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CERTAINS L'AIMENT CAMP

(Some like it Camp)


par  Tom Peeping


 

Tom Peeping (T.P. pour les intimes, comme Tippi Hedren) aime se promener sur les chemins de traverse du 7ème art et de la télé et s’arrêter pour soulever des pierres. Les films qu’il y déniche, la plupart méconnus ou oubliés, méritent pourtant leur place près de l’arc-en-ciel. Camp, kitsch, queer ou trash, ils racontent une histoire du cinéma des marges. Gays sans l’être tout en l’étant, ils espèrent retrouver dans cette rubrique leur fierté d’être différents.

Tom Peeping, quand il ne visionne pas quelque rareté de derrière les fagots, est conférencier en histoire de l’art et fréquente assidûment les musées parisiens pour y gagner sa vie de vive voix. Il est né dans les Sixties, la décennie du Pop Art, des Yéyés et des Go-Go Girls. Et il rejoint, pour notre (et votre) plus grand plaisir, l'équipe du blog Les Toiles Roses.



Jon-Erik Hexum : je ne pense pas que grand monde se souvienne (mais il a tout de même quelques fans irréductibles - dont moi - et quelques sites web dédiés ici ou là) de ce mannequin-acteur au nom de héros de série TV des années 80 (ça tombe bien car c'en était un). Sa chute brutale fit en son temps plus de bruit que son ascension rapide au soleil d'Hollywood.

De temps en temps, je repense à Jon-Erik et par conséquent, à ce jour d'octobre 1984 où, en jouant par désœuvrement avec un pistolet-accessoire sur le plateau de la série de CBS Cover Up, il s'est accidentellement tiré une balle à blanc dans la tête en mettant un point final à une carrière prometteuse qui venait de commencer. Il allait avoir 27 ans. Je me rappelle qu'à l'époque, je me faisais de l'argent de poche (pas mal d'ailleurs !) en donnant des cours particuliers à deux gosses plutôt sympas d'une riche famille d'expatriés japonais près du Parc Monceau et la gamine, qui devait avoir treize-quatorze ans, avait acheté dans sa détresse le Ciné-Revue qui faisait un papier de plusieurs pages sur l'événement en racontant notamment en détail comment les yeux bleus et le cœur de Jon-Erik avaient été transplantés sur des patients en attente. Nous avions dévoré le magazine sur le temps d'étude en nous lamentant sur la cruauté des Dieux. Une fausse rumeur avait même circulé quelque temps après comme quoi le cœur de notre (anti-)héros avait été donné à un type qui avait été plus tard condamné pour assassinat et exécuté sur une chaise au Texas : un scénario digne d'un John Waters de la grande époque !


De Jon-Erik, qui tombait facilement la chemise dans tous ses rôles pour le bonheur des dames [et des messieurs (Note de Daniel C. Hall)], je n'ai pas vu grand chose (mais il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent de toutes façons) à part le très campy The making of a male model (1983), son magnus opus, le téléfilm qui l'avait lancé et où il partageait la vedette avec Joan Collins et Kevin McCarthy. Il y incarne un cowboy innocent et sexy du Nevada découvert par un agent (Collins) qui l'emmène à New York pour le mettre dans son lit et le lancer dans le mannequinat. Le genre de film qui se bonifie avec l'âge (on peut le trouver sur YouTube) et dont on dit qu'on n'en fait plus des comme ça. Enfin, un téléfilm et deux séries, ça ne fait pas vraiment une carrière. Jon-Eric Hexum n'aura donc eu qu'un destin.


Alors, que reste-t-il de Jon-Erik Hexum, vingt-six ans plus tard ? Une poignée d'extraits TV et quelques interviews de lui sur YouTube (il n'avait pas l'air con) plus deux yeux et un coeur qui doivent encore bien se balader quelque part, aux États-Unis ou ailleurs. Et il y a aussi les photos bien sûr, celles d'un beau garçon américain d'origine norvégienne qui semble y incarner dans son assurance naïve un peu de la fragile invincibilité des Eighties. Je les aime bien ces photos de Jon-Erik. J'espère que vous les aimerez aussi.

(Some like it Camp)


par  Tom Peeping


 

Tom Peeping (T.P. pour les intimes, comme Tippi Hedren) aime se promener sur les chemins de traverse du 7ème art et de la télé et s’arrêter pour soulever des pierres. Les films qu’il y déniche, la plupart méconnus ou oubliés, méritent pourtant leur place près de l’arc-en-ciel. Camp, kitsch, queer ou trash, ils racontent une histoire du cinéma des marges. Gays sans l’être tout en l’étant, ils espèrent retrouver dans cette rubrique leur fierté d’être différents.

Tom Peeping, quand il ne visionne pas quelque rareté de derrière les fagots, est conférencier en histoire de l’art et fréquente assidûment les musées parisiens pour y gagner sa vie de vive voix. Il est né dans les Sixties, la décennie du Pop Art, des Yéyés et des Go-Go Girls. Et il rejoint, pour notre (et votre) plus grand plaisir, l'équipe du blog Les Toiles Roses.

 


Je ne sais pas si vous avez entendu parler de ce documentaire : Prodigal sons. C’est dans l’excellent blog américain "Jew Eat Yet" ? que je l’avais vu mentionné il y a près de deux ans déjà et depuis, j’avais essayé de le dénicher sans succès. Un triomphe dans la plupart des festivals dans lesquels il est passé (quelques critiques assassines aussi, ça va toujours avec), un site web dédié (http://www.prodigalsonsfilm.com/), l’énergie de sa communicante réalisatrice et un buzz continuel dans le webspace du cinéma alternatif m’avaient vraiment aiguisé l’intérêt. Sorti en DVD aux États-Unis fin juillet dernier, j’ai enfin pu le voir et l’expérience a répondu à mes attentes. Et au-delà.

Prodigal sons est un documentaire de 86 minutes sur un sujet des plus banals qui soit quand on a une caméra à la main et une occasion de se retrouver en famille : le portrait de cette famille justement, avec ce que cela peut présager d’originalités mais aussi, en même temps, de lieux communs. Toutes les familles ont des polichinelles dans le placard.

Le film de Kimberly Reed, tout en restant dans les codes structurels bien calibrés du reportage familial, les fait pourtant exploser par les invraisemblables (et pourtant vraies) personnalités et identités des quelques personnages auquel il s’attache et par ses brusques changements de cap. Comme l’a remarqué très justement la critique de Time Out New York, Prodigal sons est un film doté de twists outranciers dignes d’un mélodrame d’Almodovar. Seulement Almodovar est dans la fiction, Reed dans la réalité. Et en voyant le film, on doit presque se pincer pour y croire.

Attention, les paragraphes ci-dessous déflorent les révélations de Prodigal sons. Il n’est tout simplement pas possible de parler du film sans les évoquer. Pour celles et ceux (et les autres) qui souhaitent garder intact la stupeur de la découverte, commandez et regardez le film d’abord. Vous reviendrez à cet article par la suite. Vous aurez été prévenus.

La réalisatrice Kimberly Reed (née en 1967)

En 2008, la réalisatrice américaine Kimberly Reed retourne pour la première fois depuis dix ans dans la ville où elle a grandi, Helena (dans le Montana), pour participer à la réunion des vingt ans des anciens élèves de sa High School et pour rendre visite à sa mère. Elle a demandé à ses deux frères d’y être aussi en leur annonçant qu’elle envisageait de réaliser un film à l’occasion de leurs retrouvailles. Dans la voiture qui s’approche d’Helena, Kimberly semble quelque peu angoissée à l’idée de ce qui l’attend.

D’abord parce que ses anciens amis de collège ne connaissent pas du tout Kimberly Reed : ils n’ont que le souvenir de Paul McKerrow, le quaterback star de l’équipe de football américain de leur lycée au milieu des années 80. Ils ont bien sûr entendu parler de sa « transition » mais ont du mal à imaginer leur ex-athlète au féminin. Car Kimberly Reed est transsexuelle : Paul McKerrow a quitté le Montana après la fin de ses études secondaires pour effectuer sa transition et commencer sa nouvelle vie à San Francisco, puis à New York où elle réside et travaille depuis plus de dix ans. Malgré ses craintes, la réunion des anciens élèves se passe parfaitement bien et Kimberly répond aux questions des uns et des autres qui semblent sincèrement heureux de la retrouver sous sa nouvelle identité. Son meilleur ami de l’époque se rappelle avec humour leurs sorties entre potes et son ancienne girlfriend la regarde avec tendresse, seulement interloquée que Kimberly soit venue à la réunion accompagnée de sa partenaire, Claire : elle lui demande (question légitime et abyssale) pourquoi elle est devenue femme si c’est pour être lesbienne ?

 

Kimberly revient sur le terrain de foot de son lycée et nous pose la question terrible : peut-on revenir vers ce (ceux) qu'on a quitté(s) ?

Kimberly est aussi angoissée, parce qu’elle va retrouver Marc, son frère aîné, et que leurs relations n’ont jamais été très bonnes. Marc est le premier enfant de la famille, un enfant adopté. Kimberly (Paul à l’époque) est née juste un an après l’arrivée de Marc et celui-ci a toujours considéré son cadet comme un rival pour l’amour de leurs parents : leurs relations de jeunesse en ont toujours pâti. Et surtout, à 21 ans, Marc a été victime d’un grave accident de voiture dont les séquelles ont nécessité une chirurgie au cerveau : souffrant d’instabilité psychique, il est proie à de brusques accès de violence et de pertes de mémoire qui sont partiellement traités par une impressionnante pharmacopée. Kimberly appréhende leurs retrouvailles qui, en effet, vont se révéler conflictuelles puisque Marc se plaît à revivre mentalement son passé « normal » d’avant son accident alors que Kimberly, elle, ne veut plus entendre parler de cette époque où elle se sentait mal dans son corps de garçon. Leur frère cadet, Todd, né un an après Paul (Kimberly) et qui est aussi aux retrouvailles, reste à distance des tensions entre son frère et sa sœur : il a choisi depuis longtemps de vivre son homosexualité tranquille à San Diego. Trois autres femmes sont présentes dans le film : la mère, l’amie de Kimberly et la femme de Marc. Elles sont les témoins actifs des événements qui vont se précipiter.


Kim (Paul) à gauche, Marc à droite et leurs parents à la fin des Sixties


Les scènes familiales se suivent, ponctuées par des crises de violence physique et verbale, des excuses et des pleurs. Des péripéties amplifiées par un stupéfiant coup de théâtre. Marc veut savoir depuis des années qui sont ses parents biologiques et Kimberly l’aide dans ses recherches, espérant que le fait de connaître la réponse lui procurera un peu de sérénité. La surprise est totale lorsque la famille apprend que Marc est en fait le petit-fils... d’Orson Welles et de Rita Hayworth (le fils de leur fille Rebecca). Ce même Marc qui avait été adopté, bébé, par les McKerrow après que sa mère Rebecca Welles l'ait abandonné. Kimberly décide alors de contacter Oja Kodar, la dernière compagne et la muse d’Orson Welles, qui vit maintenant en Croatie où elle les invite à venir la rencontrer. La rencontre est chaleureuse et émouvante (Oja Kodar pleure d’émotion en donnant à Marc des vêtements et souvenirs de son grand-père) et un réalisateur qui est sur place pour faire un documentaire sur Welles en profite pour interviewer Marc, le petit-fils tout juste retrouvé du génial cinéaste. Mais Marc blesse (inconsciemment ?) sa sœur en montrant à Oja et au réalisateur plein de photos de son enfance où apparaît partout Kimberly sous l’identité qu’elle veut effacer : Paul. Le retour aux États-Unis se fait dans la rancœur entre le frère et la sœur.


