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ET LES FILLES, ALORS ?


SI UN JOUR JE DEVAIS ME MARIER...

 

Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L

 

Ellen_DeGeneres_et_Portia_de_Rossi_mariage_4.jpg (c) D. R.

 

 

Hier, Helena Peabody et moi étions en train de travailler sur nos recueils de données. Alors que je notais le nom de jeune fille et le nom de femme mariée de l’une des patientes, j’ai lancé avec une platitude de trottoir de rue : « J’aimerais bien changer de nom si je me marie un jour. » Connaissant mon orientation sexuelle, le commun des mortels aurait très justement ignoré la remarque. Mais Helena ne fait pas partie du commun des mortels. Elle m’a demandé très gentiment pourquoi. Et là mes amis nous nous sommes engagées dans une conversation de vingt minutes qui ne nous a pas fait avancer côté travail. Par contre, elle m’aura permis de verbaliser pour la première fois ma position sur cette épineuse question.

Tout naturellement Helena m’a interrogée pour connaître les raisons qui me poussent à vouloir me marier un jour. Pour vous expliquer en quelques mots, Helena ne s’appelle pas Helena Peabody pour rien. Elle a connu son premier mari à 16 ans, l’a épousé, a eu un enfant avec lui. Puis elle a divorcé, rencontré un autre homme qu’elle a épousé et avec lequel elle a eu un autre enfant. Autant dire qu’après l’échec de son premier mariage, elle ne pensait pas se remarier un jour. Ce n’est pas pour rien qu’elle avait éclaté de rire en pensant à une blague quand son mari actuel lui avait demandé de l’épouser. Elle a divorcé et a souffert du regard que la société posait sur elle à ce moment-là. Sa vision du mariage est donc forcément très différente de la mienne.

Moi j’ai des exemples de mariages réussis et d’autres totalement ratés autour de moi. Mais si je ne devais en retenir que deux, je retiendrais le mariage de mes parents qui sont toujours ensemble et amoureux après 29 ans et celui de ma tante et de mon oncle qui habitent dans un trou perdu à une heure de Paris. Parce qu’ils se sont trouvés. Ils sont forts seuls mais ils sont invincibles à deux. Et ça, une fois que vous l’avez vu, vous ne pouvez pas l’oublier.

Je n’avais jamais vraiment songé à ce que représentait le mariage pour moi, ni pourquoi j’étais pour. Je savais que j’étais pour, pour la simple raison que c’est un droit pour chaque citoyen et citoyenne, et que c’est de la discrimination que d’empêcher un couple de même sexe de s’unir. Comme à une autre époque, il était discriminatoire d’empêcher les noirs et les blancs de se marier entre eux. En clair, cette discrimination justifie en elle-même que je me batte pour obtenir les mêmes droits que mes deux frères.

Mais cela n’explique pas pourquoi j’aimerais me marier un jour. J’ai regardé Helena droit dans les yeux en réfléchissant et j’ai tenté de lui expliquer toute l’importance de ce symbole. Tout ce que revêt un tel engagement au niveau de la société et de la famille. Je lui ai démontré que pour moi, un mariage c’était un engagement devant toute la famille et le monde entier. Une manière de montrer contre vents et marées que tu as choisi cette personne pour être ta compagne pour le reste de ta vie et qu’elle va intégrer la famille, qu’ils soient d’accord ou non. En fait, c’est plus un moyen de montrer à mes racines, à ces personnes qui partagent des souvenirs et un patrimoine commun avec moi, que j’aime cette personne et que je l’ai choisie pour fonder ma propre famille, qui va elle aussi appartenir à notre grande famille.

Helena a très bien compris mon point de vue mais elle n’allait pas me laisser gagner si facilement. Elle m’a demandé en quoi c’était utile que tout le monde sache que j’étais mariée. Je lui ai gentiment expliqué que quand tu es mariée, tu n’es plus seul, tu es une unité propre, une famille et que donc la société te considère différemment. Et puis qu’à ce moment-là tu appartiens d’une certaine manière à cette personne. Elle a tiqué sur le mot appartenir… Et moi aussi après l’avoir dit. Pas appartenir dans ce sens-là. Appartenir dans le sens où nos vies sont indubitablement liées, quoi que l’on fasse, on le fait en sachant que l’autre est là et que cela va avoir des répercussions sur elle.

Bien évidemment, Helena m’a fait remarquer que si j’avais besoin de le montrer à tout le monde, je ne quitterai pas mon alliance et que je serai dans le paraître. Elle m’a fait grimacer. Je n’avais pas réfléchi à cela. Non, je me moque de l’alliance, pour moi elle n’a pas d’importance. Que tu la mettes ou que tu ne la mettes pas, le principal c’est la symbolique du mariage. Un symbole admis par tous, même s’il a perdu de son prestige depuis plusieurs années. Parce que le « j’ai épousé cette femme », il sonne fort. C’est un message d’engagement.

Helena m’a fait remarquer que pour elle le mariage n’était plus cet engagement qu’il était il y a 10 ans. Quand elle a divorcé, il a perdu cet aspect-là. Par contre, elle considère qu’un enfant engage beaucoup plus. J’ai confirmé. Un enfant, tu le fais, tu l’assumes toute ta vie. Des fois je me demande si mes parents n’en ont d’ailleurs pas ras-le-bol de m’assumer. En clair, j’étais totalement d’accord. Et c’est là où je me suis rendu compte que j’avais été hyper formatée et que j’avais totalement intégré le schéma hétéro. Pour moi, l’engagement du mariage, entraîne ensuite, un palier au-dessus, l’engagement pour fonder sa famille. Mais c’est dans cet ordre-là. C’est parce que deux personnes se sont unies qu’elles ont créé leur propre cellule familiale qu’elles ont ensuite des enfants.

Je ne condamne pas les gens qui ne se marient pas. Je ne condamne pas les gens qui font des enfants tout seul. Je ne condamne personne. J’ai juste réalisé de manière très surprenante que j’avais la même vision étriquée que ma grand-mère sur le sujet. Et ça c’est assez déstabilisant. J’essaie d’être un poil « révolutionnaire » (à ma manière) et je réalise que j’ai en fait des principes très archaïques.

Forcément on a dévié sur les enfants. Forcément on a discuté du fait que la France n’était pas prête d’autoriser le mariage gay. Forcément on a parlé du Pacs et de l’absence totale de symbole qu’il véhicule. Forcément on a parlé des pays dans lesquels je devrais immigrer si je voulais avoir le droit de me marier. Forcément un sujet en a entraîné un autre. Ce que j’aime avec Helena c’est qu’elle m’écoute parler tout en comprenant mon point de vue. Elle m’a laissée faire face à mes propres incohérences, découvrir mes propres réserves. En clair, elle m’a relancée pour que je précise ma pensée sans jamais me juger. Elle a encore râlé que la France était en retard quand je lui ai cité le nombre de pays où le mariage entre personnes du même sexe était légal. Elle n’en revenait tout simplement pas. J’adore, quand je lui parle, des fois, j’ai presque l’impression d’être intelligente.

On a terminé notre discussion et nous sommes retournées à nos dossiers. Je m’étais replongée dans celui que je traitais quand Helena m’a demandé : « Et si elle veut prendre ton nom de famille à toi ? » Je l’ai regardée en la maudissant. J’aime l’idée de pouvoir changer de nom et de devenir, en quelque sorte, une autre personne sans pour autant renier mes racines. J’aime l’idée d’appartenir à une autre famille, d’être dépositaire d’une autre histoire que la mienne. Je l’ai regardée en la maudissant et je lui ai dit : « Tu penses vraiment qu’elle voudra s’appeler Price et avoir droit à toutes les blagues possibles et imaginables sur Leader Price et le reste ?! » Et là, Helena dans toute sa splendeur a rétorqué : « Ben si elle s’appelle Salope ou Connasse, t’auras toujours envie de changer de nom ? »

Je la déteste quand elle fait ça. Elle ressemble à mon père…


Isabelle B. Price (août 2010)

 

Lire les autres chroniques d'Isabelle 


GAYDAR ET CODE SECRET

 

Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L

 

bu-gaydar-g-300--2-.jpg (c) D. R.

 

 

Je n’avais pas vraiment d’idée pour ce nouveau billet que je devais écrire mais, parce que c’était l’heure, je devais bien trouver. J’ai donc repris, sans le moindre scrupule, la liste que m’avait faite le chef sur les sujets à traiter. Une petite liste qui contenait cette question : « Existe-t-il un ‘gaydar’ pour les filles qui aiment les filles ? »

Déjà je tiens à dire que si vous croyez qu’il existe un ‘gaydar’ pour les garçons qui aiment les garçons (oui, j’écris garçons et pas hommes parce que le chef a écrit filles et non pas femmes, je suis comme ça, œil pour œil, dent pour dent ;-), donc, si vous croyez à l’existence d’un ‘gaydar’ masculin, vous devez obligatoirement croire à l’existence d’un ‘gaydar’ féminin. Ça va de pair. Comme l’homosexualité masculine va de pair avec l’homosexualité féminine. Parfaitement !

Après, tout est une question de croyance et Dieu sait que j’admire les gens qui croient. Je suis incapable de croire en quelque chose qui n’est pas tangible de mon côté, déformation professionnelle je suppose, bien que Scully, même après avoir vu des extra-terrestres de ses propres yeux et avoir donné naissance à une fille dont elle n’avait pas accouché, a toujours continué à être catholique. Donc je suis incapable de croire… et c’est donc très facile pour moi de dire que personnellement, je n’ai pas de ‘gaydar’.

Enfin pour être plus précise, ce n’est pas que je n’ai pas de ‘gaydar’, c’est juste qu’il est déréglé depuis des années et qu’il ne m’indique que les hommes. Et je peux vous dire qu’une chose est sûre, c’est totalement inutile pour une lesbienne de savoir que tel ou tel homme est gay. Ça ne sert à rien du tout ! Mais bon, c’est l’une de mes grandes capacités et je devrais en être fière. Il n’empêche que je suis totalement incapable de savoir si telle ou telle femme est lesbienne.

Mon binôme de boulot, Helena Peabody, qui est une hétéro finie, m’a posé la question la dernière fois, elle aussi. Du style : « Mais si tu n’arrives pas à savoir, je sais pas, tu ne peux pas utiliser un code secret ? » Ben voyons, j’en ai plein des codes secrets sous la main, et alors le code secret pour déceler des lesbiennes, trop trop facile ! Je l’ai regardée avec un air interrogateur pour lui faire comprendre qu’elle ne venait pas de la planète Terre si elle osait me poser cette question. Même pas choquée, Helena a fait croire qu’elle ne comprenait pas et que c’était moi qui étais anormale.

Comment pouvez-vous dire à quelqu’un que votre ‘gaydar’ ne fonctionne pas alors même que c’est le genre de chose très difficile à définir. Le ‘gaydar’ s’appuie sur des codes qu’il faut essayer de capter, certains y sont plus réceptifs que d’autres, c’est tout. Et moi, je ne suis absolument pas réceptive. Helena vous dirait que c’est parce que je ne regarde pas les gens, elle aurait raison. Je ne regarde pas les gens. Je suis totalement incapable de vous dire comment est habillée telle personne avec qui j’ai discuté pendant une heure. Ça ne m’intéresse pas. Par contre je suis capable de vous ressortir la conversation en totalité si elle m’a captivée. Je suis une auditive, pas une visuelle.

J’ai donc réfléchi à ce ‘gaydar’ que je n’ai pas mais que possèdent certaines de mes amies, capables de se retourner sur une fille dans la rue en disant : « Elle, elle est lesbienne », alors que moi je n’ai même pas vu qu’on avait croisé une nana… Y croire est donc très difficile pour moi surtout que, quand vous posez la question stupide : « Comment tu le sais ? », elles vous répondent toutes inexorablement : « Ça se voyait. »

Mais qu’est-ce qui se voyait ? Ce n’était pas tatoué en gros sur leur front quand même !

Je n’ai pas de ‘gaydar’ et je n’ai pas encore déniché le super code secret qui vous permettent de savoir, en échangeant deux simples mots avec elle, qu’une femme est lesbienne. Des fois, je me dis que ce serait beaucoup plus simple et facile. Des fois, je me dis aussi que ce serait beaucoup moins marrant. Finis les plans sur la comète, les sourires à deux balles, les surprises… euh… surprenantes, et les quiproquos.

Sachez cependant que sans ‘gaydar’, on peut vivre très tranquillement et normalement. Et puis il faut reconnaître que ma technique de drague est bien rodée. Je fais ce que font la plupart des lesbiennes. Je regarde passer les femmes et j’attends que l’une d’entre elles fasse le premier pas.

C’est d’une facilité déconcertante et puis au moins, comme ça, je suis tout de suite fixée.


Isabelle B. Price (mai 2010)

 

 

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INTERVIEW DE SARAH WARN,

LA FONDATRICE DU SITE LESBIEN AFTERELLEN.COM

 

Sarah Warn est née dans une petite ville de l’État de Washington il y a 33 ans. Elle a grandi en lisant tout ce qui lui tombait sous la main et en inventant des jeux avec sa sœur. Elle a reçu un B.A. au Wellesley College et un Master en Théologie à l’Université de Harvard.

Elle a ensuite passé sept ans à travailler dans le marketing et le business Online. Puis en avril 2002, elle a fondé le site AfterEllen.com pour se distraire et parce qu’elle ne parvenait pas à trouver ce qu’elle souhaitait concernant les homosexuelles dans les médias. Les trois premières années, ce site ne lui a pas rapporté d’argent car elle n’avait pas de partenariat publicitaire. Puis la quatrième année, elle a quitté son emploi, trouvé des partenaires et s’est occupée du site à temps plein. Aujourd’hui, AfterEllen.com est le site lesbien le plus connu aux États-Unis.

Sarah Warn est également la créatrice de AfterElton.com (apparu sur la toile en 2005) et de Erosion Media, LLC. En juin 2006, la jeune femme a annoncé qu’elle avait été rachetée par Logo, une entreprise spécialisée dans les programmes destinés au monde LGBT.


afterellen.png 

Quand avez-vous débuté AfterEllen.com ?

Je l’ai démarré en avril 2002. Les trois premières années, je n’ai fait aucun bénéfice – je n’avais aucun annonceur et j’avais un travail à plein temps. Mais au cours de la quatrième année, j’ai démissionné de mon poste et trouvé des annonceurs.

 

Vous gériez seule le site, au départ ?

Oui, je l’ai commencé seule et pendant longtemps, j’ai été la seule à écrire les articles. C’était juste un passe-temps. Je ne savais pas comment trouver des chroniqueurs, mais ensuite, j’ignore ce qui s’est passé, j’ai reçu des mails de personnes me demandant : « Hey, avez-vous besoin de chroniqueurs ? » Donc lentement, j’ai trouvé d’autres personnes pour l’écriture et puis j’ai commencé à les rémunérer vers la troisième année. Le truc sympa avec les lesbiennes, c’est qu’elles veulent vraiment voir le site que vous êtes en train de créer, donc tout ce qu’elles veulent, c’est vous aider.

