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HUMEUR : Zanzi and the City

 


(6.19)

par Zanzi


amar.jpg

 

PREVIOUSLY ON ZANZI AND THE CITY : cliquer ici.

 

 

TROIS POÈMES EN HOMMAGE

À AMAR BEN BELGACEM (1979-2010)

 


DIS, POURQUOI TU NE M'AIMES PLUS ?

 

Je ressens souvent ton absence

Comme une froide indifférence.

Sans toi, la vie n'est plus la même :

Dis-moi, redis-moi que tu m'aimes.

 

Pour échapper à mes hantises,

Toujours, je dors dans mes valises ;

Mais avant que vienne la mort,

Dis-moi que tu m'aimes encore.

 

Que c'est triste, Paris la nuit,

Quand mes couleurs virent au gris !

Sans ton amour j'erre sans but :

Dis, pourquoi tu ne m'aimes plus ?

 

Est-ce à tort ou bien à raison ?

J'ai fait du monde ma maison ;

Mais je n'y vivrai pas longtemps :

Sans toi, ce monde est différent.

 

Il a perdu sa poésie,

Tout son mystère et sa magie.

Toi-même, tu as disparu.

Dis, pourquoi tu ne m'aimes plus ?

 

3 février 2011

 

FONTAINEBLUES

 

Nous avons pris le R.E.R.

Entre Paris et ton château.

Tu m'as ouvert ton univers :

Chez toi, c'était Fontainebleau.

 

Tu m'as dévoilé tes tableaux,

Et évoqué un être cher :

Dans ta chambre, étrangement beau,

Veillait le portrait de ton frère.

 

La nuit fut gaie et souriante,

Mêlée de soupirs et de rires.

Sur le mur, en ombres dansantes,

Se reflétait notre désir.

 

Nous prolongeâmes le plaisir

Au matin, comme des enfants

Qui voudraient ne jamais mourir,

Et ne jamais devenir grands.

 

Je conserverai ton sourire

Au fond de mon coeur, bien au chaud,

Dans l'écrin de nos souvenirs

Partagés à Fontainebleau.

 

3 février 2011

 

ARABESQUES

 

C'était notre printemps, le matin de nos vies,

C'était un soir, pourtant, et ce fut une nuit.

Rien n'arrête le temps et les années qui fuient

Dans leur course en avant vers les cieux infinis.

 

Plus aucun lendemain ne verra ton sourire,

Ce soleil tunisien né pour nous éblouir.

L'aube d'un beau matin tourné vers l'avenir

Fera notre chagrin enfin s'évanouir.

 

Déjà il s'évapore, et voici que l'espoir

Remporte sur la mort une grande victoire :

Car je te vois encore, à travers le miroir,

Peindre les métaphores qui ont fait ta gloire.

 

9 février 2011

 


(6.18)

par Zanzi

DSCN1397.JPG

 

PREVIOUSLY ON ZANZI AND THE CITY : cliquer ici.

 

Ce nouvel épisode de notre série historique et de notre chroniqueur stâââr Zanzi étant exceptionnellement long et les vidéos sur Youtube n'étant pas toutes intégrables sur le site, nous avons décidé de mettre seulement les liens vers les vidéos. N'hésitez pas à les regarder en cliquant sur les liens et à vous délecter !


http://www.youtube.com/watch?v=bZevla7J1Tc&feature=related

 

Sale temps pour la propreté ! Crise oblige, les savons sont en voie de disparition. Concurrence féroce, coûts trop élevés, tous les prétextes sont bons pour les retirer de l'antenne. Une chose est certaine : nul ne peut dire que le public s'en lasse, car le public adore les savons. Mais le monde des soaps ne tourne plus rond. Dernière victime en date, et non des moindres : As The World Turns (ATWT). Après 54 ans de bons et loyaux services, la petite lucarne s'est éteinte sur les familles Hughes, Montgomery, Snyder et Stewart, dont les aventures à Oakdale ont passionné plusieurs générations d'américains. Pour couronner le tout, les scénaristes n'ont même pas réservé un happy end aux amours tourmentées du premier héros gay (1) du « daytime » (2) : Luke Snyder (Van Hansis). Mais je ne gâcherai pas votre plaisir en vous révélant dès maintenant comment les choses finissent mal pour lui. (Bon aloreuh... Les pauvres ne vécurent pas heureux et n'eurent pas d'enfant. Pas de happy end, pas de conte de fées, juste un conte défait. Je n'ai pas tout suivi mais ils étaient séparés et Luke avait une histoire d'amour avec quelqu'un d'autre qui, vers la fin du feuilleton, est mort dans un accident. Les scénaristes n'ont pas réuni Luke et Noah. Dommage...)

 

http://www.youtube.com/watch?v=E3HKxr57U2w&feature=related

 

Trouver une fin à un savon peut se révéler un vrai casse-tête. Quelle que soit la formule adoptée par la production, elle génère de toute façon son lot de frustrations parmi les fans, la première d'entre elles étant bien évidemment la disparition du feuilleton. 38 % des lecteurs de Soap Opera Digest estiment que la fin d'ATWT, sans grandes scènes de groupes ni fin heureuse pour Luke, a été affreuse. À défaut de réunir Holden et Lily, les scénaristes ont concocté un énième mariage pour Carly et Jack. Carolyn Hinsey, qui dirige la rubrique Opinion de cet hebdomadaire, estime que c'est la meilleure fin qu'elle ait vue, mais trouve cependant dommage que personne n'ait songé à pré-enregistrer l'actrice Helen Wagner (décédée à l'âge de 91 ans le 1er mai 2010), alias Nancy Hughes, lors de sa dernière apparition sur le plateau, et alors que chacun savait que le feuilleton vivait ses derniers mois, pour formuler comme ultime réplique : « Good night, dear », en écho aux tout premiers mots prononcés par elle au début du premier épisode d'ATWT en 1956 : « Good morning, dear ».

 

http://www.youtube.com/watch?v=lzmGdIZn-Ds&feature=related

 

Quand je suis arrivé en Amérique du Nord, il y a un peu plus de trois ans, il y avait encore à l'antenne 9 savons. Dorénavant ils ne sont plus que 6, après la disparition de Passions (un ovni dans l'univers des savons, que n'aurait pas renié mon ami Nelfew), Guiding Light (le 18 septembre 2009) et tout récemment As The World Turns. Ils ont rejoint au cimetière des sagas du petit écran Port Charles (autre ovni, car c'était un savon de vampires, expiré le 3 octobre 2003), Another World (expiré le 25 juin 1999), Loving (diffusé pendant quelques années sur France 2 sous le titre « Amoureusement vôtre », expiré le 10 novembre 1995), Santa Barbara (premier savon américain ayant connu un succès en France, en 1985, après les telenovelas brésiliennes Isaura et Danse avec moi, et que TF1 a eu l'impardonnable goujaterie d'interrompre, expiré le 15 janvier 1993) et Generations (expiré le 15 janvier 1991).

 

http://www.youtube.com/watch?v=-53s_1bdC5k

 

Puisque vous ne verrez jamais les épisodes, autant tout vous révéler. Santa Barbara s'est achevé par le mariage de Warren Lockridge (3), alors incarné par Jack Wagner (aujourd'hui Nick Marone dans Amour, Gloire & Beauté), et d'une certaine B.J., interprétée par Sydney Penny (4). Ce mariage fut filmé au Ritz de Laguna Beach. Channing Capwell sénior (Jed Allan) et Sophia (Juidth McConnell) s'étant réconciliés, pour de bon, espérons ! Le dernier plan de l'épisode, au grand dam des fans, fut une cigarette déposée avec désinvolture sur une photo figurant le casting (5), pour y mettre le feu.

 

http://www.youtube.com/watch?v=lDOxW8Qk9w8&feature=related

 

Si William Leymergie vous horripile et que vous ne regardez pas Télématin, vous ne regardez probablement pas non plus les feuilletons qui suivent. Vous avez donc zappé la fin de Loving (Amoureusement vôtre), il y a quelques années, avant que ce savon ne soit remplacé par Days of our Lives (Des jours et des vies). Les scénaristes avaient joué la carte de la facilité, transformant l'une des héroïnes en tueur en série qui élimine les principaux personnages les uns après les autres. L'idée fut reprise par les scénaristes de Days (6), qui ont imaginé transformer l'un des personnages les plus aimé du public en monstrueux assassin. Mais là où ensuite ils ont fait fort, c'est en ressuscitant tous les morts ! Pour découvrir comment ils s'y sont pris, et qui était l'assassin, je vous invite à suivre dès aujourd'hui Des jours et des vies, car cette passionnante story line devrait bientôt être diffusée en France. Il faut dire que Loving avait, autrefois, lancé la mode, puisqu'il fut paraît-il le premier savon à justifier la résurrection d'un personnage par un pacte avec le Diable !

 

http://www.youtube.com/watch?v=N6mokRv4IY4&feature=related

 

S'agissant d'Another World, quelques-uns de ses personnages sont partis à Oakdale, réalisant un cross over avec ATWT. Another World ne sera jamais diffusé en France mais c'était un savon très populaire. Lindsay Lohan y fit ses débuts. Elle n'est d'ailleurs pas la seule vedette à avoir fait ses classes dans les savons. Avant que Harry ne rencontre Sally, Meg Ryan joua dans ATWT le rôle de Betsy Stewart Andropoulos (1982-1984). Julianne Moore interpréta Frannie Hughes dans le même feuilleton, de 1985 à 1988, et la jeune Amanda Seyfried (Mamma Mia, Lettres à Juliette) y débuta dans le rôle de Lucy Montgomery en 2000-2001. Des vétérans de Hollywood sont également venus à Oakdale : Claire Bloom, révélée en 1951 par Charlie Chaplin dans Les feux de la rampe (et non de l'amour), qui joua le rôle d'Orlena Grimaldi de 1993 à 1995, et la fameuse Zsa Zsa Gabor, en 1981, qui déclara, à propos de cette expérience télévisuelle : « Chéri, je n'ai jamais travaillé si dur et si vite de toute ma vie ». Une affirmation que ne dément point Martha Byrne (ex-Lily Walsh), dans les pages du numéro spécial ATWT publié conjointement par Soap Opera Digest et Soap Opera Weekly : « People in daytime work harder than anybody, from the makeup to the hair to the crew ».