Orson Welles, Rita Hayworth et leur fille Rebecca en 1944
Marc est le fils de Rebecca


La seconde partie du documentaire s’attache plus au personnage de Marc, éclairé par son identité biologique nouvellement retrouvée. L’émotion et le stress de l’épisode croatien a provoqué chez lui une aggravation de son état psychique et les actes de violence se multiplient, jusqu’à une tentative d’étranglement de son frère Todd et une menace au couteau contre toute la famille rassemblée lors du réveillon de Noël. La police, appelée par sa mère, le fait mettre en prison où Kimberly va le visiter. Quelque temps plus tard, il est placé sous soins psychiatriques en maison de repos. Kimberly a décidé de prolonger son séjour dans le Montana et à chacune de ses visites à son frère, la caméra tourne et le film se construit. Dans les dernières scènes, lorsque Kimberly repart pour New-York, on comprend que l’avenir n’est pas bien engagé pour Marc et que l’hôpital psychiatrique risque de devenir sa résidence permanente. Les retrouvailles familiales prévues ont donc eu lieu mais la famille, au lieu d’être réunie, s’en est retrouvée irrémédiablement fracturée.

Marc, sa mère adoptive et sa sœur Kimberly

Voilà en quelques paragraphes le sujet de Prodigal sons, un documentaire qui réserve un nombre étonnant de surprises, de scènes et des thèmes d’une force peu commune. J’ai été complètement captivé par l’histoire (comment ne pas l'être ?) et bouleversé par la puissance des émotions qui s’en dégagent ainsi que par les personnalités de ses principaux protagonistes. Kimberly Reed, en prenant sa caméra pour aller filmer sa ville d’enfance et sa famille, a pris un sacré risque. Et c’est ce qui ajoute à la richesse et à la tension de ce documentaire hors norme. Mais c’est aussi quelque chose qui me gêne, non pas dans la forme du film, mais dans son éthique.

En allant confronter son frère Marc et en lui faisant subir le stress d’un tournage (sans compter celui de la révélation de son illustre lignée), Kimberly joue avec le feu. Marc est malade psychiatriquement et le spectateur est témoin d’une bataille féroce basée sur la frustration et dont tous les participants n’ont pas les mêmes cartes en main. Les coups de théâtre successifs viennent pour la plupart des réactions de Marc aux événements qui lui arrivent et aux vieilles rancunes familiales, compliquées par son état instable. La maladie de Marc, si elle est bien le moteur du film, fait considérer celui-ci sous un angle déstabilisant pour le spectateur. Car il peut faire soupçonner Kimberly Reed de manipulation de Marc à des fins sensationelles. Et c’est ce qui me pose problème. C’est Kimberly qui savoure aujourd’hui, après les douleurs d’hier, le triomphe de son film dans les festivals où il est projeté. C’est elle qui est invitée par Oprah Winfrey pour en parler dans son émission en étant vue par des dizaines de millions de spectateurs dans le monde. Kimberly Reed a rencontré le succès avec Prodigal sons et s’est construite son identité de documentariste à succès grâce à son film stupéfiant. Par lui, elle s’assure sa carrière, sa sécurité et son identité tout en ayant tué une bonne fois pour toutes Paul McKerrow, le séduisant quaterback qu’elle était dans sa vie d’avant.


Mais Marc ? Il est mort le 18 juin 2010, un peu moins de deux ans après la première présentation du film au festival de Telluride, après une détérioration rapide de son état. Dans une scène très forte du film (et qui prend rétrospectivement une force supplémentaire), il accuse sa sœur de vouloir qu’il meure pour qu’elle n’ait plus, à chaque fois qu’elle le voit, à devoir affronter son propre passé. L’ombre tragique de Marc plane donc sur Prodigal sons pour qui le découvre aujourd’hui. Et on ne peut s’empêcher d’avoir un pincement au cœur quand on pense à la responsabilité de la cinéaste face à la détresse sur laquelle elle a braqué ses lumières. Marc et Kimberly ont passé une bonne partie de leur vie à s’affronter. Mais qui a eu le dernier mot ?


Kimberly aide Marc à mettre le gilet de son grand-père, Orson Welles,
avec lequel il partage une ressemblance frappante
 
Prodigal sons est un film important, l'un des documentaires les plus extraordinaires – au sens propre du terme – de ces dernières années. Un film d'une profondeur vertigineuse qui s’imprime de façon durable dans la tête de ses spectateurs (en tous cas, il s’est imprimé dans la mienne). Le transsexualisme n’en est pas le sujet, pas plus que le retour, la famille, la folie, l’amour, la haine, Orson Welles ou Rita Hayworth. Tous ces thèmes sont présents dans le film. Mais l'œil du cyclone de Prodigal sons est peut-être le cinéma lui-même, son pouvoir de fascination, de construction et de destruction. Et au-delà, celui de la responsabilité de l’artiste quand il travaille sur le vivant. Au risque d'obliger ses sujets à regarder le Soleil en face.

Le DVD de Prodigal sons est édité par First Run Features (USA) en Zone 0. Format 16/9. Pas de sous-titres.




(Some like it Camp)


par  Tom Peeping


 

Tom Peeping (T.P. pour les intimes, comme Tippi Hedren) aime se promener sur les chemins de traverse du 7ème art et de la télé et s’arrêter pour soulever des pierres. Les films qu’il y déniche, la plupart méconnus ou oubliés, méritent pourtant leur place près de l’arc-en-ciel. Camp, kitsch, queer ou trash, ils racontent une histoire du cinéma des marges. Gays sans l’être tout en l’étant, ils espèrent retrouver dans cette rubrique leur fierté d’être différents.

Tom Peeping, quand il ne visionne pas quelque rareté de derrière les fagots, est conférencier en histoire de l’art et fréquente assidûment les musées parisiens pour y gagner sa vie de vive voix. Il est né dans les Sixties, la décennie du Pop Art, des Yéyés et des Go-Go Girls. Et il rejoint, pour notre (et votre) plus grand plaisir, l'équipe du blog Les Toiles Roses.

 

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Fiche technique :

Avec Sal Mineo, Juliet Prowse, Jan Murray, Elaine Stritch, Margot Bennett, David J. Travanti, Diane Moore, Frank Campanella, Bruce Glover, Tom Aldredge, Rex Everhart, Alex Fisher, Stanley Beck et Casey Townsend. Réalisation : Joseph Cates. Scénario : Arnold Drake et Leon Tokatyan. Directeur de la photographie : Joseph C. Brun. Compositeur : Charlie Calello.

Durée : 94 mn. Disponible en VO.

 

 

Résumé :

Norah (Juliet Prowse) est une jeune femme libre qui gagne sa vie en attendant des temps meilleurs comme D.J. d’une boîte de nuit new-yorkaise. Des coups de fil anonymes salaces qu’elle reçoit chez elle depuis peu l’inquiètent car elle a la vague impression que son tourmenteur la connaît. Elle se confie à un policier spécialiste des pathologies sexuelles (Jan Murray), qui commence une enquête. Les appels se multipliant, Norah accepte l’offre de sa patronne (Elaine Strictch) de venir loger chez elle : hélas, celle-ci fait des avances à la jeune femme qui la met à la porte.


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L’éconduite se fait tuer dans une ruelle sombre des abords de l’appartement de Norah. La jeune femme se rapproche alors d’un de ses collègues (Sal Mineo), serveur dans le night-club, un culturiste timide à la sexualité incertaine qui habite avec sa sœur cadette, handicapée mentale. Norah apprendra à ses dépens qu’il faut se méfier de ce genre de type…


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L’avis de Tom Peeping :

Un post sur un blog ami (Fears for Queers, merci BBJane !) m’a permis de découvrir un film obscur dont l’originalité et l’audace m’ont d’abord surpris, ensuite enchanté : Who Killed Teddy Bear ? de Joseph Cates. Récemment sorti en DVD Z2 UK, le film est un petit chef-d’œuvre de cinéma de genre.

Il s’agit d’un thriller américain de 1965 dont l’accumulation de scènes osées pour l’époque génère stupeur sur stupeur.


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Who Killed Teddy Bear ? est un peu Les Infortunes de la vertu revu par le cinéma indépendant new-yorkais. La malheureuse héroïne navigue de Charybde en Sylla pendant toute la durée du film : poursuivie au téléphone par un pervers anonyme, désirée par une prédatrice lesbienne, inquiétée par un flic obsédé de perversions, abusée par un collègue auprès duquel elle espérait le réconfort… Elle tombe de désillusion en désillusion et ne sait plus, en fin de compte, à quel Saint se vouer. La malheureuse ne connaitra pas le destin funeste de Justine mais elle sortira cependant de son odyssée fort ébranlée.


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En plus de ce carnaval de déviances, Who Killed Teddy Bear ? réserve bien d’autres surprises, comme ce mélange de scènes tournées en studio (les scènes d’appartement et de night-club) et d’autres tournées dans les rues de Manhattan pendant l’hiver 1964 avec une caméra sans doute très discrète qui saisit dans leur immédiateté le quotidien des rues de l’époque. Le réalisme documentaire de ces séquences leur confère un fort sentiment de cinéma-vérité : certains passants s’arrêtent pour observer l’équipe du film faire son travail et les travelings nocturnes révèlent la faune interlope de Times Square et de la 42e rue qui n’étaient pas encore le territoire des touristes. L’influence de Blast of Silence (autre film indépendant new-yorkais, réalisé en 1961), de Melville et de la Nouvelle-Vague est évidente et maîtrisée : Joseph Cates connaissait ses classiques contemporains. Le directeur de la photographie d’origine française, Joseph Brun, utilise formidablement bien un noir et blanc un peu sale qui convient à merveille aux zones plus qu'obscures de l’histoire.


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Les acteurs sont excellents dans des rôles qui se prêtent pourtant, sur le papier, à toutes les outrances. La charmante Juliet Prowse d’abord, parfaite en victime pleine de résilience. La jeune actrice et danseuse sud-africaine à la silhouette longiligne et au visage mutin (ses yeux de chat et son sourire désarmants sont de ceux qui ne s’oublient pas) réussit à transmettre au spectateur les émotions contrastées par lesquelles passe son personnage. Elle est sublimement sexy dans l’avant-dernière scène du film, une longue séquence où elle danse avec Sal Mineo sur un air de pop : on croit aisément Elvis qui ne tarissait pas d’éloges sur elle après l’avoir eue comme partenaire dans G.I. Blues (1960). Dans des seconds rôles à forte personnalité, la grande dame de Broadway Elaine Stritch, imposante de présence, donne à la patronne du club la dose d’ambigüité qu’il faut et Jan Murray, en flic hanté par la mort violente de sa femme, provoque l’inquiétude par ses silences et ses regards pleins de sous-entendus. Mais le film permet surtout la révélation de Sal Mineo, dont c’est sans doute le rôle le plus casse-gueule.

 

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Exploitant son physique nerveux bien connu depuis La Fureur de vivre (tourné dix ans plus tôt), le réalisateur lui permet de jouer sur sa propre ambigüité, entre fragilité et névrose. Sal Mineo s’est investi à fond dans son rôle, qui, pensait-il, allait réveiller une carrière sur la pente descendante et mettre fin aux rumeurs d’homosexualité dans lesquelles il se débattait alors. En voyant le film aujourd’hui, on ne peut qu’être interloqué par cette ambition évidemment vouée à l’échec : Who Killed Teddy Bear ? était, en 1965, aux antipodes du genre de film qui aurait permis à ses participants de se refaire une santé au soleil d’Hollywood. Le film précipita la chute de l’acteur qui poursuivit quelque temps sa carrière dans des séries télévisées avant de mourir prématurément à 37 ans en 1976, assassiné dans des circonstances qui n'ont jamais été éclaircies. À ma grande surprise, Who Killed Teddy Bear ? a réussi à me rendre plus sensible à Sal Mineo, un acteur dont je ne pensais jusqu’alors pas grand-chose.

