par Daniel Conrad Hall
Rédacteur en chef de LES TOILES ROSES
en duo avec GÉRARD
COUDOUGNAN
Elisabeth Thorens-Gaud, Adolescents homosexuels
:
Des préjugés à l'acceptation : Aide aux parents, conseils
aux enseignants, soutien aux jeunes,
Lausanne, Favre, 2009, 183 p. ‒
18 €
Nous avons ici longuement évoqué les jeunes rejetés de chez eux, expulsés par leur parents pour cause
d'homosexualité : notre engagement aux côtés du Refuge (1) est l'une de nos fiertés et nous avons eu la satisfaction d'apprendre par Nicolas
Noguier et Frédéric Gal que plusieurs chèques leur étaient parvenus suite à nos articles.
L'un des points de départ de ce mouvement fut le livre de Jean-Marie Périer, Casse-toi !
(2). Le plus fréquent des reproches faits à ce coup de gueule, à ce cri du cœur du photographe est son refus d'engager un dialogue avec les
parents, refus qu'il assume totalement et sur lequel il a eu l'occasion d'argumenter depuis la publication de son livre.
Moins médiatique (trois fois hélas !), Elisabeth Thorens-Gaud est plus bien plus efficace et
pédagogue que Jean-Marie Périer. Ses longs sous-titres décrivent parfaitement son propos qui viennent apporter un complément idéal aux drames décrits dans Casse-toi. Voire un guide qui
permet de mieux comprendre toute la problématique du rejet des jeunes LGBT.
Cette formidable enseignante s'est sentie interpellée par des adolescents en souffrance parmi ses
élèves. Suite à leur coming out en classe, elle a rencontré leurs parents et réuni une impressionnante documentation sur les moyens de faire face à diverses situations, non seulement
dans son pays (la Suisse) mais aussi dans l'ensemble du monde francophone (France, Canada, Belgique). Il en résulte un remarquable livre (un guide presque parfait qui n’a aucun équivalent en
langue française) que l'on peut lire d'une seule traite, avec des points de vue différents sur une même situation : quand l'ado parle, des encadrés donnent l'avis parental et réciproquement. On
peut également garder cet ouvrage près de soi pour en exploiter les pistes de réflexions. Si l'on est enseignant, on y trouvera les plus récentes et les plus complètes références aux textes
officiels, accompagnées du vécu d'une enseignante qui partage une précieuse expérience. Si l'on est parent, on y trouvera le témoignage d'autres parents ainsi que de sérieuses sources de CONTACT
(3). Les ados pourront aussi voir que leurs questionnements, leurs doutes, leurs affirmations et leur parole revêt un écho profond et
multiforme sur leur entourage.
Lentement, calmement, avec la pédagogie qui sied à une enseignante sachant se mettre en phase avec ses
différents publics, Elisabeth Thorens-Gaud réussira à toucher chacun des publics concernés, tout en informant des conséquences sur le ressenti et le vécu des autres.
Sans en faire de trop, nous recommandons ce livre à tous les parents, les enseignants et les élèves
concernés par le sujet. C’est une réussite incontestable !
Voici l'un des rares livres que l'on souhaiterait voir dans toute bibliothèque municipale, dans tout
C.D.I de collège et lycée et dans le plus de familles possibles. L’appel est lancé au Ministre de l’éducation nationale, Luc Chatel !
Merci madame pour ce travail intelligent, sensible et pédagogique, mais aussi pour votre
investissement dans cette lutte pour l’acceptation…
(1) cf notre dossier spécial http://www.lestoilesroses.net/categorie-11317559.html
(2) http://www.lestoilesroses.net/article-dossier-special-le-refuge-7-zoom-interview-jean-marie-perier-casse-toi-creve-mon-fils-je-ne-veux-pas-de-pede-dans-ma-vie--44246824.html
(3) http://www.asso-contact.org/
ELISABETH THORENS-GAUD
:
« Je trouve en effet incroyable, qu’aujourd’hui, en 2010, on ne parle pas
d’homosexualité à l’école. »
Les Toiles Roses : Bonjour Elisabeth, et merci de nous accorder un temps qui doit
être précieux. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Elisabeth Thorens-Gaud : Bonjour, Gérard et Daniel. J’enseigne l’histoire et la
géographie dans un collège de suisse romande.