 

http://www.youtube.com/watch?v=RdY4lAJrI2s

 

Travailler dur (7) ne suffit donc plus. La crise a tué deux savons en l'espace d'une année. Il n'en reste plus que six pour faire rêver le public, dont quatre sont diffusés en France. All My Children (AMC), Bold & Beautiful (B&B) (8), Days of our Lives (DAYS), General Hospital (GH), One Life to Live (OLTL) et Young & Restless (Y&R). Où cela va-t-il s'arrêter ? B&B et Y&R, qui ont déjà des personnages communs crossovant de l'un à l'autre, vont-ils fusionner pour réaliser des économies d'échelle ? Cela donnerait The Young Bold and the Beautiful Restless, que l'on pourrait traduire par « Les Feux de l'Amour, Gloire & Beauté ». Mais il y a un problème : si Adrienne Frantz joue bien le rôle d'Ambrosia « Amber » Moore dans les deux savons, en revanche Don Diamont, alias Brad Carlton dans Y&R, est passé dans B&B où il incarne depuis 2009 Bill Spencer junior ! Solution : Bill pourrait être le frère jumeau caché de Brad...

 

http://www.youtube.com/watch?v=CZnnYepGekg

 

Quoi qu'il en soit, si la tendance se poursuivait, ce serait tout un pan de la culture télévisuelle qui s'écroulerait, au profit de jeux idiots et d'émissions de « télé-réalité » (9) encore plus idiotes. Il faut sauver les savons ! D'accord, les histoires sont invraisemblables, les personnages se marient plus souvent qu'Elizabeth Taylor et Eddie Barclay, la proportion d'enfants jumeaux et adultérins y est exceptionnelle, et les morts qui ne sont pas vraiment morts y sont monnaie courante, mais ça fait rêver ! Les savons répondent à un besoin clairement identifié d'évasion, et tant pis si ce qui s'y passe n'est pas crédible. Une bonne fiction n'a pas pour vocation de transposer la réalité de la vie quotidienne dans ce qu'elle a de plus fade. Pour autant, tout n'y est pas fictif et la fiction joue un rôle social dans la réalité. Elizabeth Hubbard, Lucinda Walsh dans ATWT, confie : « People look at us to get ideas for their lives and, in fact, that's what's so wonderful about the fans being able to talk back to us so much. I've had women say, besides me entertaining them, 'You've helped me so much the way you dealt with Lily when she was a kid and how I dealt with my children'. Lucinda being a pushy character, I always get that 'You've helped me so much !' ». Alors, vive les savons ! (10)

 

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[Note du Rédac' chef Daniel Conrad : Quel putain de bon article ! Zanzi au sommet de son Art ! J'adôôôôre ! Et vous ?]


(1) Pas tout à fait le premier, ce titre revenant à Hank Eliot, créateur de mode (cliché, non ?) interprété en 1988 par Brian Starcher, déjà dans As The World Turns, décidément pionnier (11) en la matière, qui créa il y a vingt-deux ans le premier personnage gay récurrent dans un savon (12).

(2) Par opposition à « prime time », qui désigne les programmes du soir, « daytime », comme son nom l'indique, désigne les programmes diffusés dans la journée.

(3) Fils de Lionel et Augusta Lockridge, la famille rivale des Capwell. Le premier interprète en fut John Allen Nelson.

(4) Sydney Penny débuta au petit écran dans Les oiseaux se cachent pour mourir, jouant le rôle du personnage de Meggie Cleary (Raquel Ward) enfant, et qui tombe amoureuse du prêtre (Richard Chamberlain). En 1988, on la vit au cinéma en Bernadette Soubirous dans le film du vétéran réalisateur Français Jean Delannoy, Bernadette. En 2001-2003, elle a tourné dans Largo Wynch (la série) et on a pu la voir aussi dans The Bold And The Beautiful (titre original de Amour, Gloire & Beauté, na na na na na na na na na)

(5) Terme employé ici pour désigner, non pas le recrutement des comédiens, mais l'ensemble des comédiens eux-mêmes. En bon français, je devrais écrire « distribution », mais je dois songer à la compréhension des néophytes qui me lisent.

(6) Abréviation de Days of our Lives.

(7) En France, on dirait « travailler plus ».

(8) Pas « Bed and Breakfast », ni Brigitte et Bardot, bande d'aliborons anachorètes.

(9) Sic, pour réalité, tant il est vrai que rien n'est moins réel qu'une émission dite de télé-réalité où tout est pipé d'avance.

(10) Regardez-les, bon sang ! Bien que TF1 soit une chaîne de merde ce qu'elle est, je n'insisterai jamais assez sur l'utilité, pour la digestion, d'y regarder Les Feux de l'Amour plutôt que L'Inspecteur Derrick sur France 3.

(11) Les titres de gloire d'ATWT dans le domaine des grandes premières de la télévision inventées pour un opéra-savon sont : premier savon télévisé (car il existait des savons radiophoniques) ayant des fans à la Maison Blanche (Mamie Eisenhower), premier savon d'une durée de trente minutes, premier super-couple et premières stars savonneuses (Mark Rydell et Rosemary Prinz dans les rôles de Jeff Baker et Penny Hughes, en 1958), premier enfant illégitime dans un savon (Jimmy Lowell, en 1958), premier divorce dans un savon (Tim et Louise Cole, en 1958), première protestation de fans (en 1962, lors de la mort accidentelle de Jeff Baker), première salope savonneuse haïe par le public (Lisa Miller, interprétée par Eileen Fulton pendant 50 ans, qui devait être escortée par des gardes du corps pour échapper à la haine des simples d'esprit), premier savon avec un spin-off (Our Private World, en 1965, annulé au bout de cinq mois, racontait la vie de Lisa Miller à Chicago), première utilisation du SORAS dans un savon (Soap Opera Rapid Aging Syndrom : Dan Stewart, né à l'écran en 1958, eut 26 ans en 1966...), premier savon en couverture de TV Guide (le 7 août 1971), premier personnage savonneux mort en tombant d'un escalier (Liz Talbot, en 1973), premier viol conjugal dans un savon (John Dixon sur sa femme, Kim, en 1974. Noter qu'à l'époque, le viol entre époux n'était pas considéré comme un crime), dernier savon à être tourné et diffusé en direct (le 1er décembre 1975, ATWT passa d'un format de 30 minutes à une heure – en réalité, 42 minutes plus 18 minutes de publicité – et fut enregistré et non plus diffusé en « live »), premier personnage savonneux homosexuel (voir note 1), premier savon à reprendre des personnages d'un ancien savon (en 1999, ATWT accueilli des personnages d'Another World, qui venait de quitter l'antenne), et enfin, premier baiser romantique entre deux hommes (Luke et Noah, le 17 août 2007) et première scène d'amour gay (toujours Luke et Noah, le 12 janvier 2009).

(12) J'aime quand je fais des jeux de mots involontaires : « récurrent dans un savon » ! Mouhahaha.

 

TO BE CONTINUED...

 


(6.17)

par Zanzi

coeur-noir.jpg


PREVIOUSLY ON ZANZI AND THE CITY : cliquer ici.

 

Rentré en France, Zanzi ne put réaliser la moitié de ce qu'il avait prévu. Les jours et les semaines passèrent à toute allure, les atermoiements succédèrent aux hésitations, et à force de chercher à contenter tout le monde, il en vint à la conclusion que si ça continuait de cette façon, il finirait par ne contenter personne.

Cela faisait longtemps qu'il avait prévu de retourner à Bruxelles, qu'il avait promis à Esteban de le revoir. La ville n'avait guère changé, n'était-ce davantage de sens interdits qui compliquaient singulièrement la circulation en centre-ville. Ça ne s'arrange vraiment pas en Europe, pensa Zanzi. Esteban non plus n'avait pas changé, tout au plus avait-il gagné en virilité grâce à une barbe de trois jours savamment entretenue. Ça lui donne l'air moins jeunot. Sa vraie virilité est ailleurs : il ne la montre pas à tout le monde ! gloussa Zanzi.

Il plut sur Bruxelles, ce qui donna à la capitale belge un charme particulier. Ils s'arrêtèrent dans un café-restaurant où, quelques années plus tôt, dans son désœuvrement sentimental, Zanzi participa vainement à une soirée de speed-dating. Comme le serveur tardait à venir prendre la commande, ils quittèrent les lieux, déçus du changement qu'ils y constataient, et, à la faveur d'une éclaircie, gagnèrent la Grand-Place. À côté de la Maison du Roi, ils entrèrent dans l'un de ces attrape-touristes aux tarifs scandaleux. Seul le décor valait le détour. Mais ils étaient ensemble, pendant un moment, comme autrefois.

Plus tard, Zanzi retourna enfin à Paris, la City de tant de rêves évanouis. Que pouvait-il encore espérer y trouver ? Il fit ses adieux définitifs à son ancien quartier, son ancienne demeure. Ce qui fut naguère son appartement n'était plus dorénavant qu'un bureau. Il fut heureux de revoir sa concierge, sa petite mère des années parisiennes, aujourd'hui à l'aube de la retraite, prête à rentrer couler des jours de tranquillité, chez elle, au Portugal. Je ne reviendrai plus ici, se dit Zanzi, plus rien ne m'y rattachera désormais.

Il chercha encore, sans la trouver, une bonne raison de rester en France. L'espace d'un soir, le Château de Versailles s'illumina pour lui, mais la féerie se dissipa bien vite. Orléans, qui semblait l'attendre avec impatience depuis des mois, lui ferma ses portes in extremis. Des promesses d'amour s'évanouirent les unes après les autres sous des prétextes fallacieux. On ne veut plus de moi ici. Et pourtant, que de sms échangés, d'appels téléphoniques, de conversations internautiques ! Rien que du virtuel. Dès qu'il s'agit d'affronter la réalité, il n'y a plus personne. On en revient toujours au même point, c'est-à-dire nulle part. « Mais il y a des nulle part qui sont au cœur des choses ». Où diable avait-il entendu cela ? Ah oui, dans un film. Ce n'était que du cinéma, donc ça ne veut rien dire.

Durant quelques heures il se sentit brisé par la vanité des sentiments trop hardiment professés. Sa vie n'était plus ici, mais tout au fond de lui, il le savait depuis longtemps. Sa propre mère le poussa à repartir, loin de la morosité ambiante, du mécontentement général, du tumulte battant le pavé, des grèves à n'en plus finir et des lendemains sans espoir. Nul ne chercha à le retenir. Nul ne songea, non plus, à le suivre. C'est seul, comme d'habitude, qu'il allait prendre ce nouveau départ et s'élancer dans une nouvelle voie, encore nappée d'un halo de brume voilant la ligne d'horizon. Un but aux contours mal définis, entre le soleil et les ténèbres, entre l'empire des ombres et le royaume de la lumière. Le grand défi, le tournant de sa vie.

