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DANS L'OMBRE DE JANN HALEXANDER

Dans l'ombre de
JANN HALEXANDER



Jann Halexander est un chanteur franco-gabonais. Il est également pianiste, acteur et producteur. Le chanteur Jann Halexander naît le 13 septembre 1982 à Libreville (Gabon, Afrique centrale). Ancien étudiant en géographie à Angers, dans le Maine-et-Loire, il prend un pseudonyme que lui inspire la personnalité de l'artiste sud-africaine Jane Alexander, dont les sculptures représentent des êtres hybrides. Il est issu d'un couple mixte — père gabonais, mère française — ce qui se fait ressentir au travers de ses créations. Pour découvrir son univers, Jann a accepté de rejoindre l'équipe du blog Les Toiles Roses avec cette chronique qui vous transportera loin dans l'imaginaire fécond et délicieux de ce grand artiste.

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12. The Mireille Mathieu Experience...

 

J'ai vu Mireille Mathieu au Koln Arena le 12 avril 2008, si je me souviens bien. L'hiver à Cologne, où je résidais alors, touchait à sa fin. Un ami d'un ami s'était déplacé de Zurich pour venir voir son idole. C'est parce que personne autour de moi ne voulait la seconde place qu'il avait achetée que j'ai accepté de l'accompagner. Je me disais que, après tout, ça ne pouvait pas être pire qu'un concert de country ou une prestation de la chanteuse Robert à l'Olympia (dont j'apprécie les chansons format studio, notamment L'Appel de la Succube, que j'avais « osé » reprendre, mais surtout pas hélas les prestations sur scène).

À vrai dire, il ne me serait jamais venu à l'idée d'aller voir Mireille Mathieu en concert. Ni même d'acheter ses disques. D'ailleurs que connaissais-je d'elle ? Deux chansons populaires au Gabon, où j'avais en partie grandi : Une Femme amoureuse, et la très belle et très simple chanson On ne vit pas sans se dire adieu, dont l'air m'a toujours obsédé ‒ peu importe que ce soit Mireille Mathieu ou une autre personne qui la chante, c'est la chanson elle-même qui m'a toujours ému.

Que dire d'autre ? Je savais qu'elle chantait dans toutes les langues, qu'elle était célèbre pour sa coupe au bol. J'ai souvent entendu ma grand-mère la surnommer « Mireille la Japonaise » car paraît-il, il y eut une période où elle était très connue là-bas. Voilà. Dans l'ensemble, mes goûts musicaux ne portaient pas sur Mireille Mathieu. D'ailleurs je suis aussi passé à côté de la pop, du reggae, du rock, de la grosse variété, écoutant principalement Poulenc, Ravel, ou alors carrément Mylène Farmer, William Sheller (et par patriotisme partiel, le chanteur folk gabonais Pierre Akendengué).

Et pourtant ! Il faut savoir quelque chose : le Koln Arena est immense. On dit de Mireille Mathieu qu'elle est ringarde. Je rêve d'être aussi ringard pour avoir plus de 3 000 spectateurs dans un petit stade. Et je crois que je ne suis pas le seul. Bon j'avoue, je n'ai pas un répertoire facile et je crois que même pour mes 10 ans de carrière, le maximum que je puisse faire c'est l'Européen et ses 300 places. Les carrières ne se ressemblent pas et il faut composer avec les aléas de la vie. Lorsque j'ai avoué, j'utilise le mot « aveu » car croyez-moi c'est plus difficile qu'un coming-out, que j'avais assisté à un concert de la demoiselle d'Avignon, on m'a souvent répondu : « Qui l'écoute encore ? » Et bien, ce 12 avril 2008, des milliers de personnes l'écoutaient dans une ambiance étonnante, assez survoltée, un public allemand acquis, et des fans venus de Belgique, France, Russie, Pologne, Mexique, Brésil qui se bousculaient pour déposer de volumineux bouquets de fleurs aux pieds de la dame en noir. La voix de la chanteuse était loin d'être parfaite, loin de l'idée que je m'en faisais (par rapport au passé) mais je me souviens d'une voix pleine d'éclat, pas veloutée, mais franche. Claire sans être sèche. Les choristes, efficaces, l'orchestre excellent, un mélange habile de chansons françaises et de chansons allemandes, de temps en temps du rythme. Tout fonctionnait.

Un concert c'est un moment court dans la vie de quelqu'un en général, je parle ici du spectateur. L'artiste, lui, doit y verser toute sa générosité, sa passion, pour un instant fugace. Je sais que certains, à la mentalité un peu fonctionnaire, se contentent de faire « leur truc ». Qu'ils se cassent au plus vite car ils font du mal au milieu musical. La musique vaut mieux que ça, ce n'est pas un jeu. Dire que depuis je suis fan de Mirelle Mathieu, non, mais je la regarde autrement tellement j'ai été décontenancé et d'un œil lointain, d'une oreille faussement distraite, je suis son actualité. Bon là c'est le simple auditeur qui parle, pas le chanteur.

Et puis mon avis, elle ne le connaît pas... et elle s'en fout, c'est normal et ce n'est pas bien grave.


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Le texte est © Jann Halexander. Tous droits réservés.

Dans l'ombre de
JANN HALEXANDER


Jann Halexander est un chanteur franco-gabonais. Il est également pianiste, acteur et producteur. Le chanteur Jann Halexander naît le 13 septembre 1982 à Libreville (Gabon, Afrique centrale). Ancien étudiant en géographie à Angers, dans le Maine-et-Loire, il prend un pseudonyme que lui inspire la personnalité de l'artiste sud-africaine Jane Alexander, dont les sculptures représentent des êtres hybrides. Il est issu d'un couple mixte — père gabonais, mère française — ce qui se fait ressentir au travers de ses créations. Pour découvrir son univers, Jann a accepté de rejoindre l'équipe du blog Les Toiles Roses avec cette chronique qui vous transportera loin dans l'imaginaire fécond et délicieux de ce grand artiste.


11. Anne-Cécile Makosso-Akendengué :
Ceci n'est pas l'Afrique

Il est assez étrange pour moi de poser des questions à ma propre mère au sujet de la parution de son nouvel ouvrage : Ceci n’est pas l’Afrique. J’avoue : c’est une idée de Daniel, le fondateur des Toiles Roses. L’ouvrage n’a rien de « gay » ‒ même si, par expérience, je peux témoigner que le Gabon n’est pas le pire pays pour les LGBT en Afrique.

Mais aussi il offre une bouffée d’air car il nous éloigne d’une Afrique fictive, construite de bric et de broc, de fantasmes… Évidemment, il y a celles et ceux qui ont une idée toute faite d’un pays africain et qui ne voudront pas évoluer. Si l’on suit le raisonnement de certaines personnes, on a ce sentiment malsain que l’Afrique authentique est une Afrique pauvre, sans eau, sans électricité… Combien de fois m’est-il arrivé de tomber sur des français, qui, dans le cadre d’un jumelage entre Angers et Bamako, mettaient un point d’honneur à ne pas vouloir rester à Bamako mais aller dans les petits villages perdus parce que : « Tu comprends, Bamako, c’est trop moderne, c’est pas authentique, c’est sans intérêt ». Authenticité, un mot galvaudé.

On peut trouver le bouquin un peu partout, ce qui est bien. Des gens écrivent pour remercier ma mère pour cette initiative. Un bel article signé Luc Melmont est disponible sur le site Culture et Chanson.


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Jann Halexander : Alors chère mère, ne rigole pas, car évidemment ce n’est pas tous les jours que tu te fais interviewer par ton fils, je te le jure, cette idée n’est pas de moi ! Ceci n’est pas l’Afrique va plaire, je pense, à des gens qui ont vécu dans les grandes villes africaines mais ne se sont jamais reconnus dans les descriptions qu’on en faisait en général, y compris dans les médias occidentaux. Quel public cibles-tu ? Que voudrais-tu que l’on en dise ?

Anne-Cécile Makosso-Akendengué : Je ne cible pas un public en particulier. J’aimerais qu’on dise que mon livre est sincère, que l’on sent bien le témoignage. Ce n’est pas un roman, tout est vrai. J’aimerais aussi (c’est présomptueux) que l’on dise parfois : « Mais sa vie… c’est un roman ! »

Cela aurait pu être un plaidoyer enragé, mais au contraire il y a de la distance, de l’humour, presque de la tendresse… J’espère bien ! S’il n’y avait pas un peu de tendresse quand je parle de 20 ans de ma vie, j’aurais peur… de finir aigrie !

 

Et comment l’idée d’écrire sur Libreville et sur le Gabon est-elle venue ?

Au départ, il y a eu des articles pour un journal d’association, le journal de l’ADFE (Association Démocratique des Français à l’Étranger), puis le plaisir à écrire s’est confirmé. J’ai eu aussi plaisir à évoquer des lieux, des moments…

 

La description savoureuse de l’atanga en fera saliver quelques-un(e)s, où peut-on trouver cet étrange fruit en France ?

Une amie m’a dit qu’on en trouve actuellement à Paris. J’aurais bien envie d’aller voir !

 

Qu’a pensé ton entourage autour du livre ?

Les échos que j’ai eus à ce jour sont positifs, mais je crois que je n’en ai pas encore assez pour me faire une idée de ce que mon livre peut susciter. J’espère que cela sera riche et varié.

 

Ton premier roman était Mathilde et son pianiste, publié aux 2 Encres, tu en es à ton deuxième roman, un troisième en préparation ?

Je me consacre actuellement à la poésie. Alors pourquoi pas dans deux ou trois ans un recueil ?

 

Le retour en France a-t-il été pénible, comme on le lit souvent dans de nombreux témoignages d’expatriés ? D’ailleurs te sentais-tu française là-bas ?

Le retour était choisi, donc assumé. Il n’empêche que c’est assez difficile, et que l’on ne se sent pas vraiment intégré. L’ai-je d’ailleurs été quelque part un jour ? Je ne me retrouve pas dans les souvenirs d’expatriés que j’ai pu entendre, et je ne me retrouve pas non plus dans les souvenirs de ceux qui n’ont pas connu le départ, qui est plus qu’une expérience. C’est une page de vie.

 

En fait, la force de ce livre c’est aussi que tu n’es pas juste une blanche qui écrit sur un pays africain. Car le Gabon a été aussi vécu dans l’intime : il t’a donné un mari ‒ vous êtes mariés depuis 1981 ‒ et deux enfants, la société gabonaise tu l’abordes aussi de l’intérieur, tu en fais aussi partie, envisages-tu de retourner là-bas ?

C’est vrai que pour moi ce pays est très chargé affectivement, je ne me sentais pas étrangère là-bas. Pourtant je n’envisage pas d’y retourner, mais un petit week-end à LBV (Libreville), pourquoi pas ? (C’est d’un snob !)

 

Tu as vécu aussi ce qu’on appelle l’arrivée de la Démocratie, un mot qui a tout son sens pour toi mais ce mot est régulièrement critiqué, y compris en France, par des intellectuels cyniques. Qu’as-tu à dire là-dessus ?

Les intellectuels cyniques… Beurk !

 

La lecture est fluide, on regrette que ce soit presque trop court, je te laisse les mots de la fin, tu as carte blanche…

Je me souhaite beaucoup de lecteurs, mon fils !!! (rires)

 

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L’avis de Luc Melmont :

Sur mon blog, je parle chanson et culture. La chanson fait partie de la culture mais il serait dommage de ne parler que chanson. J'ai parlé cinéma, peinture ; je parlerai littérature. En fait j'analysais un roman d'Amélie Nothomb quand j'ai reçu un exemplaire au titre intriguant : Ceci n'est pas l'Afrique.

