristique. En effet, il avait des seins… de femme. Vous n’imaginez pas ma stupeur lorsque je découvris ce tableau. Le conservateur a eu la gentillesse de m’envoyer ce document de très grande qualité :

 

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Le guide du musée a eu la gentillesse de me fournir une étude concernant cette peinture. Elle date en fait du XVIème siècle et aurait été commandée par la sœur supérieure de l’époque. Cette représentation montre très clairement un Christ muni d’une poitrine de femme, le doigt désignant d’ailleurs ces seins comme pour attirer l’attention du spectateur sur eux. L’artiste a donc nettement voulu représenter un Christ à la fois homme et femme. On imagine le scandale qu’une telle représentation a pu causer à l’époque. Et pourquoi aussi elle fut « corrigée » au XIXème siècle.

La question est alors : « Pourquoi un Christ muni de seins ? »

L’idée qui vient la première à l’esprit est la louable intention d’exprimer que le Christ est venu pour sauver l’humanité toute entière. Donc, pas seulement les hommes. Mais également les femmes. Et qu’à ses yeux, hommes et femmes sont égaux, comme ils le sont dans son cœur. Il est aussi possible que l’artiste ait voulu présenter le Christ comme « fiancée » de l’humanité. Voire exprimer une forme de maternité (avec sa Résurrection, le Christ « accouche » d’une humanité « nouvelle », différente). Il est aussi « nourricier », il allaite l’humanité du lait de son amour, il la nourrit de ses paroles. Sa souffrance se compare alors à celle d’un accouchement. Toute une mystique maternelle s’incarne donc au « sein » de cette représentation. Très vivante et très riche. Une mystique où le Christ est aussi « notre Mère ». Voilà une réflexion que l’on retrouve par exemple chez Mechtild de Hackenborn (au XIVème siècle) ou Julienne de Norwich (au XVème siècle).

Rappelons aussi que Saint Ambroise de Milan, le précepteur de Saint Augustin, écrivait déjà au IVième siècle : « Nous sommes nourris, par le lait spirituel du Christ. Le Christ est la fiancée qui a consacré le mariage avec l'humanité, nous a portés dans ses entrailles, nous a enfantés et nous a maintenus en vie par son propre lait... » Détail important : les religieuses de Lessines étaient des augustines.

On peut imaginer également l’aide mystique que constitue un tel tableau pour des religieuses. Il est en effet important pour elles de pouvoir s’identifier au Christ, de le rejoindre, de le « vivre ».  N’oublions pas qu’une iconographie a une valeur d’abord contemplative. Elle doit servir de support à la méditation des sœurs.

Par ailleurs, de nombreuses représentations de la dernière cène montrent Saint Jean (le disciple préféré) penché sur la poitrine du Christ. On sent une tendresse particulièrement profonde entre eux, un amour qui déborde de Jésus, une affection quasiment maternelle.

Toute une mystique existe donc où Jésus n’est pas seulement le fils, il est aussi, et contre toute attente, « la mère ». Et donc, oui, Jésus y est également femme.

Les Christs androgynes sont relativement rares, c’est vrai, mais ils existent. Étrangement, le plus célèbre est sans doute… celui de la carte du Monde, dans le tarot. Il est somme toute évident de songer que la femme au milieu est tout simplement, bien, une femme. Oui, mais, alors… pourquoi cette femme est-elle représentée entourée des symboles des quatre évangélistes ? Divers auteurs n’hésitent pas à avancer que cela s’explique tout bonnement par le fait que cette femme n’est autre que le Christ lui-même. Un Christ que sa Résurrection a rendu mère d’une humanité nouvelle. Et que c’est précisément la raison pour laquelle cette carte suit celle du Jugement dans la logique du tarot. Elle incarnerait la victoire de l’amour du Christ.

 

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Cette hypothèse est loin de faire l’unanimité, vous vous en doutez. D’autres disent que cette femme qui semble danser, toute nue, au milieu de l’arcane du Monde serait en fait… Marie Madeleine (of course) et non le Christ. Info ? Intox ? Je connais suffisamment le tarot pour affirmer que ce n’est pas demain la veille qu’on en aura cerné tous les mystères. Toutes les suppositions restent possibles de ce point de vue. La seule chose qui me semble certaine est qu’effectivement le tarot soit d’inspiration religieuse. Ceux que cela intéresse trouveront d’autres éléments sur ce lien :

http://www.camoin.com/tarot/Tarot-Marie-Madeleine-Magdala.html

Mais revenons à nos moutons. Des Christs androgynes, dans le genre de celui de Notre Dame à la Rose, on en trouve également ailleurs. Par exemple, sur ce vitrail représentant le jugement dernier, sur une rosace du couvent des cordeliers à Châteauroux.

 

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Peut-on dire que ces Christ soient asexués ? Non, au contraire, ils sont très sexués, je trouve. Barbus avec une poitrine de femme. Ils sont androgynes dans le sens premier du terme : homme ET femme. Comparables du même coup à certaines représentations du diable. D’où sans doute le scandale qu’ils peuvent provoquer et qui entraîne, parfois, le fait qu’on camoufle « ces seins que l’on ne saurait voir… »

 

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Je poursuivis mes recherches et allai de surprise en surprise. En avançant dans mes lectures, je découvris ainsi un nombre peu négligeable de saintes aux histoires méconnues. Et surtout au caractère transgenre avéré…

Par exemple, on sait que certaines saintes assumèrent une identité masculine au cours de leur existence monacale. Ainsi en est-il de Sainte Euphrosine (http://fr.wikisource.org/wiki/Sainte_Euphrosine), de Sainte Eugénie d’Alexandrie :

http://carmina-carmina.com/carmina/Mytholosaintes/eugenie.html

et de Sainte Pelagie :

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome03/151.htm

Plus récemment, on trouve Vasil Popovici, un moine roumain du XIXème siècle du monastère de Tzibukani dont on découvrit à sa mort qu’il était femme. Il existe également Catalina de Erauso, la célèbre « nonne soldat » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Catalina_de_Erauso.

Cela va même parfois plus loin que le travestissement. Des barbes poussèrent  à certaines religieuses, comme Sainte Galla, Sainte Paule d’Avila et Sainte Wilgefortis :

http://translate.google.be/translate?hl=fr&langpair=en%7Cfr&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Wilgefortis

Parfois grâce à l’intervention du Christ lui-même.

Peut-on imaginer que ces saintes barbues répondent, d’une certaine manière à ces Christs pourvus de seins ? Je l’ignore, c’est une hypothèse. Après tout, pourquoi pas ?

Dans le même ordre d’idée, je vous invite également à songer à ce verset étonnant de l’Evangile apocryphe que l’on prête à Saint Thomas :

Au verset 117, Jésus dit de Marie Madeleine : « Moi, je l’attirerai pour la rendre mâle, afin qu’elle aussi devienne un esprit vivant pareil à vous (ses apôtres), les mâles. Car toute femme qui sera faite mâle entrera dans le Royaume des Cieux ».

Étrange, non ? Que penser de cette phrase ? Est-ce à dire que seuls les hommes entreront dans le Royaume des Cieux ? Serait-ce à corréler avec toutes ces saintes qui devinrent hommes ou qui se conduisirent comme tels ? Ne disait-on pas jadis que les femmes doivent se taire dans l’assemblée des Chrétiens ? Certaines femmes prirent-elles l’habit des hommes pour dépasser cette espèce de tabou pesant sur les femmes ? Je l’ignore totalement. Je peux juste en émettre la supposition.

Cela dit, d’autres discours existent. Certains disent en effet que la véritable chute de l’être humain fut d’être séparé en deux. Les deux sexes s’incarnèrent, on le sait, dans des corps différents. Il y a l’homme et il y a la femme. Adam et Eve. La venue du Christ devait donc sauver l’humanité en restaurant l’androgynie initiale.

Dans l’évangile apocryphe de Thomas cité tantôt, Jésus dit, verset 27 :

« Lorsque vous ferez des deux un, et que vous ferez l’intérieur comme l’extérieur et l’extérieur comme l’intérieur, et le haut comme le bas, et si vous faites le mâle et la femelle en un seul, afin que le mâle ne soit plus mâle et que la femelle ne soit plus femelle, alors, vous entrerez dans le Royaume des Cieux .»

Au Verset 109, on lit aussi : « Lorsque vous ferez que les deux soient un, vous deviendrez fils de l’homme et si vous dites, montagne, déplace-toi, elle se déplacera ! »

Dans un autre texte apocryphe, celui de Philippe, on peut lire : « Le Christ est venu pour rétablir ce qui a été ainsi séparé au commencement et réunir à nouveau les deux. »

Restaurer l’androgynie initiale de l’humanité… Voilà qui éclaire différemment ces Christs androgynes et ces saintes devenues barbues, ne trouvez-vous pas ?

On dira que ces évangiles sont apocryphes et je répondrai que c’est vrai, en effet. Cependant, Saint Maxime affirmait au VIème siècle l’androgynie du Christ et le retour de l’humanité à cet état lorsque viendrait la fin des temps. De même, la lettre de Paul aux Gallatiens ne dit-elle pas de son côté qu’il n’y a ni homme ni femme car nous sommes unis dans le Christ ?

Johannes Erigena, un théologien du Xème siècle, pensait de son côté que, par la Résurrection, Jésus avait expérimenté le retour à l’androgynie initiale, ce à quoi il nous appellerait lui-même à la fin des temps.

Par ailleurs, le fusionnisme, un mouvement religieux du XIXème siècle fondé par Jean Baptiste de Torreil affirmait que nous nous rapprochons, de vie en vie, d’une existence plus androgyne et plus proche de Dieu.

Enfin, Ganneau est, lui, le fondateur d’un mouvement spirituel appelé Evadisme et visant à reconstituer l’union d’Adam et Eve telle qu’elle l’était avant leur séparation (d’où le nom Evadisme). Il croyait donc en l’existence d’un être androgyne primordial. Le mouvement réclamait aussi l’égalité de l’homme et de la femme sur un plan social et spirituel.

Cela nous éloigne fort de la pensée religieuse chrétienne traditionnelle, je vous le concède. Toutefois, voilà des penseurs, des religieux, des mouvements, qui parlent de l’androgynie du Christ. Ils le voient homme ET femme, débarrassé au moment de sa Résurrection du déterminisme sexuel dans lequel nous sommes nés. Et pourquoi pas ? L’idée est-elle si dérangeante ? Nous nous trouvons alors à bien des lieues d’une idéologie sexiste refusant à la femme les aspirations spirituelles auxquelles elle a droit. Car (et là, c’est moi qui me pose juste la question) si le Christ est homme ET femme, pourquoi les femmes ne pourraient-elles pas accéder à la prêtrise ?

On peut aller plus loin encore. Finalement, avec l’idée d’un Christ androgyne, nous nous éloignons aussi d’une spiritualité séparant les rôles masculins et féminins au point de mépriser les plus efféminés des hommes et les plus masculines des femmes. Nous nous trouvons en face d’une idéologie très différente, qui invite l’homme à retrouver sa part de féminité et la femme sa part de masculinité.

Voilà où j’en suis dans mes réflexions. C’est un tableau qui m’y a conduit. Un de ces rares tableaux, accroché dans un ancien couvent, en Belgique, qui me fait écrire aujourd’hui : « Christ, pour bien des gens, n’était pas seulement un homme. Il était aussi une femme. » Et le mystère de sa mort et de sa Résurrection est tout à fait central à ce niveau. Le tableau de Notre Dame à la Rose représente une descente de croix ou une mise au tombeau. Et le vitrail de Chateauroux illustre le Jugement dernier. Il se trouve justement que c’est par sa mort et sa résurrection que le Christ a exprimé, on vient de le voir, son androgynie. De même qu’il est annoncé que c’est à la fin des temps que l’humanité retrouvera la sienne. Ces œuvres d’art ont donc bien un sens.

Je ne sais pas vous, mais moi, un Christ barbu avec des seins, je le trouve plutôt sympathique. Parce que plus proche de l’humanité. De TOUTE l’humanité, et pas seulement des hommes.

Alors, que montrent ces Christs androgynes ? Jésus-Mère ? Jésus entièrement humain (donc aussi femme) ? Ou tout simplement Jésus libéré du déterminisme sexuel de son incarnation ?

Peu importe, finalement. Ils sont, je trouve la superbe expression d’une tendresse, d’un amour, plein, entier, simplement vrai.

 

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Pour terminer ce billet, sachez qu’il existe un ouvrage présentant notamment des peintures modernes de Jésus androgynes :

http://www.amazon.fr/Art-That-Dares-Jesus-Christ/dp/1933993294/ref=sr_1_2?ie=UTF8&s=english-books&qid=1268828225&sr=8-2

 

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15.

MES ÉPHÉMÉRIDES D'AVRIL

Papy Potter



Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.