Il reprit donc l'avion, le cœur lourd de regrets mais lesté du moindre remords, sans un regard pour le passé et les chimères qu'il laissait derrière lui.

 

TO BE CONTINUED...

 


(6.16)

par Zanzi

amoursmortes.jpg


PREVIOUSLY ON ZANZI AND THE CITY : cliquer ici.

 

à Amar 

 

En passant par la Lorraine, alors qu'il s'en allait chez Daniel, Zanzi mit un disque dans le lecteur CD afin de créer une ambiance et de se sentir moins seul durant le trajet. Il eût l'heureuse surprise de redécouvrir un hit, vieux de plus de vingt ans, qu'il avait beaucoup aimé à l'époque mais que, curieusement, il réalisa qu'il avait oublié avec le temps. Va, tout s'en va. Mais les paroles et la mélodie lui revinrent en mémoire avec la fulgurance d'un éclair. C'est ainsi qu'il se laissa emporter dans le tourbillon de ses souvenirs, et qu'il écouta en boucle, jusqu'à l'arrivée, la voix mi-adulte mi-juvénile de Dana Dawson chanter « I'll be ready to follow you ». Zanzi se dit que s'il avait oublié la chanson au cours des deux dernières décennies, c'est qu'il n'avait probablement pas aimé quelqu'un sur cet air-là. Une chanson vierge, en quelque sorte, qu'il ne pouvait associer à un amour ancien.

 

 

Parvenu chez Daniel, il ne put s'empêcher de lui raconter avec exaltation sa passionnante redécouverte musicale. La mémoire semblant faire défaut à Daniel, ils recherchèrent Dana Dawson sur Internet, et tombèrent sur une information qui les plongea dans la tristesse et la consternation. Dana Dawson, qui avait ravi le monde entier avec sa chanson en 1988, à l'âge de 14 ans, venait de mourir le 10 août, à 36 ans, emportée par un cancer du colon.

Zanzi était pétrifié. Que le général Marcel Bigeard trépasse le 14 juillet à un âge canonique, rien de plus normal, mais que des jeunes quittent prématurément la vie, il ne pouvait l'accepter.

Il repensa longtemps au sentiment d'incrédulité qu'il ressentit le 8 septembre, lorsqu'un ami lui apprit, à mots couverts, la mort d'Amar Ben Belgacem. Mots couverts qui disaient tout en ne disant rien, et laissaient présager un drame. Google. Amar Ben Belgacem. Wikipédia. « Ceci est un article qui traite d'une personne morte récemment ». Hein ? Non, ce n'est pas possible...

Flash-back, mars 2006. Zanzi papillonne au pavillon d'Armenonville, l'un des fleurons du Bois de Boulogne. Le Bois de Boulogne chic, celui où l'on ne risque pas de croiser des « brésiliennes », mais où l'on côtoie le grand monde. Le maire de Paris et le président de la Cour des Comptes, adversaires politiques mais réunis par un sentiment d'appartenance à une même terre natale, un comédien célèbre préparant son come-back, une ancienne reine d'Égypte faisant sa cour à un mondain qui n'est pas encore ministre de la Culture, le petit-fils du dernier Bey de Tunis, et bien sûr, des Tunisiens venus célébrer la fête nationale de leur pays. Parmi eux, une étoile scintillante : Amar.

Amar remarqua Zanzi et flasha sur lui. Instantanément. Avec la gouaille d'un parisien et la « tchatche » d'un méditerranéen, il emballa assez facilement un Zanzi qui ne demandait qu'à se laisser séduire, grisé par le décor de rêve, le champagne coulant à flots, les amuse-gueule des traiteurs et le sourire désarmant du jeune peintre. Deux jours plus tard, il était chez Amar, à Fontainebleau. Ils avaient pris le train de banlieue, parlé de tout et de rien, avant d'arriver là-bas, à la nuit tombée, une nuit qui allait être la leur.

Zanzi ne put réprimer un rire au souvenir d'Amar lui demandant de se faire circoncire.

– Pourquoi me ferais-je circoncire ?

– Parce qu'on va se marier. Ma mère ne voudra jamais d'un gendre non circoncis.

Sacré Amar, il avait prononcé ces paroles en prenant l'air le plus sérieux du monde, comme s'il exprimait une évidence. Le pensait-il vraiment ? Et si...

Et si nous nous étions « mariés » ?, songea Zanzi. Mais leurs chemins s'étaient vite séparés. Pourtant, jamais il n'oublia cette curieuse et rapide demande en mariage. Trop rapide pour être crédible. Et pourtant... Et si... Il repensa à la dernière fois qu'il avait vu Amar, le 25 août 2007, dans son nouveau chez lui, où il avait organisé la réception de ses adieux parisiens. Trois ans jour pour jour avant de mourir. Il en frissonna.

Et si... Et si je lui avais parlé plus souvent, sur Skype ? Si j'avais pris la peine de prendre davantage de ses nouvelles ? Tant de « si ». Mais il avait l'air heureux, toujours en voyage... Les apparences. Méfiance.

Généralement, le terme « amours mortes » évoque des amours anciennes qui n'ont plus cours. Tout à coup, pour Zanzi, il prenait un sens nouveau. C'était la première fois qu'un ancien amour mourait pour de vrai. Si soudainement. Il se fit des reproches, moins que s'il s'était trouvé en France au moment du drame. Son naturel romanesque et exalté ne se le serait pas pardonné. Sur le moment, il éprouva l'envie, le besoin vital, même, de dire à ses ex qu'il les aimait. Juste comme ça. Aimer encore, différemment. Pour ne pas mourir à trente ans, ou quel que soit l'âge, seul et abandonné de tous. Pour ne pas mourir sans amour dans le cœur, sans se savoir aimé de quelqu'un, quelque part. Pour ne pas poser le pinceau avant que la toile ne soit achevée. Pour ne pas être tenté de dire adieu avant l'heure, et de tout quitter sur la pointe des pieds.

 

TO BE CONTINUED...

 


(6.15)

par Zanzi

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© Zanzi / De gauche à droite : Zanzi soumis et Daniel exceptionnel.


PREVIOUSLY ON ZANZI AND THE CITY : cliquer ici.

 

Zanzi dut se rendre à l'évidence : son courrier ne contenait que deux invitations, et celles-ci étaient prévues pour le même jour ! C'est trop injuste, se lamenta-t-il à la façon du petit Caliméro. Après trois longues années de privations et d'exil, il avait tant envie de replonger dans l'ambiance germanopratine. Si je vais chez BHL, pensa-t-il, Daniel va me faire une scène et maudire « le microcosme parisiano-parisianiste » ! Il poussa un profond soupir, prit sa plus belle plume, et envoya au philosophe la plus émouvante lettre de regrets qui ait été écrite depuis que George Sand, le cœur brisé, refusa poliment d'épouser Alfred de Musset (1).


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© D.C.H. - Zanzi avec douze annuaires et sept coussins pour arriver au niveau du volant.


Aux commandes d'une voiture de louage, Zanzi prit la route de la Lorraine. Ils vont me voir arriver avec mes grands sabots ! Ha ha... Il traversa les Ardennes belges, le minuscule Luxembourg, et revint en France, dans une région sinistrée où les villes portent des noms en -ange. « Putange, quel curieux nom tout de même ! Mais aucune ville ne s'appelle Vidange. » Et l'esprit de Zanzi se remit à vagabonder en des lieux que la morale réprouve et que la décence m'interdit d'évoquer plus explicitement.

À quelques lieues de l'arrivée, une alerte à la bombe [authentique ! Note de Daniel Conrad] provoqua un ralentissement sur l'autoroute. Parvenu à destination, Zanzi eut à peine le temps de sortir de sa voiture qu'un ours en peluche humain lui sauta dessus, comme un toutou qui fait la fête à son maître.

— Ma micropuce ! Mon Minipouss ! Mon Zanzichou démissionnaire !

— Daniel ! Mon nounours ! Mon gros patapouf [authentique ! Note de Daniel Conrad] ! Tu m'étouffes.

Puis Zanzi tomba dans les bras de Mme Conrad Hall Mère, qui avait eu l'extrême délicatesse de lui peindre un portrait vraiment ressemblant de sa douce toutoune Nicia.


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© D.C.H. - Zanzi drague Mère Conrad Hall pour tenter de devenir le beau-père de Daniel.

 

Zanzi était chez lui. En famille. Il eut même l'honneur d'être présenté à la Grand-mère de Daniel (2).


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© D.C.H. - Zanzi drague Grand-mère Conrad Hall pour tenter de devenir le beau-grand-père de Daniel.

 

Une exquise sensation de sécurité et d'amour l'enveloppait. Il se dit qu'il avait eu raison de décliner l'invitation de Dombasle. Fusèrent des rires, jaillirent des larmes, des larmes de joie. Daniel semblait avoir l'air plus jeune que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, quand était-ce déjà ? Oh ! si loin que ça. Une fraction de seconde pour méditer sur l'implacable course du temps.


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L'heure vespérale sonna celle de l'apéritif, et pour Zanzi la dégustation d'un cocktail nouveau : champagne et mirabelle ! Presque aussi efficace que le GHB, mais il s'agissait de préparer le corps à affronter le repas. En entrée : une quiche lorraine, en plat : une choucroute alsacienne, saucisse Saint-Andrieux (3), le tout arrosé au Riesling et au Gewürztramminer. Zanzi prit trois kilos rien qu'en voyant arriver les assiettes. Pour digérer ces agapes pantagruéliques, Daniel lui proposa de mater un film de cul. Mais Daniel est un être délicat, tout en finesse. Aussi n'a-t-il dans sa vidéothèque aucun Cadinot ni autre classique du genre. C'est ainsi que Zanzi regarda sa première comédie musicale érotique [authentique ! Note de Daniel Conrad]...


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© D.C.H. - Zanzi et son ancêtre reprennent le Château de Lunéville.