Il est courant d’entendre que les médias français donnent une image déformée et négative de l’Afrique. Et dans le fond, nous savons très bien que l’Afrique ce n’est pas toujours la guerre, la pauvreté, le sida… Mais que savons-nous vraiment de l’Afrique urbaine et quotidienne ? De l’Afrique moderne ? Celle que les occidentaux en quête d’exotisme malsain refusent de voir. Car pour eux, l’Afrique des villes, de l’eau potable et des magasins climatisés n’est pas l’Afrique.

Anne-Cécile Makosso-Akendengué, française blanche mariée à un Gabonais et mère de deux enfants, raconte vingt années passées à Libreville, capitale de ce pays connu, le Gabon. Un récit passionnant et hélas… trop court. Car à travers sa vie, c’est aussi une société que nous découvrons, avec fascination, délectation aussi, tant l’auteur mélange humour et tendresse.

Elle aborde par exemple la démocratie, « arrivée » au Gabon en 1990, et nous rappelle sans démagogie ni lourdeur que la Démocratie a un sens et un impact concret sur la vie des gens.

Rarement la beauté d’un orage équatorial a été aussi bien décrite. Ses périples à Lambaréné, ville du fameux docteur Schweitzer ou à Port-Gentil, moderne cité pétrolifère, valent mieux que n’importe quel guide touristique. À la lecture, nous ressentons le climat équatorial ; nous voyons les vastes forêts reliant les villes ; nous sentons les rues et les bords de mer ; nous goûtons ces fruits exquis décrits de façon savoureuse (notamment les atangas). Ceci est l’Afrique : une Afrique réelle, contemporaine, loin des images d’Épinal ; c’est une Afrique moderne, quotidienne, avec ses grands supermarchés, ses centres culturels, ses chorales du week-end, ses restaurants, ses plages où se côtoient riches, pauvres et classes moyennes, où les expatriés vont le dimanche après-midi à la piscine des grands hôtels pour faire passer le temps. Parce que l’ennui est universel. La crainte de l’avenir aussi. Les jeunes gabonais suivent des études dans des lycées surpeuplés sans trop savoir où cela mènera. Et tout le monde a des rêves d’ailleurs. C’est un récit sur la vie.

Amateurs de descriptions de safaris, de longs traités sur la Politique, de commerce équitable ou d’histoires fabuleuses sur les gens pauvres mais heureux, passez votre chemin, ce bel ouvrage n’est pas pour vous. Mais pour celles et ceux qui acceptent l’inattendu, la surprise, on ne peut que conseiller de lire Ceci n’est pas l’Afrique.

Éditions l'Harmattan, collection Graveurs de mémoire


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JANN HALEXANDER


Jann Halexander est un chanteur franco-gabonais. Il est également pianiste, acteur et producteur. Le chanteur Jann Halexander naît le 13 septembre 1982 à Libreville (Gabon, Afrique centrale). Ancien étudiant en géographie à Angers, dans le Maine-et-Loire, il prend un pseudonyme que lui inspire la personnalité de l'artiste sud-africaine Jane Alexander, dont les sculptures représentent des êtres hybrides. Il est issu d'un couple mixte — père gabonais, mère française — ce qui se fait ressentir au travers de ses créations. Pour découvrir son univers, Jann a accepté de rejoindre l'équipe du blog Les Toiles Roses avec cette chronique qui vous transportera loin dans l'imaginaire fécond et délicieux de ce grand artiste.


10. La chanson, le public, la crise, Vincent Baguian,
Mylène Farmer et moi... Jann Halexander

Étrange « chose » que « le public ». Ce sont des amis... des amis des amis... des amis des amis des amis... des inconnus… des fans... des gens de passage... un ensemble parfois volatile. Étrange alchimie. Mais surtout le public... c'est vous !

Je suis toujours charmé quand je reçois des messages de soutien des gens ; régulièrement des internautes m'écrivent pour dire qu'ils aiment mes chansons, me couvrent de mots doux et encourageants quand je donne des récitals. Merci. Mais à celles et ceux qui le font et qui vivent dans la ville où je me produis, je dis : « Venez ! Venez, le public c'est vous... Les mots doux, c'est vous, le public c'est aussi vous. »

Je déplore l'étrange attitude des parisiens qui adorent crier sur les toits que Paris est une ville incontournable à cause des lieux culturels et pas chers. Ce sont les mêmes qui ne se déplacent jamais ou si peu. Si cela continue ainsi, des lieux mythiques comme « Le Magique », un exemple parmi d'autres, n'existeront plus... et Paris deviendra ville morte.

C'est l'une des raisons qui m'avait rendu hésitant. Depuis mars, j'avais donné des représentations à Bruxelles, Cologne, et ce fut toujours fantastique. Le public parisien, lui, me... rebute un peu... et pourtant quand tout se passe bien, je vous assure, c'est extraordinaire...

Pour un chanteur indépendant, évidemment, attirer et garder un public relève du chemin de croix. Bon, c'est possible sinon j'aurais arrêter de donner des concerts depuis longtemps. Depuis le 19 novembre, au « Magique », une des plus vieilles salles consacrées à la Chanson Française et tenue par le chanteur talentueux Marc Havet, à chaque fois il y a un peu de public. Jeff, mon attaché de presse et avant tout un ami, se démène pour la promotion. Il envoie l'information au maximum de personnes car il faut aller vers le public. Quelques fois, il reçoit des emails d'insultes. Des emails orduriers. Mais ni Jeff ni moi n'avons de temps à perdre avec la médiocrité. Nous avançons.



Je tenais à dire que depuis le 19 novembre, les gens qui viennent sont extraordinaires. C'est beau la Chanson, il faut le dire. la Grande Chanson. Car c'est ce que je pense faire. La Chanson c'est un beau partage. Quand je vous dis : « Venez ! », ce n'est point de la mendicité, non. C'est un appel à la beauté. La beauté d'un moment qui fait qu'on oublie nos tracas quotidiens, nos angoisses... Pendant une heure, nous nous évadons, nous allons vers l'ailleurs. Nous avons le droit de vivre ce genre de moment.

Et la Chanson ce ne sont pas uniquement les grands-messes sponsorisées par TF1, avec un prix d'entrée à 75 euros. C'est aussi les petites messes données par les artistes comme moi, pèlerins de la Musique : nous allons chanter un peu partout tant bien que mal, nous chantons nos propres chansons et chantons aussi celles des autres. C'est sûr, il nous faut du courage et rien n'est acquis. J'ai beau avoir sept ans de parcours et des milliers de cd et dvd vendus, je dois également avaler des couleuvres chaque jour. Heureusement j'ai l'esprit suffisamment libre pour me dire que je peux faire un autre métier pour respirer. Vivre normalement. Tiens, j'aimerais travailler dans une agence de voyages.

Le chanteur Vincent Baguian, que j'aime bien, a d'ailleurs lui-même dit : « Ne vous découragez pas, vous les jeunes artistes, qui éprouvez vos chansons ambitieuses dans les bars difficiles, sans artifices, condamnés à tout donner chaque soir pour convaincre un parterre clairsemé. » Phrase ô combien déprimante. Personnellement, je ne me sens pas concerné car je refuse tout simplement de végéter ou devenir aigri. Alors je prends du recul. Cela va sans dire que mon attitude suscite la mesquinerie, les questions odieuses. Peu importe, je vis, je mange bien, j'ai une vie sociale et je voyage.



Je rebondis sur Vincent Baguian et son propos sur Mylène Farmer. En fait, je suis assez admiratif de son courage. Je lui ai dit que je ne m'inquiétais pas pour son compte en banque, que cette forme de « désillusion » à l'égard du Star-system était hâtif et sans doute pas vraiment sincère. Peu importe. Mais ce qu'on a reproché à Vincent Baguian en fait, ce que les fans de Mylène Farmer et plus globalement de radios merdiques comme NRJ, Fun Radio, Skyrock, d'émissions merdiques comme La Nouvelle Star, la Star Academy, c'est de briser le consensus autour du Star-system, de la Star. En fait, on lui a reproché, soyons francs, de s'attaquer, lui artiste peu connu (enfin plus que moi, quand même, hein... quoique...) à un Panthéon, à Mylène Farmer. Pour celles et ceux qui n'ont pas suivi cette polémique, vous pouvez aller sur la page myspace de Vincent Baguian, son blog, l'article est toujours là et vraiment digne d'intérêt. Je le dis moi-même : rien de pire, de plus abject que le « consensus ». On ne peut pas forcer tout le monde à être d'accord sur le talent ou l’absence de talent d'un artiste.



Pourtant, j'ai passionnément aimé Mylène Farmer. Puis un jour, j'ai décroché. Je n'ai jamais su pourquoi. C'était bien avant que je couvre le mur de mon bureau d'affiches d'Anne Sylvestre en concert (j'adore ses chansons pour adultes). Il n'empêche, j'ai consacré une chanson... hommage, on dira... à Mylène Farmer. J'ai reçu des emails d'insultes également. Le comportement humain est fantastique. La chanson s'appelait « La Dame Rousse » et figurait sur l'album Le Marginal.

Voici le texte :

 

La Dame Rousse

Texte et musique : Jann Halexander, 2007.

 

(Hommage à Mylene Farmer)

 

Blottie dans son fauteuil

Madame tient une feuille,

Lèvres douces, l'air songeur,

La plume tremble, l'encre pleure,

 

Et parsème des milliers d'ombres,

Nous ramène dans un autre monde,

De noirceur, la froideur est reine,

Ainsi vous êtes, Dame Mylène…

 

De mon enfance, vous faisiez,

Un sanctuaire de douces peines,

De mes tourments, vous dansiez,

La gestuelle était belle,

 

Vous étiez le miroir,

Déformant des cauchemars,

Et l'acier d'un regard,

Nous plongeait dans l'émoi.

 

Obsédé amoureux,

Je fixais vos cheveux,

Et le roux si luxueux,

Rougissait mes temps, nerveux,

 

Nulle logique, je tournoyais,

Jusqu'au vide, l'être s'envolait,

Privé de l'autre, seul dans ma peine,

J'pensais à vous, Dame Mylène.

 

La Dame Rousse, était un songe doux.

L'ombre au loin, était amour lointain,

Le cœur vibrait… la pluie tombait,

Mon cœur vibrait, Dame Mylène…

 

C'est ce qu'on appelle une chanson de circonstances.



         Encore une fois, je le redis : la Chanson c'est aussi bien Johnny Hallyday, Polnareff que des artistes comme Vincent Baguian, Nicolas Bacchus ou moi... Vouloir créer des hiérarchies en musique, et en Art, c'est marcher sur des œufs en permanence, tellement la notion de subjectivité intervient.

Pour ma part, je ne donnerai pas de concert en 2010, me consacrant aux DVD et à un disque. Enfin si, je donnerai peut-être une date. Mais aux parisiens et aux parisiennes qui m'envoient de gentils messages, je dis : « Venez le 4 ou/et le 5 décembre. Le public c'est vous, venez me voir sur scène.... et sans orgueil, je le dis, vous ne regretterez pas. »

 

 

Récital

4 et 5 décembre au Magique.

42 rue de Gergovie.

Métro Pernety ligne 13.

20h30.

Entrée : 12 euros.

Réservation avec Billetreduc.com : 8 euros

http://www.myspace.com/lechanteurjannhalexander

 

 

Déclaration d'amour à un vampire II

Texte et musique : Jann Halexander, 2008.

(Après avoir connu la passion avec un vampire, un homme vit une vie de couple routinière avec Dracula)

 

J'ai fait l'amour à un vampire

Ma foi c'est pas ce qu'il y a de pire

À part deux p'tits trous dans le cou

J’étais normal rassurez-vous

Encore faut-il voir c´qu'est normal

 

De cafés en pause-déjeuners

Des siècles se sont écoulés

Et la passion a laissé place à une saine indifférence

 

Dracula m'a dit : que tu m'ennuies

On reste là et va la vie

Sors le cadavre du frigo et fais-moi un rôti

 

Nous menons une vie bourgeoise

Allons chaque été à Salzbourg

Passons l'hiver à Pretoria

Il veut un chien, je veux un chat, résultat nous n'avons rien

 

Pas même cette chose nommée enfant

Nous refusons une mère porteuse

On fait confiance à la science pour que les hommes deviennent enceintes

Faut qu'on rigole un peu

 

Dracula m'a dit : pas pour cette nuit

J'ai mal aux dents, j'ai des caries

Va donc voler un tour dehors

Voir si j y suis...