Who Killed Teddy Bear ? est donc un thriller psychosexuel aux audaces scénaristiques stupéfiantes pour 1965. Plein de scènes ne manqueront pas d’étonner les amateurs de bizarreries d’images et de dialogues : le formidable générique de début, avec ses deux corps nus qui s’étreignent en gros plan sur un lit (sur un visuel et une chanson fortement inspirés de Goldfinger) ; ce policier veuf qui se repasse en boucle les confessions de psychopathes sur des bandes magnétiques et qui vit avec sa fille de 12 ans (qui lui demande, lorsqu’il ramène Juliet Prowse chez eux, si « c’est une pute ? ») ; l’évocation des masturbations du type du téléphone ; le personnage de la sœur demeurée (car tombée sur la tête après avoir surpris son frère au lit avec on ne sait qui !) ; les exercices de musculation de Sal Mineo, à la charge puissamment homo-érotique ; le panoramique plein d’enseignements sur les rayonnages de livres d’une boutique pour adultes (où figurent entre autres côte-à-côte Psychopathia Sexualis, Tropique du Cancer et Le Festin nu) ; les nombreuses scènes avec Prowse ou Mineo en sous-vêtements ; le surprenant viol final ; l'image arrêtée qui ferme le film…


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Et puis, pour alléger toute cette poisse (je ne parle pas de Prowse ou Mineo en sous-vêtements), il y a ces longues séquences de danse de toute évidence placées dans le film pour en rallonger la durée à moindre frais : les danseurs sur la piste du night-club sur « Born to be bad » (dont un formidable couple de noirs à l’impressionnant sens du rythme) et les mouvements endiablés de Juliet Prowse et de Sal Mineo à la fin, sur « It could have been me » (ces deux-là savaient bouger, dans des genres très différents !), deux morceaux pops spécialement écrits pour le film par Al Kasha et Bob Gaudio et introuvables depuis (j'ai pourtant cherché). Certains spectateurs regrettent ces deux séquences musicales qui ralentissent l’action. Pour ma part, je les adore : en plus d’être de vraies time-capsules de pop sixties, elles offrent des contrepoints formels qui renforcent l’étrangeté de tout ce qui se passe autrement à l’écran.


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Who Killed Teddy Bear ? est un film qui ne ressemble à rien de connu au milieu des années 60 : part thriller, part drame psychologique et part exploitation (et c’est bien sûr la meilleure part !), il garde, près de 45 ans après sa réalisation, sa capacité à surprendre et même, et c'est beaucoup plus rare, à choquer. Évidemment, sa sortie en 1965 déclencha les foudres de la censure américaine qui effectua quelques coupes dans les scènes les plus indécentes et le film fut tout simplement interdit en Angleterre (refus de certificat) : sa récente sortie en DVD au Royaume-Uni marque donc la toute première fois que le film est visible dans le pays, établissant une sorte de record de délai de diffusion.

C’est donc une belle découverte que ce Who Killed Teddy Bear ?, rarissime petit joyau noir des Sixties qui osait s’aventurer sur des terrains bien marécageux pour l’époque. Klute, Taxi Driver, Hardcore... sont juste au coin de la rue. Une bizarrerie qui a tous les arguments d'un film-culte, d'un vrai.


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Entre nous : vous vous souvenez peut-être de cette inénarrable chanson de notre Sheila nationale au début des années 80 : « L’Amour au téléphone » ? Eh bien Who Killed Teddy Bear ?, le croiriez-vous, m’y a fait repenser. Fallait le faire ! Et chacun a les références qu'il mérite.

 

Des nymphos, des homosexuels,

Sado-masos et je ne suis pas spécialiste !

Et j'ai même entendu a un cocktail

La plus bizarre de la liste :

L'amour au téléphone !

L'amour au téléphone !

L'amour au téléphone !

L'amour au téléphone !

Dans cette débauche phénoménale,

On est normaux, nous,

Est-ce bien normal ?

Où ? Où ? Où allons-nous ?

 

Le DVD anglais de Who Killed Teddy Bear ? est de très bonne qualité avec seulement quelques variations peu gênantes dans l’image dues aux diverses copies qui ont permis la réintroduction des séquences censurées. Très curieusement, le splendide générique de début montre des corps nus flous alors que l'extrait YouTube (ci-dessous) du même générique les montre nets : un parfait exemple de traficotage d’image par les censeurs. Ça aurait été bien que l’éditeur du DVD (Network) ait pu avoir accès à la séquence non floutée. Pas de sous-titres.

 

 

 

 

(Some like it Camp)


par  Tom Peeping


 

Tom Peeping (T.P. pour les intimes, comme Tippi Hedren) aime se promener sur les chemins de traverse du 7ème art et de la télé et s’arrêter pour soulever des pierres. Les films qu’il y déniche, la plupart méconnus ou oubliés, méritent pourtant leur place près de l’arc-en-ciel. Camp, kitsch, queer ou trash, ils racontent une histoire du cinéma des marges. Gays sans l’être tout en l’étant, ils espèrent retrouver dans cette rubrique leur fierté d’être différents.

Tom Peeping, quand il ne visionne pas quelque rareté de derrière les fagots, est conférencier en histoire de l’art et fréquente assidûment les musées parisiens pour y gagner sa vie de vive voix. Il est né dans les Sixties, la décennie du Pop Art, des Yéyés et des Go-Go Girls. Et il rejoint, pour notre (et votre) plus grand plaisir, l'équipe du blog Les Toiles Roses.

 

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Fiche technique :

Avec Charlotte von Mahlsdorf, Jens Taschner, Ichgola Androgyn, Robert Dietl, Beate Jung, Sylvia Seelow, Evelyn Cron, Utz Krause, Rainer Luhn, Heiner Carow, Tima die Göttliche, Lina Androwna, Ovo Maltine, Bert Pesalla et Andreas Schroeck. Réalisation : Rosa von Praunheim. Scénario : Valentin Passoni et Rosa von Praunheim, d'après les mémoires de Charlotte von Mahlsdorf.

Durée : 90 mn. Disponible en VO et VOSTanglais.

L'avis de Tom Peeping :

Les films ou les documentaires sur des personnages réels dont les vies accumulent des péripéties à damner le pion aux scénaristes les plus enfiévrés sont un de mes genres préférés. Je suis ma propre Femme (Ich bin meine eigene Frau), le docudrama allemand de Rosa von Praunheim sur Charlotte von Mahlsdorf, les enterre tous.

Charlotte von Mahsldorf (1928-2002) naquit Lothar Berfelde à Berlin. Préférant la couture des robes aux jeux de ballons, l’adolescent qui subissait les railleries de ses camarades de classe quitta l’école pendant la guerre pour aller travailler chez un antiquaire dont il devint l’amant et qui allait se fournir à l’œil, la nuit, dans les appartements abandonnés par les juifs. Victime avec sa mère des violences répétées de son père (qui était membre actif du parti Nazi), Lothar décida en 1944, à 16 ans, de régler le problème. Après avoir, au sens propre, « tué le père » à coups de rouleau à pâtisserie, il fut placé quelques temps en institution psychiatrique puis condamné à quatre ans de prison par la justice nationale-socialiste. Libéré dès la fin de la guerre, il alla habiter chez sa tante (sa vraie tante, pas l'antiquaire !), une femme qui préférait les femmes, s’habillait en homme chez elle et permettait à Lothar de porter ses robes de ville. « La Nature nous a vraiment joué un drôle de tour ! » la tante avait-elle l’habitude de dire à son neveu. Se prostituant à l’occasion à des notables pour arrondir ses fins de mois tout en se constituant un carnet d’adresses et ayant pris le goût de piller les appartements en ruines de Berlin, Lothar fit jouer ses relations pour obtenir l’autorisation d’occuper gratuitement un manoir abandonné en attente de démolition dans le quartier de Berlin-Mahlsdorf. Il y déposa ses antiquités chapardées et ouvrit le bâtiment au public sous le nom de "Gründerzeit Museum" (la "Période des Fondateurs", soit les années 1840-1870), un musée tout à la gloire du mobilier et des objets de la petite bourgeoisie berlinoise du milieu du XIXe siècle.

 

Lothar à 11 ans et Charlotte cinquante ans plus tard.


Maintenant habillé en femme à la maison comme à la ville (le plus souvent d’une blouse ou d’un pull, d’un fichu et d’un collier de perles mais toujours sans aucun maquillage) et ayant changé son nom pour celui plus fleuri de Charlotte von Mahlsdorf, Lothar devint conservatrice de musée, une vraie self-made woman qui géra de façon artisanale sa collection pendant presque trente ans avec l’assistance de quelques gays et lesbiennes berlinois sortis du placard, y organisant des visites guidées et des événements communautaires à la barbe des autorités. Mais les Communistes (pendant la Guerre Froide, le quartier de Mahlsdrof était passé à Berlin-Est) virent cette équipe haute en couleurs et les rumeurs de réunions d’homosexuel(le)s dans les lieux d’un très mauvais œil : en 1974, ils voulurent récupérer le musée pour en faire une institution d’État et virer le personnel. Après maintes tracasseries policières et administratives de la part des Cocos, une période au cours de laquelle Charlotte distribuait les objets du musée à ses visiteurs en signe de protestation, l’Allemagne de l’Est capitula et lui laissa la jouissance du bâtiment et de ses collections.

Mais avec la chute du Mur en 1989, une autre menace apparut : celle de l’Extrême-Droite, dont les Skinheads harcelèrent Charlotte et ses collaborateurs. En 1991, ils saccagèrent le musée et cassèrent la gueule à l’équipe et aux invités après s’être introduits dans les lieux pendant une soirée LGBT. Fatiguée par ces soucis et n’ayant plus vraiment le cœur à continuer, Charlotte passa la main à un couple de filles moustachues et quitta Berlin pour la Suède en 1997, cinq ans après avoir reçu une Médaille d’Honneur de la Ville en 1992. L’année du départ de Charlotte, la ville de Berlin rachetait le musée et le gère toujours aujourd’hui, sous le nom mémorable de « Gründerzeitmuseum Mahlsdorf u. Förderverein Gutshaus Mahlsdorf e.V. » (ah, ces Allemands !). Charlotte von Mahlsdorf, citoyenne d’honneur de la Ville de Berlin, est morte à 74 ans d’une crise cardiaque lors d’une visite à Berlin en 2002. Elle y est enterrée, en robe et collier.

Un personnage tel que Charlotte von Mahlsdorf ne pouvait que rencontrer et séduire Rosa von Praunheim (né Holger Bernhard Bruno Mischwitzky en 1942), le turbulent écrivain, réalisateur et figure de proue de l’activisme gay berlinois depuis les années 1960. En 1992, Rosa von P. décida de consacrer un film à Charlotte von M., qui était alors une amie de longue date. Charlotte venait d’écrire ses mémoires Ich bin meine eigene Frau (Je suis ma propre Femme) et le livre servit de base au scénario tout en donnant son titre au film. Moins outrancier et plus grand public (enfin, tout est relatif !) que la plupart de ses autres productions, Je suis ma propre Femme est sans doute (avec Der Einstein des Sex, son très bon biopic de 1999 consacré à Magnus Hirschfeld, le pionnier des droits des homosexuels), le film le plus accessible de Rosa von Praunheim. Et un film-culte malheureusement trop peu visible depuis sa première sortie.

 

Les trois incarnations de Charlotte dans le film.