 

L'excitation provoqua un grand dérèglement dans la maison. Pour commencer, Internet tomba en panne. Les Toiles Roses allaient-elles être privées de la mise à jour du weekend ? Privé d'ordinateur, Daniel estima qu'il valait mieux encore jouer les guides touristiques. C'est ainsi qu'il laissa Zanzi l'entraîner dans une église. Après-nous, n'était-il pas encore tout récemment un vice-nonce ? Daniel ne put s'empêcher de se laisser pénétrer, malgré lui et à l'insu de son plein gré, par la profondeur et l'immensité du recueillement. Une heure de plus, et il aurait pris le chemin de Damas !

C'est celui de Nancy que prit la famille Conrad Hall, pour régaler les papilles de Zanzi avec une andouillette, non loin de la maison où, prétend une plaque, fut exposé le corps de Charles le Téméraire en 1477. Il ne devait pas en rester grand chose, songea Zanzi, les loups l'avaient dévoré à moitié. Mais c'était bien une faim de loup qu'en cet instant il ressentait, malgré l'énorme dîner de la veille ! Daniel avala un gigantesque plateau de fromages qui lui donna un orgasme gustatif. « C'est étrange, constata Madame Conrad Hall, d'habitude Daniel n'est pas comme ça. » Effet magique Zanzi ? La journée, très ensoleillée sous un ciel d'azur alors qu'il pleuvait partout ailleurs, promettait d'être chaude.


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© Zanzi / Le plateau de fromages de Daniel Conrad Hall.

 

La promenade digestive les conduisit inévitablement place Stanislas, du nom d'un roi de Pologne, détrôné par un rival et que Louis XV fit duc de Lorraine, seuls faits que retint la postérité qui oublia trop vite que le roi-duc Stanislas fut avant tout le génial inventeur du cornet de glace, dont on peut savourer les versions modernes dans les salles de cinéma (4). Zanzi fut invité à visiter l'hôtel de ville et, se présentant au balcon, salua une foule en délire venue l'acclamer. Il lui fallut se déguiser pour sortir du palais sans être assailli par la population, avide de le toucher et de s'arracher ses vêtements comme autant de divines reliques.


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© D.C.H. - Zanzi, Place Stanislas à Nancy, salue le peuple qui veut le guillotiner.

 

La fuite les conduisit dans la Pépinière, dont le zoo constitue le refuge idéal. Hélas, même dans cet ersatz de paradis perdu, Zanzi ne pouvait passer inaperçu. Ses vibrations sensuelles agacèrent rapidement les animaux, en particulier les macaques de Bornéo qui se livrèrent aussitôt, devant des enfants plein de curiosité et leurs parents médusés, à des attouchements d'une incroyable vulgarité.


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© Zanzi


L'un des macaques souleva la queue d'un autre et se mit à lui lécher le cul, tandis que deux mètres plus loin, un autre couple simiesque s'adonnait sans la moindre gêne aux plaisirs de la fellation [authentique ! Note de Daniel Conrad].


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© Zanzi


Choqués de découvrir plus roués qu'eux, les paons firent la moue. Et tandis que les brebis s'agitaient en bêlant des propos incohérents, les parents désarçonnés par les questions embarrassantes de leurs enfants tentaient d'emmener leur progéniture loin de ces surprenantes bacchanales. Et Zanzi, amusé, se demanda si au même moment, un fameux philosophe besognait sa Dombasle avec autant d'entrain...


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© D.C.H. - Zanzi et son célèbre truc de la turlutte de la flûte...

 

(1) La lettre s'est perdue et n'a jamais été retrouvée. Il se murmure cependant dans le microcosme parisiano-parisianiste du Louvre des Antiquaires qu'un descendant de Frédéric Chopin, atteint d'Alzheimer et de Parkinson, serait en sa possession...

(2) La mère de la mère du fils caché de Robert Conrad !

(3) Avec du bon jujus à la strasbourgeoise...

(4) Parce que Stanislas lèche un ski...

 

 

TO BE CONTINUED...

 


(6.14)

par Zanzi

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© D. R. Freaks de Tod Browning
(de gauche à droite : Zanzi, sa belle-sœur et son frère)


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Zanzi quitta la nonciature, traînant dans son sillage le maître d'hôtel du Potiron, à qui la nouvelle fut si odieuse qu'elle lui donna la chiasse. Le cul rivé à la fosse d'aisance pendant trois interminables journées, le nonce perdit cinq kilos qu'il ne tarda pas à retrouver en engloutissant des tonnes de pâtés lors de la foire annuelle des dames patronnesses de la paroisse. Sans un regard derrière lui, Zanzi s'embarqua pour la France où sa famille l'attendait avec impatience. Son petit frère était sur le point de se marier.

Rien n'est plus étranger à Zanzi qu'un mariage, tant il est persuadé qu'il ne tiendra jamais le premier rôle en une semblable cérémonie. Cependant, il allait être le premier témoin du marié, et diantre ! il n'allait pas laisser passer cette occasion qui, quant à elle, ne se reproduirait sans doute pas. Zanzi fit le décompte du nombre de mariages auxquels il a assisté depuis sa majorité. Voyons... deux copines de l'école maternelle, quatre cousins et cousines, une amie du lycée, un ami de mon frère, cela fait huit chez les hétéros, et un mariage homo à Bruxelles, au cours duquel j'ai failli me tuer en voiture sur l'avenue Louise, songea-t-il, en se disant que ce dernier exemple n'avait rien d'un heureux présage. Cela fait neuf. Mon vrai-faux mariage à Las Vegas ne compte pas. Avec celui de mon frère, cela fera dix. Même pas un demi-mariage par an ! Voilà pour les statistiques qui ne jouent pas en ma faveur, si tant est qu'un mariage soit, selon la légende, une occasion idéale de rencontrer l'âme sœur, pensa-t-il en soupirant.

L'heure était aux réjouissances. La reine-mère attendait le grand jour depuis si longtemps ! Et elle allait y tenir le rôle de la marieuse, à sa plus grande joie. Les préparatifs allaient bon train, le plus grand souci de chacun étant d'arborer une toilette seyante. Zanzi souriait, il savait que ce mariage ne serait pas comme les autres. Pour commencer, sa belle-sœur ne ressemblerait pas à une meringue, contrairement aux autres épousées qui se croient obligées de se déguiser en princesse pour avoir l'air de vivre un conte de fées. Ma belle-sœur est une vraie princesse, se dit Zanzi, elle n'a pas besoin de recourir à ce genre d'artifice. Ensuite, les mariés avaient décidé d'innover en choisissant de ne pas recevoir au Château, mais dans une taverne ! C'est tout mon frère, ça, c'est son côté flibustier...

La cérémonie proprement dite fut sobre, teintée d'une légère pointe d'émotion, ainsi que d'une touche d'humour qui ne retranchait rien à la solennité de l'instant. D'une plume énergique, Zanzi zébra le registre d'un grand Z qui semblait s'élancer à l'assaut de l'acte d'état civil. Voyons, ce n'était que cela ? C'est si facile ! Il en fut presque déçu. Fin de l'acte 1. L'acte 2 se jouera plus tard. Le grand tralala, la bénédiction de l'évêque lisant le message de félicitations du pape, les grandes orgues dans la cathédrale, les carrosses, tout ça, ce sera pour 2012. Après les élections et un peu avant la fin du monde...

Zanzi était content. Pour une fois, personne ne commit l'impair de lui demander quand viendrait son tour. « Jamais » n'est pas une réponse satisfaisante pour qui pose la question. Et Zanzi n'aime pas mentir. Un voile de tristesse recouvrit ses yeux quadricolores lorsque son esprit se mit à vagabonder et à se raconter des histoires qui ne pouvaient arriver. Une belle histoire d'amour, un vrai conte de fées... Balivernes ! Cela n'existe que dans les livres pour enfants. La réalité est différente. Je ne veux pas y penser maintenant, j'y réfléchirai demain, dit-il en paraphrasant Scarlett O'Hara. Puis il reprit un verre de rhum de contrebande. Cette taverne est une pure merveille, on se croirait dans Moonfleet !

Le lendemain de noces fut un jour ordinaire. Tiens, le pays n'est pas en grève ? Suis-je bête, c'est dimanche ! Et Zanzi rit de sa bonne blague. Il décida de s'attaquer à la pile de courrier qui attendait depuis des mois. Facture, facture, facture... Le facteur n'est-il bon qu'à apporter des factures ? Pas étonnant qu'Olivier Besancenot fasse de la politique à côté ! Publicité pour un livre de recettes aphrodisiaques, ou la bague de Ré de Danielle Gilbert, facture... Tiens, une lettre de Paris.

« Mademoiselle Arielle Dombasle et Monsieur Bernard-Henri Lévy vous prient de leur faire l'honneur... »

Une invitation ! Un événement mondain ! Zanzi sentit poindre l'excitation. Il décacheta l'enveloppe suivante, postée de Nancy, et lut : « Monsieur Daniel Conrad Hall... » Une invitation ! Fichtre, ma vie sociale reprend du poil de la bite ! exulta-t-il. Oh non... pas le même jour que la soirée chez BHL ! Nôôôn...

 

 

TO BE CONTINUED...

 


(6.13)

par Zanzi

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Il arrive aux hommes les plus intelligents d'être touchants de naïveté. Zanzi est de ceux-là. Il ne voit pas le mal qui rôde autour de lui, surtout dans les endroits les plus inattendus pour le rencontrer. C'est ainsi qu'il tomba littéralement des nues en apprenant que la sœur ménagère de la nonciature, celle qui avait nettoyé la moquette tachée par le terreau de la plante renversée un beau soir de juillet, poussée par une curiosité malsaine voire diabolique, s'était introduit dans le bureau du frère portier. Qu'allait donc chercher là cette vestale rendue nerveuse par des années de chasteté ? La vidéo-surveillance ! Et que voyait-on sur ce film ? Zanzi et Mariano, s'embrassant sur le sofa...

La Sœur ménagère n'était pas foncièrement méchante, hélas !, sinon elle aurait fait chanter Zanzi pour trente pièces d'argent ; mais elle avait un défaut encore plus pernicieux : elle était bavarde comme une concierge. Certes, elle n'était pas vraiment fautive, la malheureuse, puisqu'elle était originaire de Lusitanie, ainsi qu'en témoignait une moustache naissante des plus disgracieuse. Cependant elle moucharda auprès de Sœur Marie-Jacqueline, qui faisait office de secrétaire à la comtesse von Blunwald. Celle-ci, aussi commère que la sœur ménagère, se mit à raconter par le menu les soirées privées que donnait l'attachée cultuelle dans son hôtel de la Rue Princesse. D'écho en écho, le bruit parvint jusqu'aux oreilles du nonce, dont le tour de taille avait encore augmenté et qui se cherchait une nouvelle soutane XXL.