Après des études de Lettres à l’Université de Genève, j’ai vécu à Boston pendant 5 ans pour étudier le
Management à Harvard. C’est aussi là-bas qu’avec mon mari nous avons construit notre famille. À cette époque, j’ai rencontré des amies lesbiennes qui m’ont éduquée et informée sur la réalité
homosexuelle. En effet, la crèche dans laquelle j’avais inscrit mes enfants accueillait autant de familles homoparentales que de familles hétéroparentales.
Parallèlement à mon métier d’enseignante, j’ai toujours exercé une activité dans le domaine de la
communication, ma passion. Quand j’étais étudiante à la fac, j’écrivais déjà des piges pour des journaux locaux. Plus tard, j’ai même tenu une chronique dans un quotidien suisse romand dans
laquelle je racontais mon quotidien d’enseignante. J’ai aussi travaillé en tant que professionnelle de la communication institutionnelle pendant une période à l’État de Vaud. Ces expériences
professionnelles sont extrêmement précieuses car elles m’aident pour développer les activités que j’ai lancées pour sensibiliser les responsables de l’éducation à la nécessité de soutenir les
jeunes en questionnement sur leur orientation sexuelle.
Voir aussi le site : http://www.thorens-gaud.com/
Pouvez-vous nous rappeler dans quelles conditions une mère de famille, enseignante, a été
amenée à travailler sur l’homosexualité et à écrire un guide ?
Sensibilisée très jeune au vertige du suicide par plusieurs drames dans mon entourage, j’ai décidé de
consacrer à sa prévention un congé sabbatique. À 48 ans, j’avais fait mon devoir de mère et je m’étais promis de revenir un jour à Boston. J’y suis retournée, avec mon mari lui aussi en congé.
Rapidement, mon projet a évolué vers le soutien aux jeunes homos, l’aide aux parents, les conseils aux enseignants. Avec la réalisation d’un vieux rêve, écrire un livre, et la création d’une
association http://www.mosaic-info.ch vouée à « lutter contre les préjugés et prévenir le suicide ».
Je trouve en effet incroyable, qu’aujourd’hui, en 2010, on ne parle pas d’homosexualité à l’école. Il
règne encore un grand tabou autour de cette réalité. Cela je l’ai réalisé lorsque Vanessa, une de mes élèves, a fait son coming out en classe. C’est à ce moment que j’ai constaté qu’il n’existait
souvent aucune ressource dans les établissements scolaires pour soutenir ces jeunes et aider les enseignants. J’ai décidé de pallier ce manque.
Pourriez-vous nous raconter votre méthode de travail pour rassembler et analyser la
documentation existante (livres, voyages) ?
J’ai d’abord compilé la littérature, fait des recherches sur internet, rencontré des professionnels de
la santé publique, des personnes travaillant dans des associations LGBT. Surtout, je me suis « mise dans la peau d’une détective », car j’avais besoin de comprendre « comment on se
sent » quand on est un élève homosexuel et qu’on est sur les bancs d’école, comment on se sent quand on est parent et qu’on apprend que son enfant est homosexuel. J’ai interviewé des
familles et ai croisé les regards des pères, des mères, des enfants, car je trouvais intéressant de voir le décalage qui existait entre les uns et les autres. J’ai interrogé Marina Castaneda,
auteure du livre Comprendre l’homosexualité, pour qu’elle apporte son éclairage de spécialiste et thérapeute aux parents. Enfin, j’ai consacré un chapitre au coming out, dans lequel j’ai
interrogé Marie Houzeau, directrice du GRIS Montréal, un organisme québécois spécialisé dans les interventions en milieu scolaire, afin qu’elle donne des conseils aux jeunes élèves sur le coming
out. J’ai voulu produire un outil pratique pour les jeunes, les parents et les enseignants.
Quelle a été la réaction de vos collègues suite à la publication de votre livre
?
La plupart des mes collègues ont très bien reçu cet ouvrage. Plusieurs m’ont dit que suite à sa
lecture, ils avaient changé leur regard sur l’homosexualité, et qu’ils avaient pris conscience de l’hétérosexisme.