Je suis ma propre Femme raconte de façon chronologique la vie invraisemblable mais vraie de Lothar/Charlotte. Doté, comme tous les projets de Rosa von Praunheim, d’un budget dérisoire, le film compense son évident manque de moyens par une inventivité, un humour et une implication magistrale de tous ses participants, pour ne pas parler des surprises sans cesse renouvelées de l’histoire et du scénario. Le métier de documentariste de Rosa von Praunheim transperce sous celui de réalisateur de fiction et rend le film, au-delà de l’intérêt de son histoire, passionnant pas ses audaces structurelles.

Si les scènes du premier tiers de Je suis ma propre Femme (l’enfance de Lothar et son adolescence sous le Troisième Reich) furent tournées en studio ou dans des décors simples mais crédibles, le reste du film utilise les lieux réels dans lesquels s’est déroulée la vie de Charlotte, et notamment le Gründerzeit Museum, dont le film est donc aussi, en quelque sorte, une visite guidée. De temps en temps, des flashbacks proches ou lointains évoquent l’histoire des lieux, comme cette surprenante scène dans laquelle on découvre les bals travestis qui se tenaient dans le bâtiment du musée au milieu du XIXe siècle quand des jeunes hommes habillées en belles dames rejoignaient des gradés de l’armée prussienne dans les chambres après des soirées-concerts. À partir du moment où le film commence à raconter Charlotte en son musée, il prend une tournure assez fascinante, qui utilise à la fois les ressources du documentaire et de la fiction. Comme Lothar fut Charlotte et comme Holger est Rosa, le film se joue des apparences et brouille sa nature sous une double identité, pour le plus grand plaisir du spectateur.

Charlotte est jouée par trois acteurs différents selon l’âge de son personnage : l’adolescent et le jeune adulte sont interprétés par deux comédiens dont les prestations ne méritent sans doute pas un Grand Prix d’Interprétation mais qui restituent parfaitement les complexités de Lothar/Charlotte et n’ont pas peur de se donner corps et âmes aux situations les plus cocasses ou scabreuses. Et, dans un effet splendidement brechtien, Charlotte âgée est jouée… par Charlotte von Mahlsdorf elle-même (63 ans lors du tournage), qui interprète donc son propre rôle pendant la dernière partie du film. La personnalité apparemment très sympathique de Charlotte imprègne tout ce dernier tiers, au cours duquel la frontière entre le documentaire et la fiction est abolie. Rosa von Praunheim nous donne d’ailleurs un avant-goût de la présence de la vraie Charlotte dans une étonnante scène des débuts du film, quand, lors d’une séance SM des années de jeunesse du personnage, Charlotte fait une première apparition à l’écran, en corrigeant l’acteur qui l’incarne avec des indications sur la manière de donner un coup de cravache sur des fesses nues. C’est surprenant, ingénieux, amusant. De la même manière, les collaborateurs de Charlotte au musée sont joués par les véritables personnes elles-mêmes. La scène de saccage par les Skinheads a donc dû réveiller, pour les protagonistes du film, de biens mauvais souvenirs.

Je suis ma propre Femme dresse le portrait inoubliable d’une personnalité hors du commun, un jeune homme qui s’est « très tôt senti femme à l’intérieur » et qui, poussée par sa tante bienveillante, a choisi de passer sa vie habillé en femme (mais pas du tout de façon flamboyante : Charlotte von Mahlsdorf, passionnée par le milieu tout petit-bourgeois du XIXe siècle, ayant toujours préféré les chemisiers blancs à col-dentelle et les blouses de femme d’intérieur aux tenues des cocottes et des grandes dames) en traversant les bouleversements politiques de l’Allemagne entre les années 1930 et les années 1980. Travesti mais pas transsexuel (Charlotte von M. n’a jamais voulu être opéré et ignorait royalement son service trois-pièces), Charlotte réfutait d’ailleurs les deux termes et disait qu’elle était naturellement « une femme dans un corps d’homme » et même, pour compliquer les choses, qu’elle se sentait en fait « profondément lesbienne ». On en perd les pédales…

Le film donne de Charlotte von Mahlsdorf une image très positive et sympathique : affranchie, volontaire, obstinée, résiliente et activiste, elle ne peut que forcer l’admiration. Dans la réalité, les choses sont plus nuancées car depuis la sortie de son autobiographie et du film, de nombreuses voix se sont élevées contre cette image un peu trop respectable. En effet, ses activités de pillage des appartements juifs abandonnés pendant la guerre pour en récupérer le mobilier, ses probables accointances avec la Stasi (les services secrets de la RDA) – Charlotte von. M. est fortement soupçonnée d’avoir été informatrice pendant les années 1970 – et quelques déclarations tardives malheureuses sur les gays et les lesbiennes ont quelque peu terni la légende et provoqué des remous au moment de sa décoration par la Ville de Berlin. Ces zones d’ombre rendent le personnage encore plus complexe qu’il ne l’est déjà et donnent le sentiment que son inaltérable sourire de mamie-gâteau à la dégaine impossible a en fait caché bien des secrets. Une personne réelle qui aurait eu tant à revendre aux écrivains en mal d’inspiration, Charlotte von Mahlsdorf est devenue, avec le temps, une figure hautement romanesque qui ne peut que fasciner ceux qui la découvrent.

 

L'affiche de la pièce (notez les symboles dans les perles).


Pour preuve, la création en 2003 de la pièce I am my own Wife de Doug Wright, qui triompha d’abord Off-Broadway avant de passer à Broadway. La pièce, basée sur le livre de Charlotte, le film et ses rencontres avec l’auteur, a obtenu en 2004 les deux récompenses les plus prestigieuses qu’une pièce de théâtre peut remporter aux États-Unis : le Pulitzer Prize (Drama) et le Tony Award (Best Play). À ce jour, la pièce a été traduite dans de nombreuses langues et est toujours jouée dans plusieurs pays, passée du statut de création underground à celui de classique contemporain.



Alors, si vous en avez un jour l’occasion, n’hésitez pas à vous pencher sur le cas que fut la Fräulein von Mahlsdorf : ce n’est pas tous les jours que vous croiserez un Lothar qui s’appelait Charlotte et qui a réussi l’exploit de se débarrasser successivement de son père, des Nazis, des Communistes et des Skins avec du culot, une blouse et un plumeau.

J'ai découvert Je suis ma propre Femme un soir il y longtemps sur Arte, par hasard. Une VHS du film existe en cherchant un peu, ainsi qu'un DVD US (bootleg de qualité très médiocre). Le livre, dans sa version allemande ou traduction anglaise, est facilement trouvable.

 

(Some like it Camp)


par  Tom Peeping


 

Tom Peeping (T.P. pour les intimes, comme Tippi Hedren) aime se promener sur les chemins de traverse du 7ème art et de la télé et s’arrêter pour soulever des pierres. Les films qu’il y déniche, la plupart méconnus ou oubliés, méritent pourtant leur place près de l’arc-en-ciel. Camp, kitsch, queer ou trash, ils racontent une histoire du cinéma des marges. Gays sans l’être tout en l’étant, ils espèrent retrouver dans cette rubrique leur fierté d’être différents.

Tom Peeping, quand il ne visionne pas quelque rareté de derrière les fagots, est conférencier en histoire de l’art et fréquente assidûment les musées parisiens pour y gagner sa vie de vive voix. Il est né dans les Sixties, la décennie du Pop Art, des Yéyés et des Go-Go Girls. Et il rejoint, pour notre (et votre) plus grand plaisir, l'équipe du blog Les Toiles Roses.

 


L’autre jour dans une librairie, je suis tombé par hasard sur un beau volume des rééditions des aventures de Rahan, mon héros de BD préféré quand j’étais gamin. C’était même mon seul héros de BD parce qu’à part Astérix et Tintin de temps en temps, parce qu'il le fallait bien, je n’ai jamais accroché avec la bande dessinée, ni hier, ni aujourd’hui.


Je me suis dit : « Tiens, Rahan ! » et j’ai acheté par pulsion ce volume 1 de la nouvelle Intégrale Rahan (celle en en noir et blanc) rééditée par les éditions Soleil. Par pure nostalgie. En dos de couverture, j’ai vu qu’on célébrait cette année les 40 ans de Rahan, né de Roger Lécureux (1925-1999) et André Chéret (n. 1937) en 1969 dans le premier numéro de Pif Gadget. Je n’en avais aucune idée : ça devait faire bien plus de trente ans que je n’avais pas ouvert un Rahan et le personnage s’était estompé dans le lointain.

C’est vrai, j’avais pourtant pieusement conservé chez moi l’ensemble des albums Rahan rouges originaux (du genre du n° 5, ci-dessus) que je dévorais autrefois. Mais je n’avais jamais eu la tentation de les relire : ils faisaient partie de mon enfance, du domaine des souvenirs. C’est donc sans attente particulière que j’ai commencé à lire il y a quelques jours le premier épisode du volume 1 de l’Intégrale Rahan : « Le Secret du Soleil ». Et là, il s’est passé quelque chose de bizarre.


D’abord, j’ai redécouvert les premières cases comme au premier jour, sans aucun effet « madeleine de Proust » et je me suis pris à me passionner à nouveau pour cette aventure du Fils des Ages Farouches, pas tant pour les péripéties de l’histoire (encore que, ça fonctionne toujours sacrément bien malgré la naïveté !) mais pour la beauté des dessins et la créativité dynamique des compositions – les dessins de l’Intégrale Rahan en noir et blanc sont splendides dans leur détails – et pour les questions que je ne m’étais jamais posées jadis, comme par exemple : si Rahan rencontre une tribu de Noirs, c’est qu’il ne devait pas être très loin de l’Afrique. Je me suis rendu compte que je n’avais jamais pensé à la localisation géographique des territoires qu’il traversait au cours de ses pérégrinations : il devait vivre en Europe, point. J’ai aussi remarqué de façon plus précise l'orientation subtilement communiste des histoires racontées, qui m'intriguait bien de temps en temps jadis. Et puis, au moment de la scène de sa découverte du boomerang, les souvenirs ont commencé à ressurgir. Je me la rappelais bien, cette scène-là ! En quelques instants, au fil des pages, je me suis mentalement retrouvé chez mes grands-parents en Bretagne pendant les vacances, en train de lire avec passion les épisodes des Rahan Trimestriel. Et les sensations sont revenues alors que je redécouvrais case par case des dessins et des histoires familières que je pensais avoir oubliées depuis belle lurette. La Manta ! La caverne engloutie ! Le crâne de mammouth ! Le petit d’homme ! Les iguanes carnivores ! Non seulement je retrouvais les aventures de Rahan mais comme avec un puzzle qui révèle son image morceau par morceau, je voyais à l’avance ce qui allait lui arriver quelques cases plus tard. Et je ne me trompais pas : Rahan allait s’échapper de la caverne inondée en grimpant sur des épieux plantés dans une faille ; il allait mettre à terre et briser le crâne du Dieu Mammouth ; il allait être jeté d'une falaise vers un sol jonché de squelettes ; il allait se battre avec l’énorme pieuvre qui allait surgir d’un tunnel noyé… J'expérimentais un effet de déjà-vu des plus excitant.


Les images ont défilé comme un film et je me suis rendu compte avec surprise que je me souvenais des aventures de Rahan comme d’histoires en mouvement, en couleur et sonores. Mon souvenir d’adulte de mes lectures d’enfant de Rahan était donc totalement cinématographique (mais il en est peut-être de même pour tous les lecteurs de BD, je ne sais pas). Je me suis aussi souvenu que c’est vers ces mêmes années que j’ai du voir King Kong pour la première fois à la télévision. L’impression fut immense et le film a décidé, c’est tout au moins ce que j’aime à penser, de mon amour du cinéma. King Kong et Rahan partagent d’ailleurs des terrains communs et je me suis pris à me demander si je n’avais pas fait plus tard des études d’archéologie paléolithique en réponse inconsciente à ma fascination pour les aventures de Rahan et la tragédie du Roi Kong. Qui sait ? C’est bien possible.