 

Pourquoi l’avoir créé ?

Eh bien, je suppose pour la plupart des mêmes raisons qui vous poussent à créer votre site web : j’ai regardé autour de moi et je n’ai pas vraiment pu trouver ce que je cherchais. C'est-à-dire des informations disponibles sur Internet pour les lesbiennes. De plus, je suis accro aux divertissements, donc je voulais un prétexte pour écrire sur ce genre de trucs, vous voyez !

 

Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur votre parcours ?

J’avais travaillé pour un site Internet de voyages. J’ai fait du marketing en ligne pour eux et avant ça, j’ai travaillé pour une grande agence de pub en ligne. Donc j’ai passé les huit dernières années à faire du marketing en ligne. Comme je vous l’ai dit, AfterEllen.com était juste un passe-temps, mais d’un seul coup, c’est devenu le plus important site lesbien sur Internet. Donc j’ai pensé « OK, j’essaie de laisser tomber mon job et je vois ce que ça donne, j’essaie d’en faire un vrai business. »

 

À votre avis, qu’est-ce qui rend votre site unique, comparé aux autres sites gays et lesbiens ?

Premièrement, il est entièrement dédié au divertissement. De plus, nous écrivons uniquement sur des femmes qui sont ouvertement lesbiennes ou bisexuelles. Nous ne parlons pas des femmes hétéros, sauf si elles incarnent des lesbiennes – à une exception près, un nouveau blog quotidien dans lequel nous abordons des sujets non lesbiens. Mais c’est juste une sous-rubrique, le site principal ne traite pas de ça. Nous accueillons volontiers les femmes bisexuelles, ce qui est différent de beaucoup d’autres sites, je pense. Nous leur consacrons une section.

 

Pourquoi avez-vous créé une section spéciale pour les femmes bisexuelles ? Existait-elle dès le début ou l’avez-vous ajoutée après en avoir ressenti le besoin ?

Je l’avais mise dès le départ parce que certaines de mes ex-petites amies et plusieurs de mes meilleures amies sont bisexuelles. Je les aime, donc je voulais les inclure !

 

Comment les femmes bisexuelles sont-elles perçues au sein de la communauté lesbienne aux États-Unis ? Sont-elles les bienvenues ?

Je pense que ça dépend de quelle génération on parle. Elles ont tendance à être mieux acceptées parmi les jeunes filles mais cela dépend également d’où vous vous trouvez, vous voyez. Je pense qu’environ 25 % de nos lectrices s’identifient comme bisexuelles. C’est un nombre considérable et je pense qu’elles se sentent encore plus marginalisées.

 

Vous avez dit plus tôt que vous êtes une dingue de divertissement – qu’aimez-vous le plus dans la culture lesbienne ? Qu’est-ce qui vous attire à ce point ?

Hum, et bien, j’aime la télé, donc (rires) je pense que les images sont vraiment importantes pour la visibilité lesbienne. N’importe qui vivant dans la culture pop, sait que si vous n’êtes pas représenté, ça vous affecte d’une certaine façon – ça vous donne le sentiment que peut-être vous n’avez pas le droit de voir vos histoires racontées. Je pense qu’il est important que nous soyons représentées donc je fais juste ma part afin d’essayer de faire que ça arrive.

 

Que croyez-vous que votre site ait changé pour les lesbiennes ? Pensez-vous qu'il y ait un après "AfterEllen" ?

Eh bien, je ne sais pas. C'est une bonne question ! Euh, je pense que ça a aidé des gens qui ne l'auraient peut-être pas été sinon, à se sentir connectés. En fait, ça me plaît d’essayer de donner aux gens les clés du divertissement lesbien pour qu'ils puissent le trouver. La plupart du temps, c'est dur de trouver les bons plans, c’est juste le bouche à oreilles. Je reçois beaucoup de mails de personnes me disant que ça les aide à avoir le sentiment d'appartenir à quelque chose de plus grand. Parce que la majorité des lesbiennes ne vit pas à Los Angeles ou New York et cela les aide en quelque sorte à se sentir connectées à une communauté plus vaste, vous voyez.


sarah2.jpg

 

Au fait, vos parents sont-ils au courant de votre site web ? Vous êtes sortie du placard avec eux, n'est-ce pas ?

Oui. Je leur ai annoncé il a longtemps maintenant et ils l'ont bien pris. Je veux dire, ça leur a pris du temps pour me soutenir réellement, mais par exemple, ils sont venus au Power Up gala, donc ils sont totalement à l'aise avec ça maintenant. (rires) En fait, c’est même ma mère qui relit mes articles chaque semaine (rires).

 

C'est génial ! En fait, ça me rappelle l'histoire que la mère d'une femme politique ouvertement homosexuelle, Otsuji, racontait. Sa mère avait écrit une lettre à un journal local, disant qu'elle n'avait vraiment accepté le fait que sa fille soit lesbienne que quand elle s'était cassé le bras et qu'elle avait dû passer une semaine chez sa fille et la petite amie de celle-ci. Elle avait vu un couple tout à fait normal ‒ comme n'importe quel couple hétéro bien installé et tous ses préjugés avaient disparu. Et maintenant elle l'accepte totalement et soutient sa fille à 100 %. C'était une lettre vraiment touchante.

Waw, c'est tellement beau ! Il me semble que plus de parents commencent à l'accepter ici. Mais j'ai des ami(e)s qui ne l'ont annoncé à personne, pas même à leurs parents alors qu'ils ont la trentaine.

 

L'une de vos interviews a-t-elle déjà vraiment mal tourné ? (rires)

Euh, j'essaie de me rappeler des mauvaises, mais j'en ai eu de vraiment très bonnes. Erin Daniels, de The L-Word, a été géniale. Elle est hétéro, mais elle joue une lesbienne. Qui d'autre ? Iyari (Limon) qui jouait Kennedy dans Buffy, elle a fait son coming-out pendant l'interview. Elle jouait une lesbienne dans Buffy. D'ailleurs je l'avais interviewée au Dinah Shore en 2005 ‒ elle était avec sa petite amie ‒ et j'ai dit un truc du genre «  Euh… Je ne savais pas que vous étiez lesbienne! » On l'avait interviewée par le passé et elle n'en avait rien dit. À l'époque, elle était hétéro, donc quand elle a déclaré être bisexuelle dans notre seconde interview, c'était amusant. En plus, je suis une grande fan de Buffy !

 

Et pour les mauvaises interviews ? (rires)

(rires) C’est vrai, les mauvaises... Oh, oui, il y en a une. Je ne dirai pas qui, mais en gros, parfois il y a des personnes qui veulent juste pester contre la communauté lesbienne toute entière et viennent se plaindre dans leurs interviews. Du style, comme si [AfterEllen] représentait toute la communauté lesbienne. Elles se sentent lâchées par leur communauté et tout ce qu'elles veulent, c'est râler. Donc elles se plaignent auprès de nous ‒ ce qui me va ‒ mais ce n'est pas vraiment notre faute. (rires)

 

À propos de la situation aux États-Unis : y avait-il une seule personne sortie du placard avant Ellen Degeneres ?

Il y en avait quelques unes, mais vraiment très peu. Comme Amanda Bearse de Mariés, deux enfants ‒ elle a fait son coming out au début des années 90. Il y avait aussi Melissa Etheridge et KD Lang. Mais depuis qu'Ellen l'a annoncé publiquement, de nombreuses personnes ont fait de même, donc ça a vraiment fait la différence. Pas juste le coming out d'Ellen ‒ d'autres choses se sont produites aussi. Mais oui, ça a vraiment fait une différence.

 

Quelles étaient ces autres choses ?

Je savais que vous alliez me demander ça. Je n’arrive pas à me les rappeler toutes à l’instant. (rires) Mais le climat politique, beaucoup d’activisme et beaucoup de personnes travaillant dans les coulisses ont permis que ça devienne possible, petit à petit.

 

Je présume que The L-Word est une autre étape importante. Diriez-vous que les deux principales étapes pour les États-Unis ont été Ellen et The L-Word ?

Je dirais que si vous deviez choisir les deux plus grandes avancées de ces 10 dernières années, alors ce serait probablement ces deux-là. Mais il y a aussi eu de nombreuses autres petites avancées tout au long du chemin. Vous voyez, comme le premier baiser lesbien à la télévision dans LA Law [La Loi de Los Angeles]. C’était un pas en avant énorme, à l’époque, mais un petit rétrospectivement. Le film Bound a aussi eu son importance, je pense.

 

Pensez-vous que les lesbiennes soient en quelque sorte tendance dans la société actuelle ? Croyez-vous que la mentalité du public américain ait changé ces 10 dernières années ?

Elle a un peu changé. Je veux dire, je pense sans aucun doute que la situation est meilleure qu'il y a cinq ans quant à la façon dont les gens perçoivent les gays et les lesbiennes. Mais nous sommes au cœur d'une guerre des droits civils en ce moment donc c'est un peu un scénario du genre « Deux pas en avant, un pas en arrière ». Et les lesbiennes ont moins de visibilité maintenant qu'elles n'en avaient il y a cinq ans à la télé et dans les films.

 

Moins ?! J'étais sûre qu'elle était en progression.

C'est mon opinion. Mais je pense que c'est principalement dû au climat politique. Nous n'avons qu'une seule série à la télé en ce moment avec The L-Word alors qu'il y a cinq ans, nous en avions plusieurs. Donc c'est une situation étrange.

 

Je pensais qu'avec The L-Word, la visibilité lesbienne était plutôt élevée.

Eh bien, elle l'est sans l'être. Nous avons des programmes sur le câble comme The L-Word, mais en termes de télévision généraliste, nous devenons de plus en plus invisibles. Mais quand nous y sommes, nous avons tendance à être mieux représentées. Donc je ne sais pas. Il y a tout un tas de trucs qui se passe, mais je pense que le climat conservateur y est pour beaucoup.

 

Quel genre d’image pensez-vous que les hétéros ont des lesbiennes ?

Oh… Je ne sais pas…

 

Je vous demande ça parce que plus je travaille au sein de la communauté et moins je sais quelle sorte d'images elles ont…

(rires) Ouais, je vois exactement ce que vous voulez dire ! On ne peut plus lire dans leurs pensées. Je ne sais pas, je pense qu’ils essaient sûrement de s’y retrouver au milieu de ces contradictions : entre les lesbiennes qu’ils voient dans The L-Word et les lesbiennes perpétuant les vieux stéréotypes.

 

Est-ce que beaucoup d’hétéros connaissent The L-Word ? Est-ce que la série a du succès auprès d’eux ?

Oui, ils connaissent. Il y a beaucoup de femmes hétéros qui regardent The L-Word et quelques hommes hétéros, mais majoritairement des femmes.


sarah.gif

 

Pensez-vous que les hétéros ont conscience qu’il existe une culture lesbienne ?

Oui, ici, je pense que les gens savent qu’il existe une culture lesbienne. Oui, je le crois. Je pense qu’ils la conçoivent de manière caricaturale, mais je pense qu’ils sont conscients qu’elle existe.

 

Je vous demande ça parce qu’au Japon, les personnes hétérosexuelles n’en sont pas conscientes. Elles pensent souvent que ce n’est qu’une tendance sexuelle.

(rires) Oh, oui, ils continuent à faire ça ici aussi ! En fait, ici aussi, c’est encore réduit seulement à ça. Ça dépend beaucoup de qui vous avez affaire.

 

Pensez-vous que les “lesbiennes” font vendre ? Je pense par exemple à la campagne de publicité Dolce & Gabbana de printemps/été 2006 où l’ont voit des femmes ensemble.

Oh, oui, je pense que ça fait vendre. Parce que ça reste inhabituel, donc ça fait en quelque sorte un petit choc. Ce n’est pas dans la norme. Les gens sont tellement saturés par les publicités et les campagnes de pubs que n’importe quoi d’un peu nouveau et différent capte leur attention, je pense.

 

Pourquoi pensez-vous que faire son coming-out soit réputé si difficile pour les actrices et acteurs ? Croyez-vous que cela représente un vrai risque pour leur carrière ou est-ce seulement la peur ?

Non, je pense qu’il y a les deux. Ça peut être risqué pour certaines personnes quand pour d’autres, c’est plus dans leur tête que le problème se situe, plutôt qu’un risque véritable.

 

À quel point la série The L-Word est-elle connue et aimée des lesbiennes ?

Eh bien, les gens s’intéressent sans aucun doute à The L-Word. Même les gens qui ne l’aiment pas. (rires) C’est un programme très populaire parce qu’il y a au moins une ébauche de représentation de nous-mêmes. Et même si ça ne semble pas vraiment ressembler à votre vie en particulier, ça n’a pas d’importance, vous voyez.

 

Personnellement, qu’en pensez-vous ?

(rires) Je pense que c’est un programme avant-gardiste. Je crois qu’il a reçu beaucoup de critiques parce que vous ne pouvez pas vraiment réussir avec un seul programme, quoique vous fassiez. Tout le monde veut projeter ses propres espoirs et rêves dans ce programme. C’est comme d’essayer de faire une série télé familiale qui représenterait toutes les familles. Ça ne pourra pas marcher.

 

Quel genre de critiques avez-vous entendues ?

Il a été dit que certaines des intrigues étaient trop mélos. Elles sont un peu trop bizarres parfois. Je pense, vous voyez, que la mort de Dana n’a pas plu aux spectateurs, parce que c’était un personnage très apprécié. De ce que j’ai pu entendre des lectrices, les gens n’aiment pas du tout Max. Les spectateurs trans comme les nons trans.

 

Pourquoi à votre avis ?

D’après les retours de notre lectorat, c’est parce que les problématiques des trans n’ont pas été bien représentées. Je ne suis pas trans, donc je ne peux pas vraiment m’exprimer sur le sujet. Tous les autres ont dit qu’ils ne l’aimaient pas uniquement parce qu’il est énervant. (rires)

 

Je n’ai pas l’impression qu’il donne une bonne image des personnes transgenres.

Non, exactement. Il n’a pas besoin d’être parfait, mais un peu moins caricatural, ce serait bien, vous voyez. Et puis Jenny est devenue moins agaçante, mais elle n’est toujours pas le personnage préféré des gens.

 

Qui est votre préférée ?

Ma préférée, je pense, était Dana et aussi Alice. J’adore Leisha Hailey, elle assure !

 


Interview accordée en novembre 2006 à Yuki Keiser pour le site Tokyowrestling.com.

Traduction : Magali Pumpkin (05 avril 2010)

Première publication : Univers-L.

Reproduite avec l’autorisation d’Isabelle B. Price, rédactrice en chef.

 


LE SENTIMENT DE SÉCURITÉ

 

Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L

 

gardes.jpg(c) D. R.