Et celle de vos différentes classes depuis la parution du
livre ?
Mes élèves m’ont tous posé beaucoup de questions. Sans avoir l’aval de ma direction, j’ai pris sur moi
de répondre à leurs interrogations. Ils ont beaucoup aimé lorsque je leur ai fait la lecture des témoignages de jeunes, et certains ont été très émus. Globalement, les élèves ont très bien
accueilli ce livre. J’ai le sentiment que certains élèves ont été soulagés qu’une prof ose aborder ce sujet, car ils sont certainement concernés par cette réalité. Je l’ai constaté à la manière
particulière qu’ils ont eue de me serrer la main à la fin du cours.
Et une autre variante : avez-vous eu des retours des nombreux enseignant(e)s
homosexuel(le)s privés de moyens et de liberté ?
J’ai eu des retours de collègues, pas nécessairement dans mon établissement scolaire, qui m’ont dit
qu’ils étaient dans le placard et qu’ils le vivaient très difficilement. Je pense que beaucoup craignent les réactions des parents. Il y a un travail d’information gigantesque à effectuer de ce
côté là. Il faudrait que nous les enseignants hétérosexuels soyons solidaires de nos collègues homosexuels. Mais il y a encore du chemin à faire… Et la question n’est pas simple : pourquoi
un enseignant devrait-il parler de son orientation sexuelle ? Étant hétérosexuelle, je trouve que je suis mal placée pour donner mon avis, car je ne suis pas à la place des personnes
concernées.
Cette réaction a-t-elle été différente suivant les différents pays dont vous faites état
et pour lesquels vous indiquez les ressources disponibles ? Avez-vous l'impression qu'il y a des pays, parmi ceux que vous évoquez, où les ados homos sont mieux pris en considération
?
La ville de Cambridge (quartier de Boston aux États-Unis), est un monde un peu à part. Il semblerait
que l’insulte « it’s so gay » (c’est stupide) y est moins proférée, suite à la politique antidiscriminatoire menée par les Écoles de Cambridge. Les élèves homosexuels peuvent compter
sur l’appui de groupes de soutien au sein des écoles (les réseaux d’alliés). Comme il existe une loi protégeant les personnes homosexuelles des discriminations, la population en général fait
attention de ne pas proférer des insultes et de ne pas avoir de comportements homophobes. Cela ne signifie pas que tout est rose, car dans certaines communautés il règne encore beaucoup
d’intolérance, notamment dans les familles d’origine latino, mais le climat d’ouverture à Cambridge est exceptionnel.
De nombreuses familles homoparentales ont élu domicile dans cette commune très ouverte. Le mariage gay
y est autorisé ! La préoccupation des autorités scolaires à Cambridge consiste à présent d’informer sur la réalité des personnes transgenres.
En France, Le
Refuge accueille les moins bien lotis, ceux qui sont rejetés de chez eux : pensez-vous que la situation y soit pire ou tout simplement que les jeunes gays et lesbiennes suisses,
canadiens ou belges n'ont pas de recours en cas de rejet total de leur famille ?
En Suisse romande, les jeunes rejetés par leurs familles n’ont pas de structure pouvant les
accueillir. À mon avis, mais je parle instinctivement, la situation doit être assez semblable à celle de la France. Je ne peux pas répondre à cette question pour le Canada et la Belgique, je ne
connais pas les données.
Avez-vous eu des retours particulièrement significatifs de la part de jeunes de ces
différents pays ?
Les retours que j’ai reçus proviennent principalement de la Suisse romande. Ces retours sont souvent
très touchants, et prouvent à quel point ces jeunes ont besoin d’être soutenus. Je suis effarée de voir qu’il existe de nombreux jeunes peu soutenus par leurs familles. Certes, leurs parents ont
pris acte de leur homosexualité, mais ensuite ils font comme si cette réalité n’existait pas. Pire, j’ai reçu les témoignages, de garçons principalement, qui m’ont dit avoir été rejetés par leurs
familles.
Ce livre est bien accueilli en France également, et je constate que de nombreux jeunes deviennent amis
avec le profil Facebook que j’ai créé pour le livre Adolescents homosexuels.