Bref, le plaisir de la redécouverte de Rahan a été formidable, me procurant de grands moments de bonheur qui se sont prolongés au fil des épisodes que je lisais doucement, avec des pauses, comme on déguste un bon verre de vin. Ça n’a pas été des moments régressifs mais plutôt des petits retours nostalgiques à l’insouciance et aux petits drames de l’enfance. Je me suis revu un été dans le Finistère Nord, courant en panique avec ma grand-mère de buralistes en marchands de journaux pour essayer de trouver un numéro de Rahan Trimestriel qui était en rupture de stock : on avait finalement déniché le dernier chez Guiguite (comment puis-je encore me souvenir de son nom, à celle-là ? Elle aurait sans doute plus de 110 ans aujourd’hui…), la vieille marchande de journaux à moustaches du bourg. Je ressens encore la joie inouïe de tenir le magazine tant convoité dans mes mains et de pouvoir goûter aux dernières aventures de Ceux-qui-marchent-debout.

LA case mémorable de l'épisode « Le Dieu Mammouth »

Et puis il y a eu la redécouverte de cette case de l’épisode « Le Dieu Mammouth » (l’épisode 6 de l’Integrale vol.1). Une case toute simple mais qui m’a fait un effet auroch. Rahan, les cheveux trempés et dessiné en buste, y pose ses mains sur ses hanches en regardant sa ceinture (une tribu lui a volé son coutelas d’ivoire). En revoyant ce dessin, j’ai retrouvé en un instant le sentiment que j’avais ressenti quand je l’avais vu pour la toute première fois, il y a si longtemps. Un sentiment de désir puissamment érotique, je m’en souviens encore, qui m’avait totalement déstabilisé. Le torse nu de Rahan, ses pectoraux finement musclés, son nombril, ses longs cheveux blonds mouillés, ses mains sur ses hanches… m’avaient complètement chamboulé. J’avais un peu honte de mon attirance pour ce corps d’homme qui me semblait si beau, mais pendant les jours qui avaient suivi la découverte de cette image incroyable, j’avais rouvert le magazine je ne sais combien de fois pour pouvoir la contempler encore et encore. Je n’avais jamais rien vu de si troublant. J’avais huit ans (j’ai vérifié en ressortant le magazine d’origine, le « Rahan Trimestriel n° 1 » : il date de 1972). Aujourd’hui, trente-sept ans plus tard, j’ai compris pourquoi le petit garçon que j’étais, qui n’aimait pourtant pas les bandes dessinées, cassait les pieds à ses parents et grands-parents pour qu’ils lui achètent dès sa sortie un magazine de bande dessinée qui racontait les histoires d’un jeune homme solitaire qui vivait dans un monde étrange et plein de dangers. J’adorais les aventures de Rahan, fasciné à la fois par ses aventures et par son corps. La sortie d’un nouveau numéro du magazine était un moment que j'attendais avec une impatience indescriptible. Un rendez-vous aventurier et sensuel de l'ordre du fantasme qui me faisait battre le cœur d'une façon que je ne pouvais tout-à-fait identifier.


En relisant Rahan, j’ai d’ailleurs découvert avec curiosité et amusement à quel point André Chéret, son dessinateur, offrait en abondance le corps viril de son héros à ses admirateurs (et admiratrices sans doute, bien que je ne me souvienne pas avoir jamais rencontré de fan féminine de Rahan) : toujours vêtu de son court pagne de peau, Rahan, qui est pratiquement capturé et mis en péril dans chaque épisode, est montré sous toutes ses coutures dans les positions les plus révélatrices. Écartelé au sol, pendu par les poignets, plongeant dans une rivière, dormant sur la fourche d'un arbre... Le dessin extraordinairement dynamique de Chéret, qui fait grand usage de la contre-plongée, du raccourci forcé et des angles bizarres, explore le corps dénudé de Rahan comme peu d’autres héros de BD en ont eu l’honneur (à part le Tarzan de Burne Hogarth, évidemment, mais je ne suis pas certain que le dessin de son Tarzan soit aussi érotisé que celui de Rahan). Revenu aux aventures de Rahan aujourd’hui, j’y retrouve – avec le sourire, vous pensez, un héros préhistorique peut-être homo et sans doute coco ! – un peu du trouble et de la légère confusion que je ressentais à leur lecture il y a près de quarante ans, au temps de l’innocence.

Un héros pas si farouche

J’ai laissé tomber Rahan à l’adolescence : bien m’en a pris car j’ai entendu dire que ses créateurs, Lécureux et Chéret, l’avaient plus tard marié à une Rahane (trahison !), qu'il avait eu une tripatouillée de gosses et que son dessin avait évolué, le physique du Fils de Crao s’étant mis à ressembler de plus en plus, avec sa tignasse, ses pommettes hautes, ses lèvres épaisses et ses yeux en amande, à celui de Jocelyn Wildenstein.

Il me semble qu’il y a quelques années, un projet de réaliser un film d’après les aventures de Rahan était sur la bonne voie. En googlant, j’ai vu que c’était Christophe Gans (yak !) qui devait s’y coller et qu’un certain Mark Dacascos devait incarner mon héros de BD préféré. En voyant les photos du type, il n’aurait peut-être pas été si mal. Mais il aurait fallu qu’il porte une perruque blonde et là, on pouvait craindre le pire… Enfin, le projet semble avoir fait long feu et c’est sans doute pour le meilleur…

J’ai maintenant lu les Volumes 1, 2 et 3 de l’Intégrale Rahan en noir et blanc des éditions Soleil, avec toujours autant de plaisir et de volées de souvenirs, et j’attends de pied ferme les deux derniers volumes de cette anthologie des 40 ans. Rahaaaaaa !

(Some like it Camp)


par  Tom Peeping


 

Tom Peeping (T.P. pour les intimes, comme Tippi Hedren) aime se promener sur les chemins de traverse du 7ème art et de la télé et s’arrêter pour soulever des pierres. Les films qu’il y déniche, la plupart méconnus ou oubliés, méritent pourtant leur place près de l’arc-en-ciel. Camp, kitsch, queer ou trash, ils racontent une histoire du cinéma des marges. Gays sans l’être tout en l’étant, ils espèrent retrouver dans cette rubrique leur fierté d’être différents.

Tom Peeping, quand il ne visionne pas quelque rareté de derrière les fagots, est conférencier en histoire de l’art et fréquente assidûment les musées parisiens pour y gagner sa vie de vive voix. Il est né dans les Sixties, la décennie du Pop Art, des Yéyés et des Go-Go Girls. Et il rejoint, pour notre (et votre) plus grand plaisir, l'équipe du blog Les Toiles Roses.

 

 

Fiche technique :

Avec Al Pacino, Meryl Streep, Emma Thompson, Mary-Louise Parker, Jeffrey Wright, Patrick Wilson, Justin Kirk, Ben Shenkman. Réalisation : Mike Nichols. Scénario : Tony Kushner, d’après sa pièce de théâtre. Compositeur : Thomas Newman.

Durée : 2 fois 150 minutes. Disponible en VO, VOST et VF.




Résumé :

Dans les années 80, l'Amérique est touchée par le SIDA qui apparaît à l'époque comme le cancer des homosexuels. Les symptômes physiques obligent les gays à faire leur "coming out". Montrés du doigt, les malades doivent cependant faire face...



Empreinte de compassion, d'humour et de fantastique, cette saga ne peut laisser personne indifférent. Portrait critique d'une Amérique en proie à d'inextricables paradoxes touchant aussi bien à la sexualité qu'à la morale.



L’avis de Tom Peeping :

Angels in America, un téléfilm de 6 heures réalisé par Mike Nichols, a raflé en 2004 le record de 11 trophées à la cérémonie des Emmy Awards (record précédemment détenu par Racines en 1977 avec 9 trophées). Était-ce vraiment mérité ?



Ce téléfilm HBO d'un budget colossal de 60 millions de dollars, tiré de la pièce de théâtre homonyme de Tony Kushner (qui avait reçu le Prix Pulitzer et le principal Tony Award en 1993), raconte les conséquences personnelles et collectives du SIDA dans le parcours de plusieurs américain(e)s de la seconde moitié des années 1980. C'est aussi et surtout un manifeste politique gay et une œuvre américaine archétypique (faite par et pour les américains).



Le téléfilm (mais compte-tenu de son budget, de son ambition, de ses acteurs et de son réalisateur, on peut le considérer comme un film à part entière) est constitué de deux parties de 3 heures chacune : « Le Millénaire Approche » et « Perestroïka ». Le casting, étincelant, est mené par Al Pacino (over the top en avocat à succès homophobe qui se meurt du SIDA), Meryl Streep (trois rôles à elle seule, dont ceux de la mère mormone d'un gay mal dans sa peau et... d'un rabbin), Emma Thompson (trois rôles, dont celui d'un Ange hystérique). Streep et Pacino ont remporté un Emmy. Deux révélations : Patrick Wilson (un mormon dans le placard) et Jeffrey Wright (un infirmier flamboyant). Le réalisateur Mike Nichols (Qui a Peur de Virginia Woolf, Catch-22, Le Lauréat) a aussi reçu un Emmy.



Angels in America (Emmy du meilleur Téléfilm), dont le scénario a été écrit par Tony Kushner lui-même (un Emmy aussi), mélange tous les genres : c'est un drame, un mélodrame, un film fantastique, un pamphlet politique, un manifeste social, sexuel, culturel et religieux, une fable, un conte de fées (ou de sorcières)... La dizaine de personnages principaux (des gays principalement et quelques femmes périphériques) se croisent, se perdent, se recroisent, vivent, meurent ou survivent.



Au début, les méandres du film peuvent faire craindre un fourre-tout de la pire espèce. Il faut avouer que c'est un peu ça. La structure du scénario, tiré d'une pièce très bavarde, est d'une impressionnante complexité : la fin du film essaye de raccorder ensemble toutes les pièces du puzzle sans y parvenir complètement. Beaucoup d'effets spéciaux (plus ou moins réussis) et de très nombreux clins d'œil à l'histoire du cinéma (notamment les « women's pictures » de Davis et Crawford et au Musical) en font une expérience visuelle assez étonnante. Hommage probable à la France, les références à Jean Cocteau sont très présentes.



Évidemment, Angels in America sera loin de plaire à tout le monde, notamment en France où ce genre de méli-mélo n'a jamais été apprécié (on pourra aussi lui reprocher sa démesure baroque, l'utilisation abusive de la musique, les métamorphoses de Meryl Streep, l'outrance d'Emma Thompson en Ange...). Il y a aussi un écueil, assassin : le texte foisonnant qui devient vite épuisant et qui tient assez souvent l'émotion du sujet à distance. La toute dernière scène, elle, est vraiment bouleversante, mais comment pourrait-il en être autrement ?




Malgré ses quelques défauts, il faut saluer le projet fou d'Angels in America. Produite par la chaîne HBO (Six Feet Under, Les Sopranos, Sex & the City...), voilà une œuvre télévisuelle audacieuse dans son thème et sa forme qui n'a rien à envier aux films à thèse du grand écran. Une fresque puissante, baroque et littéraire qui part de l'histoire de quelques individus pour dresser un portrait de la résilience de l'Humanité.



Pour plus d’informations :

Le site HBO d'Angels in America.

(Some like it Camp)


par  Tom Peeping


 

Tom Peeping (T.P. pour les intimes, comme Tippi Hedren) aime se promener sur les chemins de traverse du 7ème art et de la télé et s’arrêter pour soulever des pierres. Les films qu’il y déniche, la plupart méconnus ou oubliés, méritent pourtant leur place près de l’arc-en-ciel. Camp, kitsch, queer ou trash, ils racontent une histoire du cinéma des marges. Gays sans l’être tout en l’étant, ils espèrent retrouver dans cette rubrique leur fierté d’être différents.