 

Maman prend le train pour nous voir

Papa emmène du vin de palme

La vie est douce et ennuyeuse

C'est ce qu’on appelle un couple heureux

Dans le monde occidental

 

Mais méfiez-vous de mon cynisme

Il est l’arme d une âme impudique

En tête-à-tête, seul dans une pièce, l'amour vibrant refait surface

 

Mon amour m'a dit : viens mon chéri

Nous nous aimons et va la Vie

Un jour nous ne serons plus mais peu importe

Ce que rien veut dire pour l’amour qu’on se porte

Ce que rien veut dire pour l’amour qu’on se porte...


 

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Les photographies sont © Jeff Bonnenfant. Le texte est © Jann Halexander. Tous droits réservés.


Depuis le jeudi 19 novembre, soir de la "première" du récital du chanteur et de notre chroniqueur Jann Halexander, à Paris, les gens viennent régulièrement, grâce au bouche à oreille...
C'est de la Chanson, de la belle Chanson...
Les dates à venir : 26 ,27 ,28 novembre & 4 et 5 décembre, 20h30... dans la petite salle intimiste du Magique (Paris 14).
Jann Halexander parcourt son répertoire sur 7 années de chanson, déjà : il interprète ses classiques : "A TABLE", "Déclaration d'amour à un Vampire", "Le Mulâtre", etc.
Mais également des chansons de Francis Lemarque, Anne Sylvestre, Mercedes Sosa, Chico Buarque, et entre chaque chanson, raconte des anecdotes, alors que dire de plus aux curieux et curieuses :

Dans l'ombre de
JANN HALEXANDER


Jann Halexander est un chanteur franco-gabonais. Il est également pianiste, acteur et producteur. Le chanteur Jann Halexander naît le 13 septembre 1982 à Libreville (Gabon, Afrique centrale). Ancien étudiant en géographie à Angers, dans le Maine-et-Loire, il prend un pseudonyme que lui inspire la personnalité de l'artiste sud-africaine Jane Alexander, dont les sculptures représentent des êtres hybrides. Il est issu d'un couple mixte — père gabonais, mère française — ce qui se fait ressentir au travers de ses créations. Pour découvrir son univers, Jann a accepté de rejoindre l'équipe du blog Les Toiles Roses avec cette chronique qui vous transportera loin dans l'imaginaire fécond et délicieux de ce grand artiste.


09. La variété, la chanson, nos quotidiens
et Sylvain Yardin, un marseillais dans le brouillard...


Je disais il y a quelques temps qu'on est toujours l'inconnu(e) de quelqu'un. Oui mais alors dans ce cas, on est toujours le connu de quelqu'un d'autre. Ce qui fait qu'un artiste est connu : le bouche-à-oreille, la presse papier, la presse Internet, le buzz, plus rarement la télévision, les festivals... Lorsqu'on a une production soutenue, malgré les obstacles multiples rencontrés – et l'argent n'en est qu'un parmi d'autres –, on peut donner le sentiment aux gens que « tout va bien ». Et parmi celles et ceux qui croient que tout va bien pour moi, il y a des artistes débutants qui me sollicitent régulièrement pour me demander de leur produire un concert, un disque, voire donner des conseils.

 

 

Je tiens, c'est un fait. Le temps passe vite et cela fait six ans que je chante. À quel prix... Aznavour l'a encore dit il y a quelques jours : « Il n'y a pas de secret, le plus dur reste toujours à accomplir : tenir. » Continuer de dire j'existe. Un travail titanesque pour parfois bien peu de résultats. Et il faut garder un peu d'humilité, même si je n'aime pas cela. Il faut accepter quand il n'y a pas le choix de travailler ailleurs que dans la chansonnette ou dans des petits films vus par si peu de gens. Je crée, chante, joue, filme, donne des concerts, tout cela par passion, soyons clairs. Et parce que je sais que j'apporte quelque chose de l'ordre de l'évasion, du divertissement, du rêve dans la vie de nombreuses personnes. Le jour où il ne se passera plus rien, évidemment j'arrêterai. Comme dit le journaliste Luc Melmont, c'est le public qui fait l'artiste. Je suis d'accord. Tout va bien ? Je ne sais pas. Mais toujours est-il que je suis sollicité. De même il m'arrive parfois de solliciter des gens, donc en soi cela ne me choque pas. Je me sens toujours obligé de répondre à celles et ceux qui m'écrivent qu'ils se trompent, que je ne peux hélas pas faire grand chose pour les aider.

 

 


C'est pourquoi j'admire la détermination du marseillais Sylvain Yardin. Il souhaitait travailler avec moi. Je lui ai demandé :

— Pourquoi ?

— Parce que j'aime ton univers et que ce serait intéressant.

— Mais tu sais, je ne peux rien promettre et je n'ai pas le bras long.

— Ce n'est pas un problème, je ne chante pas pour vendre des millions d'albums et je ne cherche pas de maison de disque.



Il est bon de rappeler que tous les artistes n'ont pas les mêmes attentes de l'Art et du rapport avec le public. Sylvain Yardin, jeune homme beau, torturé, homosexuel, est parolier ; vit depuis longtemps dans la cité phocéenne qui l'a façonné. Je connais bien Marseille, j'y ai même chanté, mais je n'aime pas trop cette ville. Sylvain non plus, mais cette cité lui colle à la peau, transpire en lui. Passionné de variété et de chanson, il suivait mon parcours depuis pas mal de temps, parlant à droite à gauche de mon travail. Il avait écrit un texte sur l'enfance maltraitée, « L'Idylle Atroce », que j'avais mis en musique et interprété pour mon album Le Marginal. Un ami chanteur, Aurélien Merle, qui avait d'ailleurs fait la prise de son, avait reconnu ne pas trop aimer cette chanson qu'il trouvait insoutenable.

 


Les textes de Sylvain Yardin sont impudiques, et c'est ce qui m'attire sans aucun doute. Ce qui m'attire aussi, c'est la Variété. J'aime Poulenc, je l'ai déjà dit, j'aime Anne Sylvestre, William Sheller, Jean-Pierre Réginal mais grosso modo j'aime beaucoup de choses et la Variété aussi, y compris la plus bancale, la plus kitsch. Ça peut aller de Mireille Mathieu à Michel Sardou. Et participer à l'élaboration d'un disque de variété avec Sylvain Yardin me motivait.


 

Le premier jour d'enregistrement a eu lieu sur Angers, en présence de Jeff, mon attaché de presse, qui a décidé de prendre en main la production du disque Marseille dans le brouillard. La bruine était au rendez-vous. Un premier jour est toujours stressant mais tout s'est rapidement mis en place, Sylvain très pro, comme si l'entente entre nous et l'ingénieur son était une évidence. Le second jour, beaucoup plus long, a porté ses fruits.



Ma voix et mes opinions ne pèsent pas grand chose, je crois. Ce n'est pas très grave, cela rend la parole d'autant plus libre. Marseille dans le brouillard sortira officiellement le 16 décembre... Notez bien...

 

Marseille dans le brouillard

Texte : Sylvain Yardin

Musique : Jann Halexander

2009

 

J’ai donné sans savoir

J'ai perdu tant de confiance

J’ai combattu sans y croire

Et pris de la distance

Réfugié dans cette ville

Que j’ai choisi par défaut

Me suis mis en exil

J’ai caressé les maux

 

Le soleil s’est couché

Et le vent a dissipé

Des passages de mon passé

Sous un ciel noir étoilé

J’ai écrit sur pages froissées

Les notes d’une histoire glacée

Appris à me battre, aimer

Sans être mis de côté

Marseille est dans le brouillard

Les lumières ont éclairé mes pas

Vers un chemin tracé d’espoir

C’est ici que commence mon histoire

Une histoire vécue au hasard

Guidé par les routes du soir

J’ai gardé dans ma mémoire

Marseille dans le brouillard

 

Le soleil s’est couché

Et le vent a dissipé

Des passages de mon passé

Sous un ciel noir étoilé

J’ai écrit sur pages froissées

Les notes d’une histoire glacée

Appris à me battre, aimer

Enfin exister

Le soleil s’est levé

Mon histoire a commencé

Je garde en mémoire Marseille

Dans le brouillard

 

Retrouvez Sylvain Yardin :

http://sylvain-yardin.skyrock.com/

http://www.sylvain-yardin.fr

www.myspace.com/sylvainyardinofficiel

 

TO BE CONTINUED...

 

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Son site officiel

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Les photographies sont © Jeff Bonnenfant. Le texte est © Jann Halexander. Tous droits réservés.

Dans l'ombre de
JANN HALEXANDER


Jann Halexander est un chanteur franco-gabonais. Il est également pianiste, acteur et producteur. Le chanteur Jann Halexander naît le 13 septembre 1982 à Libreville (Gabon, Afrique centrale). Ancien étudiant en géographie à Angers, dans le Maine-et-Loire, il prend un pseudonyme que lui inspire la personnalité de l'artiste sud-africaine Jane Alexander, dont les sculptures représentent des êtres hybrides. Il est issu d'un couple mixte — père gabonais, mère française — ce qui se fait ressentir au travers de ses créations. Pour découvrir son univers, Jann a accepté de rejoindre l'équipe du blog Les Toiles Roses avec cette chronique qui vous transportera loin dans l'imaginaire fécond et délicieux de ce grand artiste.


08. Ils ne veulent pas de nous... (Lettres africaines)


Vous ne verrez jamais nos visages dans leurs journaux, dans leurs médias : Jeune Afrique l’Intelligent, Afrique Asie, Afrobiz, Am, etc. Vous n’y verrez jamais nos sourires, nos parcours, nos projets. Jamais. Presque jamais. Si peu. Même si l’Afrique reste gravée au plus profond de nous. Quand tel journal se voulant représentatif de la diaspora africain sélectionne une cinquantaine de portraits plus flatteurs les uns que les autres, vous ne nous verrez pas non plus. Nous ne correspondons pas à l’idéal de l’homme africain ou de la femme africaine.

C’est normal, nous gênons. Tout simplement parce que nous ne nous sommes pas hétérosexuels et que nous refusons de le taire. Nos revendications agacent. Notre soif de dignité exaspère. Notre envie de Vie déclenche les réactions les plus folles. Pire, nous refusons la honte, refusons d’avoir honte, d’autant plus que nous avons des gens qui nous aiment pour ce que nous sommes.

Nous refusons la peur et préférons la dignité. Même si lourd est le prix à payer. Nous sommes écrivains, poètes, chanteurs, comédiens, sociologues, militants… Je songe à Bertrand Matoko, Abdellah Taïa, Maïk Darah, Charles Gueboguo, Joël Gustave Nana. Nous sommes des hommes, des femmes qui voulons vivre. Nous sommes homosexuel(le)s, bisexuel(le)s, transsexuel(le)s… Nous sommes africains, pas uniquement parfois, mais le sommes tous suffisamment pour ressentir que quelque chose ne va pas.

L’Afrique c’est grand, qu’on se le dise… Certains pays sont plus vivables que d’autres. Certains sont des enfers où on survit à condition de se cacher, d’avoir un puissant réseau de relations. Quand on a de l’argent et des réseaux, on peut nier une certaine réalité.

Nous refusons la lâcheté. Nous connaissons ces hommes mariés qui trompent leurs femmes au grand jour avec des êtres du même sexe. Nous connaissons le regard de ces femmes qui se fait haineux quand on leur dit que tous les hommes n’aiment pas (toujours) les femmes. Nous connaissons ces tristes machos qui ne supportent pas qu’une femme puisse se passer d’eux, sexuellement, sentimentalement. Nous payons pour les lâches qui, à la vue de tous, crient haut et fort que l’homosexualité est une calamité, une maladie de Blancs, etc. etc.