 


Il y a quelques temps, j’ai regardé un cruel documentaire ayant été diffusé sur M6 : Cités, foot : La haine des homos. Je vous passe mes commentaires puisque je pense que vous pouvez, en tant qu’adultes, vous faire votre propre opinion en le regardant par vous-même [regarder la partie 1 ‒ regarder la partie 2]. Par contre, il y a une question et une réponse qui m’ont marquées et qui, je pense, me marqueront pour très longtemps.

À un moment donné, la psychologue du « Refuge » demande à un jeune garçon de 18 ans : « Est-ce que un jour dans ta vie, tu t’es senti en sécurité ? ». Ce dernier prend le temps de la réflexion et avoue : « Non. Jusqu’à maintenant, non. »

Je crois qu’en tant qu’adulte, en tant que femme, en tant que lesbienne, en tant qu’infirmière, ou tout simplement en tant qu’être humain, je suis restée sans voix et bouleversée. Je reconnais que ça m’a fait renifler un peu, contre ma volonté, parce qu’en ce moment je suis un petit peu trop sensible pour ma propre sécurité.

Et là, j’avoue, ça m’arrive rarement mais j’ai eu un peu honte. Honte de la chance que j’ai dans la vie. Parce que moi, j’ai bien réfléchi aussi et jusqu’à maintenant, je me suis toujours sentie en sécurité. Toujours. J’ai bien eu des frayeurs et des peurs, irrationnelles et incompréhensibles mais je me suis toujours sentie en sécurité. En sécurité dans les bras de ma maman qui me lisait des histoires, le soir, avant de m’endormir et qui m’apprenait tout ce que je devais savoir sur les fantômes, les monstres et toutes ces créatures qui peuplent l’imaginaire des enfants. En sécurité dans les bras de mon père qui a toujours été « le papa le plus fort du monde entier de l’univers ». Je me suis toujours sentie en sécurité même après les avoir quittés parce que je sais qu’ils sont là, pour me rattraper si jamais je trébuche, parce que je sais qu’ils m’ont appris à me débrouiller et à avoir confiance en moi.

Entendre un gosse de 18 ans, l’âge de mon frère Titou, dire à une psychologue, après quelques minutes de réflexion : « Non », ça a été un véritable coup de massue. Non pas que je vive aujourd’hui dans un monde enchanté, loin de là. Je crois qu’en tant qu’infirmière, la réalité je me la prends en pleine face au quotidien. Mais c’était le fait de réaliser que j’avais grandi dans un monde de Bisounours, dans un monde où les Schtroumpfs n’ont pas peur de Gargamel parce que même s’il existe, il ne peut pas les atteindre tellement ils sont protégés.

En tant qu’homosexuelle, j’ai eu peur de faire mon coming-out, souvent. Ni plus ni moins que la majorité des gays et des lesbiennes je pense. J’ai eu peur d’en parler à ma famille et quand je le leur ai dit, leurs réactions de soutien et d’amour m’ont fait comprendre que mes craintes n’étaient pas fondées. Pourtant, quand j’y réfléchis, même si parfois je me suis sentie seule quand j’ai découvert que je préférais les filles, jamais, à aucun moment, j’ai songé que je pouvais perdre ce sentiment de sécurité dans lequel j’ai baigné et grandi.

Parfois je me demande en quoi mes écrits sont intéressants ou utiles. Je suis une fille moyenne, qui mène une vie ordinaire voire banale. J’ai grandi dans une famille soudée et aimante. J’ai compris que je ne pouvais pas sauver le monde mais que je pouvais toujours essayer, à mon niveau, de le changer.

Mais qu’est-ce que je suis censée faire quand j’entends un gamin de 18 ans répondre à cette question : « Est-ce que un jour dans ta vie, tu t’es senti en sécurité ? » par « Non. Jusqu’à maintenant, non. » Qu’est-ce que je suis censée faire en tant que femme, en tant que lesbienne, en tant qu’infirmière, en tant qu’être humain ?

Vous le savez, vous ?


Isabelle B. Price (mars 2010)


MA SORTIE DU PLACARD

 

Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 

out_of_the_closet1.jpg(c) D. R.


Cher lecteur, j’ignore ton niveau de connaissance en matière d’identité homosexuelle. C’est la raison pour laquelle cet article va débuter par un petit rappel qui te permettra, je l’espère, d’apprécier à sa juste valeur, mon humour dévastateur.

Les Américains, avant les Français, ont trouvé une expression très imagée pour définir le fait qu’un homosexuel se cache et dissimule ses préférences sexuelles. Se taire et s’enfermer dans le silence, voire le mensonge, reviendrait à être « trapped in a closet », que l’on peut traduire littéralement par « être enfermé dans le placard ». On est prisonnier, on étouffe, il fait noir. Se libérer et révéler son homosexualité revient alors à « coming-out of the closet » soit, en bon français parce que nous ne comprenons que cette langue, à « sortir du placard ». Bien évidemment, vous pouvez être totalement hors du placard auprès de votre famille et de vos amis et être totalement au fond de ce placard, sans lumière et enfermé à double tour parce que vous avez perdu la clé, au travail et à la salle de gym. Il y a différents degrés. Mais ça, c’est le sujet d’un prochain cours… pardon, billet.

J’ai fait mon coming-out il y a plusieurs années à ma famille. Que dis-je, il y a plus de six ans déjà, c’est énorme dans la vie d’un lapin, d’un chat et d’un chien (ne cherchez pas la raison de cette comparaison. Je suis une humaine totalement égoïste qui pense que les animaux ne sont que des animaux qui doivent rester à leur place d’animaux et qui ne sont pas des enfants ou des substituts à l’amour maternel. Mais j’ai découvert que les lesbiennes adoraient les animaux. Alors je fais croire que moi aussi je les aime. C’est pour « pécho » les filles…)

Je disais donc, je suis hors du placard depuis quelques temps. Pas avec tout le monde. Pas tout le temps. Mais la majeure partie de ma vie, je suis « out » (ceci est un nouveau mot anglais. Ah ces Américains qui s’attribuent le monopole des termes concernant l’homosexualité c’est pas croyable ! « Out » signifie ne pas cacher ses préférences sexuelles ou son identité de genre).

Après cette courte introduction, je vais te raconter, cher lecteur, ma dernière super blague qui me fait encore rire. Le problème est qu’elle ne fait rire que moi. Et ça, c’est dur, très dur.

Je suis propriétaire d’un taudis qui sera, un jour, un superbe appartement. En attendant, c’est un appartement en travaux dans lequel je vis. Deux pièces sont terminées sur le total, le bureau et, depuis peu, la chambre (non maman, je n’ai toujours pas acheté de lit. J’ai pas encore pécho de fille de toute façon, c’est pas urgent urgent à la seconde. Mais j’en achèterai un bientôt, un jour, je te le promets…). Deux pièces sont donc propres et vivables sur l’ensemble de mon immense propriété !

Ne pouvant effectuer les travaux seule, je suis secondée dans ma tâche par un chef de chantier, architecte, électricien, peintre, carreleur, plâtrier, menuisier et plombier très efficace. Un homme très fort et compétent, j’ai nommé : mon papa ! Mon super papa ! Papa Bernard ! J’ai deux frères aussi, mais ça les fatigue trop de m’aider. Ils préfèrent jouer à la console. Rien que redimensionner mon site Internet, c'est-à-dire avoir travaillé 10 minutes sur mon fichier CSS les a déjà épuisés le week-end dernier. Comment oses-tu penser, lecteur, qu’ils vont nous aider ? Ce n’est pas leur appartement d’abord. Maman, elle, est en charge de la pièce dans laquelle moins je mets les pieds, mieux je me porte : la cuisine. Elle a carte blanche dans cette pièce. Du coup, elle ne vient plus parce qu’elle déprime de voir à quoi elle ressemble.

Donc avec mon papa, tous les deux, on fait les travaux. Dernièrement, on s’est occupé du placard de l’entrée (je sens que tu es en train de faire un rapprochement avec mon introduction, ami lecteur, c’est bien, très bien, tu tiens le bon bout). Mon placard de l’entrée, pour vous expliquer, c’est un placard mural, dans le hall, à votre droite quand vous entrez dans l’appartement.

Au départ, c’était un truc horrible et moche. Le précédent propriétaire avait laissé des rangements mal agencés, casés et sales. J’ai tout cassé ! J’adore tout casser. C’est mon moment préféré. J’ai donc tout cassé et papa m’a aidée sur la fin parce qu’il me manquait un tout petit peu de force. J’ai tout nettoyé. On a rebouché les trous dans le plâtre. On a tout lissé. On a repeint le petit bout de plafond en blanc et c’était beau. Ensuite papa est parti et j’ai continué seule. J’ai tapissé avec les restes de papier peint de la chambre. Bon, je me suis un peu ratée dans la taille des lais (c’était en deux couleurs, violet en bas, orange en haut, comme dans ma chambre. Mais j’ai mal calculé et il me manque 1 centimètre sur toute la longueur entre les deux lais. Tu oses rire, saleté de lecteur. Tu as déjà tapissé un placard avec des restes de papier peint de deux couleurs et de la colle de merde offerte par un mec qui t’as draguée alors que tu avais une tête de déterrée qui aurait dû lui faire comprendre que non, il ne t’intéressait vraiment pas et que tu lui souriais pour ne pas lui parler en priant pour qu’il se taise. Non, tu n’as jamais fait quelque chose comme ça. Alors tu n’as pas le droit de rire ou de dire quoi que ce soit).

Donc j’ai tapissé mon placard. Ensuite j’ai collé une frise entre les deux raccords de lais pour cacher le centimètre manquant. Évidemment, je n’avais plus de frise. Ben non, c’était pile poil la bonne taille pour la chambre. Heureusement, il me restait l’ancienne du précédent appartement (je ne l’avais pas acheté l’autre appartement, hein. Je ne suis pas Crésus. J’avais juste refait le papier peint pour m’entraîner). Et coup de chance, dans le précédent appartement, les couleurs c’était orange et rouge. Et la frise, elle avait du orange et du rouge. Et là, c’était parfait pour mon placard.

J’ai donc mis la frise en parlant à mon petit placard. Ce n’est pas parce que je trouve stupide de parler aux animaux comme à des enfants que je n’ai pas le droit de parler à mon placard. Je lui ai bien expliqué que bon, je venais de passer mon week-end à le rendre beau mais qu’il fallait qu’il sache quand même qu’il n’était qu’un placard. Voilà quoi. C’est la vérité. Je suis perfectionniste mais quand même. Il faut aussi savoir être réaliste et remettre les placards à leur place.

La dernière fois que mon père est venu, nous sommes allés dans mon magasin préféré, Castorama. Isabelle à Castorama, c’est maman Nini dans un magasin de sacs à main. C’est le bonheur total. Mais là, je suis restée focalisée. On avait une mission. Récupérer les portes que j’avais commandées. De superbes portes coulissantes miroir en aluminium, gris métallisé, à poser soi-même. Hop, on a tout chargé dans la voiture et nous sommes rentrés à l’appartement.

Je vous passe les détails pour rentrer les portes de 2m40 dans la voiture de mon père, ça a été assez long et laborieux. Mais nous sommes arrivés sains et saufs chez moi. On a tout déballé, on a lu la notice et on s’est lancés.

Ok, je l’avoue, papa a tout fait. Moi, pendant ce temps, je peignais les rayonnages du placard. En argenté, pour s’accorder avec le contour du placard (peint en argenté aussi) et avec mes supers portes coulissantes miroir. Donc papa a tout lu, a tout posé et il m’a appelée pour installer les portes dans leur châssis. Je suis arrivée, telle Wonder Woman, couverte de peinture, avec mon bandana rouge dans les cheveux, mon pantalon troué aux genoux (trop sexy quoi) et je lui ai prêté main forte. On a installé les portes en deux temps trois mouvements. Je suis comme ça, super utile.

Et puis papa m’a expliqué que pour que les portes soient bien alignées avec le mur, il fallait tourner une petite vis qui inclinait plus ou moins le battant. On a commencé à faire ça mais c’était assez dur. La solution la plus simple a été de mettre l’un de nous dans le placard avec la lumière et de voir le jour pour connaître l’inclinaison de la porte. Moins on percevait de jour, plus la porte était alignée. Le placard était petit, je suis rentrée dedans pour nous permettre de réaliser ces dernières modifications.

Papa avait fait un travail génial et tout tombait de manière parfaite. J’ai clipé la sécurité anti-déraillement, à quatre pattes par terre, super mal installée, dans mon placard trop beau qui ignorait toujours qu’il n’était qu’un simple placard. Quand j’ai eu terminé et que j’ai pu en sortir, j’ai ouvert les portes en grand, je me suis relevée et j’ai fait la superbe blague suivante en écartant grands les bras : « C’est trop bien de sortir du placard ! »

Cher lecteur, j’espère que tu avais compris, grâce à mon introduction magistrale, où je voulais en venir. J’espère également que tu apprécies cette blague à sa juste valeur et qu’elle t’a fait rire. Parce que mon père, lui, n’a pas du tout compris. Rien. Le vide intersidéral aurait été plus réactif je pense. Il a dit : « Je vais faire un peu de plâtre pour faire tenir les boîtes à interrupteur. » J’ai été défaite et déçue. Comment pouvait-il ne pas comprendre ma super blague ?

Je suis allée faire le repas je crois. Ou alors je me suis remise à peindre. Mais j’étais quand même trop fière de moi. Tout le monde ne peut pas se permettre une blague de placard, mince ! Je l’ai racontée à des amies lesbiennes qui ont fait semblant de rire. Elles m’ont dit que c’était une question de référence. Mon père n’a simplement pas les mêmes que moi. Peggy, ma collègue de travail, m’a engueulée en me disant que je devrais être contente d’avoir un père qui se fout totalement de mon orientation sexuelle à une époque où des gens ont toujours peur de faire leur coming-out. Mouais.

Papa est reparti à l’issue de ces deux jours de travail dans mon taudis et il est rentré rejoindre maman.

La semaine suivante, j’ai appelé mes parents pour prendre de leurs nouvelles. Mes parents, comme je vous l’ai déjà expliqué dans un précédent billet, ce sont Martha et Jonathan Kent. Quand je leur téléphone, ils mettent le haut-parleur et ils me parlent tous les deux. Des fois en même temps, des fois l’un après l’autre. Des fois en s’engueulant, des fois en disant le contraire de l’autre. C’est hilarant. Ça me rappelle quand Clark appelait ses parents dans Lois & Clark : Les Nouvelles Aventures de Superman. Ils font pareil. J’adore. J’ai toujours l’impression d’être à la maison.

Je les ai donc au téléphone et, toujours dégoûtée que ma blague soit tombée à plat, je décide de l’expliquer à ma mère. Elle avait auparavant pris des nouvelles de mon placard, normal. Je lui explique donc qu’il est toujours aussi beau, qu’elle va l’adorer parce qu’elle aura deux miroirs de plain-pied pour s’admirer avant d’ouvrir la porte (c’était son idée d’ailleurs, à la base, les portes coulissantes miroir). Et je lui raconte ma super blague en sortant du placard. Je suis sûre qu’elle m’a imaginée, comme ce petit diable sortant de sa boîte pour surprendre. Et là, très distinctement, j’ai entendu mon père rire à l’autre bout du fil. Ça le faisait rire avec une semaine de retard.