Tom Peeping, quand il ne visionne pas quelque rareté de derrière les fagots, est conférencier en histoire de l’art et fréquente assidûment les musées parisiens pour y gagner sa vie de vive voix. Il est né dans les Sixties, la décennie du Pop Art, des Yéyés et des Go-Go Girls. Et il rejoint, pour notre (et votre) plus grand plaisir, l'équipe du blog Les Toiles Roses.

 


 

Fiche technique :

Avec Emilia Hunda, Dorothea Wieck, Herta Thiele, Hedwig Schlichter et Ellen Schwanneke. Réalisation : Leontine Sagan et Carl Froelich. Scénario : F. D. Adam et Christa Winsloe, d’après sa pièce Gestern und Heute. Directeur de la photographie : Reimar Kuntze et Frantz Weihmayr. Décors : Frotz Maurischat et Frederick Winckler-Tannenberg. Compositeur : Hansom Milde-Meissner.

Durée : 96 mn. Disponible en VO.

 


L’accroche de Tom Peeping :

Jeunes filles en uniforme (Mädchen in Uniform) : si le titre est très familier, le film l’est beaucoup moins par manque de visibilité depuis sa première sortie au début des années Trente. Mais ArtHaus l’a édité en DVD (Allemagne) en 2008 et sa réévaluation est maintenant possible. En deux mots, c’est un excellent film en plus d’être une passionnante fenêtre sur le cinéma et la société de la période de Weimar.



Adapté de la pièce Gestern und Heute ("Hier et Demain") de Christa Winsloe (1888-1944) qui connut un triomphe en Allemagne en 1930, Jeunes filles en uniforme fut immédiatement mis en chantier pour en capitaliser le succès. Le film fut produit de façon très originale par des fonds coopératifs sous la direction du cinéaste Carl Froelich (1875-1953) et non par un studio : les dividendes en furent donc distribués aux particuliers qui avaient investi dans la production. Celle-ci reprit peu ou prou la même équipe de comédiennes qu'à la scène et confia la réalisation à Leontine Sagan (1889-1974), actrice et metteur en scène de théâtre qui avait dirigé la pièce et dont c’était le tout premier film (elle n’en fit que trois dans sa carrière). Nouvelle aux métiers du cinéma, Sagan fut assistée tout au long du tournage par Froelich, qui est mentionné dans le générique comme « consultant artistique » mais qui fut, dans les faits, la véritable tête pensante du projet et de sa réalisation.



Jeunes filles en uniforme connut un très grand succès public et critique lors de sa sortie en Allemagne en 1931 (après quelques coupes volontaires faites par les producteurs et une modification de la fin d’origine) et fut exporté dans le reste de l’Europe, aux États-Unis et au Japon, où son accueil fut plus mitigé. Appartenant à la première génération des films allemands parlants, il fut l’une des premières productions cinématographiques allemandes de l’époque à être exportée à l'international et devait être la vitrine, pour les producteurs, de la vitalité retrouvée du cinéma national en perte de vitesse face à la concurrence américaine et française. En 1933, l’arrivée des Nazis au pouvoir modifia la donne : sorti de sa période d'exclusivité, le film fut interdit de ressortie à cause de ses thématiques subversives, même si, paradoxalement, Goebbels raconte dans l’entrée de son « Journal » du 02/02/1932 qu’il a beaucoup aimé le film pour ses qualités artistiques. Jeunes filles en uniforme fut relégué dans les recoins de la mémoire collective des spectateurs qui avaient pu le voir entre 1931 et 1933 et tomba peu à peu dans l’oubli. Un remake – que je n'ai pas vu – en fut fait avec Romy Schneider et Lily Palmer en 1958 (je préfère m'en tenir à l'original...).



Résumé :

Postdam, à la fin des années 1920 : Manuela von Meinhardis (Hertha Thiele), 14 ans, orpheline de mère et dont le père est trop pris par son travail pour s’occuper d’elle, est amenée par sa tante dans un pensionnat de jeunes filles dirigé de main de fer par la revêche Fräulein von Nordeck (Emilia Unda). Manuela est bien accueillie par ses camarades mais se renferme d’abord sur elle-même avant de transférer son besoin d’affection sur la professeur de littérature, la Fräulein von Bernburg (Dorothea Wieck). En effet, celle-ci se rend compte que les jeunes pensionnaires ont besoin de chaleur humaine et est la seule adulte travaillant au pensionnat à les traiter comme des jeunes filles de leur âge et non comme d’impersonnels numéros. Mais le sentiment que Manuela ressent pour son amicale professeur prend vite une tournure plus profonde : la jeune fille retrouve la joie de vivre au contact de son aînée.



Après un spectacle d'école de « Don Carlos » avec lequel elle triomphe dans le rôle titre (ce qui permet au passage une étonnante scène de travestissement), Manuela, qui a fêté sa performance avec un peu trop d’alcool, clame son amour pour la Fräulein von Bernsburg devant ses camarades et ses professeurs médusées. « Ein Skandal ! » hurle la directrice en tapant du pied et de la canne. Le scandale éclate. Remise (gentiment) à sa place par l’objet de son amour et renvoyée de l’établissement sous quelques jours, elle sombre dans la dépression et les pensées suicidaires. Ses camarades vont alors voler à son secours et faire plier l’intolérante directrice…



L’avis de Tom Peeping :

Raconté comme cela, Jeunes filles en uniforme a tout d’un mélodrame. Et c’en est un, mais c’est aussi beaucoup plus que cela. Car l’intérêt du film est multiple.

C’est d’abord, en 1931, le premier film d’importance qui focalise son histoire sur une relation lesbienne. Manuela est de toute évidence amoureuse de son enseignante (elle le dit d'ailleurs clairement) qui lui donne l’affection dont elle semble avoir été privée depuis la mort de sa mère. Le sentiment est-il réciproque ? Le film ne l'affirme pas et on peut supposer que s’il l’est, la Fräulein von Bernsburg connaît les risques d’engager une relation avec son élève mineure au sein de l’établissement et garde avec raison la distance nécessaire. La gentillesse et la douceur de la professeur (qui traite toutes les pensionnaires de la même façon même si elle passe plus de temps avec Manuela, qui lui semble plus en demande d’affection) est sans doute sur-interprétée par la jeune fille, notamment lors de cette très belle scène, la plus célèbre du film et à juste titre, où, au moment de l’extinction des feux dans le dortoir, l’enseignante passe embrasser sur le front toutes les filles l’une après l’autre mais dépose un baiser sur la bouche de Manuela. Il est intéressant de noter que, même si l’auteur de la pièce d’origine, Christa Winsloe, était une lesbienne affichée (elle fut assassinée avec son amie en Bourgogne en 1944 dans des circonstances obscures) et que Leontine Sagan l’était aussi, les quelques vagues que fit le film lors de sa sortie en 1931, ne furent pas dûes à son traitement d’une relation lesbienne mais à la métaphore de l’autoritarisme politique (en 1933, évidemment, il en fut tout autre). Bien sûr, vu aujourd’hui à la lumière des Gay Rights et des Gender Studies, Jeunes filles en uniforme ne peut être considéré autrement que comme l’une des pierres fondatrices du cinéma gay et lesbien, l'un de ses jalons les plus importants.



Une autre interprétation du film réside dans la représentation de ce pensionnat, un univers clos régi par des règles et des rituels incontournables. Le monde de ces pensionnaires est celui des soldats : les nombreuses images de statues de personnages militaires qui décorent les bâtiments publics de Postdam et apparaissent en insert au cours du film sont révélatrices. Dans la République de Weimar qui vit la naissance de la pièce et du film, la métaphore était claire pour les contemporains : Jeunes filles en uniforme était une mise en garde contre les dérives possibles d’un pouvoir politique, militaire ou policier qui serait trop fort. En 1931, deux ans avant le triomphe d’Hitler aux élections, le film pouvait être vu, non comme un brûlot anti-Nazi (ce serait une lecture anachronique) mais plutôt comme un avertissement des dangers du fascisme et du totalitarisme (l’obsession soviétique elle, n’était pas anachronique du tout). Encore une fois, la lecture qu’on peut avoir du film aujourd’hui et celle qu’on devait en avoir en 1931 ne sont pas les mêmes mais ont évolué à la lumière des événements postérieurs. Comme le montrent bien les coupures de presse d’époque, c’est bien cette portée pamphlétaire politique du film qui fit le plus tiquer en 1931. Mais comment ne pas lire d’une autre façon, après 1945, les scènes du film qui montrent les rangs de pensionnaires qui marchent au pas, vêtues d’uniformes à rayures ou encore la mise à l’index et à l’isolation d’une jeune fille un peu différente des autres ? Prémonitoire, oui... mais rétrospectivement. À partir de 1933, les choses étaient toutes autres et le sous-texte lesbien de l’histoire comme la charge politique furent intolérables aux Nazis, maintenant au pouvoir, qui interdirent aussitôt le film "dégénéré".



Techniquement, Jeunes filles en uniforme est admirable. La caméra n’est pas aussi mobile que dans un film de Murnau et le choix de réalisme de la mise en scène le projette loin des excès de l’Expressionnisme qui venait de mourir de sa belle mort après avoir produit en Allemagne une impressionnante série de chefs-d’œuvre. L’austérité des décors, justifiée par le fait que l’ensemble du film se passe dans les murs du pensionnat (il n’y a aucune scène à l’extérieur), est mise en valeur par la lumière qui joue sur les murs blancs, les couloirs obscurs, l’escalier central qui à un rôle essentiel au cours du film. Beaucoup de gros plans s’attardent sur les visages des comédiennes en leur permettant d’exprimer au mieux la palette des sentiments de leurs personnages tout en donnant aux images une remarquable force érotique. L’implication de Karl Froelich dans le film est évidente dans chaque plan : Leontine Sagan elle-même n’en faisait d’ailleurs pas mystère.



Il faut aussi dire quelques mots des jeunes comédiennes de Jeunes filles en uniforme. Toutes sont excellentes et une des grandes surprises de ma découverte récente du film fut de voir la saisissante modernité du jeu – et du physique – de ces jeunes actrices et de Dorothea Wieck (l’enseignante), notamment dans les nombreuses scènes où, laissées sans surveillance, les pensionnaires retrouvent leur joie de vivre et espièglerie d'adolescentes. Le naturel de leur prestations est remarquable pour un film du tout début des années Trente. Cela est sans doute dû au fait que pour la plupart, elles avaient joué la pièce de très nombreuses fois et possédaient parfaitement leur personnages. Les actrices plus âgées (le directrice, les autres enseignantes, les surveillantes, la Princesse qui vient visiter le pensionnat), par contraste, font plutôt « vieille école ». Cette différence sensible dans le jeu des actrices renforce encore les différents messages progressistes du film. Et illustre à merveille le titre original de la pièce : Gestern und Heute ("Hier et Demain"). La beauté de Dorothea Wieck, âgée de 23 ans au moment du tournage, une mince brune à la peau pâle et aux yeux bleus clairs, est la cerise sur le gâteau. Pour la petite histoire, le film précède de huit ans The Women de George Cukor (1939) dans son originalité de n’avoir dans son casting que des femmes et de ne pas montrer à l’écran un seul homme.