Ce n’est pas une partie de plaisir de vivre tel qu’on est au grand jour. Mais vivre en prison c’est pire…

Nous n’avons pas des parents parfaits. Les parents parfaits n’existent pas. Cependant il existe des parents pires que d’autres. Et des parents parfois exceptionnels, malgré leurs défauts. Mon père est de ceux-là. Jusqu’à 19 ans, si je respectais mon père, gabonais, j’avais peur de l’aimer. Je redoutais d’aimer quelqu’un qui pouvait potentiellement me rejeter pour ce que je suis. Puis, guidé par je ne sais quelle folie, j’ai franchi le pas. Je lui ai envoyé une carte. Papa, j’aime un homme qui m’aime, j’aurais pu aimer une femme mais voilà c’est un homme. Je reçus plus tard une carte postale de Libreville. Ne t’en fais pas, je serais toujours ton père et l’essentiel est que tu sois heureux comme ça. Enfin, je pouvais aimer mon père.



Gabon

Texte et musique : Jann Halexander, 2009

 

Gabon de mon enfance

Gabon pays sourire

Gabon destins meurtris

Gabon pays en transe

Gabon vie de souffrances

Gabon rêves d'espérance

Gabon tristes tropiques

Gabon ciel d'équateur

Gabon aux villas ocres

Gabon ses matitis

Gabon ses capitaines

Gabon son vin de palme

Gabon églises ruges

Gabon vaste savane des fortes cathédrales

échos d'une terre natale

 

Des photos noires et blancs

Des sourires aux dents blanches

Des tombes à croix de bois

Des lointaines images

 

L'Ogoué sa couleur brune

Sous un soleil brillant

Et le goudron brûlant

Dans la moiteur étouffante

 

Gabon pays du père

Gabon pays furie

Gabon pâles néons

Gabon mornes villes

Gabon ses crevasses

ses fonctionnaires sans visage

Gabon et sa folie

Gabon et son génie

Gabon n'est pas l'Afrique, c'est un autre pays,

Gabon air d'Occident, aux voitures rutilantes,

Gabon et ses marchés

supermarchés

Gabon pays brouillon

Gabon pays cauchemar

Gabon inoubliable

transpire par la peau

un songe inépuisable

Gabon si vaste et beau

l'orage viole l'Estuaire

le chaos est dans l'air

Gabon pays d'un père

Gabon jusqu'à nos morts...


TO BE CONTINUED...

 

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Les photographies sont © Jeff Bonnenfant. Le texte est © Jann Halexander. Tous droits réservés.

Dans l'ombre de
JANN HALEXANDER


Jann Halexander est un chanteur franco-gabonais. Il est également pianiste, acteur et producteur. Le chanteur Jann Halexander naît le 13 septembre 1982 à Libreville (Gabon, Afrique centrale). Ancien étudiant en géographie à Angers, dans le Maine-et-Loire, il prend un pseudonyme que lui inspire la personnalité de l'artiste sud-africaine Jane Alexander, dont les sculptures représentent des êtres hybrides. Il est issu d'un couple mixte — père gabonais, mère française — ce qui se fait ressentir au travers de ses créations. Pour découvrir son univers, Jann a accepté de rejoindre l'équipe du blog Les Toiles Roses avec cette chronique qui vous transportera loin dans l'imaginaire fécond et délicieux de ce grand artiste.


07. Musique et politique


Cette très belle interview est l'œuvre du blog Musique_Politique, un formidable blog en pleine renaissance, qui aborde de façon transversale deux arts bien différents. Jann et moi remercions Sylvain G. pour son aimable autorisation de la reproduire dans cette chronique. Nous vous demandons d'aller lire les autres passionnantes interviews de ce blog et vous invitons à écrire à Sylvain pour le motiver.


Quel lien faites-vous entre musique et politique ? Entre musique et capitalisme ?
J'affirme que les politiciens sont des artistes refoulés, frustrés. Ségolène Royal est un ersatz de Mylène Farmer, l'autre de Sardou. Monde politique et monde artistique sont des milieux sans pitié où les gens se regardent en chiens de faïence... beaucoup de carnassiers. Et puis une grande précarité, des destins brisés, des égos abaissés. Le culte des apparences.
Le monde de la musique est assez abject, moyennâgeux : précarité sociale terrible mais considérée comme une norme, légitimité factice des artistes (en fonction des passages télé, du nombre de disques vendus, etc.). Quant au capitalisme... l'industrialisation de la musique dans les années 70 constitue une des plus belles pages du capitalisme occidental.

La chanson dite « engagée » / l'engagement des artistes a-t-elle / a-t-il un sens aujourd'hui ?
Question complexe. Renaud, Cali sont engagés, disent-ils. Mais sont-ils sincères ? Qu'est-ce que l'engagement ? Je suis engagé de fait. Ma simple existence et le fait de montrer que j'existe est un engagement en soi. De facto, il a un sens. Plus fort que de dire "je suis de droite ou de gauche", par exemple. Des Africains m'ont plusieurs fois écrit pour me remercier de parler pour eux au sujet de la bisexualité ou l'homosexualité en Afrique, comme je l'ai fait à la télé. Je n'étais pas obligé de le faire, mais c'était un engagement naturel.
Ce qui importe, c'est d'être intemporel. Chanter une cause et ne pas pouvoir la chanter demain parce que ce sera dépassé, et ça je ne le veux pas. A Table, sur les relations familiales, je l'ai créée en 2006, je la chante et je la chanterai toujours car elle a été écrite en ce sens. Idem pour Brasillach 45 sur les compromissions de l'artiste avec le pouvoir...
Le fait que je ne veuille pas répondre aux attentes qu'on a de moi, fondées sur des clichés, et que je fais de la chanson à texte au piano, c'est aussi un engagement en soi. Et j'en paye le prix...

Quels sont les artistes que vous appréciez dont on peut dire qu'ils portent une vision politique ?
Sans les apprécier forcément, Picasso avec son tableau Guernica. Sinon, j'apprécie le travail de la chanteuse Michèle Bernard sur la Commune, la déportation de Louise Michel, à qui elle a consacré un bel album. Sa reprise du Temps des Cerises est poignante et rappelle à quel point le confort relatif dont nous bénéficions en France est le fruit de longues et sanglantes luttes sociales. Et ce n'est pas un acquis.


Vos convictions sont-elles partagées par votre entourage ?
Grosso modo, oui. Mes convictions : respect de l'autre, de ses points de vue, mais aussi lutter pour un niveau de vie correct, l'importance d'un ETAT-Providence. Et puis un meilleur respect des patrons de PME : je l'ai été, pas longtemps mais je peux vous assurer que la France n'est toujours pas le lieu idéal pour les petits entrepreneurs...

Vous est-il arrivé d'avoir des désaccords politiques significatifs avec d'autres musiciens ?
Non pas vraiment... en fait, j'en connais très peu. Celles et ceux que je connais partagent peu ou prou la même vision du monde que moi.
Par contre, tout ce qui est musique tiersmondiste, engagée à gauche toute (ou à droite toute, après tout), je ne supporte pas et je ne tiens pas à en rencontrer les responsables...

Au même titre que l'homme de lettres a (par le passé, surtout ?) infléchi le débat d'idées, notamment politiques, "l'homme de sons" doit-il s'exposer politiquement par (ou hors) son oeuvre ?

L'homme de sons peut toujours, mais c'est complexe... je reviendrai sur ce point plus tard.

Que pensez-vous personnellement des propos de Fred Chichin ?
Il avait raison. Et encore, il était poli. Et puis il avait le droit de donner son avis, non ? A part Joey Starr et Oxmo Puccino, je n'aime pas le rap. Cette mentalité particulière : qui va crier le plus fort, qui va être le plus homophobe... c'est assez drôle, d'ailleurs, car la Communauté LGBT regorde d'anecdotes sur les rappeurs qui enculent des mecs ou se font enculer...

Des postures indignées qu'ils ont provoqués ?
Des postures indignées et affligeantes ! Tout cela, en gros, parce que Fred Chichin, blanc, a osé critiquer des artistes qui s'avèrent être noirs, en majorité. La société française est schizophrène : on limite inconsciemment ou pas l'accès aux hautes fonctions dans le monde politique ou des entreprises aux noirs, aux Arabes, etc. et de l'autre côté, le politiquement correct fait office de loi... c'est flippant.


Même question pour ceux de Morissey.
J'ai été à Londres. Les communautés y cohabitent mais se mélangent peu. C'est différent, en France, même si cela ne plaît pas à tout le monde. Les propos de Morrisey ont été tronqués et présentés comme tels, alors que sa pensée était plus profonde. Il a fait les frais du politiquement correct.
Ici, nous parlons d'identité et cela me fait penser à une anecdote : un internaute me reprochait de trop parler du métissage et me demandait pourquoi je reniais ma part noire. Manifestement, il saisissait mal le sens de mes textes. Je suis noir/blanc. Je suis passionnément métis et pour rien au monde je ne voudrais le changer. Eh bien croyez-moi, cette posture dérange de tous les côtés. On veut bien du métissage Benetton quand il s'agit de mélanger les saveurs du monde entier dans un plat, de mélanger les styles dans les vêtements. On le tolère pour les couples mixtes, on concède qu'ils ont de beaux enfants mais on espère quand même qu'ils choisiront leur camp. Et j'ai dit non : je ne suis pas le seul, attention, mais j'ai dit non. Je passe pour un emmerdeur. C'est embêtant car je ne suis pas récupérable.
Je trouve dommage que beaucoup de "blacks" s'engouffrent dans le rap, la soul alors qu'il n'y a pas que ça. Etre noir n'est pas une culture, être blanc non plus. M6 Music Black ne devrait pas exister.

Pensez-vous que l'art infléchisse l'histoire ?

S'il ne l'infléchit pas, je crois cependant qu'il peut aider à une prise de conscience... comme ce fut le cas avec le film cubain Fraises et Chocolat sur les homosexuels à la Havane et qui a été un électrochoc pour les Cubains. En France, on a eu ça avec le film Indigènes. Parfois même, une oeuvre peut annoncer l'Histoire. "Non tu n'as pas de nom", la chanson sur l'avortement d'Anne Sylvestre, a précédé d'un an la Loi Veil. A un moment donné, des artistes, des politiques, des gens se répondent sans s'en rendre compte.

Croyez-vous en nos élites politiques ?

Ah ! il faut bien. Il faut aussi essayer de les influencer, de maintenir un dialogue. Le côté "tous pareils, tous pourris" ne m'intéresse pas. Ce sont des hommes, des femmes à qui nous confions des responsabilités... énormes... Il nous faut garder un esprit critique mais aussi croire en nos élites Ou alors, si les circonstances le permettent et que ces élites sont vraiment irrécupérables, coupons leur la tête !... Je ne suis même pas sûr que ce serait une solution.

Êtes-vous démocrate ?
A priori, oui. Même si on voit bien aussi que la démocratie a ses limites. Grâce à elle, un individu dangereux et intelligent peut accéder au pouvoir et le faire basculer dans un régime totalitaire. Sans aller jusque là, on peut quand même observer le cas de l'Italie avec Berlusconi.