 

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Bonjour à toutes et tous,

Je vous livre directement mes éphémérides d'avril. C'est un petit calendrier où, pour chaque jour, j'évoque un personnage lié aux LGBT et dont c'est l'anniversaire ou la fête ou le souvenir de la mort. Ou tout simplement, tel jour, je décide de penser à une personne, un événement, un sujet sur lequel je souhaite m'interroger, creuser, réfléchir, étudier si j'en ai le temps. Comme vous le voyez, il y a de la matière.

 

1er avril : Et ceci n’est pas une blague. Le fusionnisme est un mouvement religieux du XIXème siècle fondé par Louis Jean Baptiste de Torreil, célébrant MAP, une divinité Mère-Amour-Père. Selon, lui, au fil des réincarnations, nous nous rapprochons d’une existence plus androgyne, plus proche de Dieu et… d’un idéal socialiste. Si je devais représenter MAP, comment le ferais-je ?

2 avril : Naissance en 1719 de Johann Gleim, poète allemand, auteur d’une galerie de cent portraits masculins passionnés : « le temple de l’amitié » conservé au musée Gleimhaus à Halberstadt. Quid de la création d’un musée en France (ou en Belgique d’ailleurs) uniquement consacré aux représentations homosexuelles dans l’art ?

3 avril : Khonsu est, selon certains textes, né d’une fellation faite à Horus par Seth. D’abord fixé au front de Seth, il changea de forme quand Thoth arracha le disque du front de Seth. C’est une divinité lunaire, protectrice et guérisseuse. On le représente souvent sous la forme d’un enfant muni d’un disque et de croissants lunaires. Ses attributs animaux sont le faucon (qui lui vient de Horus), le babouin (qui lui vient Thoth) et le crocodile (qui lui vient de Seth).

4 avril : Johannes Erigena est un théologien du Xème siècle. Il pensait que, par la Résurrection, Jésus avait expérimenté le retour à l’androgynie initiale, ce à quoi, il nous appellerait à la fin des temps. En cette période pascale, si on réfléchissait à ce sens particulier de la Résurrection ? Bientôt, dans Le Chaudron rose

5 avril : Flora est une déesse romaine présidant sur la floraison. Elle détiendrait une fleur magique permettant aux femmes de tomber enceintes sans l’aide des hommes. C’est de cette manière que Juno aurait donné naissance à Mars. Les floralies célébraient la déesse Flora. Les courtisans et prostitués sacrés y jouaient un rôle important. C’est sous le nom de Flora que l’archevêque de Tours surnommait son amant Jean qu’il fit évêque d’Orléans en 1097. Et si on fleurissait la maison ?

6 avril : Naissance d’Albrech Dürer, peintre, graveur et mathématicien en 1471. Peu après son mariage, il entreprit un voyage avec son compagnon de longue date : Willibald Pirckheimer. Pirckheimer compléta certains dessins à lui envoyé par Dürer par des croquis les montrant tous les deux en plein rapports sexuels. Et vous, quelle est l’œuvre de Dürer que vous préférez ?

7 avril : Naissance de Harry Hay, en 1912, cofondateur du mouvement spirituel des Radical Faeries (vu récemment dans Le Chaudron rose) questionnant la fonction spirituelle et sociale des gays dans un monde hétérocentriste. Au fait, quel serait votre nom magique radical féérique ?

8 avril : La civilisation péruvienne des Chimu attribuait aux homosexuels des fonctions sacrées au temple de Si-An dans la vallée du Pacasmayo. Les déesses Si, la lune, et Ni, la mer, étaient particulièrement célébrées. Les prêtres aux deux esprits étaient surtout proches de la déesse Si à laquelle on offrait des fruits, des oiseaux, des animaux et des pièces de coton colorées. Un petit bain de minuit ?

9 avril : Narcisse est parfois lié à l’homosexualité parce qu’il tomba amoureux de son propre reflet. C’est le moment de constituer un bouquet avec ces fleurs.

10 avril : Apollon, à la mort d’Hyacinthe, le transforma en une fleur qui symbolise la fin de l’adolescence, geste ultime prouvant son amour pour lui. Et vous, à quel moment votre adolescence s’est-elle terminée ? Pouvez-vous citer un événement particulier qui caractérise ce moment ?

11 avril : Ganneau est le fondateur d’un mouvement spirituel appelé Evadisme et visant à reconstituer l’union d’Adam et Eve telle qu’elle l’était avant leur séparation. Il croyait donc en l’existence d’un être androgyne primordial. Le mouvement réclamait aussi l’égalité de l’homme et de la femme sur un plan social et spirituel. Et aujourd’hui, qu’en est-il réellement de cette égalité ?

12 avril : Naissance en 1526 de Marc Antoine Muret, philosophe humaniste emprisonné pour sodomie. Son compagnon Luc Menge Fremiot fut condamné au bûcher. Souvenons-nous.

13 avril : Bahucharamata est une déesse indoue célébrée par les prêtres hjiras lors de rituels de castration qui rappellent que la déesse se coupa la poitrine pour éviter d’être violée. Elle est assise sur un coq, un symbole d'innocence. Elle nous enseigne que le meurtre des animaux ou de toute créature est une faute et qu'il faut pratiquer la non-violence. La déesse porte une épée dans sa main droite supérieure et un texte sacré dans sa main gauche supérieure. Elle fait le geste de l'abhaya mudra de sa main droite inférieure et tient un trident dans sa main gauche inférieure. Dans l'un des nombreux contes qui lui sont associés, la déesse fut autrefois une princesse qui castra son époux car il préférait aller dans la forêt pour se travestir et se comporter comme une femme plutôt que d'honorer sa couche... Dans une autre histoire, un homme qui avait essayé d'embêter Bahuchara Mata, se retrouva frappé d'impuissance. La déesse ne lui pardonna que lorsqu'il abandonna sa masculinité, se vêtit en femme et vénéra la déesse.

14 avril : Le dieu indou du feu Agni est célébré lors des fêtes d’Agnicayana. Après avoir avalé la semence du dieu Shiva, il permit la naissance de Kartikkeyeh, dieu de la beauté masculine et de la guerre.

15 avril : Les sœurs de la Perpétuelle Indulgence sont un mouvement actif dans la prévention du SIDA et dans la lutte contre l’homophobie. Si vous deviez vous trouver un nom de sœur, quel serait-il ?

16 avril : Les shirabyoshi sont des esprits femelles transgenres mi-serpent, mi-humains dans le shintoïsme. C’est aussi le nom de prêtresses habillées en homme et interprétant des danses rituelles.

17 avril : Freya est une déesse nordique printanière dont la magie féminine, seidr, était aussi pratiquée par les homos. Cette magie s’oppose (ou complète) la magie odinique ou runique. Freya avait un chat pour monture.

18 avril : Kurgarru est le pendant d’Asushunamir, impliqué dans le sauvetage d’Inanna. C’est également le nom de certains prêtres d’Inanna. Ils jouaient de la musique, dansaient et se travestissaient en son honneur. Le regard d’un Kurgarru pouvait changer votre destin. L’homophobie est-elle issue d’un mélange de respect et de crainte ?

19 avril : Fête de Baron Samedi, qui est un esprit vaudou à qui on prête un penchant pour la sodomie. Il porte un haut de forme et des lunettes noires dont un verre est cassé. Cela suggère qu’il est à la fois dans le monde des vivants et celui des morts. Epoux de maman Brigitte, il peut avoir des comportements bisexuels. Il est appelé pour résoudre des problèmes de la vie ordinaire. On lui fait notamment des offrandes de rhum. La croix, les chandelles et le crâne sont d’autres de ses attributs.

20 avril : Fête de Saint Anselm de Canterbury à qui on prête des idylles homosexuelles.

21 avril : Pales est le dieu romain hermaphrodite du bétail, fêté en ce jour.

22 avril : On entre dans le signe du taureau. Cet animal est, contre toute attente, lié davantage aux lesbiennes à l’origine de la tauromachie. Le terme « bull-dyke » désigne d’ailleurs les lesbiennes butch. Quelle est la présence du taureau comme totem gay ?

23 avril : Le drapeau arc-en-ciel est censé représenter la diversité de la communauté homosexuelle. Mais quel sens donner à cette unité dans la diversité ? Quelle est sa réalité aujourd’hui ? Quel est le sens de ces couleurs ? En plus du signe de ralliement qu’il constitue, quel est la signification qu’on peut lui donner ? Et quelle est celle que vous lui donnez ?

24 avril : Ngeneshen est une divinité gynandrine célébrée en Amérique du Sud par les mapuche.

25 avril : Le mouvement Rajneesh est un mouvement spirituel indou du XXème siècle et dérivé du tantrisme. Il admit l’homosexualité comme une voie tantrique valable, jusqu’à l’émergence du SIDA. Quelles furent les conséquences réelles du SIDA dans l’homophobie actuelle et dans la quête des droits des homosexuels post eighties ?

26 avril : La lettre aux Gallatiens dit qu’il n’y a ni homme ni femme car nous sommes unis dans le Christ.

27 avril : Mut est une déesse égyptienne parfois affublée d’un pénis. En vérité, elle est considérée comme la mère de tout, associée à l’eau, mais née de personne. Un de ces attributs est le vautour blanc. Les égyptiens considéraient, dit-on, que les vautours étaient tous femelles car ils ne présentent aucun dimorphisme sexuel. D’où peut-être l’aura hermaphrodite qui l’entoure.

28 avril : Gilgamesh et Enkidu sont un couple de héros mésopotamiens d’aventures épiques bien connues. Certains textes avancent qu’Enkidu, compagnon de Gilgamesh, fut tué par Inanna pour avoir résisté à ses avances. Sa mort est à la base de la quête de Gilgamesh qui se met à chercher la solution au mystère de la mort, de la naissance et de la renaissance.

29 avril : On fête Sainte Catherine de Sienne. Elle rentra au couvent, souhaitant demeurer vierge jusqu’à la fin de ses jours. Elle eut de nombreuses visions et s’occupa beaucoup des malades et des lépreux. Saint Raymond, son maître spirituel, doutait de ses visions jusqu’à ce qu’il la vit, affublée de la barbe du Christ. Il lui sembla alors qu’elle avait réussi sa fusion spirituelle avec Jésus. Elle reçut, lors d’une visite à Pize, des stigmates qui réapparurent à sa mort en 1380. Elle est considérée comme la patronne de l’Italie et des infirmières. 

30 avril : Au Guatemala, le terme Ishquicuink désigne des hommes efféminés assistant les guérisseuses. Aujourd’hui, ce sont principalement des fonctions artistiques qu’ils jouent.


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14.

À LA RENCONTRE DE DONALD L. ENGSTROM-REESE

Papy Potter

 


Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.


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Certaines rencontres sont tellement étonnantes qu’on se demande si elles sont vraiment le fruit du hasard. Ainsi en est-il de ma découverte de Donald L. Engstrom-Reese. J’ai découvert son nom pour la toute première fois en lisant la Cassell’s encyclopedia of queer myth, symbol and spirit de Randy P. Conner et David Hatfield Sparks. Donald y est présenté comme « un artiste gay multimedia, praticien de la wicca et apprécié par les communautés spirituelles gays aux USA pour les êtres enchanteurs de son univers visionnaire ». Les quelques lignes le décrivant suffirent largement pour que je m’y intéresse. Je cherchai du coup un ouvrage qu’il aurait écrit, parcourrai Internet mais ne dénichai, hélas, rien qui put m’instruire davantage sur cet homme.

Jusqu’à ce jour de février où je quittai un forum de discussion païen, plus ou moins en claquant la porte. Je ne m’attendais pas alors à ce qui allait arriver. Une des participantes du forum prit en effet l’initiative de chercher à me retrouver et y parvint. Nous discutâmes. Dès le second e-mail qu’elle m’envoya, elle me parla de Donald Engstrom, à ma plus grande surprise, et me fournit l’adresse de son site. C’est ainsi que je pénétrai plus avant dans l’univers de cet homme qui fait l’objet aujourd’hui de ce Chaudron rose. Je décidai ensuite de le contacter et de lui demander s’il accepterait de répondre à quelques questions pour le blog Les Toiles Roses. Il accepta, à ma plus grande joie, et me fournit ses réponses rapidement.

Toutefois, avant de vous présenter mon interview de Donald, laissez-moi vous proposer quelques-uns des éléments étonnants que j’ai découverts sur son site. Il y a d’abord cette sorte de fraternité divine haute en couleur qu’il évoque sous des noms très parlants : le dieu « queer » (ou dieu pourpre), le dieu « fairie » (ou dieu vert) et le dieu « faggot » (ou dieu doré). Je ne traduis pas à dessein leurs appellations, vu qu’en anglais les mots « fairie» et « faggot », qui signifient respectivement « fées » et « fagot », désignent également les homosexuels, ce qui n’est pas le cas en français. Je les désignerai donc, par choix, sous leur nom anglais dans la suite du texte. Je ne pense pas trahir la pensée de Donald en affirmant qu’il s’agit là d’aspects différents du divin qu’il a perçus lui-même et avec lesquels il travaille et communique. N’y voyez pas des dieux traditionnels faisant l’objet de cultes bien définis.