Le parcours des deux actrices principales après la sortie du film est intéressant : Hertha Thiela (l’élève) refusa de travailler pour le cinéma de Goebbels et, sa carrière brisée, dut s’exiler en Suisse en 1937, puis en France où elle devint infirmière après la guerre. Elle revint en Allemagne de l’Est en 1966. Dorothea Wick (l’enseignante), sympathisante nationale-socialiste au début des années Trente, s’en éloigna ensuite mais resta en Allemagne pendant la guerre en se faisant discrète pour se consacrer au théâtre. Elles sont mortes toutes les deux à Berlin, respectivement en 1984 et 1986. Quant à Leontine Sagan, juive, elle quitta rapidement l’Allemagne pour aller d’abord à Paris puis en Afrique du Sud, où elle créa le Théâtre National de Johannesburg et où elle est morte en 1974.



Sorti aux États-Unis en 1932 avec quelques scènes "allégées", le film connut d'abord un succès d’estime mais, dans un pays loin de la morale libérale de la République de Weimar, sa thématique distinctement lesbienne ne fut pas du goût de tout le monde, notamment des ligues de vertu. Jeunes filles en uniforme y fut rapidement interdit. Il fallut qu’Eleanor Roosevelt, admiratrice fervente du film, s’en mêle pour que le film puisse être de nouveau temporairement projeté, toujours dans sa version censurée. Puis, difficilement visible pendant plusieurs décennies après les années Trente, le film fut devint une sorte d’Arlésienne pour les cinéphiles et les gays du monde entier. L’évocation de son titre seul, Jeunes filles en uniforme, faisait surgir des images fantasmatiques qui ont permis au film de survivre dans la mémoire collective mais en lui collant une étiquette faussée. Aujourd’hui, le film doit être revu pour ce qu’il est : l’un des excellents films des débuts du parlant (juste avant la chape de plomb dont le pouvoir Nazi allait recouvrir le cinéma allemand), une pierre angulaire du cinéma queer et un audacieux pamphlet politique anti-fasciste dont la portée a traversé les décennies sans encombre. Jeunes filles en uniforme est un film important qui mérite largement une redécouverte.

Pour plus d’informations :

Le DVD allemand édité par ArtHaus (visuel ci-dessus) est très bien. Le film n’a pas subi une restauration majeure mais plutôt un nettoyage et la qualité de l’image et du son est bonne. L’image est seulement un peu granuleuse dans les plans larges. Le son ne présente aucune distorsion. Pas de sous-titres français (mais des sous-titres allemands optionnels). Un DVD très recommandable, donc, pour ce film passionnant à plus d'un titre.

Quelques extraits (pas issus du DVD) peuvent être vus sur YouTube.

(Some like it Camp)


par  Tom Peeping


 

Tom Peeping (T.P. pour les intimes, comme Tippi Hedren) aime se promener sur les chemins de traverse du 7ème art et de la télé et s’arrêter pour soulever des pierres. Les films qu’il y déniche, la plupart méconnus ou oubliés, méritent pourtant leur place près de l’arc-en-ciel. Camp, kitsch, queer ou trash, ils racontent une histoire du cinéma des marges. Gays sans l’être tout en l’étant, ils espèrent retrouver dans cette rubrique leur fierté d’être différents.

Tom Peeping, quand il ne visionne pas quelque rareté de derrière les fagots, est conférencier en histoire de l’art et fréquente assidûment les musées parisiens pour y gagner sa vie de vive voix. Il est né dans les Sixties, la décennie du Pop Art, des Yéyés et des Go-Go Girls. Et il rejoint, pour notre (et votre) plus grand plaisir, l'équipe du blog Les Toiles Roses.

 

 

Fiche technique :

Avec Dirk Bogarde, John Mills, Mylène Demongeot, Laurence Naismith, John Bentley, Eric Pohlmann et Lee Montague. Réalisation : Roy Ward Baker. Scénario : Nigel Balchin, d’après l’œuvre de Audrey Erskine-Lindop. Directeur de la photographie : Otto Heller. Compositeur : Philip Green.

Durée : 132 mn. Disponible en VO.


L’accroche de Tom Peeping :

Il y a des films comme ça qui résistent à toute analyse et auxquels seule la bouche bée peut rendre justice. En voilà un qui fait de temps en temps surface dans les listes de films tordus, dans les blogs de cinéma-bis, sur les sites de culture queer. Bref, ici. Il était jusqu’à présent très difficile à voir, tombé aux oubliettes du bizarre, jusqu’à sa ressortie récente (mais confidentielle) en DVD Z2 UK. Un film qui fit la honte et le silence des principaux protagonistes impliqués : réalisateur, acteurs et producteur. Je l’ai découvert il y a quelques jours et évidemment, j’en suis baba : il s’agit de l’invraisemblable The Singer not the Song (Le Cavalier Noir) de Roy Ward Baker, réalisé en 1961 et en Technicolor.



Résumé :

Un prêtre irlandais en soutane, Father Keogh, arrive dans un petit village perdu du Mexique pour en remplacer un autre qui a demandé sa mutation précipitée. Car le job n’est pas de tout repos : le village est en effet sous la coupe d’Anacleto, un bandido très élégant, et de sa tribu de malfrats qui s’occupent à tuer les habitants... dans l’ordre alphabétique. Pourfendeur du sacré, Anacleto a dissuadé les villageois d’aller à l’église, qui est tombée en ruines. Le nouveau prêtre est bien décidé à ramener les ouailles à la messe et entre donc en conflit avec les crapules. Locha, la jeune fille un peu rebelle de la famille fortunée du village n’est pas insensible aux charmes du prêtre mais se plaît aussi en compagnie du bandido. Et les passions s’exacerbent dans la chaleur de la pampa quand un jeu de chats et de souris s’installe entre le prêtre, le bandit et la bourgeoise…



L’avis de Tom Peeping :

Voilà en quelques lignes le sujet du film. Tiré d’un roman d’Audrey Erskine-Lindop, le scénario traîne la patte pendant ses 128 minutes malgré ses nombreuses idées saugrenues, dont celle, inédite à ma connaissance, d’un tueur lettré qui cible ses victimes par ordre alphabétique. Ce n’est pas dans le sujet ou dans son traitement que The Singer not the Song trouve son intérêt : c’est bien dans les voies de traverse que lui ont fait subir, malicieusement ou non, son équipe dépitée. Équipe qui d’ailleurs vaut son pesant d'or : écrit à l’origine avec Charlton Heston et Richard Burton en ligne de mire pour les rôles du prêtre et du bandit, le casting finit par réunir John Mills et Dirk Bogarde, deux noms hautement improbables pour ces rôles. L’anglais et le look oxfordiens de Bogarde réfutent à chacune de ses apparitions l’origine mexicaine de son personnage et John Mills, à plus de cinquante ans lors du tournage, est peu crédible en prêtre bourreau des cœurs. Ajoutez à cela notre Mylène Demongeot (dotée d’un inénarrable accent français) dans le rôle de la petite mexicaine damnée de tentation et quelques autres personnages qui surjouent leurs scènes de rage, d’ivresse ou de désespoir et vous aurez une idée du casting dément du film.



Mylène raconte dans ses mémoires Tiroirs secrets qu’ayant signé pour un film avec Charlton Heston, elle fut bien déçue quand elle vit débarquer John Mills, excellent acteur mais pas vraiment un sex-symbol. Le réalisateur Roy Ward Baker dit dans la courte interview qui accompagne le film sur le DVD anglais que lui non plus n’avait pas envie de faire le film mais que son contrat avec la Rank l’obligeait. Récemment sorti du triomphe public et critique de A Night to Remember (sans doute son chef-d’œuvre et toujours le meilleur film jamais réalisé sur le naufrage du Titanic), Baker avait senti le navet à la lecture du scénario et s’était engagé dans le projet à reculons. Il avait donc laissé carte blanche à ses acteurs en attendant le clap final libérateur. Le film fut tourné dans le sud de l’Espagne en guise du Mexique avec les populations locales en figurants coiffés de sombreros.



Mais c’est Dirk Bogarde qui orienta The Singer not the Song vers les sommets que ses fans d’hier et d’aujourd’hui vénèrent : pour donner une personnalité plus prononcée à son Anacleto et s'amuser un peu pendant le tournage, il insista pour qu'on le vit régulièrement lire des bouquins de poésie, caresser un chat blanc ou noir selon son humeur (parfois aussi un chihuahua) et surtout il demanda au costumier de lui créer un pantalon de cuir, une ceinture, une chemise et un chapeau noirs. Habillé comme par Jean-Claude Jitrois, le bandido à la coiffure bouffante qu’incarne Dirk Bogarde est un assassin intello doublé d’une fashion-victim, au total-look comprenant aussi cravache à bec de canard et étourdissants foulards de soie colorés. Bogarde qui n’avait pas, et de loin, la carrure d’un Brando, ressemble dans cet attirail à une crevette en cuir et pousse même dans certaines scènes du film la ressemblance avec le personnage de Vienna tel qu'incarné par Joan Crawford dans Johnny Guitar : un régal, cela va sans dire !



Pour aller plus loin dans l’outrance, Bogarde ajusta aussi son jeu pour insinuer qu’Anacleto n’est pas insensible aux charmes (surannés) du prêtre : ses regards de braise, ses silences évocateurs et son jeu suggestif avec sa cravache ne sont en aucun cas des effets innocents. L’homosexualité de l’acteur, qui n’était pas de notoriété publique lors du tournage, donne à ses choix d’interprétation une résonnance qui fait tout le sel du film. En réponse à cette interprétation plus qu’ambigüe, le très hétéro John Mills fait ce qu’il peut mais entre malgré lui, poussé par Bogarde, dans le même jeu. On comprend alors d’autant mieux la moue boudeuse que Mylène Demongeot affiche tout au long du film : non seulement, elle n’avait plus envie de faire le film, mais son personnage se doute bien que ce qui se passe entre le prêtre et le bandit l’exclut de la ronde de séduction. Si sur le papier, The Singer not the Song est un peu l’histoire d’une petite bourgeoise qui tombe amoureuse d’un prêtre qui affronte un bandit, le film terminé nous montre plutôt, par le culot de Dirk Bogarde et le laisser-faire de Roy Ward Baker, une histoire de désir entre deux hommes en noir : l’un en cuir, l’autre en soutane. Parmi les nombreux dialogues à double-sens qui parsèment le film, j’ai noté celui-ci, qui résume assez bien son esprit :

Bogarde : « La chair ne vous tente pas, mon Père ? Vous n’avez donc jamais pensé à vous marier ? »

Mills : « Ma vocation m’oblige à rester célibataire pour mieux me consacrer à ceux qui ont besoin de moi. Et vous ? Vous non plus vous ne vous êtes pas marié ? »

Bogarde : « Non. (Silence éloquent et fixant Mills dans les yeux). Moi aussi j’ai une vocation ! »

The Singer not the Song bénéficie aussi de ruptures de ton qui ne peuvent qu’étonner : les premières scènes donnent l’impression qu’il s’agit d’un western (tous les codes y sont : le village perdu dans le paysage torride, les cavaliers, les pistolets…) mais très vite, des voitures et des camions font leur apparition et on se rend alors compte que le film doit se dérouler dans les années 50 (une excellente scène est d’ailleurs celle d’une descente sans frein d’un camion sur une route perchée). Puis, vers les ¾ du film, une scène de mariage tournée comme un mélodrame à la Douglas Sirk pousse le film vers une toute autre direction, celui du Women’s Picture (avec une actrice blonde qui s'est prise, de toute évidence, le temps de ses quelques instants à l'écran, pour Lana Turner) : hallucinant !

La fin, mélodramatique à souhait, éclaire le titre du film. Anacleto est abattu par la police lors d’une confrontation finale sur la place du village. Father Keogh se précipite vers lui et est à son tour abattu par le plus sexy des sbires du bandido (dont il était d’ailleurs, sans aucun doute, amoureux). Avant de mourir collés l’un contre l’autre et les mains jointes, Father Keogh demande à Anacleto de se repentir de ses fautes, parce que « si la Foi (the Song) est préservée, l’Homme (the Singer) sera pardonné ». Anacleto se repent dans un dernier souffle en disant bien qu’il le fait « for the Singer not the Song » (« pour l’Homme, pas pour la Foi »). Splendide déclaration d’amour au prêtre qui expire à ses côtés, aux anges. Mylène Demongeot, qui assisté à toute la scène, met sa mantille rouge et tourne les talons, en boudant de plus belle. THE END.