Vous sentez-vous de gauche ou de droite ?
Je suis social-démocrate. Et à mes yeux (j'ai sans doute tort) mais le PS incarnait bien cette "sociale-démocratie". Bon, en fait, il l'incarne toujours. Alors je vote PS. Il y a toujours des ratés dans une société, mais quand on compare l'équilibre social au Canada - qui fut pendant longtemps une social-démocratie exemplaire - et celui aux USA ci dessous, on parle de faits et la "Social.Démocratie" a visiblement donné de meilleurs résultats.
Les extrêmes me révulsent. En France, l'extrême-droite bénéficie d'une large vitrine médiatique : Zemmour, Finkelkraut, Dieudonné, De Villiers... ils s'engeulent les uns les autres mais tout ça, c'est de l'extrême-droite, il ne faut pas se tromper même si certains sont métis ou ashkénazes ou arabes, peu importe. A côté, Le Pen joue dans la cour des petits... Ils peuvent parfois dire des choses intéressantes mais n'ont pas forcément des intentions louables. Ces gens se répondent par médias interposés et font souffler le chaud et le froid, créent des divisions. Ce sont des comportements extrêmes. Qu'ils parlent, soit. Mais je ne souhaite pas les cautionner. Que Zemmour fanfaronne sur un plateau télé disant qu'il est de race blanche, pourquoi pas ?... Reste à savoir à partir de quand on est le Blanc de quelqu'un. Ou le Noir. Je me suis déjà fait traiter de sale Blanc... par des Blancs, et ce ne fut pas très agréable... Blanc est devenu une sorte de catégorie sociale : dans un pays comme la France, cela peut sembler aberrant. Et je connais des Blancs bien à droite (on ne choisit pas toujours ses relations...) pour qui Zemmour n'est pas blanc mais simplement un juif Séfarade de type sémite... pas plus français que le premier arabe venu ! De même, certains Noirs rigolent sur les gesticulations du métis Dieudonné au nom de la communauté noire. C'est en ce sens que je parle d'extrêmes car, finalement, ce sont des gens intelligents, plus que moi-même mais irrationnels, même si tous leurs propos ne sont pas à jeter à la poubelle. Sachant qu'après tout, si des millions de gens les écoutent, il y a bien une raison. Enfin, reconnaissons-leur un rôle : grâce à eux, c'en est presque fini de l'extrême complaisance à l'égard des jeunes des cités, longtemps perçus uniquement comme des victimes.


Quel sens cela a-t-il de se dire de gauche plutôt que de droite ?
Quand on est artiste, se dire de gauche est très souvent une façon de se donner bonne conscience...

Ce positionnement recoupe-t-il celui des partis politiques français ?

Franchement, quand je vois des sarkozystes de gauche... rien que l'expression me donne la chiasse, pardon pour ma franchise. Voir ces gens se justifier d'avoir voté pour l'Autre en disant : toute ma vie, j'ai voté socialiste mais là, c'est différent... Quand on est sarkozyste on assume, inutile de rajouter de gauche ! Alors oui, je vais être simpliste mais quand on est de droite, on vote UMP et de gauche on vote PS. Bien sûr, en disant cela, j'ai conscience d'être manichéen... Quant au Modem, il est intéressant mais je ne suis pas convaincu.

Le clivage gauche/droite tel qu'il peut apparaître dans les prises de positions des artistes n'est-il pas artificiel, conditionné ?
Des artistes qui assument leurs opinions de droite, à part Sardou et Salvador ou encore Mireille Mathieu, je ne vois pas. Dans le monde artistique, ce clivage est artificiel : c'est un milieu comme je le disais assez sauvage, moyennageux où règne la loi du plus fort, c'est un terrain fertile pour la Droite, on ne le dit jamais assez. Et les artistes dans leur majorité acceptent cela, cette course à la Gloire, au Fric en grosses laisses et le diktat de l'Apparence. Ils l'acceptent tacitement, ne le diront pas officiellement cela fait trop honte. Peut-être qu'inconsciemment j'accepte moi aussi ce système, allez savoir... Heureusement, il nous reste la possibilite de voter, le vote est comme une soupape de securité.

L'adoubement médiatique et social n'est-il pas devenu l'arbitre principal du dicible politique pour un musicien ?

Je le crains. Nous avons peur de dire ce que nous pensons. Je dis "nous" même si j'ai du mal à admettre que je puisse en faire partie. Mais je fais partie de ce monde, celui des artistes. Le cas de Jean-Louis Costes, un ami, est édifiant. Sa liberté de ton en a terrifié plus d´un. Ma liberté de ton, j'en paye le prix...

A force d'être une "contre-culture", le rock n'a-t-il pas fini par devenir une sous-culture, une non-culture ?
Le Rock a peut-être été une contre-culture dans les années 60 mais pardon, je suis né en 82 et pour moi le Rock, même quand c'est bien, est totalement institutionnalisé. Par contre, je ne crois pas en l'existence d'une sous-culture. Il y a la culture Officielle ou presque et les autres...

Quelle a été votre évolution d'un point de vue des idées politiques ?
Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours détesté le néo-libéralisme. Je ne savais pas, plus jeune, que c'était le terme mais je voyais bien qu'il y avait un problème. Qu'on paye des intellectuels en France pour vanter les vertus du néo-libéralisme, soit mais qu'on leur paye aussi un voyage au Gabon, au Guatemala ou en Hongrie, ces pays-là étaient à la pointe pour appliquer les recettes du néo-libéralisme. J'ai vécu 16 ans à Libreville, j'y suis né. Mon père est gabonais. Qu'on m'explique l'intérêt, quand on est riche, de vivre dans une villa ultrasécurisée, entourée de miséreux ? Pas des pauvres : je dis bien miséreux. C'est ça, le néoliberalisme. C'est moche. Une société dans laquelle dès qu'on a un peu d'argent, on peut aller partout sans souci. Je me souviens, le dimanche, maman nous emmenait à la piscine de l'hôtel "Le Méridien", nous habitions juste à côté. C'est même pas pensable en France, on ne rentre pas dans un hôtel comme ça. Nous étions privilégiés : deux voitures, la clim, j'avais ma propre télé dans ma chambre, un voyage en France chaque été... ma mère avait deux boulots, prof de musique et prof de piano et mon père travaillait dans un ministère. Mais qu'est-ce que j'ai été heureux quand j'ai quitté cette société totalement inégalitaire et cloisonnée, étouffante... Voilà pourquoi je ne pourrai jamais voter pour l'UMP, qui est le terrain fertile des néolibéraux. Je vois trop bien où cela mène et c'est moche.


Y a-t-il un événement, un personnage, un livre, qui vous ait « éveillé » au / à la politique ?

J'ai toujours été sensible aux tensions surgissant dans les rapports entre les communautés ou les pays, les guerres, les ségrégations, l'homophobie. Mais la politique en elle-même, les élus, tout le tralalala, moyen...
Maintenant s'il y a une personnalité qui m'a éveillé, je crois que c'est Ségolène Royal. Une femme qui des couilles ! Femme forte. Je n'ai aucun complexe pour dire que j'ai voté Royal, avec passion et que je le referais sans problème. Je voulais Royal à la tête de la France, Royal mère de la France, dame autoritaire... femme pleine de défauts mais aussi une redoutable politique. Lorsqu'elle disait durant la campagne présidentielle : "Je voudrais pour la France ce que j'ai voulu pour mes propres enfants", elle jouait sur la corde sensible, mais peu m'importait qu'elle soit sincère ou pas. Je me disais : si elle est sincère, je suis touché. Si elle ne l'est pas, je suis admiratif car cela montre à quel point elle était déterminée pour rafler des voix. Connaissant son bilan plutôt bon en Poitou-Charente, sachant de quoi elle est capable, je me disais que c'était la bonne personne... Et avec elle, j'ai redécouvert la France, ses machos mais aussi ses femmes agacées par une autre femme, et réalise aussi que, pour beaucoup, le simple mot socialisme était un gros mot...

Que signifie être français, pour vous ?

Au sujet de la France et de l'identité francaise, je pourrais redire mot pour mot ce que j'ai dit à Daniel C.Hall, fondateur du Blog Les Toiles Roses :
On me dit France et je songe à des paysages… des souvenirs… pays de ma mère… les vieilles tantes de Bourgogne qui nous inondent, ma sœur et moi, de cadeaux… mon oncle de Vendée qui m'apprend à pêcher près d'un camping dans le Limousin (eau glacée, petits poissons délicieux quand ils sont frits).
On me dit France, ce sont aussi des tombes, des allées pavées à l'ombres de bouleaux et des fantômes souvenirs d'une guerre pas si lointaine… le goût du brie et du saucisson sec. La France pourrait être un couplet d'une chanson d'Anne Sylvestre… c'est la violence de Paris ou Marseille… la douceur angevine (Angers, ma ville, amour aigre-doux)…
Enfin c'est la Culture, une certaine idée de culture. Souvent bafouée, bousculée mais toujours vivante. La France c'est le pays de la Chanson…
Par ailleurs, et pour revenir sur l'idée du métissage, la société française n'est pas très éloignée de la société brésilienne : à qui veut l'entendre, elle fanfaronne en disant qu'on est français avant tout, que la couleur de peau n'a pas d'importance, que nous sommes une république une et indivisible, que "non, franchement, tout va bien chez nous ! rien à voir avec les USA, l'Australie ou l'Afrique du Sud..." La société brésilienne fait la même chose. Elle va plus loin en montrant comment l'Afrique est présente dans les musiques, la gastronomie, les pratiques religieuses. Ce qu'elle omet de dire, c'est que les millions de Métis brésiliens descendent de relations sexuelles entre hommes blancs et esclaves noires dans les siècles passés. Et que ce n'était pas toujours des relations consentantes.
Les deux sociétés font l'apologie du métissage par bonne conscience. Dans les fait, la vie pour un couple mixte à São Paulo n'est pas franchement marrante et, en France, s'appeler Mathieu Traoré ne passe pas comme une lettre à la poste... Une masse de préjugés est là, blottie, se manifestant de manière sournoise la plupart du temps.
Enfin, être métis est un fait objectif. Je ne crois pas condenser en moi deux cultures par le simple fait d'être métis mais par une volonté consciente, je prends en compte deux cultures, alors que, de fait, rien ne m'y obligeait.

Quelle est votre vision de la société de demain ? Quelle place pour quel humanisme ?
La vie continue. Il faut vivre et s'attendre à tous les possibles. Je pense qu'il y a aura toujours une place pour l'Humanisme mais il faudra lutter pour cela. Je vois bien en ce moment que le cynisme séduit. Mais le cynisme n'est pas la seule facon vraie de voir les choses, le monde. Les tensions dans notre société résultent de nombreux malentendus et d'ignorance. La majorité des Français savent lire, écrire mais cela ne suffit pas parce que le pouvoir en place ne fait pas toujours ce qu'il faut pour aller au-delà, il faut endormir les gens, les rassurer, les contrôler. L'Humanisme vise une élévation des esprits, du libre-arbitre, du non-conditionnement. L'Humanisme séduit même quand il fait peur.

Votre regard, vos commentaires, sur l'actualité en France, en Europe, dans le monde.
C´est un beau fatras. Tout évolue tellement. Ma grand-mère née en 28 aura vu la France occupée puis libérée pour voter bien plus tard pour une femme : avant, c'était inimaginable. Dans les années 50, l'Afrique du Sud et les Etats-Unis connaissaient la Ségrégation : actuellement, le président des USA est métis avec du sang kenyan et le gouvernement sud-africain est multiracial. Un homosexuel est maire de la plus belle ville du monde, une femme arabe a été nomée Garde des sceaux en France...
J'ai été aussi affecté par la mort de Mickael Jackson... c'est la fin d'une époque, notamment pour le monde artistique.
Bref, le monde évolue, change, bouge pour le meilleur et pour le pire...


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Les photographies sont © D. R. Le texte est © Jann Halexander et Musique_Politique. Ils sont reproduits avec l'autorisation de Jann Halexander et de Sylvain G. Tous droits réservés.