Et des parents ?
J’ai reçu de nombreux retours d’amis de parents concernés. Il semblerait que ce livre soit une aide
précieuse, car il permet aux parents de renouer un dialogue parfois interrompu au sein des membres d’une même famille. Les parents sont très discrets, ils ne me contactent généralement pas, à
moins qu’ils soient actifs dans le milieu associatif. Pourtant la première édition de ce livre est épuisée. Cela signifie que cet ouvrage répond à un manque. J’ai l’impression que les parents
ressentent encore beaucoup de peur vis-à-vis du qu’en dira-t-on. Certainement qu’ils préfèrent se procurer ce livre en toute discrétion.
Je compte rédiger un article sur une liste de diffusion destinée à mes
collègues documentalistes français afin de les inciter à acquérir Adolescents homosexuels. Avez-vous les moyens de savoir si
votre livre figure dans les fonds de nombreux CDI ?
J’apprécie votre geste et vous remercie pour votre soutien. Je crois que petit à petit le bouche à
oreille fait son travail. Je sais que le site Altersualité, http://www.altersexualite.com/spip.php?article573 géré par Lionel Labosse, a fait un excellent compte-rendu. En Suisse romande, cet ouvrage a été
extrêmement bien reçu par les milieux éducatifs. Mais à ma connaissance, il n’est pas encore diffusé officiellement et systématiquement dans les CDI.
La bibliothécaire de mon établissement scolaire l’a recommandé à son réseau, mais il faudrait le faire
à grande échelle.
Vous accordez une large place au « travail de deuil » que doit effectuer chacune
des personnes impliquées dans l'émergence d'une orientation sexuelle de différente de l'hétérosexualité dominante. Sans assimiler l'homosexualité à un handicap, c'est aussi un travail de ce type
que doivent faire ceux qui se trouvent face à un handicap acquis. Pourriez-vous pour ceux qui ne pourront pas lire votre livre en résumer les principales étapes ?
Dans la vie, que ce soit au niveau affectif ou professionnel, nous sommes sans cesse confrontés à des
changements auxquels nous devons nous adapter. Ces changements sont souvent marqués par une série d’étapes, semblables à celles vécues lorsque nous vivons le deuil d’une personne proche. Ces
étapes ont été décrites pour la première fois par Elisabeth Kübler Ross. Elles comprennent notamment des émotions telles que le déni, colère, tristesse, acceptation etc. J’imagine que ces
réactions sont également connues des personnes devant faire face à un handicap, car elles doivent faire le deuil de certains projets de vie.
Dans un chapitre de mon ouvrage, j’explique que les parents qui apprennent l’homosexualité de leur
enfant passent presque tous par un cheminement avant d’accepter pleinement leur enfant homosexuel. Il est important de laisser du temps aux parents pour qu’ils digèrent cette nouvelle, en
souhaitant que cette métabolisation ne s’éternise pas, sans quoi, ils risquent de rompre les liens les unissant à leur enfant.
Envisagez-vous une suite à ce travail, sachant que les actualités, les projets, les lois
et les opinions évoluent de plus en plus vite (et pas forcément dans le meilleur sens) dans les pays en fonction aussi des politiques et des médias ?
Mon livre a été extrêmement bien reçu par les autorités scolaires du Canton de Vaud et de Genève. Je
suis encore en discussion avec des responsables, mais en principe je vais pouvoir poursuivre les actions que je suis en train de mettre en place. Les autorités soutiendront notamment le site
internet www.mosaic-info.ch que j’ai créé. J’ai reçu également des demandes pour aller donner des formations à des
intervenants en milieu scolaire (enseignants, médiateurs, professionnels de la santé etc.) Grande première en suisse romande, je pourrai consacrer une partie de mon temps de travail à m’occuper
des questions d’homophobie et de diversité. Mais je le répète, ce n’est pas encore officiel, nous sommes en train de finaliser les termes d’un mandat.
Quelle a été votre plus grande joie après la publication de ce livre ? Et votre plus
grande peine ou frustration ?