The Singer not the Song n’a évidemment pas trouvé son public à sa sortie en 1962 et fit un flop (le western italien, avec lequel il a bien des points communs, n’était pas encore né et il n’est d'ailleurs pas du tout impossible que Sergio Leone l’ait vu, mais c'est une autre histoire) : les fans de western furent décontenancés par ses ambiguïtés formelles et thématiques ; la critique se moqua de la légèreté de la réalisation et de l’overdose de kitsch ; Baker, Mills, Demongeot et Bogarde firent le minimum syndical pour sa promotion. Plus tard, quand Dirk Bogarde fut interrogé sur le film, il eut cette réponse sans appel : « Beyond camp ! » (« Au-delà du camp ! ») et Baker cacha sa honte dans le silence. C’est pourtant, dans un amusant retour de balancier, le camp absolu du film qui lui donne aujourd’hui une seconde jeunesse. Comment ne pas au moins être intrigué par un mélo-western britannique à connotation gay, où le cuir et la soutane se déclarent leur flamme mutuelle et où Mylène Demongeot, la moins mexicaine de nos starlettes nationales, roule une pelle à un prêtre qui a l’âge de son père et un faible pour les bandidos flamboyants ?

« Beyond camp ! » disait Dirk Bogarde (qui savait de quoi il parlait, ayant lui-même, au cours de sa carrière, tourné dans une série gratinée de films du genre) : c’est exactement pour cela que The Singer not the Song mérite notre plus grande admiration. Un film à redécouvrir, à nul autre pareil. Je suis certain que vous en resterez bouche bée. Sacré Dirk !



Pour plus d’informations :

The Singer not the Song est disponible en DVD Z2 UK. Il peut être trouvé sur des sites d’occasions du genre Amazon Marketplace UK. Pour l’instant, seule l’édition DDHE est correcte et peut être recommandée (même si le film en Cinémascope d’origine est en pan&scan, ça c’est vraiment dommage). A part le format trafiqué, le son et l’image sont bons.

En revanche, évitez à tout prix le DVD Z2 allemand du film, édité par AmCo sous le titre Sommer des Verfluchten : le prix est un peu plus attractif mais l’image (pan&scan aussi) provient d’une autre source, a des couleurs baveuses et le son est désynchronisé. Cette édition-là est effroyable.

(Some like it Camp)


par  Tom Peeping


 

Tom Peeping (T.P. pour les intimes, comme Tippi Hedren) aime se promener sur les chemins de traverse du 7ème art et de la télé et s’arrêter pour soulever des pierres. Les films qu’il y déniche, la plupart méconnus ou oubliés, méritent pourtant leur place près de l’arc-en-ciel. Camp, kitsch, queer ou trash, ils racontent une histoire du cinéma des marges. Gays sans l’être tout en l’étant, ils espèrent retrouver dans cette rubrique leur fierté d’être différents.

Tom Peeping, quand il ne visionne pas quelque rareté de derrière les fagots, est conférencier en histoire de l’art et fréquente assidûment les musées parisiens pour y gagner sa vie de vive voix. Il est né dans les Sixties, la décennie du Pop Art, des Yéyés et des Go-Go Girls. Et il rejoint, pour notre (et votre) plus grand plaisir, l'équipe du blog Les Toiles Roses.


 

 

Fiche technique :

Avec Paula Wessely, Paul Dahlke, Christian Wolff, Ingrid Stenn, Hans Nielsen, Friedrich Joloff, Hilde Körber, Guenther Theil, Herbert Hübner, Siegfried Schürenberg, Otta Graf, Paul Esser, Kurt Vespermann, Hans Schumm et Peter Nijinskij. Réalisation : Veit Harlan. Scénario : Felix Lützkendorf, d’après une idée de Hans Habe.

Durée : 91 mn. Disponible en VO et VOST anglais.


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L’accroche de Tom Peeping :

Un film allemand de 1957 traitant du douloureux problème de l’homosexualité (et titré Anders als Du und Ich soit Différent de toi et moi) est en soi une curiosité. Quand il est réalisé par Veit Harlan, le sulfureux réalisateur des années nazies, c’est une tentation. Quand l’outrance du scénario fait basculer le film dans un sommet de camp, c’est une obligation. L'avis ci-dessous s’adresse à ceux et celles qui aiment savourer le cinéma de Papa d’après-guerre dans ce qu’il a de plus tordu et de plus tordant.



Résumé :

1957 en Allemagne. Dans une salle de tribunal berlinoise s’ouvre le procès sensationnel d’une bonne petite mère de famille d’une cinquantaine d’années. Flash-back sur les mois précédents : Klaus, le fils adolescent de l’accusée, traîne un peu trop avec le blond Manfred, un ami de collège dont les mœurs sont suspectes. Manfred lui présente le Dr Boris, un esthète entre deux-âges qui collectionne les objets d’art et les jeunes éphèbes. Klaus se laisse entraîner dans un monde interlope que ses origines petite-bourgeoises réprouvent. Cherchant dans le dictionnaire le sens du mot « homosexuel », dont son fils a été traité par ses camarades de classe, la bonne petite mère tombe dans les pommes puis décide de prendre le taureau par les cornes. Elle paie une jeune fille au pair pour déniaiser son fils en perdition et lui faire retrouver le droit chemin. Mais les choses ne se passent pas comme prévu et c’est la bonne dame qui se fait interpeller par les flics et risque maintenant la prison pour proxénétisme…



L’avis de Tom Peeping :

Voilà en bref le scénario démentiel de Anders als du und ich, une rareté qui est sorti il y a quelques mois dans une excellente édition DVD du très sérieux Edition Filmuseum / Filmmuseum München / Goethe Institut.

Comment appréhender un film comme celui-là 50 ans après sa réalisation ? Par l’analyse historique un peu, par le sourire surtout.



Du côté historique, si ce n’est pas le premier film grand public abordant frontalement l’homosexualité (c’est un autre film allemand de 1919 (!) – au titre très proche – qui donna le coup d’envoi : Anders als die Anderen), celui-ci s’impose quand même comme une date dans le genre. Dans ses mémoires, Veit Harlan a dit qu’il avait voulu faire un film anti-homophobe en réaction contre l’infamant §175 du Code Pénal allemand de l’époque qui faisait de l’homosexualité un délit. Quand on sait que Veit Harlan (1899-1964) avait été, une quinzaine d’années auparavant, le réalisateur officiel du Troisième Reich et que Goebbels lui avait confié des films de propagande nazie à succès (Le Grand Roi – 1942 ; Kolberg – 1945 et surtout l’explosif antisémite Juif Süss – 1940), on peut douter de sa bienveillance pour l’homosexualité.



À la vision du film, on peut penser au début que Harlan ne juge pas les invertis qu’il montre mais très vite, l’outrance de leur représentation en fait sérieusement douter. L’une des – nombreuses – surprises de Anders als du und ich est donc qu’il commence comme un manifeste de tolérance homophile pour se terminer en véritable brûlot homophobe. Le film a connu des démêlés avec la censure allemande de l’époque : son titre original « Le Troisième Sexe » a été refusé et certaines scènes ont dû être retournées, coupées ou ajoutées (notamment la fin dont le rythme semble un peu précipité). Pour la petite histoire, Veit Harlan était l’oncle par alliance de Stanley Kubrick (l’oncle de la femme de Kubrick).



Mais c’est bien sûr le côté comique du film, totalement involontaire, qui en fait aujourd’hui tout le sel. Il faut le voir pour le croire. Les parents de Klaus n’écoutent que de la musique wagnérienne alors que ses amis invertis ne jurent que par la « musique concrète », digne de celle de Planète Interdite. Le séducteur Dr Boris Winkler (docteur en quoi ? on se le demande toujours) vit dans une grande maison dont les fenêtres sont toujours fermées et organise pour ses amis des matchs de lutte grecque entre garçons fort dénudés au milieu de son salon bourré d’antiquités. Les scènes qui se passent chez lui sont d’ailleurs toutes filmées avec la caméra penchée à 45°, sans doute pour suggérer le déséquilibre et font beaucoup penser aux films d’horreur Universal des années 30 et des Expressionnistes allemands. Le blond Manfred, celui par qui les problèmes arrivent, écrit des poésies « pleines d’adjectifs » et passe la plupart de son temps au lit, signe évident de paresse physique et morale. La jeune fille au pair, payée par la bonne mère, relève son chandail sous les yeux médusés du jeune homme en péril – et elle ne porte pas de soutien-gorge (je ne vous dirai pas si finalement Klaus franchit ou non le Rubicon, vous devez voir le film pour le savoir). Il faut avoir vu la réaction de la mère s’effondrant sur son canapé après avoir lu la signification du mot « homosexuel » dans le dictionnaire et entendu les « explications scientifiques » du médecin de famille sur la vie que le fils se prépare s’il s’engage dans la voie de la perdition. Le père du jeune homme, quant à lui, se refuse à parler à son fils après la première engueulade mais se laisse quand même entraîner par son frère (qui semble connaître les bons endroits de la ville) dans un cabaret homo où un énorme travesti chante des torch-songs puis s’enfuit quand il se rend compte qu’il n’arrive plus distinguer dans la pénombre les hommes des femmes… et des autres. Il faut aussi voir la tête de la bonne mère (jouée par Paula Wessely, une ex-star du cinéma nazi), dont l’idée n’était pourtant pas malicieuse, entendre le verdict de son jugement, coiffée d’un petit chapeau et s’accrochant à son sac-à-main pour ne pas défaillir.



Au milieu de tout ce délire, il y a quelques scènes assez surprenantes dans leur franchise, comme celles où revient le mot « homosexuel » (prononcé au moins dix fois et banni dans les autres cinémas de la même époque), celle du cabaret de travestis, celle où les deux garçons se jurent « un amour éternel » et se promènent main dans la main ou encore l’apparition spectaculaire des nichons de la fille au pair (on a envie d’écrire « aux paires »)… Les acteurs sont plutôt bons – notamment celui qui joue le Dr Boris – et ne surjouent presque pas.

Les divers titres du film sont à eux-seuls un poème : Anders als Du und Ich (Différent de toi et moi) est celui du film sorti après les modifications demandées par la censure. Les autres titres avaient été : "Les Parents accusés" ; "Le Troisième Sexe" ; "Tu es coupable et tu ne le sais pas" (mon préféré, de loin) ; "§175" ; "Jeunesse sauvage"…



Bref, Anders als Du und Ich est une perle rare du cinéma allemand de l’après-guerre, à la fois passionnant et ridicule mais qui a le mérite de parler de choses dont on ne parlait pas encore dans le cinéma des années 50. Veit Harlan étant Veit Harlan, tout cela ne fait pas dans la dentelle mais le film réserve assez de surprises et d’audaces (et de burlesque malgré lui) pour faire partie des OVNI les plus remarquables de l’époque. C’est sans doute cela qui a poussé la très respectable Edition Filmmuseum à le ressortir dans une très belle édition.

Le genre de film qui gagne encore à être découvert un bon verre à portée de main.

Pour plus d’informations :

Le DVD Edition Filmmuseum (Z0 allemand) est d’excellente qualité image (n&b – 1,37 – 4/3) et son (allemand d’origine). Sous-titres allemands et anglais optionnels.

Bonus : Comparaison scène par scène de la version originale et de la version remontée pour la sortie en salles (38 minutes) + documents de production sur DVD-Rom.

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