Et là je l’ai engueulé papa ! Non mais sérieusement, une blague qu’on doit expliquer et qui fait rire avec une semaine de retard, ce n’est pas une vraie blague. Ce n’est pas drôle ! Ce n’est plus drôle ! Non mais franchement !

En plus, je le jure, c’était drôle ! Zaza, en travailleuse sexy, sortant de son placard en sautant et en écartant les bras de manière théâtrale, ça valait vraiment le coup.

La conclusion de cette histoire. Ne jamais oublier le paragraphe introductif.

 

Isabelle B. Price (Janvier 2010)



ODE TO MY FAMILY...

 

Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 

jonathan.jpgmartha
(c) D. R.


J’ai 26 ans. Ok, je vous l’accorde depuis fin juillet que j’ai fêté mon anniversaire, je dis à tout le monde que j’ai 27 ans. J’ai fait une légère confusion sur l’année et le compte… Ça arrive à tout le monde. Bref, ce n’est pas le sujet de ce billet. J’ai 26 ans et je ne crois donc plus au Père Noël. J’y ai cru pendant très longtemps et on a vécu de très belles histoires et aventures lui et moi, mais aujourd’hui, je sais qu’il ne rentrait pas son ventre pour passer dans l’étroite cheminée de la maison familiale. Non, c’était mes parents qui déposaient les cadeaux devant nos supers chaussures (le pied du sapin étant, chez les Price, interdit aux baskets) que nous avions cirées à la va-vite, mes frères et moi, en pyjama sur le tapis de l’entrée, 10 minutes avant d’aller nous coucher. Et aujourd’hui que je suis grande, je suis, comme tout le monde, en quête du cadeau idéal pour mes parents.

Et ça, chez les Price, la quête du cadeau idéal pour mes parents, ça s’apparente à la quête du Saint Graal. Encore que je reste persuadée que les mecs qui cherchaient cette relique, ils se sont moins creusé la tête que mes frères et moi depuis des années pour trouver une solution à cette grande question : « On leur offre quoi à papa et maman ? »

Parce que, quand enfin vous décidez de prendre le problème à bras le corps et que vous acceptez votre lamentable échec, vous demandez piteusement à votre père et votre mère ce qu’ils veulent et ils vous répondent tous les deux d’une même voix : « J’ai besoin de rien. » Oh putain que c’est chiant comme réponse ça (oui je sais maman, on ne dit pas « oh putain », ce n’est pas joli dans la bouche d’une fille, mais quand même quoi !) Ils n’ont besoin de rien. Vous voyez l’avancée. Avec ça, c’est certain, vous disposez d’indices monstrueux dans la recherche du cadeau idéal qui leur fera plaisir. En plus maintenant, ils sont au courant que vous ne trouvez pas. Super, c’est gagné sur toute la ligne.

Pourquoi vous parler de mes parents et de ceux de mes frères par extension (oui, ce sont les mêmes parents, le truc de dingue) me demanderez-vous ? Eh bien pour une raison très simple.

Je n’attends pas d’idée magique de cadeau de Noël de votre part. Non, c’est plus basique. Je voulais vous les offrir en cadeau de Noël… Mes parents…

Parce que c’est bête en fait mais mes parents, malgré cet énorme défaut de n’avoir besoin de rien, ils sont géniaux. Ils sont fantastiques et je me disais qu’en période de fêtes, quand tout le monde se réunit et parle de sa famille, il était important que je vous offre quelque chose d’aussi beau et exceptionnel que mes parents.

Mes parents, ce sont Jonathan et Martha Kent. Pour de vrai. Enfin ce sont Martha et Jonathan Kent de la version Smallville et non pas de la version Lois et Clark : Les Nouvelles Aventures de Superman. Non, parce que mes parents, ils sont jeunes ! Très jeunes. Juré. Mon père il a… (réflexion, je compte) 52 ans ! Il vient tout juste de les fêter !!! Et ma maman, c’est facile de calculer. Elle est née en 60, elle a 49 ans. Elle s’entraîne depuis quelques mois à dire qu’elle a 50 ans. C’est pour s’habituer et être moins choquée l’année prochaine.

Voilà, donc mes parents ce sont les parents de Clark. Sauf que, eux, ils pouvaient avoir des enfants et qu’ils en ont eu trois. Moi (oui, je suis arrivée en premier) et mes deux frères.

Pour vous donner un exemple tout simple, déjà à la question très basique que j’ai un jour eu l’immense intelligence de poser à ma mère : « Pourquoi vous avez voulu des enfants toi et papa ? » J’ai eu le droit à un blanc. Ouais comme ça. Un silence. Elle m’a répondu qu’elle ne se l’était jamais demandé. Mon père non plus d’ailleurs. Et puis elle a dit que c’était parce qu’elle était très heureuse avec mon père et qu’il lui semblait normal ou évident (je ne me souviens plus de l’adjectif employé mais en fait, on s’en fout) de partager ce bonheur. Et c’est là qu’on est arrivé.

Mes parents, quand ils ont découvert que je pouvais soulever le canapé du salon d’une seule main à l’âge de 6 ans… Ah non, ça c’est Clark. Mes parents, quand ils ont découvert que j’étais homosexuelle, ils m’ont appris à utiliser mes supers pouvoirs. Mais avant que j’apprenne à les maîtriser, ils m’ont dit et répété qu’ils étaient très fiers de moi, que j’étais fantastique et que je pouvais être tout ce que je voulais.

Mes parents, quand j’apprenais à marcher et que je tombais, enfant, m’aidaient à me relever, soignaient mes blessures et me lâchaient pour que je reparte en me disant que j’allais y arriver. Mes parents, quand j’avais peur des serpents, fouillaient toute la salle de jeux et ma chambre pour m’assurer qu’il n’y en avait aucun, même s’ils m’avaient démontré par A + B qu’un serpent ça ne rentre pas dans une maison fermée et que ça ne monte pas deux étages pour se cacher sous le lit d’une petite fille. Mes parents, quand j’ai fait ma crise d’adolescence et que je ne voulais parler à personne, me disaient bonjour les matins et ensuite me laissaient faire la tête toute la journée. Mes parents, quand je leur ai dit que je quittais la Haute-Loire pour trouver du travail alors que j’en avais un qui m’attendait dans l’hôpital où ils bossent, ne m’en ont pas voulu. Ils m’ont aidée à trouver un appartement et à m’envoler.

Mes parents m’ont donné des ailes et m’ont laissé m’envoler.

Ma maman, elle me racontait des histoires quand j’étais petite. Elle nous racontait des histoires tous les soirs. Et quand on a appris à lire, on lisait une page chacune puis chacun avec l’arrivée de Vincent. Ma maman, elle me laisser aller acheter le pain toute seule quand j’étais en primaire. C’était moi qui donnais la pièce au boulanger. Ma maman, quand Thierry avait 2 ou 3 ans, elle allait chez le boulanger et le boucher avec lui. Elle le tenait par la main et il marchait. Et un trajet qui dure 10 minutes lui prenait une matinée entière. Mais elle était heureuse et Thierry aussi, parce qu’il marchait. Ma maman, elle m’a donné la passion de la lecture. Elle me prête régulièrement des romans policiers que j’entasse en lui mentant et en lui assurant que si, un jour je les lirai. Ma maman, elle m’a fait comprendre que rien n’est figé. Elle m’a appris que nous évoluons toujours et que c’est ce qui fait notre force. Notre capacité à apprendre et à nous remettre en question.

Mon papa, il m’embêtait quand j’étais petite. Il me jetait du foin dans les cheveux et il en mettait plein sur ma robe et je pleurais en me réfugiant dans les jupes de ma maman. Mon papa, il me portait sur ses épaules quand j’étais fatiguée d’avoir trop marché ou que je ne voyais pas le feu d’artifice. Mon papa, il jouait à la bagarre avec mes frères et moi et il faisait même croire qu’il craignait les chatouilles alors que c’était même pas vrai. Mon papa, il nous a construit des cabanes et une salle de jeux. Mon papa, il m’a appris les pourcentages tous les ans pendant 10 ans. Et un jour, subitement, j’ai compris comment ça marchait. Mon papa, il m’a enseigné le théorème de Pythagore avec l’angle droit du plafond du salon. Celui opposé à la cheminée. Mon père, il m’a appris à être une fille, en m’enseignant comment changer une roue de voiture, repérer et réparer une crevaison sur mon vélo, tondre la pelouse, faire du plâtre et peindre un plafond. Mon père, il m’a appris à être un garçon en m’enseignant comment coudre à la machine, cuisiner, faire tourner une machine, laver les vitres et coudre à la main. Il m’a appris ce que c’était que la force tranquille. Celle qui vous rend intouchable et inébranlable.

Et mes parents, tous les deux réunis, m’ont donné ces racines qui me permettent aujourd’hui de savoir qui je suis. Ils ont construit cette maison qui représente aujourd’hui mon refuge quand le monde qui m’entoure devient trop violent ou trop dur.  Mes parents, ce sont ces deux personnes extraordinaires qui font croire qu’elles sont ordinaires et qui représentent ce rayon de soleil dans la tempête.

Mes parents, je vous les prête pour Noël si vous le souhaitez. Parce que j’ai toujours lu et entendu des histoires horribles sur les parents d’homosexuels. J’avais peur de faire mon coming-out parce que tout ce que j’avais trouvé c’était des témoignages horribles et négatifs. Alors je vous le dis : mes parents, ce sont Jonathan et Martha Kent. Ils m’aiment même si je suis une extra-terrestre et l’amour qu’ils me portent, qu’ils se portent, qu’ils portent à mes frères est la chose la plus belle au monde.

J’aime les jolies histoires à la période de Noël. Cette histoire est une belle histoire, comme celle de mon coming-out.

Je pense que je crois toujours au Père-Noël…

Isabelle B. Price (Décembre 2009)



Être lesbienne aujourd'hui, un micro-trottoir réalisé par Stéphanie Arc et Quinn Huguet, en partenariat avec SOS homophobie, 2009.
À l’été 2009, que pensent les Français et les Françaises de l’homosexualité féminine ? Comment se représentent-ils les lesbiennes ? Quarante ans après mai 68, ont-ils encore des réticences face à ce mode de vie différent ? Pour le savoir, nous sommes allés à leur rencontre dans les rues de Paris. Avec enthousiasme, ils et elles nous ont livré leurs opinions sur ce qu’est l’homosexualité féminine, sur ses "causes", sur son acceptation sociale, sur le rôle des médias mais aussi sur le mariage et l’homoparentalité. Un portrait pris sur le vif de nos contemporains sur ce sujet encore tabou.

[Merci à Isabelle B. Price]

Concours Shamim Hanan

 

Attention ! Attention ! Vous en rêviez, Univers-L (avec l'aide de Les Toiles Roses) vous donne la possibilité de le faire !

Qui après avoir vu I Can't Think Straight ou The World Unseen, n'a pas eu envie de poser des milliers de questions à ses créatrices ? Eh bien préparez-vous, pour certain(e)s d'entre vous, ce sera bientôt possible.
Les dossiers de presse pour les éditions françaises des films I Can't Think Straight et The World Unseen sont en cours de finalisation. Pour les illustrer Shamim Sarif, la réalisatrice et Hanan Kattan, la productrice ont chacune accepté de répondre à 3 questions, qui y seront intégrées.
Et ces 3 questions, c’est VOUS, lectrices et lecteurs du site, qui avez la possibilité de leur poser !
Pour cela, rien de plus simple. Il vous suffit de nous envoyer vos questions à jeu.concours@univers-l.com entre le 17 et le 24 Novembre 2009.
Les meilleures questions seront sélectionnées par l’équipe du site ainsi que par l’attachée de presse responsable.
En cadeau bonus, un tirage au sort sera réalisé le 25 Novembre 2009 pour OFFRIR un COFFRET DVD des deux films à l’un(e) des participant(e)s !
Dépêchez-vous, il ne vous reste plus beaucoup de temps !
Pour en savoir plus, voici le règlement du concours.
Et pour acheter les dvds si vous ne l'avez pas déjà fait, voici un lien vers le site officiel : Enlightenment Production.
Et un autre vers le site officiel de Shamim Sarif : Shamimsarif.com





JEUNES FILLES EN UNIFORME
(Allemagne, France - 1958) :

Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 

Fiche technique :

Avec Lilli Palmer (Mle Elisabeth von Bernburg), Romy Schneider (Manuela von Meinhardis), Therese Giehse (la directrice), Margaret Jahnen (Miss Evans), Blandine Ebinger, Adelheid Seeck, Gina Albert, Sabine Sinjen, Christine Kaufmann et Danik Patisson. Réalisation : Geza von Radvanyi. Scénario : Friedrich Dammann (sous le pseudonyme de F. D. Andam), Franz Höllering et Christa Winsloe. Directeur de la photographie : Werner Krien. Montage : Ira Oberberg. Compositeur : Peter Sandloff.

Durée : 96 mn. Disponible en VF.



Résumé :

Prusse, 1910, la mère de Manuela vient de mourir. L'adolescente de quatorze ans est alors prise en charge par sa tante qui l'envoie à Postdam, un pensionnat strict pour les jeunes filles issues de la noblesse. Là-bas, les adolescentes sont élevées dans le respect des traditions, avec rigueur et discipline pour être de bonnes élèves puis de bonnes épouses et enfin de bonnes mères de famille.



La directrice, une femme intransigeante et dure, dirige ces jeunes élèves d'une main de maître. Patriote, elle forme la nouvelle génération de mères de futurs soldats. Manuela a du mal à accepter cette discipline de fer tout et se rebelle à plusieurs reprises.

Au fil des jours, l'adolescente admire de plus en plus Mlle von Bernburg, son professeur, et tombe rapidement amoureuse de cette dernière. Malheureusement cet amour est inconcevable.



Avis personnel :

En 1931, sortait dans les salles le film allemand Mädchen in uniform réalisé par Leontine Sagan et Carl Froelich. Il était basé sur une pièce de théâtre, Gestern und Heute, écrite par F.D. Adam et Christa Winsloe qui signaient d'ailleurs le scénario de cette adaptation cinématographie. Un doux parfum de scandale accompagna la projection de ce long métrage. L'homosexualité féminine était pour la première fois ouvertement évoquée même si elle n'était pas nommée et l'héroïne se travestissait en homme. Il y avait de quoi choquer la société puritaine bien pensante.



Quelques années plus tard, en 1958, ce film eut droit à un remake comme le cinéma sait si bien les faire. Celui-ci comprenait une distribution prestigieuse et bénéficiait d'une réalisation certes classique mais d'actualité (pour l'époque).