Nous n'avons pas encore présenté le nonce. Le père Gérard Manjouÿ, la cinquantaine, est un prélat qui préfère les plaisirs de la table à la célébration du Saint-Sacrifice. Il a, depuis longtemps, rangé son bréviaire pour ne lire que des livres de cuisine ou, mieux encore, le Guide Michelin. Sa plus grande obsession est de conserver son maître d'hôtel, créateur talentueux de mets raffinés dont le nonce se régale plus que trois fois par jour, oubliant ce que faire maigre et le Carême veulent dire. C'est donc ce personnage, sensuel à sa façon, qui s'adonne quotidiennement au péché de gourmandise, qui se mit à pousser des cris d'orfraies en apprenant les frasques, somme toute vénielles, de Zanzi et de Cécilie.

Le nonce, qui ignore encore que les potentats locaux l'ont surnommé « le Potiron », entra dans une rage folle que seul un fricot de poulet, avalé en toute hâte à l'heure du thé, parvint à calmer. Il avait en face de lui un sérieux problème. Apparentée à toutes les familles du Saint Empire romain germanique, ayant un grand-oncle maternel cardinal, Cécilie von Blunwald était la protégée du Saint-Siège et donc, intouchable. De son côté, tout vice-nonce qu'il était, Zanzi semblait, de prime abord, plus vulnérable. Mais « le Potiron » fit des recherches et ne tarda pas à découvrir que Zanzi était un chevalier de l'Ordre du Saint-Sarcophage, ainsi que de l'Ordre pontifical et mystérieux du Sanctuaire, que l'on croyait dissout depuis le XIVe siècle. Appartenir à ces confréries en faisait un homme dangereux. Saisi de vertiges, le Potiron se laissa choir dans son fauteuil, et souffrit d'une terrible indigestion qui lui gâcha son souper.

Le lendemain, la Sœur ménagère fut exilée chez les Inuits, et Sœur Marie-Jacqueline fut priée instamment de se montrer discrète, car on avait encore besoin de ses services. Cécilie reçut une promotion, et fut nommée chargée de mission auprès de l'archevêque. Les hôtes de la Rue Princesse se désolèrent en apprenant la nouvelle, dont elle les consola en donnant une dernière fête, plus somptueuses que toutes les précédentes. Restait le cas Zanzi. Le nonce ne pouvait le renvoyer, sous peine de représailles. L'ombre menaçante du bailli local de l'Ordre du Sanctuaire planait sur les rondeurs de son hypogastre, le faisant redouter d'être livré vivant à la fureur vengeresse d'une centaine de homards carnivores. Il fallait régler l'affaire à l'amiable.

— Le mieux serait que vous démissionniez, souffla le Potiron, soudain hors d'haleine. Cela nous permettrait d'éviter le scandale.

Zanzi n'avait plus envie de jouer. La lassitude l'avait gagné.

— Je n'en ai cure de la nonciature ! lança-t-il comme un défi à la figure du Potiron.

Et, fier de son effet, il tourna les talons... et la page.

 

 

TO BE CONTINUED...

 


(6.12)

par Zanzi

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Zanzi est en quête de l'âme sœur comme Henry Jones sénior est en quête du Graal, et « Junior » à la recherche de la Croix de Coronado. Il n'est, à cet égard, pas loin de penser que son âme sœur est morte depuis des siècles, et git sous un tumulus qu'il ne parvient pas à retrouver, tel un archéologue lancé à corps perdu sur la piste de son plus cher trésor. Un trésor dont la valeur serait d'autant plus inestimable qu'elle est purement sentimentale. Une valeur qui n'attend plus le nombre des années, tant celles-ci sont d'ores et déjà innombrables...

C'est dans cet état d'esprit qu'il accepta que le capitaine Martin Tremblay-Laflamme, de la police montée, lui présente son petit frère, Mariano. Haut de cinq pieds et sept pouces, Mariano Tremblay-Laflamme est à peu près de la même taille que Zanzi. Hmm, songea-t-il alors, c'est parfait pour les soixante-neuf. En bon natif du Septentrion, Zanzi ne perd jamais le nord, enfin presque jamais. Ils firent donc connaissance à l'heure du souper, par un beau soir de juillet, et ne purent se résoudre à s'en aller chacun de son côté, une fois le repas terminé. La nonciature n'étant pas loin, Zanzi résolut d'y emmener Mariano, curieux de découvrir ces lieux fantasmagoriques chargés de mystère.

Derrière la baie vitrée, ils admirèrent le coucher de soleil qui faisait scintiller des myriades d'étoiles de feu sur la rivière. Troublés par la beauté du spectacle, ils renversèrent une plante verte qui répandit son terreau sur la moquette. Qu'importe, le nonce n'en saura rien, il est en tournée apostolique. Ils se dirigèrent ensuite vers un sofa, certains de ne plus y donner du travail supplémentaire à la Sœur ménagère. C'est là qu'entre deux phrases, deux rires, deux secondes hors du temps, leurs lèvres se rencontrèrent pour la première fois. Dès lors, plus rien n'avait d'importance, plus rien d'autre ne comptait que les prémisses de cette romance.

Ils se quittèrent sans souiller les lieux par des gestes impurs, se promirent de se revoir, ce qu'ils firent quelques jours plus tard. Zanzi comprit très vite qu'il ne pourrait garder Mariano près de lui. Ses études étant terminées, il allait retourner chez ses parents pour y trouver du travail. Loin, très loin de Monkeytown, à des dizaines de lieues de là. L'été déjà bien entamé ne leur laissait donc plus qu'un mois pour profiter l'un de l'autre. Ils se revirent, sortirent et se montrèrent ensemble en société, à tel point que l'entourage de Zanzi le crut enfin casé. Cécilie von Blunwald, l'attachée cultuelle de la nonciature, en fut si heureuse qu'elle organisa une grande réception pour célébrer l'événement, sans se douter combien les apparences pouvaient être trompeuses.

Zanzi ne souhaitait que profiter de l'instant présent, sachant que tout serait très vite terminé. Au beau milieu de la soirée de Cécilie, il emmena Mariano admirer les Perséïdes au bord de la mer. Dans son cabriolet, Zanzi s'abandonna à l'ivresse d'un bonheur furtif, en regardant les étoiles filantes traverser le ciel, avec son flirt à côté de lui. Ils se retrouvèrent quelques jours plus tard, sur une plage presque déserte, où ils se blottirent l'un contre l'autre avant de s'élancer dans les vagues et que le crépuscule ne les contraignent à se replier à l'intérieur des terres.

Mariano partit comme prévu, et Zanzi ne versa pas de larmes. Au cours des cinq semaines que dura leur relation, pas une seule fois ils ne cédèrent à l'appel de la chair, se contentant de baisers et de caresses, parfois torrides. Il lui vint alors à l'esprit qu'il avait enfin vécu cette amourette de vacances, ce flirt d'adolescents qu'il n'avait jamais connu à l'âge où les jeunes vibrent de leurs premiers émois sentimentaux. Cette seule pensée suffit à le contenter et à lui rendre agréable ce qu'il venait de vivre, et dont il chérirait le tendre et pur souvenir jusqu'à la fin de ses jours.

 

 

TO BE CONTINUED...

 


(6.11)

par Damien D.

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(Dédié à BBJane Hudson et à toutes les amoureuses

de la littérature et des films fantastiques.)

 

Les vieilles légendes indiennes que la tradition orale transmet de génération en génération par la bouche des sorciers prétendent que, les soirs de pleine lune, les élus du monde parallèle où les ténèbres et la lumière se livrent un combat sans merci, se transforment en une créature effrayante, mi-homme, mi-loup, que les chamanes ont baptisée du nom de loup-garou. À tort ou a raison ont-ils, depuis l’aube des temps, attribué à cet hominien empreint d’une féroce animalité le charme envoûtant d’un Casanova doté d’un puissant magnétisme sexuel. Peut-être est-ce à cause de cette soudaine pilosité dont se couvre son corps glabre d’éphèbe, le faisant passer de la beauté androgyne d’un Adonis olympien à la virilité colossale d’Héraclès.

Zanzi a vécu cette saisissante métamorphose qui transforme l’homme en bête, lorsque la dernière lune était pleine et éclairait le ciel nocturne et tourmenté de Monkeytown [en juillet dernier, NDLR], noire de monde ainsi qu’en un soir de fête, comme il sied à une ville qui héberge les championnats du monde d’athlétisme junior et attire en son sein une quantité impressionnante de jeunes apollons débordant d’une vitalité jouvencelle qui réveille et excite les hormones de la luxure. Plus que la lune, ces enivrantes odeurs charnelles diffusant dans l’atmosphère chaude et moite leur subtil et audacieux parfum de lubricité, provoquèrent-elles en lui cette transmutation qui tira de sa profonde léthargie le fauve qui sommeillait au tréfonds de son être.

 

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L’altération de ses traits humains se produisit avec une rapidité qui fit tressauter son entourage, encore plus alarmé par le vigoureux hurlement rauque qui s’échappa de sa gorge alors qu’il déchirait sa chemise en soie de Chine incrustée de pierres précieuses, dévoilant son torse qui se couvrait d’une toison d’argonaute à la vitesse d’un cheval au galop. Les bûcherons les plus costauds reculèrent d’effroi, tétanisés par la vision du lycanthrope, mi-dieu mi-démon, tandis que les princesses de la nuit, vêtues avec autant de décence que Britney Spears et Lindsay Lohan lorsqu’elles offrent au regard concupiscent des chasseurs de scoop le spectacle affriolant de leurs bacchanales californiennes, se mirent à frétiller de la croupe à peine recouverte par quelques centimètres de tissu aux couleurs chatoyantes.

 

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Lorsque la mutation de Zanzi en loup-garou fut achevée, une horde de pécheresses qui avaient probablement perdu leur innocence au sortir de l’enfance s’abattit sur lui, arrachant avidement des morceaux de ses vêtements comme autant de reliques païennes qu’elles vénèreront dans le souvenir de cette noria crépusculaire et magique. Sous les auspices sélénites de Goro, le doum-doum ne faisait que commencer, et sa clameur se propagea de rues en rues, de trottoirs en trottoirs, attirant une foule interlope de plus en plus dense et compacte, et prête à se livrer à tous les excès de l’intempérance.