Dans l'ombre de
JANN HALEXANDER


Jann Halexander est un chanteur franco-gabonais. Il est également pianiste, acteur et producteur. Le chanteur Jann Halexander naît le 13 septembre 1982 à Libreville (Gabon, Afrique centrale). Ancien étudiant en géographie à Angers, dans le Maine-et-Loire, il prend un pseudonyme que lui inspire la personnalité de l'artiste sud-africaine Jane Alexander, dont les sculptures représentent des êtres hybrides. Il est issu d'un couple mixte — père gabonais, mère française — ce qui se fait ressentir au travers de ses créations. Pour découvrir son univers, Jann a accepté de rejoindre l'équipe du blog Les Toiles Roses avec cette chronique qui vous transportera loin dans l'imaginaire fécond et délicieux de ce grand artiste.


06. À table, avec Jean-Pierre Réginal

 

Jann Halexander

 

À TABLE, ou l’Amère Vérité

(où comment manger du linge sale en famille entre saumon, vin rouge, crumble en miettes, anguilles sous cloche et gueule de chiens...*)

 

[Refrain]

Il va falloir se dire tout ça

À Table, à table

On va bouffer la vérité

À Table, à table

Les dîners en famille, c'est beau comme un dimanche,

Si ce n'est que personne n'apprécie les dimanches

Affronter des regards, les on dit, les reproches,

Le grand-père qui nous dit « y' a quelque chose qui cloche »

Je cherche, et trouve l'anguille sous roche,

De la raison, moi je décroche

Je n'en peux plus de la famille

Je sens que tout ça part en vrille

 

[Refrain]

 

Le saumon est dégueu, le vin est bouchonné,

La télé est éteinte au lieu d'être allumée,

Moi qui rêvais de drames, ceux des autres, pas les miens,

C'est foutu pour ce soir, j'en ai la gueule de chien,

Les yeux perdus dans mon assiette,

Et mon bonheur n'est qu'amas de miettes

Un crumble froid, je voudrais être sourd,

Pour me sauver, je songe à l'amour

 

[Refrain]

 

Les couverts étaient en croix quand on est arrivé

J'en déduis que grand-mère ne doit pas nous aimer,

À sa place, je comprends, elle est à la retraite

« Dégagez les enfants, mon devoir de mère s'arrête ! »

Grand-mère, Grand-mère, ne désespère pas !

On est deux à haïr ces repas,

On n'en peut plus de la famille,

On voit que tout ça part en vrille

 

[Refrain] x2

 

(texte et musique : Jann Halexander - 2006)


 

Au sujet de cette chanson, mon ami trouvait qu´il y avait un souci au niveau de l´alliance paroles/musique et maman n´aimait pas trop... En fait, au début, pas du tout. Mais le public accrochait. C´est sans aucun doute la chanson de mon répertoire que les gens retiennent le mieux et souvent préfèrent. Je le chante toujours, en concert. On a pensé que c´était une chanson sur le coming-out, je ne l´ai pas écrite dans ce sens, mais on peut aussi envisager cette interprétation.

 


 

Pour celles et ceux qui se demanderaient ce qui signifie « les couverts étaient en croix » : il s´agit d´une vieille superstition, croiser le couteau et la fourchette sur une assiette serait inviter le diable dans la maison et apporter le malheur.



Enfin, quelques personnes l´ont remarqué : oui cette chanson est une sorte d´écho à la chanson Ces Gens-là de Jacques Brel. Jacques Brel, Anne Sylvestre, William Sheller, Gilbert Bécaud, Jean-Pierre Réginal sont mes chanteurs francophones préférés. Certaines personnes pensent que je suis influencé par Jean Guidoni, Juliette, Boris Vian ou encore Barbara… Ce sont de grands artistes mais je n´ai pas leurs disques, question de sensibilité personnelle. Si on ne m´avait pas si souvent comparé à Guidoni, j´aurais été bien en peine de vous dire qui il est. Aussi je fus touché quand il vint me voir en banlieue parisienne début 2008 quand je jouais au Musée des vampires le monologue Confessions d´un Vampire sud-africain. Après nous sommes allés boire un pot à République (où je dormais). Une discussion intéressante, nous avons parlé de la dignité de l´artiste (et aussi des dégâts de la tempête de 1999 sur sa maison)...



En tant qu´artiste, on est toujours l´inconnu(e) de quelqu’un. Cela nous oblige à l´humilité. En tant que spectateur/auditeur, on est parfois énervé de découvrir un artiste qu´on apprécie beaucoup trop tardivement. D´où mes mots envoyés au blogueur Luc Melmont sur le chanteur Jean-Pierre Réginal, que je reprends ici...

« Au sujet du chanteur Jean-Pierre REGINAL

Qui va à la chasse perd sa place, n'est-ce pas Luc ? »

Ainsi Luc avait reçu des invitations pour aller voir le chanteur Jean-Pierre Réginalau théâtre de la Reine Blanche le 23 mars. Ne pouvant y aller, il a gentiment pensé à moi qui, entretemps, étais plongé dans l'écoute de son magnifique disque arrangé par François Rauber. Je connais le théâtre de la Reine Blanche pour y avoir chanté en 2008, un beau théâtre, élégant, classe. J'étais avec un ami, plus loin, sur notre gauche, Norbert Gabriel, journaliste très sympathique de la revue Le Doigt dans l'œil nous salue.



Il y a du monde, et c'est très bien. C'est Réginal qui a ouvert la danse (il s'agissait d'une soirée privée avec Jean-Pierre Réginal, la désopilante Annick Roux et Henri Courseaux). C'est un virtuose du piano, j'adore sa voix. Je n'arrive pas toujours à comprendre le sens des textes, mais c'est parce que je ne suis pas très intelligent (entre nous) et surtout que je suis sensible à la musicalité globale. Mes deux moments préférés : son interprétation de Madame Alice, Chez Georges) et l'interprétation avec sa fille, Romane, de la chanson Les Mots s'en vont (introduite par quelques mots sur son passé au Cabaret Chez Georges).

Un moment délicieux. En dehors du show-biz, en dehors des médias 'dinosaures'. De la chanson proche de chacun d'entre nous, quelque chose de quotidien, beau et simple à la fois. Pour les artistes « nouvelle génération » comme mes pairs et moi, le parcours de Réginal me fait rêver, penser et surtout aimer la Chanson pour ce qu'elle est, un révélateur de nous-mêmes. C'est un peu démodé ? Désuet ? Je m'en fous (on m'a sorti la même chose sur Ô Bel Anjou). L'intensité est là, l'émotion est là, même si je sais bien que l'émotion n'est pas raison, mais ce que je retiens de ce concert c'est la possession d'un beau souvenir. J'étais heureux, quelques minutes, et cette fois-ci, je le savais.

Monsieur Réginal, je vous dis merci.

 

Jann Halexander, auteur-compositeur-interprète.

 

* Mots de Luc Melmont au sujet de « À TABLE », source : http://lucmelmont.canalblog.com


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Jann Halexander est un chanteur franco-gabonais. Il est également pianiste, acteur et producteur. Le chanteur Jann Halexander naît le 13 septembre 1982 à Libreville (Gabon, Afrique centrale). Ancien étudiant en géographie à Angers, dans le Maine-et-Loire, il prend un pseudonyme que lui inspire la personnalité de l'artiste sud-africaine Jane Alexander, dont les sculptures représentent des êtres hybrides. Il est issu d'un couple mixte — père gabonais, mère française — ce qui se fait ressentir au travers de ses créations. Pour découvrir son univers, Jann a accepté de rejoindre l'équipe du blog Les Toiles Roses avec cette chronique qui vous transportera loin dans l'imaginaire fécond et délicieux de ce grand artiste.


04. Pour Maïk Darah, une grande chanteuse...

 

Maïk Darah et Jann Halexander

 

Je me souviens quand je vous ai vue et entendue pour la première fois dans cette émission. Vous parliez de votre enfance, petit rat d’opéra, de votre amour pour les États-Unis et surtout de votre carrière de doubleuse française officielle de Whoopi Goldberg et de nombreuses actrices, de Madonna à Courtney Cox.


 

Vous parliez aussi de la chanson, votre amour pour la chanson. Vous chantiez en public « J’ai besoin d’un inconnu ». C’était un cri du cœur. Je ne me lasse pas d’écouter cette chanson. Le choc, agréable, fut de voir que vous aussi, métissée, faisiez de la Chanson à textes, versant même dans la gouaille parisienne. D’ailleurs, les gens ne nous ont pas loupés, y compris les journalistes. Vous aviez besoin d’un inconnu, mais aussi d’un producteur, mais si le moindre producteur ayant connaissance de votre talent vous disait d’un air entendu que c’était formidable, le téléphone ne sonnait pas. Quand explication il y avait, c’était un sous-entendu terrible : les gens n’ont pas l’habitude de…



Oui les gens, paraît-il, n’ont pas l’habitude de voir une femme métisse afro-européenne faire de la Chanson. C’est terrible l’habitude, hein ? Et puis c’est terrible les gens aussi. Parce que nous sommes d’accord, les hommes et les femmes qui vous applaudissaient, ce n’était pas des gens, mais des figurants.

Cet inconnu n’est pas venu mais je suis Jann et je t’attends.



J’ai senti que je devais vous voir, vous connaître, pour faire quelque chose ensemble, cela me semblait évident, nous étions faits pour nous connaître. Vous avez été surprise par mon culot et mes chansons. Moi aussi, dans le petit monde de la chanson, mais le milieu culturel en général sensé être ouvert, j’ai été confronté à certaines… indélicatesses. Ça continue. Ainsi va la Vie, allons au-delà, c’est l’Œuvre qui compte. Car nous aimons ce que nous faisons et c’est l’essentiel, je le crois. Avec cette soif de toujours découvrir, apprendre de nouvelles choses. Et puis cette passion-tourbillon qui nous dévore, cette passion du partage, d’emporter les gens vers l’Ailleurs.



Nous, deux artistes métissés isolés dans le petit monde constellé de chapelles de la Chanson Française. Et si nous construisions notre propre chapelle ? Alors soit. Une chapelle qui brille, où des forêts s’ouvrent sur des familles endimanchées qui pique-niquent et restent dans le non-dit (« À Table », « Tous les Dimanches », « La Matriarche »), des histoires d’amour irrationnelles (des inconnus, des vampires), une chapelle secrète trônant au détour d’un étrange chemin sur lequel marchent un homme et une femme main dans la main. Une chapelle qui brille quelques heures, s’éteint puis renaît des mois plus tard…

 


Nous avons eu nos rendez-vous secrets… Avec le public surpris, qui riait aux éclats ou pleurait. C’était au théâtre de la Reine Blanche, c’était au théâtre Darius Milhaud, c’était au Centre LGBT de Paris, ou dans une villa de Nanterre. D’autres moments nous attendent, je le sens, je l’attends. Aimant votre répertoire, voulant le faire partager, j’ai essayé de concrétiser, avec mes humbles moyens, ce disque-amour et je murmure : vivement le prochain….

Je vous aime…

 

[Note de Daniel C. Hall : l'album de Maïk Darah sortira en juin 2009, sous la direction artistique de Jann.]

 

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Les photographies sont © D. R. Le texte est © Jann Halexander. Ils sont reproduits avec l'autorisation de Jann Halexander. Tous droits réservés.

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Jann Halexander est un chanteur franco-gabonais. Il est également pianiste, acteur et producteur. Le chanteur Jann Halexander naît le 13 septembre 1982 à Libreville (Gabon, Afrique centrale). Ancien étudiant en géographie à Angers, dans le Maine-et-Loire, il prend un pseudonyme que lui inspire la personnalité de l'artiste sud-africaine Jane Alexander, dont les sculptures représentent des êtres hybrides. Il est issu d'un couple mixte — père gabonais, mère française — ce qui se fait ressentir au travers de ses créations. Pour découvrir son univers, Jann a accepté de rejoindre l'équipe du blog Les Toiles Roses avec cette chronique qui vous transportera loin dans l'imaginaire fécond et délicieux de ce grand artiste.