Le rôle de Manuela von Meinhardis permit à Romy Schneider de s'émanciper et de faire la démonstration de son talent, loin des compositions de jeunes filles prudes auxquelles elle était habituée.



Que dire sur ce long métrage ? À part qu'il s'agit d'un classique historique dans la représentation de l'homosexualité féminine au cinéma. Évidemment, il se termine mal. Manuela tente de se suicider mais ses camarades la sauvent de justesse et Mlle von Bernburg quitte l'école pour permettre à l'adolescente de l'oublier et de mener à nouveau une vie « normale ». À savoir que la première version se terminait encore plus mal puisque dans celle-ci, Manuela se suicidait réellement.



Dès le début du film, il est facile de comprendre que toutes les adolescentes vouent une admiration sans borne à Mlle von Bernburg qui est l'unique personne à leur témoigner un minimum d'intérêt et d'affection. Lorsque Manuela arrive à l'école, son uniforme lui est remis. Il a déjà servi comme elle le fait si bien remarquer et la précédente propriétaire des vêtements a brodé les initiales EVB dans un cours. Des initiales qui signifient Elizabeth Von Bernburg.



Toutes les adolescentes aiment Mlle von Bernburg. Elles se battent pour passer du temps avec celle-ci pour lui plaire et cherchent à savoir par tous les moyens quelle est sa « préférée ». Alors que pour la plupart elle comble l'absence d'autorité parentale aimante, pour Manuela, elle représente rapidement beaucoup plus. Manuela tombe réellement et profondément amoureuse de sa professeur.

Et lorsque complètement ivre, après son triomphe en Roméo dans la pièce de Shakespeare Roméo et Juliette, elle avoue à toutes ses camarades qu'elle aime Mlle von Bernburg et que celle-ci l'aime, elle est mise en quarantaine, isolée à l'infirmerie. Les autres adolescentes n'ont plus le droit de lui adresser la parole et Mlle von Bernburg est convoquée chez la directrice. Celle-ci lui interdit de reparler à Manuela pour son bien. Mais Manuela désobéit comme elle l'avait déjà fait auparavant et se rend dans le bureau de Mlle von Bernburg pour lui avouer son amour.



Au final, cet amour ne sera jamais consommé à part un timide baiser lors d'une répétition de Roméo et Juliette. Il n'empêche qu'il est dépeint de manière juste et réaliste. Mlle von Bernburg se sacrifie pour une noble cause. Elle a peu de droits mais beaucoup de devoirs envers ses élèves, des futures mères de soldats prussiens ayant pour devoir de protéger leur pays.

À noter que lorsqu'une élève désobéit aux ordres et parlent à Manuela, elle est arrêtée par une enseignante qui déclare : « Je t'assure que Manuela ne mérite pas ton amitié. Et sa fréquentation ne peut que te nuire. [...] Tu es encore trop jeune. Crois-moi, tu comprendras plus tard et tu me remercieras de mes conseils. » Malgré les années, il est incroyable de penser que ce film est toujours aussi actuel.



EXTRAITS :

MANUELA  : Vous êtes… Je veux dire… Vous êtes tellement… tellement. Merci.

MLLE VON BERNBURG  : Alors va dormir maintenant, descends. Bonsoir.

MANUELA  : Bonsoir. Le dimanche, quand je vous vois vous en aller dans votre jolie robe, vous êtes si élégante que j'ai toujours peur que vous ne reveniez pas avec nous.

MLLE VON BERNBURG  : Pourquoi te mettre de telles idées en tête, où voudrais-tu que j'aille ?

MANUELA  : Je ne sais pas. Tous les soirs, quand je m'endors, comme je vous l'ai promis, je me dis que je suis heureuse, très heureuse. Mais vous, je ne crois pas que vous vous disiez cela.

MLLE VON BERNBURG  : Tu te trompes. Si je ne me le dis pas comme toi, tous les soirs, je suis très heureuse, le matin, quand je vous retrouve, quand vous arrivez toutes en classe, que mes regards se posent sur vous. Je t'assure, je suis très heureuse. Bonsoir Manuela.

MANUELA  : Bonsoir.

 

MISS EVANS  : Vous avez ignoré la première des règles d'un professeur, la règle qu'un éducateur se doit d'observer et qui est de garder ses distances.

MLLE VON BERNBURG  : Je garde les distances lorsque je le juge nécessaire.

MISS EVANS  : Pour Meinhardis, cela vous a paru inutile. Et votre attitude envers elle est pour le moins étrange.

MLLE VON BERNBURG  : Je crains qu'il ne vous soit impossible d'en juger. Vous commandez à des uniformes, je ne vois que des jeunes filles à éduquer.

MISS EVANS  : Votre éducation me parait assez particulière.

MLLE VON BERNBURG  : Vos insinuations sont absolument injustifiées.

LA DIRECTRICE  : Quoi qu'il en soit, il est certain que Manuela Von Meinhardis a eu à votre égard, une attitude. une attitude équivoque et malsaine. Pour ne pas déplaire à la princesse, je ne puis la renvoyer. Aussi, ai-je décidé que jusqu'à nouvel ordre, nous l'isolerons complètement des autres élèves. Elle sera seule, dans une chambre où vous-même n'aurez pas accès.

MLLE VON BERNBURG  : Mais madame la directrice.

LA DIRECTRICE  : Je ne tolère aucun commentaire.





TRU LOVED (USA - 2008) :
S'ACCEPTER TEL QUE L'ON EST

Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 


 

Fiche technique:

Avec Najarra Townsend (Tru), Alexandra Paul (Leslie), Cynda Williams (Lisa), Matthew Thompson (Lodell), Jake Abel (Trevor), Joseph Julian Soria (Manuel), Tye Olson (Walter), Jasmine Guy (Cynthia), Nichelle Nichols (Grand-mère). Réalisation : Stewart Wade. Scénario : Stewart Wade.

Durée : 99 mn. Actuellement en salles.

 


Résumé :

Tru est une adolescente de 16 ans contrainte de déménager avec ses deux mères quand Lisa, l’une des deux, obtient une promotion. Elle quitte donc San Francisco, ville gay-friendy par excellence où sa famille n’avait rien d’exceptionnel pour une banlieue dans le sud de la Californie.

L’adaptation est difficile mais Tru rencontre rapidement Lodell, un jeune joueur de football américain. Alors qu’elle tombe sous son charme, elle réalise bientôt qu’il ne se passera rien avec ce dernier étant donné qu’il est gay. Craignant pour sa carrière et son avenir dans le sport, Lodell n’est pas prêt à faire son coming-out et se sert de Tru pour affirmer son hétérosexualité.



Un jour, Manuel, le meilleur ami de Lodell, agresse un jeune gay sans raison. Tru prend la défense de celui-ci alors que Lodell reste passif. Devant cet acte, elle prend conscience que si elle veut faire changer les mentalités elle doit aller plus loin. Elle crée donc avec le jeune gay en question, Walter, une alliance gay et hétéro au sein de son lycée. Là, elle rencontre un garçon qui ne la laisse pas indifférente. Mais comment sortir avec lui tout en protégeant son meilleur ami qui la fait passer pour sa petite amie ?



Avis personnel :

Tru Loved est un long-métrage difficile à résumer en quelques lignes sans tout dévoiler de l’intrigue et en même temps, il est très dur de dire le principal en taisant les informations. Sachez donc par avance que la critique qui suit va casser l’effet de surprise du film. Mais ce film est tellement bon, tellement positif, tellement bien construit qu’il nécessite une critique réelle et pas simplement une juxtaposition d’adjectifs pour vanter ses mérites.



Ce film fait penser à un chocolat délicieux que j’aurais pris au hasard dans la boîte de Forrest Gump. Mais si, vous savez, le proverbe : « La vie, c’est comme une boîte de chocolats… » Les films lesbiens, c’est comme des chocolats dans une boîte. Des fois ils sont jolis en apparence mais on est très déçu par le contenu et parfois, ils sont tout ce qu’il y a de plus banals mais quand on croque dedans, quand on les regarde, on tombe littéralement sous le charme. Tru Loved, c’est un délicieux chocolat.



J’attendais une histoire adolescente bourrée de bons sentiments et réalisée avec un petit budget, à la va-vite avec des défauts énormes. J’ai trouvé une histoire complexe qui ose aborder de plein front la question de l’homophobie intériorisée avec une image magnifique, des acteurs excellents et surprenants de justesse et une réalisation nerveuse et moderne.



J’ai immédiatement été séduite par les rêves de Tru qui s’imposent au début du film et permettent en quelques secondes de cerner le personnage. C’est très bien fait et on se prend immédiatement de sympathie pour cette adolescente qui a des rêves très ordinaires et qui n’a pas choisi sa famille. Elle a deux mamans et deux papas. Bien sûr un père et une mère biologiques mais tous les deux sont gays.

Tru est le genre de personne qui a été élevée dans une famille ouverte et riche avec de vraies valeurs de respect et de tolérance. Elle s’indigne quand les gens sont victimes de discriminations mais, portée par un fort caractère en plus de son éducation, elle relève ses manches et décide de s’impliquer pour changer les choses. Elle n’est pas homosexuelle mais elle comprend ce dont les gays sont victimes et c’est pour cette raison que naît l’idée de créer une alliance gay-hétéro dans son lycée.



Lodell, dit « Lo » est tout son opposé. Il essaie par tous les moyens d’être celui qu’il n’est pas. Il le dit très bien à Tru quand celle-ci lui demande s’il est gay. Oui, il est homo mais il ne veut pas l’être. Elle a beau le rassurer, il préférerait être « normal ». Ne pouvant l’être, il va s’employer à inventer différents stratagèmes pour cacher ce qu’il est vraiment. Il l’explique d’ailleurs très bien, sa famille ignore qui il est en réalité et il est deux personnes. Une pour le public et une autre pour lui et en l’occurrence Tru qui connaît maintenant son secret. Il se bat contre lui-même et se fait même du mal en suivant son meilleur ami et son coach dans des actes homophobes. Mais la peur le retient, la peur le bloque, l’oppresse. Rarement un ado aura été montré à ce point en proie à l’homophobie intériorisée.



Ce film est bourré de bons sentiments, certes, mais alors que cela a déjà nuit à de nombreuses œuvres, là cela ne sert qu’à la porter pour atteindre son objectif. On sort de ce film avec l’envie de dire n : « Oui, voilà, je suis comme ça. Et alors ! »

À ce titre, il y a des passages réellement hilarants. Je pense notamment au fait que tout le monde ne cesse de penser, du début à la fin, que quand Tru va dire quelque chose de grave, elle va forcément annoncer qu’elle est enceinte. Alors qu’elle n’a couché avec aucun garçon ! Pareil pour les deux mères de la jeune fille. La première qui est noire, se fait du souci quand Tru sort avec Lodell parce qu’elle connaît ce genre de garçon (il est noir également). Sa compagne la rassure et la traite de raciste. Mais quelques jours après cette dernière tient les mêmes propos quand Tru sort avec Trevor, qui est blanc…

Une ode à la différence et à la tolérance. Un très beau film à voir quand on est ado ou quand on veut voir quelque chose de positif pour nous rendre plus fort un jour de déprime.

Mention spéciale au casting qui est absolument irréprochable.



CRITIQUES PRESSE & RECOMPENSES :

Prix du Public au Festival du Film de Santa Cruz.

Meilleur Film au Festival du Film de Breckenridge.

Meilleur Film au Festival Rainbow du Film de Honolulu.



EXTRAITS :

LESLIE : Tru ! Coucou ! Tru ! Coucou ! Je t’ai demandé comment s’est passée ta journée.

TRU : L’enfer sur terre, comme d’habitude.

 

LESLIE (à Lodell) : Je pense que tu n’as pas de problèmes pour savoir laquelle des deux est la mère biologique, hein ? (Lodell s’étouffe alors avec les biscuits apéritifs)

 

LISA : Et rappelez-vous, vous êtes à la maison à minuit.

LODELL : Oh oui madame. Heu… mesdames.

 

LISA : Pourquoi est-ce que Tru ne nous a rien dit ?

LESLIE : Aucune idée. Peut-être qu’elle ne le sait pas. Ce n’est pas si évident.

LISA : Arrête ! De quoi tu parles ?

LESLIE : De quoi toi tu parles ?

LISA : Il est noir !

LESLIE : Bien sûr qu’il est noir. Et il est gay !

LISA : Quoi ?

 

TRU : Lo, c’est bon. Ca va aller.

LISA : Je dois partir.

LESLIE : Lo, ne t’enfuis pas. Je ne voulais pas t’insulter.

LISA : Tu ne sais rien de moi putain !

LESLIE : Qu’est-ce qui ne va pas avec toi ? Je voulais juste que tu admettes ce que nous savons tous les deux. Tu es gay.

 

Isabelle B. Price (mai 2009)




LIRE AU LIT,
LE MATIN, AU RÉVEIL

 

Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 

(c) D. R.


Traîner au lit n’est pas dans mes habitudes. Pour plein de raisons dont j’ai conscience, de nombreuses autres que j’ignore et certainement aussi à cause ou grâce à mon éducation. J’ai appris très jeune que l’on pouvait faire énormément de choses le matin et j’ai toujours gardé cela en mémoire.

Quand on était petits, mon père nous réveillait tôt le matin, avec mes frères, pendant les week-ends. On ne devait pas rester au lit après 10h. À l’adolescence, c’est super désagréable quand vous vous rebellez contre tout et que votre souhait le plus cher est de vous coucher à minuit et de vous lever à midi. Je crois que jamais personne ne comprendra l’importance pour les enfants d’avoir des parents qui travaillent le matin pendant les week-ends. Ils ont une paix royale sans parents, la liberté assurée.

Bref, mon père nous réveillait donc tôt quand nous étions petits et comme j’étais l’aînée, j’ai servi de test. Moi je me levais tôt en tout cas. En vieillissant, il a changé d’idée. Il n’a jamais sorti Titou du lit, mon père. Du coup, Titou, vous pouvez attendre avant qu’il décolle. Il n’est jamais debout avant 10h30-11h00 les week-ends. Mais moi, aussi marrant que cela paraisse et certainement aussi à cause de mes horaires et de mon métier, les week-ends, je peux aussi bien être levée à 7h qu’à 9h sans la moindre difficulté. 9h étant pour moi une grasse matinée.

Bref, à 9h vous avez toute la journée quand vous vous levez. Bien sûr, ensuite, il vous suffit de traîner, c’est le week-end après tout. Un petit déjeuner en paix, comme Stéphane Eicher l’a si bien décrit, une douche et en avant pour un week-end de travail…

Il y a une autre option, une option détente et farniente. Une option que je mets plus facilement en pratique quand je suis réveillée à 7h du matin parce que je sais que cela donnera le même résultat que si je m’étais levée à 9h. Et cette option, c’est de lire au lit.

Lire au lit, le matin, juste après s’être réveillé, c’est assez magique.