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À la veille de leur mariage, des demoiselles nubiles perdirent le contrôle de leurs sens et leur inconduite fit scandale. Chacune voulait toucher Zanzi et en particulier ses tétons velus auxquels elles attribuaient des vertus surnaturelles. Une boîte de nuit, dont le nom n’est composé que d’une consonne entre le U et le W, fut le théâtre halluciné de cette extraordinaire débauche à laquelle se livrèrent tous les noctambules présents. Un barman en rata tous ses cocktails, et l’accident créateur provoqué par un improbable mélange de liqueurs produisit un philtre aphrodisiaque qui décupla l’excitation de la foule en transe. Une serveuse en mouilla la culotte qu’elle ne portait pas, inondant le carrelage que les videurs se mirent à lécher ; tels sont les risques de leur métier. Le chaperon d’une fiancée devint rouge de confusion et retrouva ses vingt ans, et cette curiosité provoqua un nouvel attroupement, bientôt dissipé par le déclenchement d’un feu d’artifices sur le dance floor.

 

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La soirée atteignit son paroxysme lorsque Zanzi devint une bombe pyrotechnique, projetant autour de lui des feux multicolores jaillissant de son corps. L’émerveillement fut complet, jamais on ne vit à Monkeytown un divertissement aussi fabuleux. Ce fut une étourdissante féerie de couleurs, et les yeux écarquillés, les bambocheurs ne pouvaient en croire leurs mirettes. Un immense orgasme retentit et ce fut le bouquet final, un cri de plaisir qui retentit dans la nuit et se perdit dans le lointain, emporté par l’écho de la rivière jusqu’au rivage côtier où il vint mourir peu avant l’aurore. Les couche-tard regagnèrent leur lit, fantômes hagards, silhouettes titubantes, mais heureux rescapés de la fête décadente qui marquera leur vie à tout jamais. Dès potron-minet, Zanzi vit disparaître son pelage fauve, retrouvant la conscience de son être et son visage angélique, et prêt à vivre une nouvelle aventure.

 

 

TO BE CONTINUED...

 


(6.10)

par Damien D.


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Le soleil brillait fort dans le ciel de l’Est canadien, dardant ses rayons sur les corps alanguis qui paressaient, lascivement étendus sur la longue plage de sable blond. Des silhouettes jeunes et élancées s’ébattaient dans les vagues de l’Atlantique, tandis que d’autres, d’aussi belles proportions, jouaient qui au frisbee, qui au ballon, sous l’œil tantôt bienveillant tantôt indifférent des personnes d’un âge plus mûr qui buvaient une bière en faisant des mots croisés ou en lisant le dernier roman à la mode tout en se faisant brûler la peau déjà bien tannée par l’astre suprême.

Au milieu de cette foule où il pouvait dénombrer des « bombasses » par dizaines, Zanzi marchait sur la grève, ses chevilles caressées par le mouvement des vagues venant mourir à ses pieds. Son regard paradisiaque aux couleurs de l’eau des mangroves de Zanzibar se perdait jusqu’aux limites de l’horizon, quand il ne se posait pas sur un Bernard-l’hermite soucieux de se cacher au fond de son coquillage. Ses pensées emmêlées dans les fils inextricables de son esprit débridé ne différaient guère de celles de l’été précédent, lorsqu’il se surprit à rêvasser à « la vie normale des gens normaux » en croisant ces couples qui venaient, avec leurs jeunes enfants, profiter des plaisirs simples de la plage au temps des vacances. C’est alors qu’il se souvint de son étrange été 2009, durant lequel il se trouva embringué dans une curieuse histoire de vrai-faux mariage avec une irlandaise mythomane et schizophrène qui voulait lui donner des jumeaux, fiction virtuelle aux frontières du réel et de la légende déformée par les siècles et les narrations qu’en feront les ménestrels.

Zanzi se souvint aussi qu’il tenta de se divertir de ce road-movie internautique et rocambolesque par le biais d’une romance tout aussi virtuelle avec un ténébreux séminariste, dont la brune barbe virile cachait des désirs féminins pour les personnes de son sexe. Encore un baratineur menant une double voire triple vie, écartelé entre ses trop nombreux personnages et égaré dans les méandres de ses propres délires. Étrange saison estivale aux amours folles et improbables, irréalistes et irréalisables, l’immense océan protégeant Zanzi d’une promiscuité dangereuse avec ces créatures déraisonnables.

Ce jour-là, sur le rivage, les souvenirs le submergèrent comme la mer inondant les douves d’un château de sable sur la plage. Il regarda les gens qui l’entouraient sans le voir : voulait-il vraiment être comme eux ? Sous la façade luisante du bonheur paisible qu’il pouvait lire sur leurs visages épanouis, n’y avait-il pas aussi d’autres solitudes, d’autres drames cachés, des non-dits masqués par la joie éphémère que procure un après-midi estival ?

Il songea alors que lorsqu’il se promenait seul au milieu des groupes d’amis, des couples et des familles qui peuplaient la plage en été, ce qui lui manquait le plus, c’était une présence. Une main tenant la sienne, des yeux plongeant dans son regard, un autre cœur battant contre sa poitrine, et le plaisir de partager la contemplation d’un coucher de soleil avec quelqu’un que l’on aime, ou avec qui l’on se sent bien, tout simplement, sans qu’il soit besoin d’employer de grands mots. Et ce tendre crépuscule serait suivi d’une nuit étoilée, bercée par le rythme naturel de l’eau. Et cette nuit où ils n’auraient pour seul lit que le sable sous leurs corps enlacés, et pour seul drap que la voûte céleste et le firmament au-dessus de leurs visages apaisés, serait suivie d’une aube nouvelle qui les ferait s’émerveiller comme des enfants devant le miracle renouvelé de la vie qui renaît avec le jour.

Un tel prodige n’arrivera peut-être jamais, pensait Zanzi. Il savait qu’il ne pourrait passer sa vie à l’attendre, ce moment dans le temps où lui serait enfin donné de savourer en tendre compagnie les heures trop rapides d’une félicité à deux. Il savait aussi que s’il voulait se donner les moyens d’être heureux malgré tout, il lui faudrait accepter, dès à présent, de se dépouiller de ses rêves pour épouser la réalité et apprendre à l’aimer. Cela supposait, médita-t-il, d’avoir envie de ce qu’il avait plutôt que de chercher ce qu’il n’avait pas, et par conséquent, de passer d’une solitude subie à une solitude choisie.

En s’éloignant le long de la grève, Zanzi savait déjà qu’il reviendrait se promener sur ce littoral qui était désormais le sien et, fût-il ou non accompagné, qu’il y sourirait.

 

(*) Pour une durée indéterminée, Zanzi a décidé de ne plus écrire ses aventures. Cependant il est suivi dans tous ses déplacements par Damien D. qui, à partir de cet épisode, rédigera les billets de « Zanzi and the City ».

 

 

TO BE CONTINUED...

 


(6.09)


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Minou adore les vieux films, ceux qui rebutent l’immense majorité de ses contemporains parce qu’ils ne sont pas en couleurs. Il aime les comédies américaines, celles qui détendaient le public lors de la Grande Dépression et dont les maîtres avaient pour nom Capra, Lubitsch… Minou se souvient de ce petit joyau de 1933 (ouh ! comme c’est loin ! À l’époque les congés payés n’existaient pas) qui s’appelle Sérénade à trois. On y voyait Gary Cooper et Fredric March, campant deux gars inséparables qui étaient peut-être plus que des amis, se disputer les faveurs de Myriam Hopkins (non ! pas Mary Poppins, Myriam Hopkins ! Rien à voir avec Sir Anthony…) et former un ménage à trois. En 2010, où l’on n’a plus le sens poétique de l’âge d’or hollywoodien, ce film aurait pour titre : « Deux gars, une fille ». À condition que quelqu’un daignât lui donner un titre français pour la version française. Minou le présuppose quand même, car qui irait voir un film intitulé « Design For Living » ? Et puis d’abord ça parlerait de quoi ? De décoration d’intérieur pour le salon de ces messieurs-dames ? Nenni, se dit Minou. Cela parle de se dessiner une vie, en partant d’un gribouillage pour en arriver à des formes plus complexes qu’on finirait par colorier à son goût.

Minou songe beaucoup à cela depuis que Grégoire et Louis sont entrés dans sa vie. Ils sont curieux, ces deux-là. Minou les surnomme GL, d’après leurs initiales. Good Luck ? Peut-être. À voir… GL ont franchi sans difficulté apparente le cap des 7 ans, ils ont l’air de s’aimer depuis la nuit des temps, et ils aiment les gens, tout simplement. C’est simple et radieux, même irradiant. Un jour, GL ont trouvé Minou, éternel chaton un peu perdu dans les gouttières. Son petit miaulement les a émus. Ils se sont dits : pourquoi pas ? Quand il y en a pour deux, il y en a pour trois !

Chacun cherche son chat, mais dorénavant Minou a deux maîtres. À moins que ce ne soit lui, le maître. De la vie quotidienne, Minou veut fuir le ronron. Un jour, il a dit à Grégoire et Louis : « Nous sommes félins pour l’autre ». L’un et l’autre. Toi, toi, mon trois. Est-ce la foule ? Il s’affole. Surtout, que GL ne se disputent pas les grâces du chaton ! Minou veut ronronner de façon équilibrée, pour ne pas que l’un croit qu’il a moins le droit que l’autre de le caresser. Comme un chien, il remue la queue : c’est qu’il a des dons d’imitation. Leurs cœurs sont immenses, le sien l’est aussi. Tous les trois ensemble ils dansent une sarabande. Deux pour le prix d’un, c’est son miaou-mix. Le soir venu, allongé au milieu de GL, Minou miaule de plaisir.

 

 

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(6.08)


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Encore deux mois, trente-sept jours ouvrés et j’appuierai sur « pause ». Une pause en forme de prélude à un nouveau départ. Je ne sais pas encore précisément ce que je vais faire, je n’ai aucun vrai projet si ce n’est celui de marquer un temps d’arrêt transitionnel entre le passé et l’avenir.