03. Pour que le silence
ne remplace pas le son du piano...

 

 

Jann et sa mère, Anne-Cécile, l'auteur de Mathilde et son pianiste.

 

Je voudrais témoigner sur la sclérose en plaques de ma mère. Quand notre mère nous a appris à ma sœur et moi ce qu'elle avait, il y a deux ans, je dois reconnaître que cette maladie me semblait abstraite. Je me rendais simplement compte que c'était grave.

Il existe plusieurs types de traitements car il existe plusieurs types de scléroses en plaques et a priori notre mère ne semblait pas dans un état extrêmement grave. Il était possible d'y faire face. Depuis trois ans, je me dis que si elle a su faire face à la maladie, en fait c'est parce que nous, les enfants, étions là. La famille était là. L'éloignement pour des raisons de travail de notre père en Afrique n'a pas facilité les choses mais elle n'était pas seule. Je crois qu'isolée, les choses se seraient vraiment passées autrement.

Cette maladie la rend nerveuse sur le plan mental, mais aussi fatiguée, très fatiguée, désespérée. Parfois aigrie, dure (on dit que c'est l'effet des traitements aussi). C'est difficile pour elle. Et pour nous, les enfants. Maman a été hospitalisée suite à des douleurs violentes dans les jambes en février 2008 au moment où je donnais des concerts sur Angers, où nous habitons. Elle a dû fermer la boutique de musique classique qu'elle dirigeait sur les conseils du médecin mais aussi avec notre soutien (mon père, ma sœur et moi) et heureusement, le soutien de personnes extérieures à la famille. En effet, il y avait des escaliers dans la boutique et gravir ces escaliers la fatiguait trop physiquement. Heureusement nous habitions un rez-de-chaussée. Vivant à l'époque en colocation avec ma mère, je me rends compte à quel point cette maladie fatigue et vieillit les gens (ma mère est encore jeune, 50 ans, c'est jeune).

Un an plus tard, en février, alors que je donnais à nouveau des concerts sur Angers et que maman devait venir me voir, on dut l'hospitaliser pour une nouvelle poussée de sclérose en plaques. Elle est restée à l'hôpital trois jours.



Cette maladie est source de tensions. Le traitement coûte cher, heureusement nous sommes en France, la sécurité sociale prend en charge (pour combien de temps ? Je pense à celles et ceux dont les proches sont dans un cas similaire et qui ont voté pour un gouvernement sans états d'âme sur ces questions-là).

Récemment, notre mère, pourtant très forte d'esprit (un esprit têtu, solide, qu'elle a su nous transmettre) était désespérée, assise sur le tabouret dans le couloir. Elle avait voulu jouer sur le piano pour se détendre. Mais apparemment elle avait un nerf compressé et ne pouvait toucher le piano. Elle va suivre un traitement. Le piano est sa passion, et non un simple détail. Elle a toujours joué du piano, je l'ai toujours entendue jouer du piano, et elle m'a appris le piano, je voudrais qu'elle continue de jouer, j'espère que le traitement marchera. Parce que chez nous c'est aussi cela : si la sclérose prend le dessus, alors c'est le silence…

Je tiens à préciser que malheureusement le Cap Emploi Angers qui est sensé aider les personnes souffrant de handicap est totalement... incompétent, c'est sinistre. Que se passe-t-il dans la tête d'une conseillère pour proposer un 35 heures dans un Carrefour à une personne qui ne peut pas tenir debout plus d'une heure et qui doit éviter de soulever des charges trop lourdes ?

Ce témoignage pourrait sembler impudique. Mais trop de personnes affrontent ce que nous vivons en France. Et pourtant je constate autour de moi que cette maladie a encore quelque chose d'abstrait. Le cancer, le sida, Alzheimer, les gens connaissent bien mais la sclérose en plaques c'est autre chose. Alors il faut s'exprimer. Ne pas nier la maladie... Nous ne cherchons absolument pas la pitié, non, mais il faut dire, prendre la parole pour faire connaître.

J'espère que l'argent nous investissons dans les laboratoires sert à quelque chose, mais je finis par avoir des doutes...

Et puis toujours donner de l'amour, partager...

La vie continue...

 

Association pour la Recherche sur la Sclérose en Plaques

Nouvelle Association des Sclérosés en Plaques

 

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Les deux photographies sont © Jeff Bonnenfant. Le texte est © Jann Halexander. Ils sont reproduits avec l'autorisation de Jann Halexander. Tous droits réservés.

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JANN HALEXANDER


Jann Halexander est un chanteur franco-gabonais. Il est également pianiste, acteur et producteur. Le chanteur Jann Halexander naît le 13 septembre 1982 à Libreville (Gabon, Afrique centrale). Ancien étudiant en géographie à Angers, dans le Maine-et-Loire, il prend un pseudonyme que lui inspire la personnalité de l'artiste sud-africaine Jane Alexander, dont les sculptures représentent des êtres hybrides. Il est issu d'un couple mixte — père gabonais, mère française — ce qui se fait ressentir au travers de ses créations. Pour découvrir son univers, Jann a accepté de rejoindre l'équipe du blog Les Toiles Roses avec cette chronique qui vous transportera loin dans l'imaginaire fécond et délicieux de ce grand artiste.


02. Vaguement noir, vaguement blanc,
après tout quelle importance ?


Mon métissage…

Jann Halexander

 

Vaguement noir, vaguement blanc,

Après tout quelle importance,

Il était l'un ou l'autre tout le temps

Pétri de sa libre conscience

Pourvu d'une bien étrange face,

Mais que voulez-vous qu'on y fasse,

Il était plutôt misanthrope,

Et vivait comme un lycanthrope

 

R.

Le Mulâtre est mort en marginal,

Dans son village natal,

Le mulâtre est mort heureux dans l'âme,

Toute sa vie fut une flamme !

 

Vaguement pauvre, vaguement riche,

C'était un précaire bourgeois,

Vous savez c'que c'est quand on triche,

Et que personne ne le voit

C'était un homme si accompli,

Qu'il déroutait les mal appris,

Il savait aimer sa vieillesse,

Ses derniers instants d'allégresse

 

R.

 

Il eut une enfance morose,

Des souvenirs d'enfant gâté,

Un peu de neige, un peu de rose,

De l'enfance il s'est acquitté,

L'adolescence fut difficile,

On le prenait pour un débile,

Aimant les hommes, aimant les femmes,

Ayant des caprices de vieille dame

 

R.

 

Pas encore mort, encore en vie,

Mais un artiste ça anticipe,

En vous je suscite l'envie,

Tout en gardant certains principes,

Je prends les angoisses dans mon cœur,

Et je valse avec le malheur,

Belle est ma petite vie sur terre,

Pas besoin de faire une prière !

 

Le Mulâtre n'est qu'un marginal,

Mais quand il parle des autres il parle de lui,

Il parle de vous,

Le Mulâtre n'a pas choisi son village,

Où il mourra la prochaine nuit

Où il mourra la prochaine nuit.

 

Jann Halexander by © Cécile Quénum Photographe.

 


Cette chanson, je l'ai écrite en 2006. Elle est toujours intégrée dans mes récitals. Elle me résume bien, je pense. Et à travers elle, je m'adresse à vous.

Je suis un homme métis. Un Mulâtre. Un homme de couleur. Un homme brun. Un Blanc avec du sang noir, un Noir avec du sang blanc. J'aurais pu être moitié jaune moitié blanc, moitié juif moitié arabe, qui sait. Je suis noir/blanc. Et cette situation me convient très bien. Mon métissage, je le crie, je le vis, je le chante, je l'assume. Et à ceux et celles que je dérange (et il y a des métis, parmi ces gens, nota bene), je chante : « Je vous emmerde ! »

Je suis né le 13 septembre 1982 d'un homme noir protestant gabonais et d'une mère blanche athée française, de bonne famille, avec du sang noble. Je suis franco-gabonais. J'ai toujours été clair là-dessus. Et quand on essaye de me faire passer pour Gabonais OU Français, je coupe court à ce genre d'attitude, que je trouve nauséabonde.

Mon meilleur ami, au lycée français de Libreville, était métis, comme moi. Père noir, mère blanche. Il n'y a pas de hasard, dit-on ? J'ai entendu, lu, vu beaucoup de choses sur les conditions de vie difficiles des Métis au Congo, au Burundi… Bon, il faut dire aussi qu'au Congo, il y a eu une sorte d'Apartheid officiel. Cela dit, on surnommait Port-Gentil, la capitale économique du Gabon la ville du Petit Apartheid et c'est vrai que là-bas, Blancs comme Noirs regardaient mes parents, ma sœur et moi avec beaucoup d'agressivité. Nous avons appris à vivre avec et garder ça pour nous, car lorsque je racontais tout cela aux Blancs comme aux Noirs, ils ne comprenaient pas, ils ne voulaient pas voir, ni savoir, on me disait que je mentais, que j'exagérais, car dans le fond, on m'en voulait de faire comprendre aussi bien aux uns et aux autres qu'il fallait savoir balayer devant sa porte. Et le Gabon n'a jamais été tendre avec les étrangers, y compris les Européens. C'est un pays dur. C'est un pays assez… occidentalisé. Le touriste européen lambda qui rêve d'exotisme chaleureux risque d'être perturbé quand il débarque à l'aéroport moderne et froid de Libreville.

Le métissage est un sujet terrible, vaste, complexe qui demande des millions et des millions de pages. Là, je ne dis que l'essentiel. Et suis curieux de voir ce que l'avenir réserve. Tenez, j'y pense, ma sœur (avec qui j'ai une grande complicité) travaille chez un fleuriste. Un client, blanc, est venu voir le patron et lui a demandé si c'était « bien raisonnable d'employer une mulâtre à la caisse ». Il a bien dit mulâtre. Ce genre d'anecdote, des millions de gens le vivent régulièrement. Allez raconter ça au Noir qui ne voit que le racisme anti-noir, au Juif qui ne voit que l'antisémitisme, etc.

Car il faut être clair : ce n'est pas parce qu'on est de couleur qu'on est noir. C'est une idéologie pourrie. Et ce n'est pas parce qu'on a du sang blanc qu'on est blanc. Est-ce si difficile de laisser place aux nuances ? J'ai choisi de ne pas choisir. Et j'assume sans difficulté aucune. Et mes proches, famille, amis, comprennent très bien. Je comprends cela dit les Métis qui craquent et qui choisissent. J'en ai connu… mais très vite, ils sont rattrapés par la réalité. Mon père a été franc avec ma sœur et moi : « Vous êtes métis et ce sera ainsi jusqu'à la mort. » Quand on est petit, c'est sûr, c'est du langage brut, mais au moins c'est bien rentré dans nos petites têtes. J'en veux à ces individus qui font des enfants avec une personne de culture différente et qui font tout pour éduquer l'enfant sur les bases d'une seule culture. Il y a des couples mixtes qui enlèvent toute possibilité de double identité à leurs enfants. C'est scandaleux. Pourquoi faire des enfants alors ?

Être brun, je le vis bien, tellement bien que je ne voudrais rien être d'autre. Je suis très bien comme je suis. Je ne supporte pas quand certains insinuent que les gens de couleur seraient tellement plus heureux s'ils étaient blancs. Tout est question d'éducation. On ne m'a pas éduqué à me haïr. Il m'arrive de faire des UV en hiver pour avoir une peau encore plus foncée. C'est un luxe que je me permets. Il y a des Noirs aussi qui font des UV et ils ont bien raison. Ça montre bien qu'ils n'ont pas de complexe sur leur couleur de peau. Après tout, le racisme c'est le problème de ceux et celles qui le sont, racistes. Y compris le racisme intériorisé.

Ne pas choisir. C'est un luxe suprême.