Lire au lit, le matin, c’est s’étirer en douceur sous sa couette en jetant un regard ensommeillé au radio-réveil parce qu’un rayon de lumière a osé pointer son nez entre les interstices des rideaux. C’est être ébloui par les chiffres verts de ce foutu appareil comme par ce rayon de soleil et c’est réaliser, quand votre regard commence à s’accommoder à la lumière, qu’il est tôt, qu’il est très tôt.

Lire au lit, le matin, c’est se retourner sur son matelas en replongeant la tête dans le traversin et en retirant la couette sur son visage pour cacher le soleil. C’est prendre le temps de bâiller et de s’étirer en se frottant les yeux. C’est essayer de se rendormir tout en sachant qu’on a eu son compte d’heures de sommeil. C’est donc se réveiller en douceur, calmement, tranquillement, parce qu’on sait que rien ne nous presse.

Lire au lit, le matin, c’est s’emparer du bouquin que vous avez commencé, un jour, une semaine, ou un mois plus tôt et qui est posé à côté du radio-réveil. C’est faire un faux mouvement et prendre le réveil parce qu’il est encore trop tôt pour ouvrir complètement les yeux. Puis c’est le reposer et tâtonner pour trouver le livre. C’est coller le livre sous la couette à côté de vous pendant quelques minutes, le temps de vous convaincre que oui, vous pouvez affronter le froid de votre chambre pour allumer la lumière.

Lire au lit, le matin, c’est prendre une grande inspiration pour ne pas perdre toute la chaleur qu’on a soigneusement accumulée au cours de la nuit et se lever en courant pour atteindre l’interrupteur, tout en se maudissant de ne pas avoir avancé plus dans les travaux. Parce que si on avait avancé plus dans les travaux, l’interrupteur serait juste à côté de la table de nuit. C’est ensuite se précipiter de nouveau sous la couette en soufflant comme si on venait de courir un 100 mètres en moins de 10 secondes. C’est écrabouiller le bouquin qu’on avait mis au chaud, avec nous, comme s’il était vivant. C’est se recroqueviller en tirant la couette sous son cou pour retrouver un peu de cette volupté qu’on vient d’abandonner.

Lire au lit, le matin, c’est refermer les yeux alors que la lumière vous arrive en plein visage. C’est se recacher sous la couette jusqu’à ce qu’on s’habitue au fait que oui, on est réveillé, parfaitement réveillé. C’est reculer la couette petit à petit pour s’habituer à la clarté jusqu’à ce qu’on soit capable de garder les yeux ouverts suffisamment longtemps pour lire. C’est s’emparer du livre qui est gentiment resté à nos côtés et retrouver le marque-page.

Lire au lit, le matin, c’est commencer sa lecture sur le côté gauche, puis au bout de dix minutes se tourner sur le côté droit, avant de revenir sur le dos en pliant le traversin en deux. C’est recommencer le même manège pendant un moment parce que c’est super difficile de trouver une position confortable pour lire, dans son lit.

Lire au lit, le matin, c’est quitter volontairement la réalité pour intégrer le monde imaginaire de quelqu’un d’autre. C’est se laisser emporter par une histoire, par des personnages. C’est oublier l’heure, le temps, les obligations, la vie, les devoirs. C’est voyager sans bouger, c’est se perdre sans prendre de risque, c’est aimer sans connaître…

Lire au lit, le matin, au réveil, c’est profiter de cet instant rare, ce petit moment où les rêves se sont terminés mais où la réalité ne s’est pas encore imposée à nous. C’est modifier l’écoulement du temps, sa vitesse et son impact sur nous. C’est s’évader l’espace de quelques minutes dans un autre univers…

Je ne sais pas si vous avez déjà essayé mais moi je sais qu’à chaque fois, je me lève ensuite avec le sentiment étrange d’être en vacances. Ou mieux, avec le sentiment étrange de maîtriser le temps…

Bonne lecture à vous.

Isabelle B. Price (29 Mars 2009)




LE MURET DU JARDIN
DE CHEZ MES PARENTS...

 

Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 

Bernard et Isabelle devant le muret (c) Isabelle B. Price


Mes parents, Denise et Bernard (que j’appelle personnellement maman et papa), ont acheté une ferme quand j’étais encore une toute petite fille qui mettait des robes et qui n’avait pas appris le magnifique terme « Non ! ». Une vieille ferme au cœur d’un petit village, près d’un ruisseau. Une vieille ferme située à côté d’une autre petite ferme et d’un grand pré. Une vieille ferme à quelques minutes à pied de l’école, du boulanger et du boucher. Une vieille ferme qu’ils ont rénovée durant des jours, des mois, des années.

On a vu les choses changer en même temps que nous grandissions. Le grenier est devenu une salle de jeux et ma chambre, tout en haut de la maison. La petite étable est devenue un grand garage où mon père pourrait garer la voiture mais où il préfère entreposer le bois pour la cheminée et les meubles qu’il s’amuse à réparer. Nous n’avons pas vu les principaux changements puisque ce sont des professionnels qui ont fait le gros œuvre mais nous avons vu notre maison devenir NOTRE maison.

Thierry, quand il avait sept ou huit ans, expliquait d’ailleurs très sérieusement aux différents membres de la famille qui lui posaient la question que quand papa et maman seraient morts, Isabelle et Vincent ils iraient habiter ailleurs et que lui garderait la maison. En grandissant nos rêves ont changé mais il est encore très difficile voire impossible pour nous de penser que nos parents pourront un jour revendre la maison.

C’est exactement comme lorsque le pré à côté de la maison – cet immense pré avec des herbes hautes où je pouvais courir en été à condition de taper fort du pied par terre pour faire des vibrations et éloigner les serpents – a disparu. J’adorais ce pré, il semblait n’appartenir à personne tant il était à l’abandon et donc il m’appartenait, à moi, parce que j’avais neuf ou dix ans. On avait une cour tellement grande du coup ; on avait un espace de liberté où l’on pouvait faire ce que l’on voulait. J’avais tout de Laura Ingalls et j’allais cueillir des coquelicots et des pissenlits que j’offrais à ma mère, heureuse comme l’enfant que j’étais. Et un jour, ils ont vendu le pré, mon pré. Un jour des bulldozers sont arrivés et ont tout rasé. Un jour, est né, sur cet espace de vie et de liberté, un hôtel deux étoiles, même pas trois ou quatre, non, seulement deux. Un jour la ville a écrasé la campagne où je grandissais et j’ai eu du mal à l’accepter. Non, je n’étais pas amie avec le fils du voisin, en plus il était snob…

 

Vincent et Isabelle devant le muret (c) Isabelle B. Price

 

Donc imaginer que mes parents pourraient vendre notre maison me fait ce même effet. Un sentiment de trahison et de perte. Bien sûr il faudra s’y résoudre, comme pour tout mais nous y avons tellement de souvenirs, de joies, de pleurs, de disputes, de bêtises en commun…

La maison est entourée d’un jardin sur deux de ses côtés. Un jardin que mon père a fabriqué de ses mains. Quand on s’est installés, ce n’était qu’un énorme tas de détritus. Une montagne de déchets, de tuiles, de pierres, de morceaux de bois, le tout recouvert de mauvaises herbes. Papa avait fait venir une benne, qui, ne pouvant rentrer dans la cour tellement elle était grosse, stationnait au fond du chemin. Il récupérait les pierres une par une et il les portait jusqu’à la benne où il les jetait. C’était en été, il était torse nu, il transpirait et il avait tout du héros pour une petite fille comme moi. Moi, je jouais à côté de lui et je le regardais faire.

Je jouais près de lui assise sur le muret ou je l’aidais à travailler comme le montrent les photos excessivement floues jointes à l’article. J’étais d’une aide indispensable, évidemment, sans moi il n’aurait rien pu faire.

Je me souviens que j’attendais qu’il me déterre le trésor de la maison. Ma maman me racontant tous les soirs des histoires, j’étais persuadée que cette maison renfermait obligatoirement un trésor. Un énorme coffre rouillé, cadenassé, bien enterré qu’il m’aurait donné et que j’aurais ouvert avec un soin particulier. La seule chose qu’il m’a trouvé d’intéressant c’était une bouteille en verre. Une bouteille à la mer, pardon, dans la terre ! Je me suis empressée de m’isoler pour la vider et trouver la carte au trésor. Malheureusement rien, il n’y avait rien que de la terre. Je me rappelle encore de ma déception et de l’éclat de rire de mon père. Ben oui, j’y croyais. Il m’a rassurée en me disant qu’il allait encore creuser plus profondément mais il n’a rien trouvé d’autre.

Bref, où en étais-je ? Ah oui, le muret du jardin. Eh bien, quand je me reposais de 10 minutes d’effort intensif assise à gratter la terre, je regardais mon papa travailler en m’asseyant sur le muret. Ce petit muret, qui délimite aujourd’hui la pelouse à la place de ce tas d’immondices éliminées par mon père, mesure environ 45 cm.

Il est juste à la bonne hauteur quand les petits apprennent à marcher et qu’ils ne sont pas sûrs. Ils peuvent se tenir et avancer doucement, les mains posées sur les pierres plates et les herbes et petites fleurs qui poussent dans les fissures. Ils sont juste à la hauteur pour voir courir les fourmis et les lézards, essayer de les attraper sans y parvenir, cueillir les mauvaises herbes…

 

Vincent et Thierry devant le muret (c) Isabelle B. Price


Ma mère adore ce petit muret, elle le trouve magnifique et considère qu’il donne son cachet au jardin. C’est un héritage d’origine.

Avec Vincent et Thierry, on a joué au petit train dessus. On s’est battus les uns contre les autres, celui qui gagnait étant celui qui restait debout sur le muret. On a coursé Justin le lapin pour le voir sauter d’un coup par-dessus le muret. On a rampé dans la pelouse quand on jouait aux policiers et aux voleurs, cachés par celui-ci, on s’est assis pour discuter, boire et manger. On l’a vu devenir de plus en plus petit quand on s’est mis à grandir.

Et pourtant, alors qu’il a tout arrangé, papa s’est obstiné à ne pas cimenter ce muret. Certaines pierres bougent depuis qu’on est arrivés, rendant amusant et dangereux de marcher dessus quand il a plu. Papa veut qu’il disparaisse ce muret. Il en a marre de l’enjamber pour aller dans la pelouse. Alors depuis plus de 10 ans, le temps fait doucement et inexorablement son effet. Les joints entre les pierres se désagrégent petit à petit, les mauvaises herbes reprennent leurs droits dessus, les pierres sur le dessus sont de moins en moins stables… Mais il est toujours là ce muret, toujours. Il résiste, encore et encore.

Je pense que si un jour mes parents revendent la maison, il sera toujours là. Et quand ils feront visiter le jardin, papa et maman se disputeront encore à son propos. Maman dira quelque chose du genre : « Et voilà le petit muret d’origine qui sépare le jardin de la cour » et papa répondra : « Et pourtant ce n’est pas faute d’avoir voulu l’enlever celui-là ». Il y a des choses comme ça, qui, même si le temps passe, même si la ville envahit la campagne, restent immuables.

Si un jour vous passez rendre visite à mes parents, asseyez-vous sur le muret, un verre d’eau à la main et écoutez simplement les merles chanter et le ruisseau couler en contrebas… Savourez et dites-vous que quand j’avais dix ans, c’était déjà comme ça…

Isabelle B. Price (15 Mars 2009)




LESBIEN RAISONNABLE ?
OU LES VACANCES DE ZAZA À CARIBOULAND...

Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'
Univers-L

 

(c) D. R.


Lire la première partie dans "Zanzi and the City".

 


— Ils étaient comment ces nuages, vus de l’avion ?..

Flash-back. Quelques heures plus tôt, j’avais accueilli Isabelle à l’aéroport. Sur la route, le blanc manteau de la neige à perte de vue l’avait émerveillée. Heureusement qu’une tempête s’était produite la veille pour recouvrir d’une fraîcheur immaculée la vieille neige engrisaillée par les rejets des pots d’échappements. Il s’en est d’ailleurs fallu de peu que l’infirmière la plus célèbre de la blogosphère LGBT depuis Ron se retrouve coincée pour cause d’intempéries. Mais les précipitations avaient heureusement cessé avant son décollage et elle avait pu venir me rejoindre à Caribouland pour y passer des vacances dépaysant.

Et moi, j’étais content de recevoir enfin quelqu’un dans la maison trop grande où j’habite comme un ermite. Zaza fut surprise que je l’installe dans la chambre des maîtres, c’est-à-dire la chambre principale, celle qui possède une salle de bains privative. Je n’y ai jamais dormi. Depuis le début, j’ai pris mes quartiers dans l’une des deux chambres d’amis. Comme fit Marilyn Monroe dans sa maison de Brentwood. Comme elle, c’est comme si je n’étais pas chez moi, chez moi, mais uniquement de passage.

À 19h30, Isabelle avait autant la dalle qu’une femme enceinte. Elle m’a demandé de lui cuisiner une omelette aux lardons. Non mais franchement, les nanas ont parfois de ces idées ! Je ne l’ai pas contrariée et lui ai préparé une omelette au bacon. Ma foi (catholique), c’est toujours du cochon, non ? Elle n’y a vu que du feu. J’en ris encore. Oui, j’ai un réel talent culinaire quand je ne cuisine pas uniquement pour moi-même. Avoir des convives, voilà qui me motive.

Et c’est alors qu’en mettant le couvert, j’ai lancé une banalité qui fut tout de suite mal interprétée :

— Tu n’étais pas obligée de venir seule. Tu aurais pu amener quelqu’un.

Eh bien oui, quoi ! J’ai une maison de 220 m2, trois chambres, deux salles de bains, j’ai donc  largement de quoi loger plusieurs visiteurs et visiteuses. Alors que je ne faisais que suggérer le plus innocemment du monde que Mademoiselle Price aurait pu, sans me déranger outre mesure dans la solitude de ma thébaïde, amener une copine ou un copain (beau et célibataire, de préférence), ou ses frangins, que sais-je encore, croyez-le si vous le voulez, mais elle s’est mise à imaginer que je voulais parler de sa vie amoureuse ! C’est-y pas nombriliste ? Le tout à l’égo, moi je vous dis !

— On peut parler d’autre chose que de ma vie amoureuse ? répondit-elle donc.

Alors là, c’était assurément la chose à ne pas dire. J’ai donc répliqué du tac au tac :

— Non, on ne peut pas. Elle a quoi, ta vie amoureuse ?

Au risque de laisser brûler l’omelette au bacon, j’ai plongé mon regard quadricolore dans ses yeux, esquissé un sourire mutin, et lui ai fait comprendre que je n’allais pas lâcher l’affaire où elle avait commis l’imprudence de s’aventurer elle-même. Figurez-vous qu’elle m’a demandé si, à la place, on ne pouvait pas plutôt parler de la forme des nuages qu’elle voyait quand elle était dans l’avion. Que nenni de non ! Je connais les nuages par cœur, Mam’zelle Zaza, je voyage assez souvent pour cela. C’est d’ailleurs de cette seule façon que je m’envoie en l’air avec satisfaction. Bref, revenons-en aux aventures sentimentales de mon invitée.