 

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Donald présente tout d’abord le dieu « queer » comme une entité hivernale, plutôt sombre, également associé au pourpre ; il est présent partout où les hommes s’aiment, notamment à plusieurs. Ainsi peut-on lire sur le site de Donald que « deux des principaux emplois du dieu pourpre sont d’aider à maintenir l’équilibre et la beauté à travers le multivers, de cultiver et de nourrir les lieux du « Queer Power ». Oncle Blacky (un autre nom du dieu pourpre) protège et aime les gays. Il est le gardien des Mystères du Plaisir et du Délice Sexuel. De plus, il aime les Royaumes du Nord au-delà de toute raison. Il se souvient de plusieurs des plus anciennes magies queer : le baiser de la mort et la transformation. » Ce qui d’ailleurs me fait irrésistiblement penser au Chaudron Rose que j’ai consacré aux passeurs des morts à Halloween). Un peu plus loin sur le site, on peut lire : « Il reconnaît que tous les gays sont une source de bénédiction et sont essentiels au bien être du multivers entier. »

Le dieu « fairie », lui, ne doit pas vous être inconnu si vous êtes un lecteur assidu du Chaudron Rose. On reconnaît en lui le protecteur du monde végétal et des homos « gardiens des arbres » dont j’ai déjà parlé. Donald dit de ce dieu vert qu’il fut « le premier à rêver le monde vert et à chanter les chants de la photosynthèse. Un des principaux emplois du dieu « fairie » est d’être un marcheur d’entre les mondes, un émissaire entre les sangs verts de la Terre du Milieu (ndr : ou Midgard, Donald s’intéresse fort aux traditions nordiques) et tous les autres Royaumes. Le dieu Fairie s’occupe également en profondeur de la survie de toutes les espèces vertes, partout. Un autre des emplois du dieu vert est de veiller continuellement sur le peuple du troisième sexe et sur les garçons gays efféminés. »

Le dieu « faggot », nous dit Donald, « travaille, quant-à-lui, infatigablement à davantage de justice. On le connaît pour ne jamais pratiquer la langue de bois quand il s’agit de parler de ceux qui ont faim, que l’on fuit, qu’on abîme, que l’on prive de leurs droits. Il détient les mystères qui font que le tout est plus grand que la somme des parties et que vivre dans l’abondance et la beauté ne dépend pas des biens qu’une personne a accumulés. »

Il existe également, dans l’univers enchanteur de Donald, la Déesse Fee-Fee, la Drag Queen divine des cieux, « qui crée et perfectionne l’illusion ainsi que le glamour qui rendent cette planète belle et excitante ».

Le site de Donald présente bien d’autres détails sur ces divinités. Notamment des rituels et des méditations, par exemple pour aider les malades du Sida. Mon idée n’étant évidemment pas de traduire l’entièreté de son site, je laisse au lecteur intéressé le soin de le découvrir et de le parcourir :

http://web.me.com/iowariver/Walking_in_Beauty/Welcome.html

À présent, place à l’entretien, par lequel je vous invite à découvrir mieux la pensée de cet homme…

 

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INTERVIEW DE DONALD L. ENGSTROM-REESE

Par  Papy Potter

 

Les Toiles Roses : Bonjour Donald. Et merci de participer à cette interview. En quelques phrases, pourriez-vous vous présenter aux lecteurs ?

Donald L. Engstrom-Reese : Je me décrirais comme un artiste, un jardinier, un païen et un sorcier. Je m’implique depuis plus de trente ans dans l’étude des « mystères » et du « peuple des esprits ». Mes racines jaillissent de cet équilibre entre le sauvage et le domestiqué, l’art, l’esprit queer, la sorcellerie des campagnes, les runes, la randonnée, le rêve, la vision chamanique, la cuisine, la magie pratiquée par différents clans ainsi que de l’exploration des royaumes sacrés du sexe et du plaisir. Je m’implique dans la construction et le soutien de ces cultures émergentes de la Beauté, de l’Équilibre et de l’Enchantement (ndr : je choisis de traduire « delight » par « enchantement », pensant que cela est l’idée la plus proche de ce que Donald cherche à exprimer. D’autres traductions possibles seraient « délice », « joie », « réjouissance ». Le terme complet est « cultures of Beauty, Balance and Delight » qui reviendra souvent). Je crois qu’il est grand temps pour nous de choisir de participer aux actes qui poursuivent la création, il est nécessaire d’adopter des manières de vivre qui soient plus adaptées au développement durable. Je sais, dans mes os et dans mon sang, que nous avons tous le pouvoir d’introduire ces cultures émergentes dans nos vies quotidiennes. Je sais aussi que nous sommes tous co-créateurs du multivers. Je ne veux plus attendre une quelconque révolution future nébuleuse pour commencer à vivre une vie d’éveil, de conscience, qui s’enracine dans la Terre, et embrasse le plaisir, l’amour et l’émerveillement. En bref, après toutes ces années de travail spirituel, les deux seules choses que je sais sont celles-ci :

1. Le changement est la seule constante du multivers.

2. L’amour et la compassion sont centraux à tout.

 

Comment décririez-vous votre chemin spirituel ?

J’en suis arrivé à comprendre après toutes ces années qu’être un sorcier heatheniste (ndr : tradition païenne germanique) ET queer est une manière de vivre, pas seulement un sentier spirituel. En d’autres mots, tous les aspects de ma vie se nouent les uns aux autres constamment, créant une tapisserie de mon existence ici, sur cette bonne vieille terre. Beaucoup de choses m’influencent dans ma vie d’animal humain : le paganisme post-moderne, la sorcellerie et l’heathenisme, ainsi que les vieilles histoires qui survivent et s’enracinent dans beaucoup de pays et de mers à travers la Planète, ou encore ces histoires contemporaines qui émergent actuellement de la théorie quantique, de l’horticulture, des études des primates et de beaucoup d’autres arts et sciences. Citons aussi : l’expérience, les transes et les rêves de mes condisciples, de mes partenaires de clan, de mes amis, de ma famille, et bien sûr mes propres expériences, transes et rêves.

 

Vous parlez de l’émergence de la beauté, de l’équilibre et de l’enchantement comme une partie du travail spirituel gay. Pourriez-vous expliquer ?

Les cultures de la Beauté, de l’Équilibre et de l’Enchantement  n’appartiennent pas à (ni n’émergent de) un seul groupe en particulier. Elles se déploient de l’intérieur, à travers nombre d’individus, de groupes et de communautés.

Beaucoup de gays se sont joyeusement embarqués dans leur gaytude. Ils osent embrasser une certaine authenticité, laquelle prend racine dans une idée saine qu’ils ont de la communauté. Ils célèbrent ouvertement leurs vies et acceptent les conséquences de leurs choix tout en reconnaissant le caractère sacré de ce qu’ils sont, individuellement et en communauté. Ceci a conduit beaucoup d’entre nous sur les chemins d’une spiritualité Queer. En retour, cela a amené certains d’entre nous à mieux se comprendre, à se fortifier, en proclamant le fait que nous sommes des êtres à part entière, que nos corps ne sont pas seulement des vaisseaux, que nous ne sommes pas juste des pantins de chair. Nous en sommes arrivés à savoir, à l’intérieur de nous, que nous sommes entièrement des êtres sacrés : os, sang, chair, âme et esprit. Cet éveil a alors conduit un nombre croissant d’entre nous à développer et à nourrir les cultures de la Beauté, de l’Équilibre et de l’Enchantement. Je soupçonne qu’il s’agit simplement d’un rôle supplémentaire ouvert à ceux qui se consacrent à la spiritualité Queer, en plus de nos rôles plus traditionnels : marcheurs d’entre les mondes, pacificateurs, guérisseurs, enseignants, explorateurs de la sexualité, artistes, poètes, danseurs, prêtre(sse)s, etc.

J’ai inclus ci-dessous la définition des cultures que j’utilise actuellement.

Cultures de la beauté, de l’équilibre et de l’enchantement : Ce sont les cultures émergentes qui, entre autres choses, se préoccupent de transformer les relations entre les mondes humains et les royaumes de la nature en des partenariats aimants, durables et joyeux, dédiés au plaisir et à la beauté, qui embrassent une éthique de justice et de fairplay, des partenariats par lesquels les individus et les communautés mènent des vies authentiques et ouvertes à la joie. Les cultures de la beauté, de l’équilibre et de l’enchantement :

1. …Se concentrent sur la transformation des relations entre les mondes humains et les royaumes naturels en partenariats aimants, durables et joyeux.

2. Les gens choisissent de vivre une vie pleinement éveillée, consciente et en co-création.

3. Ces cultures se dédient au plaisir et à la beauté,

4. …Embrassent une éthique de justice et de fair-play,

5. Elles enchantent (ou réjouissent ?) les vies authentiques des individus et des communautés,

6. Les gens veulent accepter les conséquences de leurs choix, apprendre les uns des autres et avancer,

7. …Se rappellent qu’il y a toujours un choix,

8. …Tissent des cosmologies qui nomment l’amour et la compassion comme étant les éléments fondateurs du multivers.

 

Comment voyez-vous l’interaction entre les trois frères queer (Queer God, Fairie God, Faggot God) ?

Il est toujours bon de se rappeler que l’information que je partage m’est venue à travers mes propres filtres. J’encourage toujours les gens à développer leurs propres relations avec les « Mystères », à expérimenter les « Mystérieux» et à contacter le « peuple des esprits » de leur propre chef.

Les trois frères Queer, le dieu Queer (dieu pourpre), le dieu Fairie (dieu vert) et le dieu Faggot (dieu d’or) se sont d’abord présentés à moi au milieu des années 80. Eux et d’autres esprits Queer (Ing, Fee Fee, et Ours Chantant) sont centraux à ma vie et à la vie de mon clan-foyer, le « Pie Clan ». À travers les années, nous nous sommes rapprochés à mesure que nous poursuivons nos aventures dans la Terre du Milieu.

Les relations mutuelles des trois frères queer sont aussi riches et variées qu’entre n’importe quels frères, de sang ou non. Ils sont férocement loyaux les uns aux autres, tout en ne laissant passer aucune chance de se taquiner. Les frères se disputent parfois, mais dans l’ensemble ils sont dévoués les uns aux autres, et on les voit souvent travailler et jouer ensemble. Tous trois se dédient profondément à la croissance et à la floraison des Peuples Queer, ainsi qu’à l’émergence des Cultures de Beauté, Équilibre et Enchantement. On m’a dit qu’ils joignent souvent leurs forces quand ils choisissent de se concentrer sur des projets spécifiques d’intérêt mutuel. Cependant, beaucoup de ce qu’ils font échappe simplement à ma compréhension. 

Il semble que les trois frères aient un groupe social assez large qui inclut les « Mystérieux », les Vivants et les Morts. Je les ai vus se nicher ensemble à l’Auberge des Morts (Roadhouse of the Dead), célébrant une fête quelconque. Je les ai également souvent remarqués partout où les gays se rassemblent : concerts, bars, saunas, musées, bibliothèques, rassemblements,…

 

Pensez-vous qu’il existe une sorte de tribu spirituelle gay ? Qu’en seraient les clans ?

Selon mon expérience, la plupart des tribus saines et durables post modernes se composent d’une grande variété de gens : beaucoup de genres différents, de sexualités, d’aptitudes, de compréhensions, de talents, etc… J’ai remarqué que certains clans comportent une large proportion d’un certain type de personnes : gay, hetero, queer, etc. Mais est-ce que je pense qu’il existe une tribu spirituelle universelle gay ? Non, pas vraiment.

J’ai constaté qu’il existe des familles constituées “par choix” et qui se sont construites autour d’un noyau dur formé de gays et/ou de queer. J’ai remarqué qu’il y a des groupes spirituels, des rassemblements, des covens etc. qui utilisent la gaytude comme lentille principale à partir de laquelle ils se façonnent leurs propres visions du monde. J’ai noté que des énergies spirituelles sexuelles de type gay et/ou queer rassemblent les gens selon de nouvelles manières assez excitantes. J’ai aussi remarqué que les « Mystérieux » et autres esprits de mon accointance ne se constituent pas eux-mêmes en clans, tribus et familles basées sur la seule orientation sexuelle.

À nouveau, il me semble que les groupes durables, sains et croissants, se développent au départ de plus d’un seul type d’être humain. Oui, j’ai noté que ces groupes-là détiennent des compréhensions du monde qui leur servent de noyau commun. Mais j’ai aussi remarqué que les groupes qui se développent vraiment ont une large variété de sexualités et de genres qui tissent la toile de leur communauté.

Mon propre clan-foyer (le Pie Clan) se constitue de beaucoup de gens différents : gay, hétéro, bi, femme, homme, transgenre, intersexué, queer, etc.  Nous venons de différents horizons de la Sorcellerie, de l’Heathenisme et du Paganisme. Il y a une grande variété de métiers et de professions. Nous avons une diversité d’intérêts : jardinage, arts, lecture, cuisine, yoga, randonnée, etc. Une chose que nous avons en commun est notre queeritude. Une autre est notre amour et notre compassion les uns pour les autres. Une autre encore est notre engagement dans les cultures émergentes de la Beauté, de l’Équilibre et de l’Enchantement. Beaucoup d’entre nous ont choisi d’entretenir de profondes relations avec des tribus/groupes plus larges comme Paganistan, Reclaiming Winter Witch Camp, et The Earth Conclave.