Ma plus grande joie a été de constater que mon employeur, l’État de Vaud, m’avait entendue, puisque je
l’ai dit ci-dessus, les autorités scolaires ont été sensibles à mon cri d’alarme. Que le travail que j’ai accompli en écrivant ce livre soit reconnu et puisse aboutir sur des actions concrètes me
comble de joie.
J’ai été également très émue face aux nombreux témoignages de jeunes que j’ai reçu me disant combien
ce livre les avait aidés. Plusieurs familles m’ont également dit qu’en lisant les récits figurant dans cet ouvrage, elles avaient réussi à renouer un dialogue jusqu’alors
interrompu.
Les critiques encourageantes sur ce livre me confortent sur l’angle que j’ai adopté. En écrivant ce
livre, j’ai essayé de prendre du recul et de donner la parole aux personnes concernées, afin d’éviter l’écueil de la revendication, de l’accusation, de la victimisation. Je pense que cette
approche a été judicieuse.
Un de mes regrets ? C’est que les personnes LGBT aient tant de mal à se faire entendre malgré le
travail formidable et incroyable effectué depuis des décennies. Je tiens à leur rendre hommage, car je suis consciente qu’aujourd’hui, si mon livre est si bien accueilli par les autorités
scolaires des cantons de Vaud et de Genève, c’est parce que les associations LGBT luttent sans relâche depuis des décennies.
Quels autres ouvrages recommanderiez-vous aux parents, élèves et enseignants parus depuis
la sortie de votre livre ?
Pour les parents, à ma connaissance, il n’existe pas de « guide » similaire paru depuis la
sortie de mon livre dans les milieux francophones, qui essaie de soutenir les parents.
Je conseillerais quand même le livre de Jean-Marie Perrier, que j’ai lu avec beaucoup d’intérêt, car
il rapporte des témoignages poignants, même si je trouve Monsieur Perrier un peu dur avec les parents. La majorité des parents n’envoient pas leurs enfants à la rue ! Certes, il faut un peu
secouer les parents, mais si on veut qu’ils se mobilisent, il faut faire preuve d’empathie également !
Je recommande vivement un livre très utile et écrit avec beaucoup d’humour qui a été publié par Sylvie
Giasson, une québécoise, Vivre avec l’homosexualité de son enfant : Petit guide du coming-out, éd. Bayard,
Canada, 2007. Cet ouvrage met en scène une famille fictive, dont le fils fait son coming out.
J’ai beaucoup aimé l’ouvrage de Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité, Calmann-Lévy, 2009.
J’ai rencontré Brahim Naït-Balk récemment lors d’une conférence à Toulouse, et son histoire m’a marquée. Comment peut-on faire subir tant de violences à une personne sous prétexte qu’elle est
homosexuelle ? L’histoire Un Homo dans la cité m’interpelle également, car elle m’oblige à m’interroger sur ma vision de l’homosexualité qui est celle « d’une femme blanche
occidentale bien pensante ». Il est facile de faire la leçon quand on ignore tout d’une culture. Comment faut-il s’adresser à ces gamins des cités pour qu’ils cessent d’être
homophobes ? Comment parler aux parents pour qu’ils soient indulgents avec leurs enfants ? Nous avons eu des échanges intéressants à ce propos avec Brahim Naït-Balk. Comme lui, je crois
que l’ignorance est mère de tous les vices.
J’ai lu avec beaucoup d’attention l’ouvrage de Franck Chaumont, Homo Ghetto, le Cherche midi,
2009. À nouveau, ce livre m’a fait réfléchir sur les actions pertinentes à mener pour soutenir les personnes homosexuelles d’origines maghrébines.
Aux adolescents, je recommanderais un ouvrage étant paru en 2000, L’Année de l’orientation,
de Lionel Labosse, écrit avec beaucoup de sensibilité, très riche et dense, car il aborde de nombreux thèmes chers aux adolescents : amour, injustice, discrimination, école et surtout, car
ce livre met en scène des jeunes en questionnement sur leur orientation sexuelle avec beaucoup de finesse et de justesse.
Aux enseignants je conseille de consulter les ouvrages d’Eric Verdier et Michel Dorais.