Alors, pour vous résumer la situation, elle m’a confessé qu’elle s’était servie d’une inconnue pour se sentir désirable. L’inconnue en question est une ravissante idiote, peut-être un peu blonde à la racine, qui lui a demandé la permission : 1° de la prendre dans ses bras et 2° de l’embrasser ! J’étais éberlué. S’il te plaît je peux te prendre dans mes bras ? S’il te plaît je peux t’embrasser s’il te plaît oh allez dis oui s’te plaît ! Le plus drôle c’est qu’Isabelle s’est laissé faire. Et elle s’est tirée. Pas fait tirer. Non, elle s’est cassée. Elle est partie, plantant la greluche devant la sortie du ciné. Ce qui est moins malin, c’est qu’elle lui a laissé son numéro et son adresse courriel. Et Miss Blonde de relancer Isabelle d’un pathétique : « s’il te plaît, est-ce que je peux te revoir ? ».

J’ai éclaté de rire mais au fond de moi je ne riais pas du tout. Cela m’a fait repenser à Flora, quand elle me demandait : « on se revoit quand ? ». Je m’égare.

Donc Isabelle me raconte que la fille veut la revoir et que ça la gêne et qu’elle ne sait pas quoi faire, car la nana n’est pas son genre, qu’elles n’ont rien en commun, qu’elle a craqué pendant un moment de fatigue (sic ! deux minutes plus tôt elle me disait que c’était pour se sentir désirable…), qu’elle n’a pas vraiment aimé l’embrasser mais qu’en fait si ça lui a plu mais finalement non.

J’ai une bonne nouvelle, Isabelle : tu n’es décidément pas un mec, mais une vraie femme dans toute sa complexité.

 Bien sûr je ne lui ai pas dit ça, je me suis retenu car j’ai eu peur qu’elle monte à poil sur son grand cheval comme Lady Godiva.

— Elle te manque ? Tu as envie de la revoir ? ai-je simplement demandé. Ce sont les questions les plus banales et les plus essentielles.

— Non et non, me répondit-elle. Je ne peux pas lui faire croire que j’ai été enlevée par des extra-terrestres ?

Alors là, chapeau ! Je dois dire que je me suis senti extrêmement flatté que Zanzi and the City déteigne à ce point sur mon lectorat, qui plus est une consœur ! Ben voyons, laisse-moi donc téléphoner à Nelfew, je vais t’arranger cela…

Et Isabelle de me dire qu’elle voudrait disparaître de la surface de la planète, car en fait elle a une autre fille en tête mais qu’elle sait qu’avec cette autre il ne se passera rien. C’était du lourd. Elle ne pouvait pas mieux tomber que dans mon pays paumé recouvert de neige et de glace. Le plus difficile aurait été de l’emmener jusqu’à l’île d’Anticosti, mais les îles de la Madeleine, plus proches, pouvaient aussi bien faire l’affaire, de même que le mini-archipel franchouillard de Saint-Pierre-et-Miquelon. Vivre sur ce trou perdu, cela revient à disparaître.

Une omelette western au cheddar et au bacon et quelques traits d’esprit plus loin, tout a dérapé lorsqu’elle m’envoya à la figure :

— Mais t’es dix fois pire que moi Zanzi. Vas-y, parle-moi de ta vie amoureuse en ce moment !

Cinq secondes et l’éternité plus tard, je lui répondis :

— Ils étaient comment ces nuages, vus de l’avion ?

— Ah non ! Tu ne vas pas t’en tirer aussi facilement. Je me suis mise à table (c’était le cas de le dire), maintenant c’est ton tour !

Piégé. Je ne pouvais plus reculer. Ma vie amoureuse ? Par le Grand Esprit, mais que pouvais-je bien lui raconter ? Il n’y avait rien à dire. Mais elle ne l’aurait pas compris, ni entendu de cette oreille.

— Tu veux un dessert ?

— Ne change pas de sujet, Zanzi. Hmm, y’a quoi au fait ?

— Des pancakes au sirop d’érable, ça te tente ?

— Oh oui ! Alors, ta vie amoureuse ?

Je me sentais soudain bien accablé, et malheureux de n’avoir pas su garder ma langue. Je n’ai pas trop l’habitude d’avoir de longues discussions avec les filles, alors, j’avais oublié leur façon de fonctionner. Il était trop tard pour reculer.

— Ma vie amoureuse, tu as pu t’en rendre compte en lisant ma chronique, est inexistante quand elle n’est pas chaotique.

— Oui. Mais encore ?

— Eh bien… quelquefois je me dis que j’ai été con de rompre avec Andréa, et qu’en réalité j’ai fui devant les difficultés, comme tu le fais en ce moment…

Elle me lança un regard de couleur.

Puis je me ressaisis et me dis que ce n’était pas possible, que s’il m’avait vraiment aimé, il m’aurait rejoint de toute façon. À d’autres moments, mon imagination s’emballe pour quelqu’un et je me mets à rêver à quelque chose d’aussi illusoire que merveilleux. J’ai vraiment l’impression qu’aucun garçon ne m’aimera jamais vraiment, de tout son cœur.

— Et les filles, alors ?

Bingo ! Avec perspicacité, Isabelle venait de poser la question la plus intéressante de la soirée.

— C’est étrange, je crois qu’une collègue qui ne m’a jamais vu en vrai est amoureuse de moi. Tu vois le genre, toujours ces trips virtuels, le même miroir aux alouettes. En fait, je me suis peut-être trompé sur toute la vie, toute ma putain de vie. Ma cousine était amoureuse de moi, puis ce fut le tour de Flora, et j’en passe certainement. Je me demande si je ne suis pas un hétéro raté, ou refoulé, ou alors si…

— Ou alors si… quoi ?

— Peut-être que…

— ?

— …

— Zanzi ! Peut-être que quoi ?

— Peut-être que je devrais devenir lesbienne.

Ce fut à son tour d’éclater de rire. Un rire à vous extirper des brumes de l’anesthésie en salle de réveil.

— Mais tu me fais quoi, là ? T’es victime du syndrome Flora ?

— Je ne sais pas, je ne sais plus. Tout est si confus. Comment pourrais-je me comporter avec une femme ? Comme un homme avec une femme, ou comme une femme avec femme ?

 

Isabelle me lança un regard interrogateur. Une fois de plus, elle alla plus loin que ma pensée et me dit :

— N’y pense même pas. Je ne veux pas d’un mec dans mon lit.

— Ma chérie, je te rassure, je n’y ai jamais songé.

— Je ne suis pas ta chérie !!!

— Je te taquine, Isa… Tu sais, nous avons beaucoup de choses en commun. Le talent, une vie sentimentale compliquée…

— L’humour !

— Ouais, t’as vu ça ? On pourrait former un duo, comme Jackie et Joan Collins. Tu écris mieux que moi, et je suis la stâââr. Tu fais Jackie, je fais Joan. Chiche ?

— Chiche !

 

 

Je lui servis deux délicieux pancakes nappés de sirop d’érable de Nouvelle Ecosse. Le lendemain, je l’emmenai déguster le célèbre homard de Shédiac, et voir la côte acadienne, glacée, pétrifiée par Monsieur l’Hiver. Cette glace qui enveloppait le paysage, entre nous était rompue depuis la veille. Nous refîmes le monde que nous étions prêt à conquérir, comme deux copains (ou copines) d’école, comme ces enfants qui s’amusent à être des frères et sœurs de sang. Les intrépides, les vrais  aventuriers, les casse-cou, pas celles et ceux qui veulent imiter les grands en jouant au papa et à la maman. Non, les vrais enfants, insouciants et joyeux, à des années-lumière des angoisses et des turpitudes de leur vie d’adulte. Le temps des vacances, nos vies amoureuses pouvaient attendre.

 

Zanzi (02 Avril 2009)




QUEL METIER TU FERAS
QUAND TU SERAS GRANDE ?


Un billet d'humeur d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 

(c) D. R.


Quand j’étais jeune et qu’on me demandait ce que je voudrais faire quand je serais grande, je répondais très facilement : « infirmière-écrivain-à-moto ». Ma mère le disait parfois, au travail, quand elle soignait des personnes âgées qui lui demandaient presque en suppliant de leur parler de ses enfants. Certaines étaient amusées, d’autres intéressées, d’autres se perdaient dans leur propre passé. Mais qu’était ce désir de devenir infirmière-écrivain-à-moto si ce n’est un rêve ? Un très beau rêve mais un rêve quand même.

Je suis devenue infirmière, certes, 33,33333333…% de réalisé me direz-vous. Oui, je sais, pas mal pour un rêve d’enfant. Je me félicite encore moi-même des fois. Concernant la moto, mon scooter en a déjà tellement bavé avec moi… Le prix de l’essence ayant flambé… Après calcul du prix du permis et de l’engin de mes rêves… Vu que j’ai acheté un appartement… Bref, le côté moto s’est rapidement transformé en vélo. C’est un deux roues, ça ne pollue absolument pas notre chère Mère Nature et c’est beaucoup plus économique. Tous les mois, avec l’argent économisé en allant au boulot en vélo, je me dis que je peux m’acheter un nouvel interrupteur pour mon chez moi. Il faut savoir se contenter de peu.

Le côté écrivain, là, ça coince un tout petit peu plus. Déjà, j’ai vite réalisé que dire écrivain ne convenait pas du tout à ma position féministe actuelle. Ben oui, écrivain c’est masculin. Mais au féminin, « écrivaine », c’est très moche à entendre. La sonorité est pire que les joueurs de rugby entonnant la Marseillaise avant un match. C’est peut-être la raison pour laquelle depuis quelques temps, j’apprécie beaucoup plus le terme « auteure ». Vous pouvez lui coller un « e », sans qu’il ne se plaigne ou ne sonne faux. C’est énorme. Premier point donc s’opposant à mon rêve d’écrivain, ma position féministe.

Deuxième point : saviez-vous que les écrivains dans les films ou séries télévisées faisaient en fait de la publicité mensongère ? Non ? Eh bien moi je vous le dis, si comme moi vous vous êtes mis en tête de devenir écrivain parce que c’était trop la classe quand les autres l’étaient, ce n’est même pas la peine de poursuivre. Je vais vous expliquer très succinctement pourquoi.

L’écran de l’ordinateur. L’écran de l’ordinateur il brille. Cela ne gêne en rien ces faux auteurs de pacotille mais je peux vous dire qu’en vrai, au bout d’un moment ça fait des papillons devant les yeux et ça vous oblige à prendre rendez-vous chez l’ophtalmologue parce que vous avez des maux de tête dès que vous restez plus de 6 heures devant votre machine (rendez-vous pour août soit dit en passant, non on ne peut pas plus tôt). Et les maux de têtes, ils ne passent pas avec deux Doliprane™, ils passent quand vous vous allongez sur le lit dans votre chambre toute noire.

L’ordinateur portable. Déjà c’est tous des américains et ils ont tous les derniers ordinateurs à la mode. Vous avez déjà essayé d’écrire pendant 4 heures de suite assis sur votre lit avec votre ordinateur portable ? Non. Bien, moi non plus. Mon PC a quatre ans, il pèse pas loin de 10 kilos et il est fixé au magnifique bureau fabriqué par mon père. Je vais m’acheter un ordinateur portable mais je sais déjà qu’il faudra que j’économise la batterie si je veux qu’elle tienne plus de deux ans et si je ne veux pas en racheter une dans l’année. Ensuite s’asseoir en tailleur sur son lit, il n’y a rien de pire pour le dos. Bref, ça c’est infaisable en vrai. Faut pas pousser. Comme le dit le proverbe, « qui veut voyager loin ménage sa monture. » Je ne peux pas avoir des problèmes de dos chroniques à 25 ans quand même !

Le soleil. Vous avez remarqué que les faux écrivains écrivent toujours au soleil, devant la mer, les doigts de pieds en éventail ou dans une chambre en regardant pas la fenêtre ou dans la montagne ou bref, vous avez saisi. Là où ils trichent c’est avec le soleil ! Ce put*** de crét** de soleil. Lui, déjà dès qu’il sort, vous pouvez être certain qu’il se reflète là où vous ne voulez pas qu’il se reflète ! Style en plein sur votre écran. Style en plein sur votre feuille blanche. Genre faut mettre les lunettes de soleil mais après on ne voit plus ce qu’on écrit. Autant vous dire tout de suite que le soleil n’est pas votre ami. Si vous choisissez comme moi d’écrire dans votre appartement parce que c’est l’hiver et qu’il fait -5° dehors, vous pouvez quand même être contraint de tirer les volets parce que le soleil a décidé de pointer le bout de son nez et qu’à défaut de se refléter sur la neige (qui n’est pas encore là), il tape direct sur votre écran parce que votre bureau est orienté plein sud…

La boisson. Quand vous les regardez dans les films ou les séries, ils ont tous un mug à portée de main et boivent régulièrement une petite gorgée, par-ci, par-là. Ce qu’on ne vous a jamais dit, c’est que même le plus beau des plus stylisés des mugs ne contient pas tant de gorgées que ça. Ben non ! Déjà il ne se remplit pas tout seul. Faut se lever pour le remplir. Ensuite, si c’est une boisson chaude, ben elle refroidit. Et si c’est une boisson froide, ben elle se réchauffe (même avec des glaçons, j’ai testé, ces imbéciles fondent). J’ai pris mes supers grands verres gagnés avec l’achat de menus XXL dans un fast-food. Eh bien même eux se terminent trop vite. En quelques gorgées c’est fini et il faut se relever. Et là forcément, on perd en concentration !

Le lieu. Quand ils écrivent pour de faux, les auteurs, vous avez deux catégories. Ceux qui ont leur bar favori et qui écrivent là, déconnectés du bruit, devant leur café entre deux discussions avec le barman qui est leur super pote (et là vous savez qu’on se fout de vous parce que vous connaissez le prix d’un café dans un bar ? Si on multiplie par 2 par jour pendant minimum 6 mois, en ajoutant les sirops et autres sodas en été, avec le croissant ou le pain au chocolat… Ting. Jackpot ! Vous êtes Crésus.) Pas crédible pour deux sous. Vous gardez donc uniquement ceux qui travaillent chez eux dans un souci de réalisme. Eh bien ceux qui travaillent chez eux, ils ne font jamais mais alors jamais le ménage ! Moi j’ai essayé. J’ai écrit sur du papier, j’ai trouvé ça nul, j’en ai fait des boules que j’ai jetées par terre partout dans mon bureau. C’était beau, comme dans les films. Je n’ai pas été plus inspirée pour autant et après j’ai dû tout ranger. Depuis j’ai une poubelle et même si c’est beaucoup moins esthétique que les papiers en boule par terre, c’est beaucoup moins de travail ensuite.