Je suis retourné brièvement dans la City (1), le temps de régler quelques détails administratifs. Pas vraiment l’occasion de flâner malgré deux belles journées d’été, ni de faire la tournée des grands-ducs. Ce n’est pas encore le bon moment. Pas eu envie de rester jusqu’au samedi 26 (2) et de revivre, avec un casting différent, le scénario de 2008 (3) qui fit l’objet d’un remake en 2009 (4). De tout cela, je suis revenu. Je ne puis affirmer avec certitude que l’on ne m’y reprendra plus, mais quoi qu’il en soit, plus à cette période de l’année. Histoire d’en finir une bonne fois pour toutes avec les débuts d’été qui ne tiennent jamais leurs promesses et de ne plus céder aux emballements de toutes sortes. Ni les miens, ni les vôtres.

Paris a changé. J’ai changé. Brièvement, j’eus l’impression d’errer tel un revenant au milieu de fantômes du passé et, finalement, je me suis senti quasiment étranger à ces groupes de spectres agglutinés sur le trottoir de la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie. Ainsi suis-je passé sans les frôler, mais en les observant comme pour mieux me convaincre que nous avons peu de choses en commun.

Au hasard de mes pas j’ai rencontré un ancien flirt. Dans une ville peuplée de plusieurs millions d’habitants, c’est assez curieux. Nous en fûmes quittes pour cinq minutes de conversation, pour dire de prendre des nouvelles l’un de l’autre. In fine, je me suis demandé ce qui m’avait plu en lui. Énigme sans réponse. Peut-être qu’à l’époque j’étais in the mood for it. Bygones.

Vous souvenez-vous de ma soirée de départ, il y a presque trois ans, narrée dans le journal de mes adieux parisiens (5) ? Elle a permis de créer des amitiés nouvelles qui se sont cimentées avec le temps. De fait, des gens qui au commencement n’avaient que moi en commun sont devenus très proches. Peut-être que grâce à cela j’irai au Paradis…

À l’heure où j’écris ces lignes, je suis dans l’avion qui me ramène à Caribouland. Lorenzo avait raison : ces deux semaines m’ont fait du bien et je repars en meilleure forme qu’à l’arrivée. Fin prêt pour l’été. Fin ? Pas tant que cela, aux dires du pèse-personne ! Quatre kilos de plus que mon poids habituel, voilà qui n’est pas un signe de finesse. Assez finassé : il faut que je me mette au sport et que je mange davantage de fruits et de légumes. Pour ne pas devenir une courge !

En parlant de courge, c’est de cette façon que certains de mes amis ont qualifié les professionnels amateurs de notre si peu brillante équipe de « ballon au pied ». Je considère qu’il est dommage d’en faire tout un foin alors que dans le même temps un joueur de tennis français a disputé le match le plus long de l’histoire sur le gazon de Wimbledon. Le foot fait les gros titres, le tennis figure à la rubrique des chiens écrasés. Allez comprendre… ce fait mériterait tout un billet d’humeur mais je ne me sens pas d’humeur à l’écrire. Vu les crispations qu’entraîne le sujet je préfère éviter de donner des ulcères à mon lectorat. En parlant de lectorat, je me demande parfois si je suis encore lu. Non que j’y attache une grande importance – ça, c’était vrai à mes débuts – mais j’ai comme l’impression que je n’intéresse plus beaucoup. Sic transit gloria mundi.

Peut-être devrais-je aborder des thèmes anacréontiques avec une bonne dose de lubricité ! Et tiens, je vais écrire un petit conte d’arc-en-ciel mon mari !

 

27 juin 2010 (envoyé le 27 juillet 2010)

 

(1) En juin : mercredi 23 et jeudi 24

(2) Samedi 26 juin, si vous n’aviez pas encore compris que les événements relatés remontent au mois dernier.

(3) Cf. épisodes 92 et 94.

(4) Qui n’a jamais été évoqué dans « Zanzi and the City ».

(5) Cf. épisode 68.

 

 

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(6.07)


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Il y a des moments dans la vie où l'on n'a plus rien à dire, non qu'il ne se passe rien, mais les choses qui se produisent se passent de commentaire sur le moment. Quand la douleur est trop chaude, il faut au moins attendre qu'elle tiédisse pour avoir le cran de la laisser parler.

Cela s'est passé début avril, c'était le weekend de Pâques. C'était la fin de l'hiver et le retour du printemps et des beaux jours, comme une espérance qui renaît après un long, très long sommeil. Il se prénomme Patrick, c'est un artiste et il peint des tableaux. Chez lui, artiste rime avec altruiste. Il aime rendre ses œuvres accessibles au plus grand nombre. C'est pourquoi il travaille pour un Dépanneur villageois afin de pouvoir vivre décemment. Il m'a plu, je lui ai plu : alors je suis allé passer le long weekend pascal chez lui, dans le sud de la Gaspésie.

Je suis donc parti le Vendredi Saint, et la journée s'est déroulée à la façon d'un épisode de la Quatrième Dimension, plaçant sur mon parcours des rappels de ma vie d'autrefois : l'église de Dalhousie et l'ensemble choral portant les noms des deux paroisses de mon enfance ; un restaurant à la frontière entre le Nouveau-Brunswick et le Québec portant le prénom de ma mère ; et pour terminer, retrouver chez mon hôte la jumelle exacte d'une reproduction du clown triste de Bernard Buffet. C'était bien trop de signes pour une seule journée et je ne savais exactement de quelle façon il convenait que je les interprétât. La seule chose que je savais, c'est que lorsque Patrick et moi nous sommes embrassés pour la première fois, en cette fin d'après-midi, l'aiguille de mon baromètre amoureux s'est mise à grimper pour indiquer la position « beau temps ». Là était le seul signe qui m'importait.

J'ai vécu quatre jours et quatre nuits comme un rêve, hors de mon temps et de ma routine habituels. Dans une cabane nichée dans les Appalaches, avec Patrick et ses trois chats, comme un défi à mon allergie aux félidés, j'ai touché du doigt le bonheur. Il y avait de la passion et de la tendresse au quotidien, à tout moment. Nous semblions ne jamais être rassasiés de nos baisers. Je m'imaginais déjà rester au Canada et couler des jours heureux avec lui dans la tranquillité bienfaisante de la nature environnante. Nous avons fait l'amour et j'ai exprimé des sentiments le plus naturellement du monde. Peut-être que je n'aurais pas dû...

Il a pris peur, trouvant que j'allais trop vite en besogne. Je ne l'ai pourtant pas demandé en mariage. Venant de quelqu'un qui a l'audace de m'accueillir quatre jours chez lui, c'est plutôt curieux de me reprocher d'aller vite. À quel moment les feux de détresse se sont-ils mis à clignoter ? Je ne saurais le dire. De retour à Moncton, il a fallu que je me rende à l'évidence : ce que je croyais être le miracle tant attendu n'était qu'un mirage de plus. Quelques explications plus loin, et voici ce qui ne va pas : mon sens de l'humour tendance ironique (qui est de l'auto-défense), et mes petites corrections sur la langue française quand elle est un peu malmenée à l'écrit : défaut d'un littéraire épris de sa langue maternelle mais qui ne pense pas à mal. Enfin, la cerise sur le gâteau : serais-je trop intelligent ? Il a fini par m'écrire qu'à côté de moi il aurait l'impression de passer pour mon « idiot d'accompagnement ». Quand je lis cela, j'envie les imbéciles heureux. Connaissent-ils seulement leur chance ?

Cela fait mal. Être rejeté pour des détails et des malentendus. « Ayez des élans ! » me disait Vincy en 2005. Tu vois, j'en ai eu, et pas qu'un peu. J'ai osé parcourir 750 kilomètres aller-retour, et ne le regrette pas. Mais on dirait que je n'ai vécu qu'un beau rêve au lieu d'une belle réalité, et cela ne me donne pas envie de recommencer. Il paraît que l'amour, c'est se donner complètement, sans rien attendre en retour. Je le crois volontiers, j'ai voulu tout donner, mais quand on n'est pas payé de retour, ne serait-ce qu'à moitié, c'est juste impossible. L'amour a besoin d'encouragement comme une plante a besoin d'eau pour fleurir et s'épanouir. Depuis mon retour à Moncton, je n'ai pas reçu le moindre encouragement susceptible de me donner l'espoir que ces quatre jours n'étaient pas vains.

Alors le scénario habituel a repris son cours, ramenant dans son sillage les mêmes névroses, les mêmes troubles psychosomatiques, et le spleen MacBealien. Le plus clair du temps, mon visage se peint des couleurs de la tristesse, de la lassitude et de la désespérance que me donne cette éternelle solitude dont je ne parviens pas à briser les chaînes. Il est comme le clown triste de Buffet, que j'avais retrouvé chez Patrick, longtemps après qu'il ait disparu de mon quotidien. Lorsque j'étais enfant, ce clown me faisait peur. Aujourd'hui, je l'incarne. Je suis un blagueur, mordant et moqueur, qui cache difficilement la mélancolie qui le ronge. Alors on me dit pessimiste et déprimant. Je diffuse de mauvaises ondes et deviens un repoussoir. Ne serait-il pas temps de me remiser, moi aussi, au fond d'un grenier rempli d'objets dont on ne veut plus ?

 

 

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16 mai 2010

 


(6.06)


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Je continue de déverser ma bile sur ce qui m’a donné des boutons de fièvre en 2009 (et ça continue en 2010).

 

Johnny

Vous savez de qui je veux parler. Avant 1960, il aurait fallu préciser : Johnny Guitar, Johnny Weissmuller, Johnny Depp (pas encore né)… En 2010, quand on dit « Johnny », c’est pour évoquer Monsieur Jean-Philippe Smet à l’état civil, ou si vous préférez, l’ancienne idole des jeunes (ou l’idole des anciens jeunes, ce qui revient au même). Rien que ce surnom, attribué dès ses débuts à 16 ans, a marqué de son sceau indélébile (mais débile) le culte de sa personnalité que des générations de veaux en délire allaient lui vouer : l’idolâtrie. Le mois dernier, la France (1) a failli vivre en direct un drame national encore plus retentissement que le trépas prématuré de Michael Jackson. Eh oui ! Il s’en est fallu d’un coup de bistouri que Johnny Hallyday ne meure, laissant tout un peuple orphelin.