Nous construisons de saines frontières mais nous ne nous isolons pas du reste de la Terre du Milieu.

Je ne découragerai jamais un groupe gay de choisir de se développer consciemment sous la forme d’un clan (ndr : au sens sorcier ou chamanique du terme). Cependant, j’encouragerais de tels groupes à s’aligner avec une tribu plus large composée d’une large variété de gens détenant des manières semblables d’être dans le monde.

Dit simplement, il semble cependant que nous gays soyons tous essentiels au travail d’accroissement et de développement des Cultures de Beauté, Équilibre et Enchantement.

 

POUR PLUS D’INFORMATIONS :

Sur la poésie de Donald :

http://web.me.com/iowariver/Walking_in_Beauty/Donald%E2%80%99s_Poetry.html

Sur les divinités qui inspirent Donald :

http://web.me.com/iowariver/Walking_in_Beauty/Biographies_and_Stories_of_the_Mysterious_Ones.html

Sur les Queer brothers :

http://web.me.com/iowariver/Walking_in_Beauty/The_Three_Queer_Brothers.html

Un rituel sorcier célébrant les queer brothers ;

http://web.me.com/iowariver/Walking_in_Beauty/A_Queer_God_Ritual.html

Des créations visuelles d’inspiration païenne réalisées par Donald :

http://web.me.com/iowariver/Walking_in_Beauty/Visual_Blessings.html

Pour découvrir ses voyages vers « l’auberge des morts » :

http://web.me.com/iowariver/Walking_in_Beauty/Roadhouse_of_the_Dead.html

À la rencontre du dragon rouge :

http://web.me.com/iowariver/Walking_in_Beauty/Sacred_Feasts.html

Quelques définitions :

http://web.me.com/iowariver/Walking_in_Beauty/A_Few_Working_Definitions.html


Plongez dans les précédents « Chaudrons roses »

 

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13.

BIENVENUE CHEZ LES RADICAL FAERIES...

Papy Potter



Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.

 

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Ceux qui, comme moi, sont fans de la série Queer as Folk US se souviennent vraisemblablement de cet épisode de la saison 3 où Emmet et Michael se rendent à un rassemblement des Radical Faeries. À leur arrivée, ils sont invités à se défaire de leurs vêtements quotidiens et à choisir une parure féérique par laquelle ils se sentent à même d’exprimer leur gaytitude. En soi, c’est déjà très interpellant. Les deux héros ont l’impression de débarquer à l’intérieur d’un autre monde. Tandis que Michael suit d’autres gays et se choisit « Panpan » comme nom magique, Emmet passe son après-midi à errer seul dans les bois avant de rencontrer un vieil homme très occupé à rassembler des pierres et de lui proposer son aide. Ce n’est que le soir qu’il se rend compte, lors de la réunion autour du feu (le cercle du cœur), que l’être avec qui il vient d’avoir une discussion si revigorante pour lui n’est autre… que l’esprit de Harry Hay, fondateur du mouvement, et décédé quelques années avant (en 2002).

Revoyez ce passage que j’adore (ah si, vraiment, moi, je ne m’en lasse pas) ici :


 

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Harry Hay

 

C’est en 1979 que Harry Hay et son compagnon fondèrent ce mouvement. Leur objectif était de donner une dimension supplémentaire à la révolution sexuelle des gays telle qu’elle était vécue aux USA. Hay fit d’abord le constat que de nombreuses religions écartent les homosexuels. Nous grandissons donc avec une sorte de blessure spirituelle. Pour guérir cette blessure, Hay proposa la création de véritables communautés où l’on peut se réunir et parler sur le rôle que les gays ont à jouer dans ce monde. Nous sommes le peuple de l’invisible, un peu comme les fées dont le mouvement tire son nom (faeries voulant dire « fées » en anglais). Toutefois, nous sommes bien présents sur cette Terre, depuis que l’humanité existe. Mère Nature habite en nous. L’adjectif « Radical » renverrait, lui, à la notion de « racine » et donc à celle « d’identité ». Les Radical Faeries insistent sur cette notion « d’identité ». Dans les pays anglo-saxons, le mot « faeries » désignait d’une manière péjorative les homosexuels. Les Américains se réapproprièrent ce symbole. Ils se réclamèrent de ce « peuple invisible » qui œuvre dans l’ombre. Différents sanctuaires furent ainsi créés où les Faeries se réunissent, et cela, dans le monde entier. Peu d’entre eux sont francophones mais il existe le sanctuaire de Folleterre en France, dans les Vosges. Les réunions coïncident souvent environ avec les sabbats sorciers (les équinoxes, les solstices, ainsi que début février, début mai, fin octobre et début août). Il y en a donc huit par an ou à peu près. Au cours de ces rassemblements, transes chamaniques et drag queens chamarrées mènent la danse tandis que des rituels sont tenus, le plus souvent basés sur les traditions amérindiennes et aborigènes, plus ouvertes aux homosexuels.

 

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À nouveau, le lien à la nature et à l’écologie sont fondamentaux dans ce mouvement bien qu’il ne se définisse pas comme « païen » en tant quel tel. Les Radical Faeries encouragent, d’une certaine manière, chacun à définir sa place en tant que gay (chacun ayant sa propre réponse) au sein de cette société hétérocentriste dont les normes ne doivent pas forcément être les nôtres.

 

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J’ai contacté, fin février, le sanctuaire Radical Féérique de Folleterre, situé dans les Vosges françaises. Je leur ai soumis un questionnaire. Efthimios a eu la gentillesse de me répondre dans la semaine. Je l’en remercie d’autant plus chaleureusement que le français n’est pas sa langue maternelle. Efthimios insiste sur le fait que ses réponses n’engagent que lui. Il est tout à fait possible que d’autres Radical Faeries fournissent d’autres réponses à ces questions. Je lui laisse à présent la parole et vous laisse découvrir… Les photos qui émaillent l’interview sont tirées du superbe ouvrage « Faeries » de Keri Pickett :

 

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INTERVIEW D’EFTHIMIOS

Par  Papy Potter

 

Les Toiles Roses : S'il vous fallait définir le terme "radical faeries" de manière succincte, quelle définition donneriez-vous ?

Efhtimios : Les Radical Faeries accueillent toute personne ayant une vision spirituelle de sa sexualité et de la position de sa sexualité dans la société ainsi que dans la nature. Toute expression qui surgit de cette vision est célébrée.

 

Les Radical Faeries sont originaires des États-Unis. Comment sont-ils arrivés en Europe, et en France en particulier ?

Grâce à trois fées, une américaine, une allemande et une hollandaise qui se sont connu(e)s dans un rassemblement aux États-Unis. Le premier rassemblement des fées fut organisé en 1995 à Terschelling aux Pays-Bas. Le premier rituel a eu lieu à Paris en octobre 1994. Apres plusieurs années de rassemblements, les fées ont créé une association française et ils ont acheté une maison dans les Vosges, qui s'appelle Folleterre.

 

Quels sont les sanctuaires principaux européens ?

Pour le moment il n'y a que Folleterre.

 

Comment définiriez-vous la spiritualité des Radical Faeries ? Quelles en sont ses particularités ? Comment la pratiquez-vous ?

La spiritualité des Radical Faeries est « inclusive » (ndlr : dans le sens, sans doute, de « inclure » en opposition à « exclure ». Je ne vois pas de mot français pour exprimer cette idée), non-dogmatique, fluide, et créée sur la base de l'inspiration de chacun(e). Elle célèbre la nature, la sexualité, les relations de cœur, les éléments et les esprits qui y sont impliqués.

 

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Comment se déroulent vos rassemblements ? Qu'y fait-on ?

Les rassemblements ont lieu dans une infrastructure très légère qui couvre les besoins de nourriture et repos etc. Typiquement, les rassemblements sont entièrement construits autour des idées exprimées par les gens présents. Très souvent il y a un "heart circle" (cercle du cœur) le matin où on parle et on écoute avec et par le cœur. Souvent il y a des rituels, des danses, des ateliers, un cabaret, un défilé de mode, beaucoup de moments ludiques et toute autre chose proposée par les fées présentes. Aussi on partage le travail de cuisine, etc.

 

De quels horizons spirituels viennent les participants ?

De tous les horizons. Les Radical Faeries sont « inclusives ».

 

On dit parfois que les Radical Faeries dérivent de la wicca ou du paganisme. Est-ce vrai ? En quoi ?

Non, mais ces éléments sont très présents grâce à notre amour pour la nature et sa spiritualité.

 

Que trouverait chez les Radical Faeries un gay qui y viendrait pour la première fois ?

Souvent les gens qui viennent pour la première fois sont stupéfaits à cause de l'ouverture d'esprit et le chaleureux accueil. Souvent ils disent qu’ils se sentent enfin chez eux.

 

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Selon vous, les gays ont-ils un rôle spirituel à jouer dans notre société ? Si oui, quel est-il ?

Si on exprime notre sexualité spirituellement on ne peut pas jouer un rôle. Ce rôle dépendra du rôle que chaque société accorde à la sexualité.

 

Dans quelle mesure les grands courants religieux de notre époque se retrouvent-ils chez les Radical Faeries ?

Ils se retrouvent mélangés, transformés, recyclés, abandonnés, reconfigurés, moqués, respectés, etc. etc.

 

Y aurait-il un ouvrage, un film, que vous conseilleriez pour mieux comprendre le mouvement ?

Pour comprendre mieux les débuts, il faut lire The Trouble with Harry Hay de Stuart Timmons et Radically Gay de Harry Hay. Il y a beaucoup des choses sur le Net (sur Youtube aussi). Il y a une revue qui s'appelle RFD, qui est publiée par les Radical Faeries aux États-Unis.

 

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Pour plus d’informations :

Le site de Folleterre : http://www.folleterre.org

Le site des eurofaeries (radical faeries européens) : http://www.eurofaerie.eu

Bien sûr, la page wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Radical_Faeries

Il existe également plusieurs groupes de discussion Yahoo.

Je vous invite également sur le site américain des Radical Faeries : www.radfae.org

À chacune de ses parutions, j’aime personnellement feuilleter le webzine des Radical Faeries de Denver, accessible sur le site cité ci-dessus.

Et, surtout, rien que pour le plaisir des yeux : Faeries de Pickett, un formidable ouvrage photographique autour des Radical Faeries, assorti de commentaires intéressants.

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 Et vous, quel serait votre nom féérique ? me demanderez-vous…

Le mien ? Il est possible de le trouver dans les limbes du Net…


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12.

MES ÉPHÉMÉRIDES DE MARS

Papy Potter



Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.

 

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Bonjour à toutes et tous,

N'étant plus sur Facebook, je vous livre directement sur le blog mes éphémérides de mars. C'est un petit calendrier où, pour chaque jour, j'évoque un personnage lié aux LGBT et dont c'est l'anniversaire ou la fête ou le souvenir de la mort. Ou tout simplement, tel jour, je décide de penser à une personne, un événement, un sujet sur lequel je souhaite m'interroger, creuser, réfléchir, étudier si j'en ai le temps. Comme vous le voyez, il y a de la matière.

 

1er mars : Naissance du peintre Botticcelli en 1445. Il ne s’est jamais marié et on pense qu’il était homosexuel. Vrai ? Pas vrai ? Ses représentations de la femme étaient de toute manière d’une grande finesse. Sa quête artistique tendit vers une recherche de l’absolu féminin. Quête, dit-on, assez fréquente chez les homos. Est-ce le cas ? Est-ce un cliché ? Il me semble que même récemment, il en fut question, de cette quête, dans une émission à laquelle Daniel a participé en radio.

2 mars : Le terme « faggot » par lequel les anglo-saxons désignent les homos renvoie, en fait, aux bûchers sur lequel on les brûlait. Il dérive aussi du français « fagot » qui signifiait à la Renaissance « homosexuel actif ». On peut méditer sur cette réalité : le bois qui s’enflamme. Allégorie de l’embrasement, du désir. Rencontre aussi du bois et du feu, tous les deux masculins. Mise à mort par le feu punissant une forme de sensualité elle-même très brûlante. Faut-il revendiquer ce terme ? Il est à la fois symbole génocidaire et métaphore du désir. Troublant, quand même.

3 mars : Naissance en 1756 de Françoise de Raucourt, fondatrice de la secte lesbienne des anandrynes. Qui sont aujourd’hui les descendantes spirituelles de ces femmes disparues ? Quelles étaient leurs idées ?

4 mars : Le singe symbolise la fête et le spectacle. Chez les Aztèques, on l’associe à l’homosexualité. Les homos ont, il est vrai, le sens de la dérision, de la fête et de la mise en scène. Et si j’étais un singe, de quelle espèce serais-je ? Ouistiti ? Macaque ? Bonobo ? Chimpanzé ?