Pour finir, je fais un peu de pub pour un autre auteur suisse romand, car j’ai adoré son livre :
Pascal Pellegrino, Papa gay, éd. Favre 2009. Un papa homosexuel écrit une lettre à sa fille qui vient de naître. Il fait taire les clichés et les préjugés sur
l’homoparentalité.
Pouvez-vous nous parler du site mosaic-info.ch que vous soutenez ? Quels sont ses buts et à qui s’adresse-t-il ? Que peut-on y trouver ? Quelle part prenez-vous dans cette aventure
et avancée via Internet ?
Avec des collègues et des professionnels de la santé, j’ai créé l’association Mosaic-info pendant le
congé sabbatique que mon employeur m’a octroyé. Son but ? Lutter contre les préjugés et prévenir le suicide en informant les parents, les enseignants, les professionnels de la santé et les
jeunes sur des sujets de société sensibles liés à toute forme de discrimination, y compris l’homophobie.
Nous préparons aussi des outils d’information à l’attention des parents, des enseignants, des
professionnels de la santé et des adolescents.
Notre première campagne d’information s’intitule :
Dites non à l’homophobie à l’école et dans les
familles ! Nous avons prévu une campagne d’affiche pour le printemps prochain, pour autant que le budget demandé nous ait été accordé.
Le site internet offre des informations et des liens vers des ressources et lieux d’aide, y compris en
France, Belgique et Canada, pour les parents, enseignants et jeunes concernés par l’homosexualité, c’est-à-dire tout le monde ! C’est une plate-forme qui sera très prochainement référencée
par les établissements scolaires des cantons de Vaud et de Genève. (Région lémanique)
Les activités de Mosaic-info se développant au delà de mes
espérances, il faudra que je trouve rapidement un financement supplémentaire afin d’engager une personne qui puisse m’aider au quotidien pour rédiger des textes, produire du contenu à mettre en
ligne et faire des interventions en milieu scolaire, en partenariat avec les associations LGBT.
Une petite question personnelle : et si l’un de vos enfants faisait son
coming-out ? Y aurait-il une différence entre l’acceptation intellectuelle d’une enseignante et la réaction intime et sentimentale d’une maman ?
Comme je suis dans la norme, je pense que je réagirais comme la plupart des parents, il me faudrait un
moment pour digérer, même si intellectuellement je suis acquise à la cause. Comme j’ai plusieurs amies lesbiennes dans mon entourage, j’ai toujours dit à mes enfants que s’ils m’annonçaient
qu’ils étaient homosexuels, je les aimerais inconditionnellement. Mais je le répète, ceci est de la théorie, car les sondages le disent, il est toujours plus facile d’accepter l’homosexualité
lorsque qu’elle concerne ses amis que lorsqu’elle concerne sa propre famille.
Vous rêvez d’un monde meilleur concernant ces problématiques de l’homosexualité et de
l’homophobie ? Quel serait celui que vous désireriez ?
Que les personnes homosexuelles puissent être elles-mêmes, qu’elles ne se sentent plus anormales, car
nous les hétérosexuels auront intégrés cette réalité comme faisant partie de la diversité. Et surtout, que les gens arrêtent de faire de l’homosexualité une affaire de lit. On devrait plutôt
parler d’homosentimentalité, car il s’agit avant tout de relations humaines, d’histoire d’amour. Et c’est bien l’amour qui donne un sens à la vie ! Mais je sais qu’il reste encore beaucoup
de chemin à parcourir !
J’invite à présent les lecteurs qui désirent en savoir plus à visionner l’émission à laquelle j’ai
participé à la TSR (Télévision suisse romande) le 11 mai 2010. Ils y découvriront
notamment le témoignage d’Albert, jeune lycéen, avec en bande son les magnifiques paroles d’une chanson composée par le chanteur K, intitulée homosentimental, inspirée par la lecture des témoignages de l’ouvrage Adolescents homosexuels. K prépare un album dans lequel
figurera cette chanson pour le mois de septembre 2010.
Merci beaucoup Elisabeth pour votre disponibilité et votre remarquable
travail.
Merci à vous deux, Gérard et Daniel, pour cette belle interview.
Toutes les photos sont © leurs auteurs. Tous droits
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