Quand mon père pêchait le poisson dans les eaux du fleuve Ogouée à Lambaréné, au Gabon, ma mère apprenait le piano et faisait avec mes grands-parents de longs voyages en Europe. Le mariage mixte c'est aussi le croisement, le mélange de cultures qui remontent à la nuit des temps. Je suis conscient qu'il existe beaucoup de Métis planqués. Des frustrations. Anecdote, il y a 4 ans, sur un forum consacré au sujet (le métissage), l'administratrice à mon sujet disait : « Pour qui se prend-il cet illustre inconnu ? Il se prend pour le porte-parole des Métis ? » Absurde. C'était elle qui avait créé le forum, parlait d'elle, menait les débats, c'était elle « la porte-parole » et moi je n'étais même pas membre de ce forum. Peut-être trouvait-elle que j'empiétais sur son territoire ? Je suis le porte-parole de tout le monde et personne. Maintenant c'est vrai que je reçois chaque mois des témoignages de métis, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes.

On peut être maçon, blanc, hétéro et se retrouver dans ce que je chante. C'est arrivé et c'est tant mieux. On peut être métis et passer totalement à côté. Dans mes chansons, pièces de théâtre, films, je parle aussi du métissage dans l'intimité. Pas dans la posture revendicative. En chanson, c'est inattendu pour beaucoup : je fais de la chanson à texte on ne peut plus classique d'apparence. Le monde de la chanson est plutôt blanc, c'est un fait. Je fais partie des taches (il y a aussi Maïk Darah, pour qui j'ai une grande estime). J'aurais dû rejoindre les clichés : prendre une guitare ou esquisser des pas de danse so sexy. Faire de la soul, du rap, du funk, du ragga, du reggae, du dance hall, du slam. Ou lieu de ça, je chante comme Yves Montand et j'emmerde mon entourage en clamant mon amour pour les chansons d'Anne Sylvestre ou Jacques Brel.

Le métissage, assumé, étend l'horizon des possibles. La journaliste gabonaise de Radio Africa, Eugénie Diecky, m'avait invité et après avoir diffusé ma chanson « A Table » m'avait dit durant l'émission que ce que je faisais n'était pas de la musique authentiquement gabonaise. J'ai répliqué : « Reste à savoir comment on définit l'authenticité gabonaise ou française ! » Ridicule. Je préfère en rire quand j'évoque cela, mais dans le fond, c'est triste.

J'apprécie beaucoup la façon dont Barack Obama assume ses origines plurielles. Moins la façon dont certains mouvements noirs se l'approprient. Il aurait été républicain, ces mêmes mouvements ne se seraient pas gênés pour dire que c'est parce que sa famille était blanche en partie. Enfin, l'élection d'un homme de couleur, métis, est un choc salutaire pour le monde entier. La première puissance mondiale est dirigée par un homme dont le père s'occupait des troupeaux, enfant, au Kenya, en Afrique. Le symbole est violent et nous allons avoir des surprises en France aussi, je le pense sincèrement. 

La France est une nation conservatrice. Mais il n'y a qu'en France, pour le moment, que j'arrive à m'exprimer librement. Je n'ai pas de comptes à rendre en tant qu'artiste. C'est important…

Tant de destins de métis sont brisés : alcoolisme, déprime, drogue, avortement car grossesses trop lourdes à porter, parfois même meurtres (Guy Georges).

Je suis revenu en France, en 2000. La majeure partie de ma famille est française. Blanche. Du côté paternel, presque personne. Mon père, c'est déjà bien. Côté blanc, tout va bien. Quand mon oncle de Vendée est mort, la tradition voulait que les hommes de la famille portent le cercueil. Ce n'était pas facile mais je l'ai fait.

Mon pays natal, le Gabon, a des défauts mais je refuse de critiquer ce pays devant des Occidentaux, noirs ou blancs, avides d'afro-pessimisme. Une nation bouge, évolue, il y a des guerres, des violences, des périodes de prospérité. Regardez les États-Unis, ils n'ont plus la puissance qu'ils avaient. De même le gentil noir et le méchant blanc, c'est du pipeau.

Dans la famille blanche, il y a beaucoup de fantômes, de gens morts depuis des décennies mais on parle d'eux comme s'ils étaient morts la veille. L'institutrice de ma grand-mère, à Saint-Nazaire, durant l'occupation, était une Mulâtresse de Martinique. Un jour, les SS rentrent à l'école. Ils prennent un couple d'instituteurs juifs, dénoncé par un autre couple qui a pris la fuite en Suisse à la Libération. Le couple juif a été envoyé en camp de concentration, n'est jamais revenu. La métisse n'a pas été prise. Les gens de couleur n'étaient pas la cible systématique des Nazis. Mais souvent, cela dit, pour un rien, ils pouvaient être envoyés en camp. Quant aux soldats de couleur vaincus, ils étaient exécutés. Serge Bilé en a bien parlé dans son ouvrage sur les Noirs dans les camps nazis. Dans la France de Vichy, il se trouvait des notables de couleur pour soutenir Pétain tout comme il y avait des résistants. C'est cela la France : c'est le pays de Pétain et d'Alexandre Dumas à la fois. C'est le pays capable du pire comme du meilleur.

… Pour finir, j'aime les hommes et les femmes, même si j'ai une préférence pour les hommes. J'aime les hommes « de couleur » et les femmes blanches. Mais je ne suis pas sectaire dans mes affinités. Mes parents s'y sont habitués. Papa noir encre de chine et Maman blanche porcelaine…

 

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Les photographies, textes et paroles sont © D. R. Ils sont reproduits avec l'autorisation de Jann Halexander. Tous droits réservés.

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Jann Halexander est un chanteur franco-gabonais. Il est également pianiste, acteur et producteur. Le chanteur Jann Halexander naît le 13 septembre 1982 à Libreville (Gabon, Afrique centrale). Ancien étudiant en géographie à Angers, dans le Maine-et-Loire, il prend un pseudonyme que lui inspire la personnalité de l'artiste sud-africaine Jane Alexander, dont les sculptures représentent des êtres hybrides. Il est issu d'un couple mixte — père gabonais, mère française — ce qui se fait ressentir au travers de ses créations. Pour découvrir son univers, Jann a accepté de rejoindre l'équipe du blog Les Toiles Roses avec cette chronique qui vous transportera loin dans l'imaginaire fécond et délicieux de ce grand artiste.



01. Réflexion autour de Statross le Magnifique...




Statross le Magnifique ? C'était une farce. De la pure désinvolture. D'aucuns ont parlé du foutage de gueule… d'autres d'audace cinématographique (?). On a également affirmé que c'était une version trash des Feux de l'Amour. J'ai écrit le scénario. Produit le film. Signé la musique. Et je jouais Statross.

 


Scène d'ouverture : un homme basané se masturbe tandis qu'en fond on entend une chanson que je ne chante plus en concert sur l'écrivain Brasillach. On voit tout, y compris l'éjaculation. J'imagine les gens se dire : qu'est-ce que le scénariste (moi) a voulu exprimer avec cette scène ? Je suis un pauvre con. Personne ne peut se poser ce genre de question. Le jeune homme est très beau, il pue le sexe, il est trop sexy pour inciter à la moindre tentative de réflexion profonde. Les hommes bandent, les femmes fantasment. D'autres détournent le regard en disant : c'est cochon. Moi je trouve ça beau, certes, mais je ne suis pas sûr que ça ait sa place. J'aurai choisi un autre acteur. Mais ce n'est pas mon film. Cette scène en tout cas avait le mérite de lancer un défi aux spectateurs, surtout les hommes : après cette scène, l'homme qui aura joui aura-t-il le courage de voir la suite ou va-t-il se lever et aller se rincer la main qui a servi ? Parce que dans ce cas, autant être clair, le film est si court que le temps qu'il se lave les mains et qu'il revienne, ce sera fini.




La scène d'ouverture était une mise en bouche. Oui. Elle donnait le ton. Elle testait le spectateur. Tu veux du cinéma Queer ? Tiens prends ça ! Passée cette scène, ça allait mieux. Deux hommes de couleur se draguent dans un fauteuil. Statross est triste, toujours triste, il ne fait rien d'autre, c'est simple, il est ennuyeux, c'est bien, c'est facile à jouer, pour moi qui suis piètre acteur. La femme de Statross et un touriste juif discutent en prenant le thé. Magnifique Pascale Ourbih, avec sa chevelure rousse, sa robe blanche. Magnifique la façon dont l'acteur Antoine Parlebas vomit dans le cabinet. Il ne triche pas, non vraiment il ne triche pas. Et pendant ce temps, Statross Reichmann est toujours triste, seul fait notable, il se déguise en femme, voit ce que ça fait, c'est lassant. Trois-quart des gens ne comprennent rien, moi non plus.

Et pourtant je l'aime bien ce film. Et puis le cinéma de Rémi Lange, c'est quelque chose. J'ai fini par voir Statross le Magnifique entièrement, sans fermer l'œil quatre mois après sa sortie. Douloureux. Mais j'ai réussi. Et puis les rares médias, papier ou internet, qui ont osé critiquer le film l'ont fait de façon positive.



Je me suis retrouvé à réaliser Statross 2 : Occident, un an après la sortie de 1er. Je venais de terminer le tournage de la triste histoire d'Antoine Blanchard, l'histoire d'un homme vendéen amoureux d'un député, un moyen métrage expérimental et musical, une libre adaptation d'une de mes chansons. J'Aimerais J'Aimerais, le titre officiel, dont la sortie était prévue le 20 juillet.


 



Pendant de longues semaines, j'ai réfléchi. Sur Statross, sur moi, sur la société, la vie et la mort etc… La question n'est pas de savoir si je l'aime ou pas, ce personnage. Je ne l'ai pas créé, il est venu à moi en rêve, il s'est imposé. C'était quelque chose de flou. J'ai voulu en faire un jeune tzigane qui voit son père lynché et pendu sur ordre d'un seigneur allemand au Moyen-Âge. Après j'ai voulu en faire un juif autrichien névrosé dans la Vienne du XIXème siècle. Puis finalement j'ai choisi car c'était plus intéressant et nouveau d'en faire un métis Noir/Blanc. D'autant que le métissage est vraiment une de mes thématiques dans mon travail. Pour information : Statross est un prénom autrichien. C'est aussi un jeu de mot vraiment poilant à partir de l'expression « c'est atroce ».




Je n'ai pas su dans le scénario du premier volet lui donner la profondeur qu'il méritait. Pourtant des milliers de gens l'ont vu, cet homme, triste, métis, évoluant dans un drôle de monde. J'ai reçu de nombreux messages de gens qui attendent la suite.

De Dracula à Batman, en passant par Wonder Woman ou Candyman, ces personnages qui jalonnent nos vies, nos paysages culturels, nos esprits ont un point commun : ils sont le fruit de l'Occident. Ils oscillent entre le bien et le mal, la raison et la folie, et quand ce n'est pas le Mal qui les emporte, c'est la Mort. Statross appartient à cette galerie de personnages. En tout cas je le souhaite. Il est l'enfant non voulu de l'Afrique et de l'Europe. Manque d'amour d'une mère, manque d'amour d'un père, manque d'amour tout court. Névrosé métis, se raccroche sans conviction au protestantisme, taciturne, au fil de la trilogie s'enfonce dans la Folie… sa destinée sera funeste.

En fait, n'importe qui peut reprendre le personnage de Statross à son compte, il suffit de me le demander. J'imagine : Statross à la plage, Statross chez sa cousine, Statross à la montagne, Statross au pays des Jouets, Statross à Neverland, Statross l'éventreur, Statross à la recherche du Diamant Perdu, Independance Statross, StatrossMan, stop. Mais il y a des caractéristiques essentielles chez Statross : c'est un métis noir/blanc, et ça se voit. Il doit être névrosé, fou, triste et prêt pour le meurtre/ou la Mort. De toute façon, sa vie dès le départ était détruite.

Et puis ce que je dis est vraiment lassant. Car je ne suis pas un intellectuel, c'est très clair, je ne l'ai jamais été.

 

TO BE CONTINUED...

 

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