5 mars : La feri tradition, fondée par Victor Anderson dérive de la wicca. Entre autres dieux, on y trouve le dieu bleu, être androgyne apprécié par les pratiquants homosexuels de cette religion. Un de ces attributs est la plume de paon. Le gay le plus connu pour ces réflexions sur ces divers aspects est Storm Faerywolf.

6 mars : Mise à mort par le feu en 1586 de Richard de Renvoisy, compositeur français, pour sodomie. Ses œuvres sont toujours jouées.

7 mars : Sainte Perpétue et Sainte Félicité sont fêtées ce jour. Elles ont été mises à mort ensemble par les romains, après s’être converties au Christianisme. Perpétue eut de nombreuses visions de leur martyre. Plusieurs fois, son père lui demanda d’abjurer la foi chrétienne, sans succès. On jeta une vache sauvage sur elles dans l’arène de Carthage en 203. On dit d’elles qu’elles étaient un couple lesbien. Elles ont d’ailleurs été souvent évoquées comme saintes patronnes lors de mariages religieux lesbiens, semble-t-il.

8 mars : Mort de l’homme politique Jean-Jacques Régis de Cambacérès en 1824. Il serait à l’origine de la décriminalisation de l’homosexualité en France. Quoique ce soit discuté, tout de même. Mais qu’est-ce qui a conduit la société à considérer l’homosexualité comme un crime ?

9 mars : Le safran est utilisé comme aphrodisiaque dans des sortilèges amoureux lesbiens. Et si on mangeait du riz au safran aujourd’hui ? Lol. Rien que pour voir ce que ça fait d’être lesbiennes quand on est gay.

10 mars : Abrogation en 1994 du paragraphe 175 qui criminalisait l’homosexualité masculine en Allemagne depuis 1871. C’est en son nom que des dizaines de milliers d’homosexuels furent déportés. Souvenons-nous.

11 mars : Le chant du cygne doit son nom à la mélodie désespérée chantée par Cycnus, lorsque son amant Phaeton fut assassiné par Zeus. Les cygnes vont toujours par deux. On dit qu’ils sont fidèles l’un à l’autre. Un pied de nez à ceux qui prétendent que les homos ne peuvent être fidèles ? Par dessus-tous, ce sont des animaux féériques. Donc, je les aime. Les elfes prennent parfois la forme de cygnes quand ils entrent dans le monde réel. Ne sont-ils pas à leur manière des voyageurs d’entre les mondes eux aussi ?

12 mars : Chez les amérindiens Tewa, Kanyotsanyotse est un homme-femme qui vécut à l’aube des temps. Il permit au peuple des hommes, vivant jusque là sous un lac, de gagner la terre ferme. Pour cela, il visita tous les animaux et les esprits des différents lieux. Il leur recommanda d’être aimants avec les humains. On peut y voir une fonction chamanique. Il a joué, en fait, un rôle d’intermédiaire entre les animaux et les humains, comme les chamans le font aussi entre le monde terrestre et celui des ancêtres. Les êtres aux deux esprits n’ont-ils pas justement l’aptitude à marcher entre les mondes, y compris entre celui des hommes et des femmes ?

13 mars : Dissolution de l’ordre des templiers, convaincu d’hérésie. En quelle année, au fait ? On évoque à leur sujet une divinité nommée Baphomet, à la fois masculine et féminine, ainsi que des pratiques homosexuelles. À nouveau, cela tient peut-être de la légende. Les représentations qu’on a faites de Baphomet le font souvent ressembler à l’image que l’on se fait du diable. Muni de seins et d’un pénis. Pourquoi ? Pourquoi aussi a-t-on diabolisé l’androgynie ?

14 mars : Chez les Tupis brésiliens, les tyvire sont des chamans homosexuels efféminés.

15 mars : Les Cathares, paraît-il, pour se libérer de tout ce qui rattache à la terre, cherchaient à ne pas faire d’enfants. Il leur arrivait dès lors d’avoir des rapports homosexuels. Voilà bien quelque chose qu’on ne m’a pas raconté quand j’ai visité Carcassonne avec mon Grand. Mais est-ce vrai ? Les derniers d’entre eux auraient été exterminés à Montségur le 16 mars 1244.

16 mars : C’est la Saint Abban, un abbé Catholique Irlandais qui, entre autres miracles, transforma une fille en garçon pour satisfaire un père déçu de ne pas avoir d’héritier mâle. Plus que de transgendérisme, ne peut-on y voir une forme de misogynie d’une société patriarcale dédaignant le sexe féminin ?

17 mars : Aido Hwedo est un esprit vaudou androgyne à la forme de serpent, qui apporte joie et prospérité. Sa facette masculine est nommée Damballah. Il habite les fontaines et les sources et est fêté aujourd’hui. On lui fait des offrandes de riz, de lait, ou d’œufs. C’est le moment de se rendre près d’une fontaine (ou bien de brancher celle qui j’ai remisée dans le grenier). Et pourquoi ne pas semer du riz sur son pourtour ?

18 mars : Hairy Meg est un brownie féminin qui a des allures masculines. Le printemps approche. Les fées s’activent. Et si j’offrais à manger à Hairy Meg, la plus butch des créatures féériques ? Mais que peut être sa nourriture préférée ?

19 mars : Cernunnos est un dieu préceltique dont la célébration a inclus des rites homo-érotiques. Il est dieu de la forêt et de ses habitants, en même temps qu’il règne sur les mondes souterrains et l’érotisme. La forêt renaît, les animaux sortent de leur hibernation. Cernunnos se réveille-t-il, lui aussi ? À quoi pouvaient donc ressembler les rites homo-érotiques par lesquels on le célébrait ?

20 mars : Naissance en 1833 de Daniel Home, occultiste écossais, bisexuel. Il était admiré pour la gratuité de ses offices, en tant que médium. Il fut condamné pour sorcellerie par l’église. Bien que marié, certains prétendent qu’il était en fait bisexuel. Bon, je suppose qu’aucun magazine people n’en a parlé à l’époque. Lol.

21 mars : L’équinoxe de printemps célèbre l’égalité en durée du jour et de la nuit, donc les semblables. Bien qu’on dise souvent que le roi houx et le roi chêne opèrent leur passation de pouvoir aux solstices, je reste persuadé qu’à ce niveau les équinoxes ont une valeur plus forte. À cette époque, les deux rois sont pour moi de force égale et donc plus aptes à livrer une lutte, même amoureuse.

22 mars : Ardanishvara est un dieu indou dont la moitié est une femme. Ce n’est pas le seul, car il en est ainsi de beaucoup de divinités indoues. En particulier, il représente, si je ne me trompe, l’union de Shiva et de Shakti. En tant que tel, il représente la supériorité du tout sur les parties. Il est lié au chakra de la gorge, également associé à l’érotisme. Ardanishvara apporte la prospérité. Sa moitié féminine porte une fleur de lotus et la masculine une peau de tigre. Il a été fréquemment représenté en peinture et sculpture. Quel sens les indous attribuent-ils à ces dieux "fusionnés" et du coup "hermaphrodite" ?

23 mars : Bran est un dieu celte, célébré par des prêtres homosexuels et nanti d’un chaudron magique. Il avait le pouvoir de ressusciter les morts, ce qui en fait une divinité à célébrer en ces temps printaniers. Irrésistiblement, je pense à Asushunamir dont j’ai déjà parlé dans le chaudron.

24 mars : Les galli, prêtres romains transgenres et homosexuels tenaient des rituels sacrés au printemps. En cette nuit du 24 mars, ils se rassemblaient en un lieu souterrain et y jouaient la mort et la résurrection du dieu Attis. On appelait cette journée « le jour du sang »  car des flagellations et des castrations rituelles avaient lieu. Les ainés incarnaient le dieu Attis célébré par les novices au travers de chants sacrés. S’ensuivait un rituel où les anciens galli et leurs initiés communiaient. Ils consommaient alors du moretum, vin rouge dans lequel on fait macérer pendant 2 jours 3 à 4 kilos de mûres avant de le filtrer et d’y ajouter du miel. Ensuite, les anciens galli et les novices s’unissaient en noces. À partir de ce moment, les nouveaux initiés pouvaient à leur tour incarner le dieu Attis. Vin rouge, mûres, miel. Bon, il faut que je retienne la recette…

25 mars : Tlatzoteotl est une déesse aztèque liée à l’homosexualité et à une forme destructrice de la magie. On la représente cornue, chevauchant un balai et tenant un serpent. Le lapin est un de ses animaux fétiches (tiens, le fameux lapin dont j’ai parlé il n’y a pas si longtemps, comme le serpent d’ailleurs). On la célébrait par des danses où l’on portait des masques, des chapeaux et des attributs phalliques desquels dérivent les carnavals. Une de ses dénominations est : « la déesse de l’anus ». Ça ne s’invente pas !

26 mars : La Kalogheri est une danse thrace toujours pratiquée où deux hommes déguisés en bouc se combattent. Celui porteur du phallus en bois épouse ensuite un homme plus jeune déguisé en femme. Curieux, faut que je me renseigne !

27 mars : Les jogappa sont les serviteurs travestis de la déesse indoue Yellamma. Ils se marient entre eux et tiennent des rituels principalement à la pleine lune. La déesse peut infliger divers tourments à ceux qui ne la respectent pas. Comme l’impuissance. C’est par des troubles physiques qu’elle les informe qu’elle les a choisis pour devenir des jogappa et être initiés à son culte. Des oignons et du sucre de canne sont parfois offerts à la déesse pour qu’elle bénisse des événements comme une naissance ou un mariage. Les jogappa mènent une vie ascétique mais réalisent des danses sensuelles. Ils sont extrêmement respectés. Faudra leur consacrer un billet, tiens.

28 mars : Naissance en 1859 du kabbaliste Joséphin Peladan, ayant centré son travail sur l’androgynie.

29 mars : Les galatura sont des prêtres transgenres mésopotamiens, musiciens sacrés de la déesse Inanna.

30 mars : Les hwame sont des chamanes lesbiennes de la tribu des Mohave.

31 mars : L’Evangile apocryphe de Philippe affirme que le retour de Jésus permettra à l’homme et à la femme de reformer l’entité androgyne primordiale à la fin des temps. De même que l’origine de la chute de l’être humain serait d’avoir été séparée en deux sexes. Le chaudron rose de Pâques va explorer en long et en large cet aspect étonnant de Jésus.


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11.

HEUREUSEMENT QUE DIEU EST AMOUR...

Papy Potter



Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.

 

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Le blog très intéressant de Luc le Belge, se fait l’écho actuellement de nombreux faits homophobes de nature religieuse.

Exemples :


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1) En Hollande, dans la petite ville de Reusel, le prêtre a refusé de donner la communion au prince du carnaval sous prétexte que celui-ci est homosexuel. L’affaire a fait grand-bruit aux Pays-Bas et est à l’origine d’un véritable feuilleton médiatique. Les associations homosexuelles pénètrent dans les églises, munies d’un triangle rose annonçant « Jezus sluit niemand uit (Jésus n’exclut personne) ». En outre, la présidente du parti travailliste hollandais, Lilianne Ploumen, appelle à un rassemblement dans la Cathédrale Saint Jean de den Bosch, afin de protester contre les exclusions dont les homosexuels font l’objet dans l’église catholique.


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2) À Grenade, une exposition du photographe Fernando Bayonna, s’inspirant des évangiles, devait présenter des photographies teintées d’un éclairage subtilement homo-érotique. Les menaces de catholiques extrémistes ont provoqué son annulation.


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3) En France, fin novembre 2009, des jeunes s’introduisent dans une église et jettent des œufs pourris ainsi que des boules puantes sur les participants d’une soirée de prières organisée à l’occasion de la journée mondiale contre le sida. Tout cela en scandant : « Pas de gays dans nos églises ».




4) En février, à Paris, des participants au kiss-in sont agressés par des catholiques homophobes.



Bon sang, mais que se passe-t-il donc ?

Dans une lettre qu’il adresse à l’archevêque de Paris, le pasteur Stéphane Lavignotte interroge : « Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui certains jeunes catholiques se sentent autorisés à de tels comportements qui n’avaient pas lieu hier ? Cela tient-il à la compréhension qu’ils ont des décisions de l’Église catholique durcissant le refus de l’accès des personnes homosexuelles à la prêtrise et à la vie en communauté ? Des positions des églises catholiques notamment en France contre l’ouverture du mariage, de l’adoption et de la PMA pour les couples de même sexe ? »

Je me pose, moi aussi, la question. L’actualité se fait le plus souvent l’écho d’actes homophobes sous couvert de la religion. Il me semble, à moins que je ne me fasse des idées, que la pression de certains milieux religieux contre les homosexuels va même croissante.

Pourquoi ?

Les gays sont de plus en plus acceptés dans notre société. Assiste-t-on, par l’intermédiaire des églises, aux derniers soubresauts d’un monde qui percevait les homosexuels comme une menace ?