L’inspiration. Ah ça, on sait vous en parler du manque d’inspiration, « le syndrome de la page blanche », « l’angoisse de l’écrivain » etc etc. Mais les faux auteurs de fiction ont l’arme imparable pour corriger le tir et retrouver le goût d’écrire et de vivre. Ils ont l’arme imparable pour régler leurs problèmes personnels existentiels. Vous savez ce que c’est ? Ils tombent amoureux ! Déjà, je tiens à dire que tomber amoureux, ça ne se commande pas. Sinon ce serait trop simple et je voudrais bien en profiter moi aussi de cet amour qu’on achèterait au supermarché quand on serait tenté. Non mais sérieusement il n’y a rien de plus chronophage que l’état amoureux ! Vous pouvez me dire quand mais quand ils arrivent à trouver le temps d’écrire ? Comme si votre « âme sœur » (si ils disent ça dans les films) allait vous laisser passer 10 heures devant votre ordinateur sans vous déranger et bosser de son côté. Comme si on pouvait résister au désir pendant 10 heures alors que l’autre est assis sur le canapé en train de lire. Comme si… Mon œil quoi !

Le téléphone. Le téléphone est déjà en temps normal une arme que je méprise au plus au point. Parce que quand je suis au travail il permet aux familles, aux médecins, à notre hiérarchie et aux anciens patients de nous joindre 24h/24. Et comme il faut y répondre à ce fichu téléphone bien que souvent on n’en ait vraiment pas envie, c’est à la bonne poire qui l’a à portée de main d’agir. Et j’ai de grands bras, il est donc souvent à portée de ma main. Quand au téléphone familial mes parents m’ont vite appris l’essentiel. Pas de répondeur parce que les gens peuvent laisser des messages. Sous-entendu l’hôpital peut appeler pour te demander de travailler sur ton repos ou changer ton roulement. Quand tu sais qu’il manque quelqu’un et qu’on va te rappeler, surtout ne pas répondre et laisser sonner dans le vide. Après tu regardes qui a appelé et si ce n’est pas la chef, tu rappelles la personne en question. Et autant dire que j’ai très bien retenu la leçon en ce qui concerne mon téléphone portable. La preuve, il est plus souvent éteint qu’allumé. Et je m’en sers uniquement pour les urgences. Du genre « Je me suis encore perdue, j’aurai une heure de retard environ », « J’achète le dessert, ne t’en occupe pas », « On avait dit à quel endroit le rendez-vous ? ». Mais avez-vous remarqué que quand vous êtes très concentré, que vous êtes plongé dans vos pensées et que les mots coulent de source baaammm, c’est le moment que choisit votre téléphone pour sonner. Ou le moment que choisissent les témoins de Jéhovah pour venir sonner à votre porte. Et comment pouvez-vous donc expliquer à ces importuns que là vous alliez écrire le texte qui aurait changé la face du monde sans passer pour une illuminée ? Personnellement j’ai renoncé…

Le bruit de fond. Le bruit de fond ce n’est pas comme le téléphone, ce serait plutôt du genre lancinant comme les poubelles qu’on sort, le voisin qui fait des essais parce qu’il vient de mettre un nouveau pot d’échappement à son scooter, le vent qui fait bouger les volets… c’est gênant mais ce n’est pas le plus grave. Pourquoi ? Parce que vous pouvez mettre de la musique par dessus le bruit de fond. Et là, question musique, je suis une professionnelle. Déjà les chansons en français perturbent moins la concentration m’a dit Thierry. Là, je l’ai écouté. Seulement les artistes français que j’adore ne sont pas non plus excessivement nombreux. Du coup j’ai trouvé la parade. Trouver des chansons en langue anglaises faciles à comprendre. Et là tout un monde s’est ouvert à moi, celui des Boys Band. Mes CDs de prédilection quand je travaille sont aujourd’hui les mêmes depuis trois ans. Backstreet Boys, “Greatest Hits – Chapter One”, Worlds Apart, l’album « Here and Now », leur meilleur et Boyzone “Where We Belong”. C’est calme, c’est doux, ça berce et ça parle d’amour. Des fois j’écoute aussi David Charvet mais ses albums sont trop courts, ça lasse vite, en une heure j’ai fait le tour du CD.

L’emploi du temps. Si l’on vivait dans un monde idéal, on devrait pouvoir écrire où on le veut et quand on le veut. Oui mais voilà, nous ne vivons pas dans un monde idéal. Parfois j’ai des idées géniales. Je sais que je pourrais rester éveillée toute la nuit à la recherche des renseignements nécessaires pour écrire un chapitre époustouflant à mon livre qui n’a toujours pas vu le jour. Oui mais non. Je sais aussi que le lendemain je travaille, que j’aurai sous ma responsabilité de huit à douze patients qui ont besoin d’une professionnelle avec les idées claires et pas d’un fantôme d’infirmière qui a passé la nuit à écrire. J’ai donc régulièrement des bouffées d’envie d’écrire qui arrivent et je sais que je n’ai matériellement pas le temps de les laisser m’envahir. Il n’y a rien de plus frustrant. Et souvent, quand je suis de mauvaise humeur, ça n’a rien à voir avec mes hormones mais plutôt avec cette incapacité à pouvoir faire ce que j’ai vraiment envie de faire. À savoir passer 12 ou 14 heures le nez collé à l’écran de mon ordinateur pour écrire un truc horrible et désespérant mais qui aurait l’avantage de laisser libre cours à mon côté créatif.

Je ne suis pas l’auteure que je voudrais être ni celle que je rêvais d’être. Il parait que c’est ça grandir. C’est confronter ses désirs à la réalité et avoir le courage de s’accrocher à ses rêves et de continuer.

Je suis donc très loin de l’infirmière-écrivain-à-moto dont je parlais étant enfant. Et pourtant, des fois, j’ai l’impression que j’en suis très très proche. Peut-être parce qu’un rêve de ce genre se vit au jour le jour, peut-être que parce que quand j’écris ce genre de billet inutile et léger, j’ai l’impression de toucher du bout des doigts ce que je voulais être. Comme l’enfant qui monte sur la chaise de la cuisine et se met sur la pointe des pieds pour pouvoir plonger sa main dans la boite de gâteaux entreposée en haut du frigo… Peut-être parce que finalement je suis un peu restée cette enfant…

 

PS : Il n’empêche BBJane que je veux bien que tu racontes quand, comment et pourquoi tu écris. Oui, je sais, je suis curieuse.

 

Isabelle B. Price (23 Février 2009)


[Ajout de Daniel C. Hall à 19h09] : Suite à des milliards d'emails indignés demandant les véritables photographies du bureau de notre quota lesbien notre Isabelle préférée, ma Zaza m'a envoyé le texte suivant et les photos adéquates (comme Sheila...). N'empêche les lesbiennes, c'est pas comme nous, ça range quand même bien... Bon, faut bien dire que c'est des femmes à la base et que la machine à laver leur a changé leur vie comme a dit mon poteau Benoît XIII et III (y a un jeu de mots ! Et c'est paraît-il son véritable surnom au sein de l'église catholique romaine !!!) :

 

Salut Chef,
J'ai adoré ta gentille proposition de mettre en ligne des photos de mon bureau. Et comme tu es persuadé qu'il est bien rangé, je me suis fait plaisir en le prenant tel quel. Tout de suite ça te casse sérieusement un mythe. C'est pas grave, j'assume.
Bisous
Zab (Ouais, elle signe comme ça la d'jeun car nous sommes comme les deux doigts du pied !)
PS : Les photos se lisent de la gauche vers la droite (C'est normal car je suis un gauchiste, c'est bien connu ! Elle tente de me flatter ! C'est bien une femme, tiens !). La 1, c'est tout à gauche et ensuite tu arrives au bureau juste droit devant.

(Photo 1) (Photo 2) (Photo 3)
Toutes les photos sont © Isabelle B. Price.
Les pirates homos seraient condamnés à l'hétérosexualité et les hétéros à l'inverse.
Compris ? La loi, c'est la LOI !!!!!!!!!


PS 2 : La déco est de moi. (Tu m'étonnes John - Y a un jeu de mots subtil - ! Mouarf !)
PS 3 : Oui, tu ne pouvais trouver mieux (Si, Linda de Suza, elle faisait mieux avec juste une valise en carton !). Une lesbienne avec du goût, il n'y a que ça de vrai. (Non ? C'est pas vrai méééé alors on m'aurait menti à l'insu de mon plein gréééé ! J'aurais du être lesbienne alors ? J'ai raté ma viiiie !) »




MES OSCAR(E)S À MOI


Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
 



Très régulièrement on me pose des questions pièges sur mon film lesbien préféré, sur ma réalisatrice préférée et sur mon actrice préférée. Comme s’il était facile de faire le tri et de comparer des œuvres de pays d’origine, de budget, de public, d’attentes… différents !

Au début de l’année 2008, j’ai essayé de dresser une liste. Elle a évolué, un peu, pas beaucoup, un an plus tard. Elle est tout à fait personnelle et ne présente jamais un seul film, une seule actrice, une seule réalisatrice parce que je ne peux pas faire un choix aussi radical et que, même en me restreignant, je n’ai pas réussi à garder un(e) seul(e) et unique meilleur(e)…

Meilleur film lesbien de tous les temps.

Une question difficile… étant donné que j’apprécie des styles et des genres différents. Plusieurs films m’ont touchée sans que je puisse pour autant affirmer que l’un d’eux est le meilleur film lesbien de tous les temps.



Je me rappelle avec tendresse du premier long métrage lesbien que j’ai vu à 19 ans, Lost and Delirious. J’ai apprécié le personnage de Paulie, bien que la fin m’ait laissé un goût amer. Bound m’a tenue en haleine du début à la fin, et j’ai tout de suite été sous le charme de Corky et de cette ambiance noire et froide qui accroche tout au long du film. Fucking Amal m’a réconciliée avec mes années « ado » et m’a fait croire, l’espace d’un instant, que la jeune fille timide et réservée que j’ai été aurait pu sortir avec l’adolescente la plus populaire. Eulogy, It’s In The Water et DEBS, dans le genre comédie, possèdent un humour léger, salvateur et rare qui reste inoubliable. Côté comédies romantiques, j’ai apprécié Nina’s Heavenly Delights, Imagine Me & You et dernièrement Gray Matters.



Mais si je devais n’en retenir qu’un seul, je pense que ce serait Desert Hearts. L’histoire touchante d’une femme qui décide de changer de vie et qui rencontre l’amour en la personne d’une jeune fille non conventionnelle, indépendante, fière et forte. Autofinancé par la réalisatrice Donna Deitch, c’est, en 1985, le premier film positif sur l’homosexualité féminine. Adapté du roman éponyme écrit en 1964 par Jane Rule, il reste une référence tant du point de vue des sujets qu’il aborde (le poids des responsabilités, la force du désir, la place de la femme dans la société, l’attirance hors normes) que de la représentation physique d’une relation homosexuelle, avec un baiser sous la pluie, une scène d’amour osée et une fin inédite.

Meilleure actrice dans un rôle lesbien.



Gina Gershon dans le rôle de Corky, la butch libérée de prison qui tombe sous le charme de Violet, la femme fatale, dans le premier long métrage des frères Wachowski (Matrix), Bound. Erin Kelly, qui interprète Annabelle dans Loving Annabelle. Jadwiga Jankowska-Cieslak pour le rôle d’Eva dans Un Autre Regard (Another Way). Rien d’étonnant, me direz-vous, puisqu’elle a obtenu le prix de la meilleure actrice au festival de Cannes en 1982.

Le plus beau baiser lesbien.



Le baiser sous la pluie dans Loving Annabelle : attente, désir, sensualité, urgence. Celui de It’s In The Water : découverte, peur de l’interdit, sensualité, surprise. What’s Cooking : donne-moi la force d’affronter ma famille !

La plus belle scène d’amour lesbienne.



Bound. Jamais scène d’amour n’a été aussi sexy, sensuelle, charnelle et réaliste que celle-ci. Une réussite visuelle et émotionnelle. Celle de Loving Annabelle est beaucoup plus romantique mais tout aussi sensuelle et chargée de désir. On ne peut décemment pas oublier tous les passages de The Girl entre Claire Keim et Agathe de La Boulaye. Pour finir, celles où l’humour transparaît comme dans Better Than Chocolate où Kim demande pourquoi elles n’ont pas gardé le lit, ou dans Saving Face lorsque Wil interroge Vivian pour savoir si sa mère sait qu’elles couchent ensemble et que Vivian rétorque qu’elle croit qu’elles conjuguent les verbes en latin, ou encore dans D’un amour à l’autre, où Satu n’arrive pas à enlever son pull alors qu’elle est tellement pressée de se dévêtir.

Le plus beau couple lesbien de cinéma.



Ils sont nombreux, mais je pense que mon préféré est le couple Casey Olsen et Alexandra Barrett-Rosenberg dans Treading Water. Il y a une réelle alchimie entre les deux actrices, et le film alterne les moments sombres et durs avec des passages plus doux et romantiques, tout en ayant parfois une touche d’humour bienvenue. Mais il y a également le couple mythique ‘Aimée’ Lilly Wust et ‘Jaguar’ Felice Schragenheim dans Aimée et Jaguar, ainsi que Vivian Bell et Cay Rivvers dans Desert Hearts. Et tout récemment le couple Leyla & Tala (Sheetal Sheth et Lisa Ray) dans la comédie romantique britannique I Can’t Think Straight.

Meilleure réalisatrice lesbienne.



La réalisatrice et scénariste de DEBS, Angela Robinson, sans hésiter. Pour son humour, sa réalisation nerveuse et fluide où l’on ressent l’influence des mangas et des films d’action. Son travail sur la série The L-Word est également l’un de mes préférés. Elle vole largement la vedette à Jamie Babbit (But I’m A Cheerleader), Katherine Brooks (Loving Annabelle) et Rose Troche (Go Fish), que j’apprécie également beaucoup. Et j’ajoute Guinevere Turner dans la catégorie meilleure scénariste (Go Fish, The L-Word et American Psycho).

Meilleur documentaire lesbien.



Celluloid Closet est connu et reconnu et fait aujourd’hui référence. Il reste l’un de mes documentaires préférés, tout comme Bleu, Blanc, Rose – Trente ans de vie homosexuelle en France de Yves Jeuland.

Freeheld, oscarisé en 2008 et racontant le combat d’une femme qui a toujours fait passer la vie des autres avant la sienne quand elle était inspecteur de police et qui, alors qu’elle est en train de mourir, fait tout pour que sa partenaire puisse bénéficier de sa pension quand elle sera morte.

Meilleur court métrage lesbien.



Dans deux catégories très différentes, je ne parviens pas à me décider entre DEBS, qui est un exemple de maîtrise d’humour et d’action comme on n’en a jamais vu, et Gillery’s Little Secret qui est, de son côté, beaucoup plus dramatique, réaliste, sensible et touchant. Difficile de les départager.

 

Isabelle B. Price (11 Mars 2009)


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