Envoyés spéciaux campant devant un célèbre hôpital de Los Angeles, hebdomadaires d’information faisant leur Une de cette catharsis, buzz médiatique quotidien jusqu’à l’écœurement, vendetta mystérieuse visant le chirurgien « coupable » d’avoir « massacré » le dieu du rock, menaces de procès et affaires de gros sous, aucun détail n’aura été épargné à la populace avide de sensationnel, comme à ceux qui, comme moi, s’en fichent comme d’une guigne. Je parie que certains ont été déçus que Johnny n’ait pas eu le bon goût de mourir afin que la tragédie s’accomplisse pleinement. Ceux-là ont manqué de peu être récompensé par le geste énigmatique de sa fille aînée, Laura Smet, qui aurait tenté de se suicider dans l’église Saint-Germain des Près (!). Pour l’occasion, un jigai (2) sur le parvis de Notre-Dame bondé de touristes Japonais eut été préférable. Mais seules les mauvaises langues ont osé parler d’un suicide, il ne s’agissait que d’un « malaise ». La rumeur de la ville prétend que David (Hallyday, pas Douillet) en aurait fait un lui aussi. Selon son gynécologue, il serait enceint. Nul doute que si la rumeur est confirmée, elle fera les gros titres pendant des semaines…

 

John

En parlant de grossesse et pour continuer avec un anglicisme, à l’heure où j’écris ces lignes le jeune Jean Sarkozy est fraîchement papa d’un petit garçon que lui a donné son épouse, la riche héritière Jessica Darty. La dépêche de l’Agence France-Pouffe précise que : « Selon une source parlementaire, le nouveau-né se prénommera Solal, comme le héros de "Belle du Seigneur", le roman de l'écrivain suisse Albert Cohen ». Comme second prénom, je suggère Lyne. Si un jour il était candidat aux élections municipales dans le 5e arrondissement de Paris, ça promettrait un joli bazar (3). La relève est assurée, et son grand-père doit être fier comme Artaban à l’idée qu’il a probablement fondé une dynastie politique. Je me demande toutefois ce qu’en pense la jeune et belle Carla, soudain promue au rang de belle-grand-mère par alliance…

Mais revenons-en à Jean. N’est-il pas épadant (4), ce joli garçon ? Voici un jeune homme qui n’a pas froid aux yeux et qui fait tout encore plus vite que son illustre père : élection, mariage, paternité. Du moment qu’il ne pousse pas le mimétisme au point de divorcer l’été prochain, tout ira bien pour lui. J’ignore s’il a été élevé au Banania, mais si la précocité est inscrite dans son patrimoine génétique, son fils risque bien de le dépasser et de rafler quelques bonnes places à son nez et à son brushing. Solal Sarkozy, président du conseil municipal des jeunes de Neuilly en 2022 ? C’est bien possible. En tout cas, j’espère pour lui que ce nouveau-né vivra loin du tumulte politico-pipolo-médiatique, déjà que, si le prénom est confirmé, ses initiales lui vaudront de nombreuses railleries à l’école… Mais j’ai bien peur que la fatalité ne lui réserve un mauvais sort. Il est né le jour où un puissant séisme de magnitude 7 a dévasté Haïti. C’est de mauvais augure. La reine Marie-Antoinette naquit, elle, le jour du tremblement de terre qui ravagea Lisbonne en 1755… Tonton Pierre ayant, quant à lui, récemment failli être transformé en poterie sur une île brésilienne, je n’ose imaginer ce qui attend la première famille de France en 2012 ! Il vaudrait sans doute mieux pour eux qu’ils se fassent oublier de tous, et s’en aillent élever des oies ou des poneys en Corrèze. Mais comme le disait le duc Max en Bavière (5) à propos de sa fille Sissi (en tout cas, dans les films d’Ernst Marischka) : « On n’échappe pas à son destin ».

 

(1) Mais aussi la Belgique, Monaco et la Suisse…

(2) Suicide japonais, équivalent féminin du seppuku (plus connu sous le nom de hara-kiri). N’ayant pas le droit de se faire seppuku à la manière des hommes (c’est-à-dire, en s’ouvrant l’abdomen avec un sabre), les femmes se tranchent la carotide avec un poignard.

(3) Peut-être y affronterait-il Lyne Cohen-Solal, adversaire acharnée de Jean Tibéri dans cet arrondissement, si toutefois elle fait encore de la politique dans dix-huit ans…

(4) Il n’y a aucune faute de frappe. L’auteur se permet d’inventer un nouveau participe présent.

(5) Maximilien de Wittelsbach (1808-1888), duc « en » Bavière (en allemand, « zu Bayern »), et non « de Bavière » (von Bayern), chef de la branche collatérale autrefois palatine dite « des Deux-Ponts de Birkenfeld », père de la célèbre impératrice Elisabeth d’Autriche, etc. Pour de plus amples informations sur les différences subtiles existant entre le « von » et le « zu », veuillez consulter un vieil exemplaire de l’Almanach de Gotha de Justus Perthes.

 

 

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20 janvier 2010

 


(6.05)


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À l’origine, la websérie Zanzi and the City est un billet d’humeur. Et si je revenais aux fondamentaux ? Au sortir de la triste année 2009, l’envie me saisit de pousser un coup de gueule sur tout ce qui me déplaît, et tant pis si cela fait grincer des dents, pleurer Margot, ou s’évanouir les âmes sensibles. Elles n’ont qu’à s’abstenir de me lire. Les autres, sortez votre flacon de sels !

 

Le débat sur l’identité nationale

C’est le gros buzz de la fin de l’année 2009. Au-delà des mers, il a même été demandé d’organiser des réunions pour que les Français de l’étranger participent au débat. Cette seule phrase suffit à poser une question intéressante : il y a donc des Français qui vivent à l’étranger, et donc, vivent leur identité nationale en dehors des frontières de la France métropolitaine. Qu’est-ce donc, pour eux, qu’être Français ? S’agit-il de contribuer, par la voie de l’expatriation, au rayonnement de notre grande et belle nation et de sa culture ? D’inscrire ses enfants dans un Lycée Français (pour info, la fille de Madonna est inscrite au Lycée Français de Londres) (1) ? De solliciter le consulat français pour tenir à jour son état civil et faire renouveler sa carte nationale d’identité et son passeport ? Pour des cumulards, binationaux voire trinationaux, qu’est-ce qu’être Français ?

Les historiens, eux, débattent depuis des lustres pour déterminer la date de naissance de la France. Leurs a priori dépendent beaucoup de leurs sympathies politiques. Les républicains pur jus la font naître en 1789. D’autres, moins limités, à l’épopée johannique (2). Pour d’autres, encore, la France est née à Bouvines en 1215. Les plus archéologues remonteront le temps jusqu’au baptême de Clovis. À l’école, je ne sais plus si cela se fait encore, la maîtresse nous enseignait « nos ancêtres les Gaulois ». La France remonte à Vercingétorix ! D’où, pour commencer, le postulat suivant : n’en déplaise aux déculottés, la France n’est pas née en 1789. À ce compte, elle serait plus jeune que les États-Unis d’Amérique. Un comble !

Cependant, quelle que soit la date retenue, de l’an -52 avant Jésus-Christ (bataille de Gergovie contre les légions de Jules César) à la prise de la Bastille, chacune illustre un événement lié à un sentiment d’appartenance nationale. La France n’est pas née d’hier, les débats dans la cour (la basse, celle où les coqs cocoricotent) non plus. Et si, être Français, ce n’était rien d’autre que d’être un débatteur râleur ?

 

Le terrorisme

Il nous empoisonne la vie depuis longtemps (je signale qu’entre 1793 et 1795 la France fut gouvernée par des terroristes, d’où l’appellation de « Terreur » pour qualifier la période), mais plus particulièrement depuis 9 ans. Le débat sur l’identité nationale a glissé sur l’immigration et de l’immigration aux islamistes qui fournissent le plus gros contingent actuel de terroristes. Je schématise l’idée générale. Entre-temps, les États-Unis se sont affolés suite à une tentative d’attentat sur un vol Amsterdam-Détroit. Conséquence : renforcement des contrôles déjà énormes et innovation technologique : les scanners corporels. Vous qui voyagez, sachez qu’aucun détail de votre anatomie n’échappera plus à l’œil aiguisé de l’agent qui vous déshabillera du regard. Tout ce qu’il faut espérer, c’est que ce luxe inouï de précautions permettra de détecter la présence indélicate d’une substance explosive dans le rectum. Interdira-t-on d’embarquer un passager dont les intestins produisent des gaz et qui risque de péter à tout instant ?

Le terrorisme, ce n’est pas seulement faire exploser des avions pour pousser les Américains à s’élancer sur de nouveaux théâtres d’opérations (euphémisme pour dire « faire la guerre »), comme par exemple le Yémen, où ils pourront expérimenter les dernières inventions de leurs docteurs Folamour (souvenez-vous que la première guerre du Golfe fut l’occasion de tester la bombe au graphite). Le terrorisme, c’est inspirer la crainte des peuples, de n’importe quelle façon, en répandant surtout des informations anxiogènes dans un monde qui a perdu ses repères traditionnels et n’accepte plus la mort. Les médias diffusant pendant des mois les feuilletons sur la grippe aviaire, puis le SRAS, enfin la grippe porcine alias virus A/HIN1, les 90 millions de doses avec lesquelles le gouvernement prétendait piquer toute la population, le business des groupes pharmaceutiques brassant des milliards en jouant sur la peur, c’est aussi du terrorisme. La crise financière ? Du terrorisme ! Et ce n’est pas fini, car dans le courant de l’année une nouvelle vagues de subprimes devrait venir frapper, ainsi qu’un ressac, les organismes cupides qui n’ont décidément rien appris du premier coup de semonce et continuent de s’en mettre plein les poches. Enfin le terrorisme, c’est aussi, hélas, menacer de la peine de mort quiconque pratique l’homosexualité en Ouganda.

Ah ! comme il semble loin, le bon vieux temps où l’on voyageait en toute insouciance avec un passeport fait à la main. En ce temps-là, on pouvait aussi fumer dans les avions.

— Quoi ? Fumer ? Mais fumer tue, provoque le cancer, blablabla…

— Ta gueule, terroriste !

 

(1) À l’étranger, est un Lycée Français un établissement qui dispense un « enseignement Français », c’est-à-dire, celui qui est dispensé dans les structures françaises selon les critères de l’Éducation nationale. À ne pas confondre avec un lycée qui dispenserait un enseignement « en français » selon les méthodes en vigueur dans le pays où il se trouve.

(2) Épopée johannique : terme qualifiant les aventures de Jeanne d’Arc (1429-1431), qui « bouta l’anglois hors de France ».

 

 

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10 janvier 2010

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