Cette année, la journée internationale de lutte contre l’homophobie aura pour thématique : Religions, homophobie, transphobie. Les associations sont bien décidées à interpeller les pouvoirs religieux afin que ceux-ci se positionnent contre l’homophobie. Ce n’est pas un hasard. Trop souvent, la religion reste un bastion homophobe. Et des actes violents sont orchestrés sous son couvert.

Loin de moi l’idée de fustiger les seules églises chrétiennes. Nous connaissons également les positions homophobes des islamistes et des juifs extrémistes. Et je pourrais vous parler du mépris de païens que j’ai eu, moi-même, à subir il y a quelques jours à peine. Car, selon eux, en intégrant leurs dieux dans des rituels gays, je les insulte et les offense.

Pourtant, il existe des associations gays chrétiennes, des musulmans homos, des juifs queer, et j’en passe. Récemment, en Belgique, un couple homosexuel a vu son union bénie par un prêtre ouvrier dans une église. Aux Pays-Bas, des bouddhistes se marient. En Islande, l’Asatru (ancienne religion scandinave) pratique des mariages gays.

Je persiste à l’affirmer, les dieux n’excluent pas les homos. Ce sont les hommes qui les excluent. Je suis persuadé, en mon intime conviction, que Jésus accueille également les homosexuels dans la chaleur de son amour. Simplement parce que l’exclusion, elle-même, est contraire à sa parole. De même que l’illumination du Bouddha peut atteindre tous les êtres, qu’ils soient homos ou hétéros. Et, à nouveau, il n’est aucune offense à s’adresser aux dieux de diverses cultures lors de rituels gays. Cette position est, semble-t-il, plus aisée à défendre dans les pays anglo-saxons. Je me demande bien pourquoi.

La rubrique du Chaudron rose est ouverte à toutes les spiritualités. Je suis un éternel chercheur, curieux de l’esprit et n’appartient à aucune religion car aucune, jusqu’ici, ne m’a semblé assez diverse et large pour accueillir la diversité de mes pensées. Cela me rend très libre dans ma pratique spirituelle.

Je me joins, en tout cas, à tous ceux qui se lèvent pour être enfin accueillis avec amour dans les églises de leur choix. La spiritualité, quelle qu’elle soit, n’est pas affaire des seuls hétérosexuels et ne l’a, d’ailleurs, jamais été. Les homos aussi ont de l’esprit. Certains diront même, avec humour, qu’ils en ont plus que les autres.

Quant à ceux qui nous vouent aux bûchers et aux flammes de l’enfer, je leur souhaite de comprendre, enfin, le sens du mot « amour ».


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10.

LE SILENCE EST LE FRÈRE DE LA HONTE ;

LA HONTE EST L'ENNEMIE DE TOUTES LES VISIBILITÉS.

Papy Potter



Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.


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Fin janvier, les pages du journal Métro (en Belgique) consacrèrent un article à une bande dessinée d’origine italienne : En Italie, il n’y a que de vrais hommes, parue aux éditions Dargaud. Luca de Santis et Sara Colaone y abordent un sujet encore très méconnu. En tout cas, personnellement, j’en ignorais tout. Pendant la période fasciste italienne, plusieurs centaines d’homosexuels furent arrêtés et exilés sur l’île de San Domino delle Tremiti. Cette bande dessinée relate la vie de ces homos déportés et confinés.


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L’Italie de l’époque ne disposait d’aucune loi réprimant l’homosexualité. Mussolini en avait d’ailleurs expressément repoussé l’idée arguant du fait qu’« en Italie, il n’y a que de vrais hommes ». Des rafles furent toutefois rapidement mises en place pour conforter cette opinion, d’une manière infamante. Afin d’éviter l’expansion de « la plaie de la pédérastie passive », les personnes soupçonnées de s’y adonner étaient purement et simplement condamnées à l’exil pour crime contre la race.  De sorte que, dans la péninsule italienne, il ne restât plus, du moins, en apparence, que ce que Mussolini appelait « les vrais hommes ».

L’Italie pratiqua donc le confinement et l’exil en conséquence de ses persécutions contre les homosexuels. Et non l’extermination. Ni même, semble-t-il, la soit-disant « rééducation ».

Les conditions de vie sur l’île de San Domino s’avéraient très précaires. Les « confinés » y couchaient par dortoirs, jouissant de 5 lires par jour insuffisantes pour les nourrir. Les attroupements y étaient interdits. Quelques rares privilégiés purent cependant y exercer leur métier, comme le héros de la BD. Tous, néanmoins, subissaient cet exil comme une condamnation injuste. Ils n’avaient, en effet, commis aucun délit, ni aucun crime. Ils étaient juste homos. Certains, d’ailleurs, ne l’étaient pas, l’exil pouvant être prononcé suite à une simple dénonciation.

Cette bande dessinée ne sombre pas dans le pathos au sein duquel une thématique pareille amènerait aisément à plonger. Les heures obscures sont bien sûr abordées : les arrestations arbitraires, la pauvreté, la solitude, les querelles intestines, la maladie, le manque de soins, la promiscuité, les injustices, l’emprisonnement, les violences, sans oublier la honte qui poursuivit les exilés même quand ils eurent quitté cette île.


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Toutefois, d’autres souffles, plus légers, imprègnent ce roman graphique remarquable. Les auteurs y présentent en effet, également, les heures de fêtes, les plaisanteries, voire les histoires d’amour qui tentent d’atténuer l’horreur de la situation.


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L’interview d’un ancien confiné, ainsi que la préface, complètent l’éclairage apporté par cette bande dessinée sur cet épisode méconnu de notre histoire. Je dis « de notre histoire », parlant bien sûr de celle des homosexuels. Car je suis de ceux qui pensent sincèrement que les homos ont un passé, une histoire, que l’on tente, encore aujourd’hui, de leur faire oublier, en la passant sous silence. Cet oubli a d’ailleurs, j’en suis convaincu, également une fonction. Car il est plus facile de dominer un groupe dont on a tout bonnement gommé la mémoire. Il est donc de notre devoir de rappeler les fragments oubliés de notre passé. C’est aussi à cela que servent Les Toiles Roses.

Les exilés de San Domino ont vécu doublement ce silence. D’abord parce que leur mise à l’écart n’avait pas d’autre but que de laisser croire qu’en Italie, « il n’y a que de vrais hommes », et d’empêcher aussi l’homosexualité de se répandre (comme si elle était contagieuse). Ensuite, parce que jamais, apparemment, les autorités italiennes n’ont admis leur erreur ni leurs abus dans cette affaire. Et que l’on s’est très vite efforcé de l’oublier, de la taire. Ce n’est qu’à la fin des années 80 qu’un ancien confiné raconta son histoire, révélant à la population italienne ce qu’il avait subi. Berlusconi aurait même dit que « sous la période fasciste, on envoyait les homosexuels en vacances ». Ce qui, au vu des conditions déplorables dans lesquelles ils étaient détenus est parfaitement insultant.

Cette BD a donc le mérite d’aborder ce sujet. Et de le faire en abordant à la fois ces heures obscures et celles, parfois également, plus légères qui ont constitué la trame de l’existence des exilés. S’il fallait exprimer un bémol, cela serait, à mon avis, que le graphisme très simple n’est peut-être pas suffisant pour exprimer toute la palette des émotions qu’une thématique pareille permet.

Cela dit, la thématique de l’exil suscite en moi un questionnement qui va un pont plus loin. Dans l’interview cité tout à la fin du livre, il est écrit : « au fond, on vivait mieux sur l’île que chez nous. À mon époque, quand on était homo, on ne pouvait même pas sortir de chez soi, il fallait rester discret, sinon on risquait de se faire arrêter. » Terrible, non ? Cette phrase m’a, d’abord, terrifié. Car, comment peut-on vivre mieux dans l’exil (et dans de telles conditions de précarité) qu’en étant libre ? Sans doute parce que cette liberté, justement, n’existait pas vraiment. Il fallait éviter de se montrer. Il était impossible de vivre tel qu’on était. Ce qui, d’ailleurs, demeure vrai de nos jours à certains égards. Les homos d’aujourd’hui cherchent à tout prix à s’intégrer dans notre société moderne et à être acceptés pour ce qu’ils sont. C’est vrai… Toutefois, cela se fait parfois en tentant, tout d’abord, de gommer les parcelles les plus dérangeantes de notre identité, afin de nous rendre nous-mêmes plus acceptables, plus fréquentables. Trouvez-vous sincèrement que ce soit cela, s’intégrer ? Combien de fois ai-je entendu que la présence des travestis dans les Gay Pride constituait un obstacle « à la progression de la cause » ? Assassiner en soi la part de follitude, le geste léger, la part « par trop visible » de la gaytitude, n’est pas, selon moi, la manière la plus adéquate de s’intégrer. J’ai assisté à des mariages gays où les mariés n’ont pas une seule fois dansé ensemble. Pardonnez-moi mais cela provoque en moi un malaise. Malgré toutes les avances que l’on accorde aux gays dans mon pays, je ne vois toujours pas d’homos se promener main dans la main au travers de mes rues tournaisiennes (une ville quasiment campagnarde), dans l’ombre protectrice des maisons espagnoles ou flamandes. L’intégration se conquiert, à mon goût, trop souvent au prix du sacrifice d’une certaine visibilité.

Mais revenons-en à la problématique de l’exil. L’Italie n’est, bien sûr, pas la seule à l’avoir pratiquée. Les nazis ont déporté les homos dans des camps de concentration. Pareil pour l’Union Soviétique stalinienne ou le régime cubain des années soixante. Rééduqués, violentés, exterminés parfois. Telles furent les horreurs de ces exils.


 

Cependant, l’exil prend d’autres formes, parfois. Comment nommez-vous par exemple ces quartiers où les gays se rassemblent pour y vivre ? On m’objectera qu’ils sont libres de le faire, que personne ne les y déporte, que le contexte est différent, qu’ils ne sont pas en situation de précarité, je suis d’accord. Mais tout de même… Est-il faux de penser qu’il demeure plus aisé d’y être « visible », d’y être « soi » que dans les villages provinciaux ? N’est-ce pas aussi une forme d’exil au fond ? Une île incrustée dans la capitale où l’on peut se permettre certaines libertés plus difficiles à vivre ailleurs.

Vivre à l’écart des autres est loin d’être un détail, une exception dans l’histoire des homosexuels. Nombre de déesses protectrices des homosexuels ont, elles-mêmes, fait l’objet de bannissement. Ainsi en est-il de l’Anukite des sioux, condamnée à vivre seule dans la forêt pour avoir tenté de désunir le soleil et la lune. Il en est de même, également, de Yellamma, chez les indous, bannie de son mari pour une infidélité qui, d’ailleurs, n’avait même pas eu lieu. Les clans homosexuels qui vivent sous la protection de telles déesses reproduisent eux-même, bien souvent, l’exil de ces déesses en s’installant à part des autres. En dehors du campement par exemple. Ou dans un quartier bien précis de la ville. Une manière de reproduire le bannissement de leur divinité tutélaire. Mais pas seulement ! C’est aussi une façon de se retrouver entre soi, de manifester un mode de vie différent, de conserver certains mystères qui ne doivent pas être accessibles à tous. Cette vie à l’écart n’y est pas forcément la conséquence d’une exclusion. Ce peut être également la revendication d’une différence, d’un mode de vie particulier, qu’ils n’ont absolument pas envie de partager avec d’autres.

Il est, somme toute, une différence entre une vie en marge, consentie et choisie, et un exil forcé résultant d’une condamnation. Toutefois, les frontières entre les deux ne sont pas forcément toujours très claires.

Pour en revenir à la bande dessinée qui est à l’origine de ce billet, je ne peux que vous la conseiller, au moins pour votre culture personnelle. Et si, comme moi, vous êtes convaincu que se souvenir de notre histoire nous permet de mieux être nous-même dans le monde, alors, achetez-la. Pareil à moi, vous serez sans doute étonné de découvrir les heures festives parsemant les jours sombres de ces hommes. Voyons-y la preuve indéniable qu’au plus noir de l’horreur, l’humain parvient à être libre et à aimer.

Mais la raison la plus claire que vous pourriez avoir d’acheter cette BD est qu’elle sort ces hommes du silence. Je n’oublie pas que le silence est le frère de la honte. Et la honte est l’ennemie de toutes les visibilités.


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09.

MARIAGE HOMOSEXUEL :

UN RETOUR AUX SOURCES...

Papy Potter



Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.


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Vous le savez, c’est aujourd’hui la Saint Valentin. D’accord, c’est une fête honteusement commerciale où l’hétérocentrisme de notre société est encore plus affirmé. Okay, okay ! Ceci dit, je m’en fiche. Cela ne m’empêche aucunement de couvrir la maison de petits cœurs et d’offrir un cadeau à mon Grand à la lueur des chandelles. Je suis guimauve ascendant eau de rose ; je m’assume parfaitement. 

Je profite de cette fête pour aborder le thème ô combien controversé du mariage gay. On connaît diverses opinions sur le sujet. Certains le considèrent comme une évolution (ou, plus précisément, comme une révolution). D’autres comme une singerie du mariage hétéro. D’autres encore comme une aberration. Les derniers y voient davantage une belle source de problèmes ou de divorces coûteux.

