« L'homosexuel craint la totalité, l'absolu en amour. Il distingue donc le physique de l'amour.
Mais maintenant je constate que par suite de ma sympathie et parce que je rencontre chez l'homosexuel les mêmes hostilités et les mêmes rébellions envers celui des deux parents qui se montre
dominateur, possessif, volontaire, j'éprouve de la sympathie pour leur manière perverse de circonvenir la relation homme-femme. [...]
Nous projetons sur autrui le Moi que nous ne pouvons supporter, afin de pouvoir le détester chez les
autres et le détruire. Ces éléments condamnés sont nécessaires à la vie. Lorsqu'on les tue, on tue la vie. Mais l'idéal en moi les niait. Tout chez moi est contrôlé et passe par des voies
détournées. Je le vois maintenant. [...]
Je ne sais si cela tient au fait que je connais tellement d'artistes qui ont été définis par
Baudelaire comme étant homme, femme et enfant à la fois, ou bien des adultes qui n'ont jamais détruit en eux la vision fraîche de l'enfant, mais ce que je vois chez l'homosexuel est différent de
ce que les autres y voient. Je ne vois jamais la perversion, mais plutôt quelque chose d'enfantin, une pause dans l'enfance ou l'adolescence lorsque l'on hésite sur le seuil du monde adulte. La
relation fondée sur l'identification, la ressemblance ou « le double », sur le narcissisme, est un choix plus facile et moins exigeant que celui entre les hommes et les femmes. C'est presque
incestueux, comme un lien de parenté. Il est vrai qu'il peut y avoir chez l'un davantage de traits masculins, et chez l'autre davantage de traits féminins, de sorte qu'ils peuvent s'équilibrer ou
se compléter. Mais chaque fois que j'ai rencontré un homosexuel, ce que j'ai trouvé c'était de l'infantilisme. Il y avait souvent aussi une parodie des parents et des grands-parents, un
attachement au passé, un amour des objets anciens, toujours une fixation sur la préadolescence lorsque nos inclinations sexuelles ne sont pas encore cristallisées et toujours quelque événement
traumatisant qui provoquait la peur de la femme, d'où la haine à son égard. » Anaïs Nin, Journal 1944-1947, éditions Le Livre
de Poche, 1978, ISBN : 225301611X, pages 208 à 210.
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