Personnellement, je le considère simplement comme un juste retour aux sources, rien de plus, rien de moins.

Car, n’en déplaise à votre présidence, le mariage homosexuel est aussi vieux que l’humanité. Les religions chamaniques le pratiquaient déjà il y a des millénaires. Le chamanisme est tout de même la religion la plus vieille de l’humanité. Elle est mondialement répandue, sous diverses variantes. Les peuples qui la pratiquent encore célèbrent toujours de tels mariages. Aux Amériques, en Mongolie, en Sibérie, chez les Inuits, tous ont leurs hommes et leurs femmes aux « deux esprits » mariés avec une personne de leur sexe biologique. J’en ai déjà parlé dans cette rubrique. La problématique des « deux esprits » est complexe, je vous le concède, vu qu’ils sont fréquemment perçus comme un troisième sexe, auquel cas leur mariage est socialement vu comme, on va dire, « hétérogendérique ». Il n’empêche que, biologiquement parlant, il demeure homosexuel. Point barre. Et qu’il est vu comme particulièrement sacré, je le crains.

Bien, passons à autre chose, je cesse de vous embêter avec mes chers chamans. Je ne vous ferai pas l’injure non plus de vous parler de la Grèce Antique, rassurez-vous (leurs unions homosexuelles sont supposées « matière connue », comme disent les profs). Venons-en à des considérations plus, euh, chrétiennes... Mon livre de chevet actuel, Queer myths, symbols and spirit de Conner et Sparks consacre toute de même quelques cinq pages encyclopédiques au terme « union » (en anglais, oui, je m’en excuse, ce n’est pas ma faute si les maisons d’édition francophones sont trop trouillardes pour traduire ce chef d‘œuvre). On y apprend, entre autres, que des mariages gays furent célébrés à Rome au XVIème siècle. Épatant, non ? Plus précisément, cela se déroula en l’église de Saint Jean (parfaitement, Saint Jean, vous savez bien, la folle tordue que l’on prend pour Marie Madeleine sur les tableaux). Non, ils n’ont pas reçu la bénédiction du pape, il ne faut pas déconner. Il paraît au contraire que les pauvres types furent brûlés par la suite comme tant d’autres.

En Europe, des mariages homosexuels furent néanmoins célébrés également… au Moyen Âge. Ils perdurèrent bien tard dans les pays Balkans, sous la très sainte bénédiction de couples mythiques tels les célèbres Serge et Bacchus. Le tout avec, il faut bien le dire, force cérémonie, comprenant bisous aux icônes, vœux échangés et vin lapé dans le calice. Certaines unions étaient plutôt scellées dans le sang, du genre qu’on en faisait lorsque l’on était des gosses, ce qui n’en demeure pas moins qu’il s’agissait de mariages virils et sacrés. D’accord, en nos jours placés sous le spectre hideux du Sida, voilà qui fait frémir. Toutefois, répétons-le, ça existait !

Toujours selon le même bouquin, on trouve des références à des mariages homosexuels en Inde voire dans le Sud de la Chine. Des bouddhistes réunies sous le nom des « dix sœurs » fondèrent la structure de mariages lesbiens qu’on célébra… jusqu’au XXème siècle, s’il vous plaît !

Même en Afrique ! Non, vous ne rêvez pas. Ce fameux continent où l’on prétend sans ciller que l’homosexualité est un vice apporté par les blancs, ils y mariaient des bonnes femmes. Si, si, j’vous jure. Les Nuer le pratiquaient encore dans le Haut Nil au XXème siècle. Les Azande également, avec des charmes amoureux prononcés pour lier les deux dames. Le tout incluant des jeux érotiques rituels usant tout bonnement de bananes, de manioc ou de patates douces. 

Selon moi, et en conclusion, le droit au mariage gay n’est, en rien, une révolution ! C’est un retour aux sources, ni plus ni moins. C’est l’interdire qui fut, bien au contraire, une régression. Il a toujours fait partie de l’histoire de l’humanité. Il est universel. À ce point de vue, je souhaiterais d’ailleurs bien comprendre pourquoi les diverses contrées qui le célébraient dans le monde finirent par le jeter aux oubliettes. La seule faute aux monothéismes ? Peut-être. Je n’en sais rien, je m’interroge.

Je crois personnellement, pour résumer, que le droit au mariage est un dû. Qu’il fait partie de la nature sacrée et sociale de l’homme. À ce point de vue, un homo n’est pas différent d’un hétéro. Toutes les considérations du style : « le mariage ne peut se concevoir qu’entre un homme et une femme » ou « le mariage doit avoir la procréation comme valeur centrale » sont des fadaises.

Je vis, moi, dans un pays où le mariage gay est autorisé depuis sept ans. C’est un droit, bien sûr, non une obligation. Mon compagnon et moi ne nous sommes pas mariés, ce qui n’en exclut pas la possibilité future. Entre parenthèses, il y a quelques années, nous avons regardé avec des yeux comme des soucoupes le bazar que causa un mariage homosexuel en France je ne sais plus où, pardonnez-moi. Vu de l’extérieur, c’est aussi terrifiant qu’une pendaison en Iran, vous m’excuserez. Je ferme la parenthèse.

Avant de terminer, je souhaite vous communiquer ces quelques statistiques belges, tirées de ce site :

http://statbel.fgov.be/fr/statistiques/chiffres/population/mariage_divorce_cohabitation/mariages/homosexuels/index.jsp

De 2004 à 2008, 10 923 mariages homosexuels (gays et lesbiennes confondus) ont été célébrés en Belgique. Pour 307 malheureux petits divorces.

Chez les hétéros, il y eut 222 424 mariages pour 156 881 divorces.

Autrement dit, chez les homos, pour un mariage, on a compté 0,03 divorces. Par contre, chez les hétéros, pour un mariage, on a compté 0,7 divorces. Soit donc… proportionnellement 20 fois plus de divorces chez les hétéros que chez les homos. Fabuleux, non ? Les homos ne sont-ils pas les instables que l’on croit ? On m’objectera que le mariage gay est autorisé en Belgique depuis peu (2003), je suis d’accord. Sur la durée, on en reparlera sans doute dans 10 ans. Mais tout de même, cela m’interpelle. Je pense, pour ma part, que l’explication est la suivante : les hétéros se marient encore parfois pour respecter les conventions. Les homos le font, eux, envers et contre tout ; ils sont vraisemblablement plus sûrs de leur coup. En clair, ils se marient par amour avant tout. N’en déplaise à tous ceux qui ont cessé d’y croire ! Bien, j’assume : je suis un incorrigible romantique ; l’idée d’un mariage, ce n’est pas que je le désire ab-so-lu-ment. Disons que s’il me le demande, je ne pense pas que je dirais non ! J’ai la folie de croire que l’amour homosexuel est tout aussi beau, voire tout aussi sacré que n’importe quel autre. Il fait partie, ni plus ni moins, de la nature de l’homme. Ai-je tort ?

Sur ce, je vous souhaite une bonne Saint Valentin. Ainsi que bien des yeux érotiques enflammés, sur fond de chandelles rouges ou de cœurs emplumés. Cela, même si vous êtes tout seul ! Après tout, il faut aussi savoir s’aimer, soi, non ?


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08.

GANESH ET SES DEUX MAMANS

Papy Potter



Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.



Ganesh est vraisemblablement une des divinités hindoues les plus connues en Occident. Ses statuettes côtoient celles de Bouddha dans les boutiques, de sorte que son allure nous soit tout, sauf inconnue.


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« Celui qui enlève les obstacles » est né de Parvati, épouse du dieu Siva. On raconte que ce dernier s’était retiré dans l’Himalaya afin de méditer. À son retour, il trouva un jeune homme barrant l’accès de sa maison. « Ma mère prend son bain », dit-il. « Personne ne peut entrer, ce sont ses ordres. » Furieux d’être ainsi écarté de sa propre maison, Siva dégaina son épée et lui trancha la tête. Parvati, alertée par le tumulte du dehors, sortit en trombe de son bain et se mit à hurler. Siva venait de décapiter son fils. Mais comment était né ce fils ? Pas de la manière ordinaire en tout cas ! Pour tromper sa solitude, Parvati avait conçu Ganesh toute seule, au moyen de poussière et des squames de sa peau, en prenant son bain. Siva fut bien surpris d’apprendre que le jeune homme qu’il venait d’étêter était le fils « auto-conçu » de sa compagne. Pour ne pas décevoir son épouse, il déclara qu’il trancherait la tête du premier animal qu’il croiserait afin de remplacer celle de Ganesh. Ce fut un éléphant. Ainsi, Ganesh devint le dieu à tête d’éléphant.


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On remarquera ici que Ganesh n’est pas né de l’union de Siva et de Parvati, même si Siva en assuma la paternité. Il existe néanmoins d’autres versions de cette histoire, dont certaines prétendant que Ganesh serait le fils d’une union homosexuelle (1) et (2). Il s’agit, si on y regarde bien, d’une variante de l’auto-conception décrite plus haut. Malini, déesse à tête d’éléphant aurait ainsi participé à la naissance de Ganesh d’une façon étonnante. Malini est une servante de Parvati. Un jour que Parvati prenait son bain, Malini la couvrit de pommades, d’onguents, de poudres, pour l’aider à se nettoyer. Ensuite, elle lui racla le corps, récupérant le tout mêlé à la sueur et aux squames de la peau de Parvati (on retrouve là les éléments de la première version). Les poudres mélangées à la sueur constituent un mélange que l’on appelle « tirtha ». Ce « tirtha » est tenu pour posséder un étonnant pouvoir magique, dont celui de pouvoir enfanter. Ainsi, au lieu de jeter le « tirtha », Malini l’ingéra. C’est ainsi qu’elle tomba enceinte de Ganesh, qui naquit du même coup avec une tête d’éléphant. Dans cette version, Ganesh est donc l’enfant de deux femmes. On connaît l’importance du bain pour l’éléphant. Ses maîtres le nettoient plusieurs fois par jour. Ce sont ces mêmes soins du corps qui sont évoqués ici. Pratiqués par deux femmes, ils donnent, dans cette histoire, naissance au dieu indou le plus représenté en Occident.

Un autre texte encore prétend que le Gange aurait participé à la conception du dieu. Parvati s’étant lavée, elle confia ses fluides corporels au Gange. Fluides que Malini avala pour tomber enceinte de Ganesh. Ce qui se retrouve aujourd’hui dans ce rituel bien connu où des indous confient au fleuve des figurines de Ganesh lors de sa fête.


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Auto-conçu par Parvati, ou né de son union avec une autre déesse, Ganesh n’est donc pas né d’une union hétérosexuelle.

Dans la symbolique hindoue, on attribue un sens précis au fait qu’il n’ait pas de visage humain mais une tête d’éléphant. Cela veut dire que celui qui veut se rapprocher des énergies divines doit faire fi de son intellect. Le fait en outre que Ganesh protégeait, selon certains textes, la maison de sa mère quand il acquit cette distinction explique qu’il soit considéré comme « le protecteur des foyers ». D’où vraisemblablement sa si grande popularité.

La naissance de Ganesh est donc déjà teintée d’une forme d’homo-parentalité. Serait-ce le seul lien de ce dieu avec les homosexuels ? Pas du tout. Pour bien le comprendre, il faut examiner ses nombreux attributs.

Tout d’abord, la trompe molle de Ganesh est un symbole inverse de sa virilité. On peut très bien y voir une représentation phallique, mais sa flaccidité laisse comme un doute quant à son aptitude à enfanter. De fait, elle s’oppose au phallus érigé de Siva. La trompe incarne le caractère masculin de Ganesh mais elle est bien trop grosse et surtout bien trop mal placée pour pouvoir servir à des fins hétérosexuelles (2). Cette interprétation psychanalytique a été très discutée et mal vue en Inde où le livre fut d’ailleurs retiré des librairies. De fait, si Ganesh est parfois décrit comme marié à Riddhi, la richesse et Siddhi, le succès ; il est aussi souvent défini comme célibataire. Sa trompe molle l’associerait même aux eunuques.

Néanmoins, parmi les attributs de Ganesh, nous retrouvons des armes. Elles seraient, elles, une expression presque agressive de sa masculinité. On remarquera qu’elles lui sont offertes par Siva. Siva n’est pas son père mais il en joue le rôle. Il fournit à son « fils » les accessoires d’une masculinité qu’il n’a pas pu lui transmettre « biologiquement ». Il faut noter aussi que, pour les hindous, la tête est le réservoir de la semence. En décapitant Ganesh, Siva l’a donc castré symboliquement, ce qu’il a tenté de compenser en lui faisant cadeau de ses armes.

Penchons-nous à présent justement sur les outils du dieu. Ils sont nombreux.

• D’abord, la hache, arme de Siva. Symbole masculin et agressif, elle sert pourtant à… détruire le désir et l’attachement. Néanmoins, il s’agit d’une arme, donc d’un attribut guerrier bien utile à Ganesh dans son rôle de gardien protecteur des foyers.

• Ensuite, nous trouvons l’aiguillon à éléphant, qui permet de maîtriser le monde. Autre symbole masculin.

• Le nœud coulant sert, lui, à capturer l’erreur. Symbole plutôt féminin.

• On sait, en outre, que Ganesh ne possède qu’une seule défense. La rupture de cette défense est une autre manifestation de sa « castration ». La défense de l’éléphant est en effet un symbole masculin. Ganesh est fréquemment représenté avec cette défense rompue en main. Elle lui sert pour écrire. Dieu scribe, Ganesh est le père de l’alphabet sanskrit dont les lettres lui servent, en outre, de collier. L’écriture naît ici d’un attribut masculin brisé. Brisé, oui, mais pas absent. Il reste outil de création vu qu’il génère l’écriture.

Ganesh trempe enfin sa trompe dans un bol, rempli de sucreries. Ce bol est un symbole féminin. La trompe est masculine mais on a vu sa défaillance en termes d’hétérosexualité. Le bol de Ganesh est parfois décrit comme une sorte de récompense « matérielle » pour les efforts spirituels auxquels les hommes consentent. Il rappelle que l’être purement spirituel n’existe pas et que se détacher totalement de la matière est vain. Le bol a cependant ici une autre symbolique également. Pour certains, il renvoie à une partie de la légende de Ganesh. On l’a vu au début, il défendait l’entrée de la maison de sa mère contre son père. Le bol (féminin) dans lequel trempe la trompe (masculinE mais dés-hétérosexualisée) recèle un sens inattendu. La protection des voies sexuelles féminines CONTRE l’intrusion du mâle. Par extension, Ganesh protège les femmes de l’invasion masculine. Né d’un amour lesbien, Ganesh protège les lesbiennes de l’intrusion des hommes dans cet amour.

Pour terminer, signalons que Ganesh est fréquemment décrit comme le gardien de la porte qui conduit au serpent de la kundalini. La kundalini est cette énergie tapie au fond de la colonne vertébrale. Elle peut atteindre la tête en se déployant comme un serpent et ouvrir l’être aux réalités spirituelles. Le tantrisme, qui réunit des pratiques sexuelles, peut aider en cela. Une des portes qui conduisent au serpent de la kundalini est en fait… l’anus. Ganesh est son gardien, comme il l’est d’ailleurs pour le vagin. Les rapports sexuels anaux ouvrent la porte de la Kundalini, pour autant qu’ils ne soient pas « invasifs ». Entendez par là qu’ils soient « lubrifiés ». De cette manière, la Kundalini peut être réveillée. Le serpent se déploie alors et ouvre l’être à un état d’illumination. Voici une autre illustration du lien entre Ganesh et l’homosexualité.

En conclusion, voici un dieu né soit d’un amour lesbien, soit d’une femme seule, mais en tout cas sans l’intervention d’un homme. Ganesh, pourtant, est décrit comme le protecteur des foyers, ce qui en soi est une vraie gifle à ceux qui disent que les homos sont une menace pour la famille. D’autre part, il peut être perçu comme protecteur des femmes et de leurs voies sacrées contre l’intrusion invasive des hommes. Enfin, si Ganesh éveille aux mondes spirituels, c’est en permettant le passage d’une de ses portes. Une porte qui affole beaucoup d’entre nous, vous savez bien, cette rose, dont les feuilles sont une formidable caresse. Comme quoi, ce trou, qu’on décrit comme infâme, peut être une des nombreuses ouvertures du paradis…

 

Notes :

(1) Pattanaik, Devdutt (2001). The man who was a woman and other queer tales of Hindu lore. Routledge.

(2) Courtright, Paul B. (1989). Ganesa: Lord of Obstacles, Lord of Beginnings. Oxford University Press.

 


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07.

LE BESTIAIRE GAY (1)

Papy Potter



Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.



On dit parfois des gays qu’ils baisent comme des lapins. Voilà qui est bien pauvre. Car notre faune est riche et très diverse. Des animaux totems, nous en avons bien d’autres. Cet article vous propose de visiter leur zoo.

Commençons par celui que Ralf König, l’auteur allemand de bande dessinée, a célébré dans son album culte : Couilles de taureau. Le titre parle lui-même des causes de la popularité de l’animal. Le taureau est symbole de virilité et de puissance. Mais parce qu’il est mâle de la vache, il représente aussi l’abondance, la générosité, les ressources. Des ressources semble-t-il suffisantes pour justifier l’existence d’un commerce juteux autour des habitudes des gays. Un marché florissant qui vise principalement une chose : la satisfaction des taurins attributs. Mais bon, que les gays soient considérés comme des vaches à lait par un certain marketing est un autre débat. Je me souviens par ailleurs d’une gay-pride où un bar cuir défilait avec, en tête, un mâle coiffé d’une tête de l’animal, juché sur un dromadaire affolé. Attirée par la folle du désert, une de mes amies s’approcha du groupe. Et fut aussitôt entourée d’une meute de bêtes sauvages bardées de cuir, et engorgées de phéromones qui n’avaient pas pour but de la séduire, elle. Nullement intimidée, mon amie se lança poliment en compliments et bavardages, auxquels la troupe répondit, je m’en souviens très bien, par un silence presque outragé. Une femme, là, au milieu d’eux, rendez-vous compte ! Quoiqu’il en soit, le taureau semble bien présent dans les bars gays. Et ce ne sont pas les vendeurs de Red Bull qui d’ailleurs s’en plaindront. Pourtant, ce n’est pas réellement aux gays que le taureau est le plus relié. Mais aux lesbiennes. Les tauromachies auraient en effet pour origine des combats où des femmes guerrières s’opposaient aux taureaux. D’où sans doute des mots comme « bull-dyker » qui désignent les lesbiennes de type « butch ».


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On ne peut saluer le taureau sans parler de cet autre animal dont la queue laisse tant d’hommes rêveurs. Le cheval [voire l’étalon surtout, non ? Note de Daniel C. Hall]. À tel point que l’on peut s’étonner de croiser tant de crânes rasés dans la faune des bars gays. Après tout, une longue chevelure nouée serait bien plus métaphorique. Tom of Finland est sans conteste celui qui a le plus célébré l’animal, si on en juge ses fabuleux dessins macrophalliques. Le cheval symbolise à la fois la grâce, la liberté et le voyage. Qualités dont nous ne sommes pas dépourvus. À propos, à quand le prochain vol pour Mykonos ? Trêve de plaisanterie, c’est en fait au Mexique que le cheval symboliserait le plus l’homosexualité masculine.

Mais l’animal le plus célèbre est l’ours, forcément. Il possède son drapeau, strié de bandes aux couleurs de ses divers pelages, et frappé de son empreinte. L’ours a ses propres sites web et ses lieux de rencontre. C’est un des canons de beauté de la communauté gay. Tellement qu’on peut se demander pourquoi l’ours et pas un autre animal. Bien sûr, il y a quelque chose dans l’allure, la fourrure, le maintien. Mais est-ce suffisant pour expliquer sa popularité ? Symboliquement, l’ours représente, lui aussi, la force et une forme de virilité. Pour les chamans, il est néanmoins beaucoup plus que cela. Car l’ours hiberne une bonne partie de l’année. Il entre alors dans sa tanière, se rapprochant de la terre-mère et s’y lovant comme le fœtus dans un utérus. C’est de là qu’il part dans les autres mondes dont le rêve est la porte. Il s’y régénère, il y apprend, il y communique son vécu. Nous retrouvons l’idée de « voyageurs d’entre les mondes » dont nous avons déjà parlé. Contre toute attente, l’ours est donc également symbole de féminité. Après tout, l’ours en peluche est le compagnon préféré des enfants. Il correspond à une forme de substitut maternel. Il est sécurité, protection, synonyme de câlins, de douceurs  et de bonbons au miel. Étrange ambiguïté que celle de l’ours. La communauté « bear » a souhaité se démarquer franchement des homos plus efféminés en affichant les attributs les plus marquants de sa masculinité. Cependant, l’animal qui en est le fétiche a, lui aussi, sa face cachée. Comme quoi, on a toujours une folle en soi.

De « woof ! (expression « bear » commune) » à « wolf », il n’y a qu’un pas dont on me pardonnera la facilité. Car le loup n’est pas absent non plus du bestiaire gay. La noble bête est cependant considérée comme une variante de l’ours. Le loup est un homme poilu, souvent plus âgé, dominant, assertif sans être agressif. C’est un animal nocturne, au symbolisme lunaire puissant. Il évolue en meute, la nuit de préférence, se coulant dans les lieux de drague qui sont pour lui autant de territoires de chasse. L’homme-loup relève aussi du symbolisme du loup-garou. Voilà un homme qui se transforme le soir en bête sauvage et dont la morsure contamine ses victimes. Puissante imagerie que celle-là. On y perçoit le quadra en costume, dont les collègues n’imaginent pas qu’il se glisse dans les parcs, à la tombée du jour, pour y chercher des proies, souvent plus jeunes, qu’il pourra initier à des plaisirs que la morale réprouve. Car le loup, dont la lune est amie, est un maître sorcier, détenteur des mystères que la nuit lui apprend. À l’image de la femme qui a les siens, les gays ont également les leurs. Mystères sacrés que l’hétéro regarde avec angoisse parfois. Car aux yeux de l’hétéro, l’homo est bien souvent entouré d’une aura pleine d’énigmes. On se méfie de lui. On raconte des histoires insensées à son sujet. On brode, on imagine, on s’abandonne en commérages. La peur de l’autre est semblable à la peur du loup. Elle génère la sottise, le mensonge et la fuite. Quand elle ne devient pas le moteur d’une chasse sans pitié. Une chasse sanglante où les homos retrouvent les loups, leurs frères de nuit, leurs compagnons d’exil.

Venons-en à présent au serpent. Souvenez-vous que « la grande Zoa autour du cou met son boa ». Le boa ! Symbole de travestissement, de paillettes et de fête. Hasard ? Car le serpent est un animal qui mue. Il change de peau pour en vêtir une autre. Transformation, transgenre, travestissement. N’oubliez pas votre boa avant de monter en scène. C’est votre force, votre identité. Votre droit de choisir la peau que vous aurez envie d’habiter, pour une soirée ou pour la vie. Mais le boa, ce signe extérieur de féminité est en même temps le symbole le plus sûr de votre masculinité. Le serpent est sexe. Phallique. Grâce ondulante. Il s’insinue. Il est une force également, cette énergie tapie au fond de la colonne vertébrale et qui se déploie vers le crâne : la Kundalini. C’est le serpent tentateur du jardin d’Eden, le travesti qui surprend Adam, et qui apprend à Eve d’autres plaisirs que ceux d’un mariage malheureux. Le serpent est Lilith, femme militante, étoile de la souveraineté femelle. Lilith qui se proclame égale des hommes.

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Avant de finir, je m’en voudrais de ne pas aborder cet animal fétiche de la communauté. Une bestiole dont on se moque parfois ou qu’au contraire on célèbre. Pour sa minceur. Et ses vêtements si près de la peau. Vous l’avez reconnue : la crevette ! J’en vois qui gloussent. Pourtant… la crevette est bien représentée dans nos bars si trendy. Elle nage dans la mer primordiale. La mer, dont la déesse Vénus est née. La mer, dont le nom est si proche de l’amour. Car la crevette, souvent, le cherche, dans ce banc auquel elle se fond. L’amour, elle l’attend, elle l’espère. Elle le trouvera un jour. Peut-être un ours, qui sait ? Ce pourrait être à l’origine d’une fable : « l’ours était à sa bière puissamment accroché, quand la crevette le vit, elle quitta son rocher…. »

Et le lapin, me direz-vous ? C’est par lui que j’ai commencé ce billet. C’est par lui que je le termine. Ralf König, encore lui, l’a mis à l’honneur dans son album Comme des lapins. En réalité, il semblerait que ce soit l’animal le plus universellement relié à l’homosexualité. Ainsi, les kabbalistes au XVIème siècle prétendaient que les homos se réincarnent en lapin. De même, il est dit que le lapin de l’Arche de Noé perdit sa femelle et dut, conséquemment, incarner aussi la féminité de son espèce. On imagine comment. Moïse condamnait, paraît-il, également le fait de manger du lapin car… cela rendait les gens homosexuels. Quand vous recevrez cet ami hétéro dont vous êtes bleu, vous saurez quoi lui donner à manger ! Vous pourrez même lui raconter cette histoire du Moyen Âge qui dit qu’un moine, ayant eu des rapports sodomites, tomba enceint et accoucha d’un lapin qui resta à ses côtés tout le reste de sa vie. Enfin, en Chine également, le lapin était associé à l’homosexualité.

Bref… Il est bien d’autres animaux qui hantent le bestiaire des gays. Le gorille, l’hirondelle, le papillon, la libellule, le jaguar et j’en passe, et de plus écailleux. Pour une communauté dont on dit fréquemment qu’elle a des mœurs contre-nature, je trouve, bien au contraire, qu’elle nous habite avec diversité. Sur ce, je m’en retire au fond de ma tanière. Woof !

 

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