Fiche technique :
Avec Hilary Swanck, Chloé Sevigny, Alison Folland, Alicia Goranson, Brendan Sexton III et Peter Sargaard. Réalisé par Kimberly Peirce. Scénario : Kimberly Peirce.
Durée : 114 mn. Disponible en VO, VOST et VF.
Résumé :
1993, Lincoln, Nebraska (USA). Teena Brandon (Hillary Swank) une jeune fille allant sur ses 21 ans, souffre d'une « crise d'identité sexuelle ». En fait, elle se voit comme un garçon. Suivant un traitement hormonal et attendant une opération qui viendra résoudre (?) le problème, elle se coupe les cheveux, enserre sa poitrine dans une bande très serrée et s'habille en garçon. Afin de fuir la police qui la recherche pour vols multiples de voitures, elle part à 100 km de là, dans la petite ville de Falls City (Amérique très profonde, 100 % blanche) et y devient Brandon Teena.
Un garçon.
Brandon y fait la connaissance de la jeune Candace(Alicia Goranson), puis de ses amis : Lana (Chloe Sevigny), John (Peter Sarsgaard) et Tom (Brendan Saxton III). Ces derniers passent leur temps à boire, se défoncer, jouer au billard et à toutes sortes de conneries...
Brandon, avec son air de « petit garçon » est vite adopté par le groupe et tombe amoureux de Lana qui ne résiste pas longtemps à son charme. Tout se passe bien au début, Lana est si amoureuse qu'elle ne s'aperçoit même pas lors de leur premier ébat sexuel qu'il est une fille... Mais le vent va tourner...
Prisonnier(e) de la toile de mensonges qu'il/elle ne peut s'empêcher de tisser, Brandon se retrouve peu à peu suspect(e) puis carrément découvert(e)... La haine et la rage de John et de Brendan, humiliés d'avoir été ainsi « trompés » par leur bon copain, se déchaînent, attisées par la mère de Lana. Cette dernière, refusant dans un premier temps la vérité, conserve toute sa tendresse à Brandon. Mais le drame est inévitable...
L'avis de Philippe Serve :
Histoire tordue et glauque ? Histoire terrible et vraie ! Teena Brandon a réellement existé et vécu comme Brandon Teena. Tout ce qui précède dans ce résumé correspond à la vérité, Kimberly Peirce (et son co-scénariste Andy Bienen) n'a rien inventé, tout juste a-t-elle changé le nom de Candace (en réalité Lisa Lambert)...
S'appuyant directement sur un documentaire, The Brandon Teena Story (Susan Muska and Greta Olafsdottir, 1998), la réalisatrice a respecté à la lettre la terrible histoire de Teena Brandon. À tel point que Lana Tisdel (la vraie Lana) a renoncé à la plainte qu'elle avait déposé contre le film (poussée par sa famille et après avoir commencé à collaborer à l'écriture du scénario). À la vue du film, elle n'a pu que constater sa fidélité aux faits...
Boys don’t cry est un film choc. Certains le détestent peut-être. Ceux que l'histoire de Teena Brandon dérange au plus haut point, ceux, peut-être, qui s'identifient à ses lamentables persécuteurs et assassins.
Un film qui heurte, laisse pantois et force à la réflexion. Nous sommes confrontés à l'un des plus terribles exemples d'intolérance et de bêtise, à la sauvagerie brute dont l'homme est, hélas, trop souvent capable.
La certitude qu'il n'y aura pas de happy end crée une tension qui s'empare très vite du spectateur et ne le lâche plus. La dernière demi-heure nous explose à la figure, la violence ne nous est pas épargnée par la réalisatrice. On peut se demander si la scène du viol de Brandon par John et Brendan, montrée à l'écran dans tous ses détails, était bien nécessaire. Peut-être une ellipse renvoyant l'image de Brandon dans le bureau de l'ignoble sheriff, tuméfié(e) et forcé(e) de raconter son viol aurait eu autant de force. Peut-être, on peut en discuter...
Par contre, la scène où les deux déjantés forcent (avec violence là encore) Brandon à exposer sa véritable identité sexuelle s'impose, bien que provoquant un dégoût physique difficilement supportable...
La mise en scène de Kimberly Peirce (jeune femme de 31 ans) est diablement efficace, elle alterne présent et flash-backs, et monte sa spirale infernale séquence après séquence. La noirceur de l'histoire se retrouve dans les tons du film (beaucoup d'intérieurs et d'extérieurs nuit) et la réalisatrice a essayé (avec succès) d'éviter toute emphase sur-dramatique. La vérité objective est la seule chose qui l'intéresse. Et elle est assez terrible comme ça !
Il est intéressant de noter que le personnage même de Teena Brandon, menteuse invétérée et voleuse, ne nous apparaît pas spécialement sympathique au début du film. Elle le devient peu à peu, plus nous sentons le danger monter, plus les autres personnages montrent leurs vrais visages.
Elle n'est pas une « héroïne », juste une terrible victime.
Et là, bien sûr, il faut parler de la performance de son interprète, Hillary Swank.
25 ans au moment du tournage, à peine remarquée dans des films aussi stupides que Buffy, tueuse de vampires ou Miss Karaté Kid (!), elle réussit un prodige et a mérité l'Oscar de la Meilleure Actrice qu'elle remporta pour ce Boys don’t cry. Son interprétation expose à la perfection tout à la fois l'enthousiasme de Teena/Brandon pour une nouvelle vie, sa naïveté à croire que tout se passera bien, son charme naturel dévastateur, mais aussi sa fragilité, la confusion de son esprit et l'incertitude de sa propre identité. Elle devient très émouvante dans la dernière demi-heure, notamment dans ses rapports avec Lana.
Chloe Sevigny, qui interprète cette dernière, a aussi rassemblé l'unanimité des critiques et y a gagné un Golden Globe. Elle incarne avec excellence l'aspect grunge de Lana, effacée et peu sûre d'elle au début du film, physiquement quelque part entre Courtney Love et Madonna. Mais la rencontre de Brandon, l'amour qu'elle reçoit de celle qu'elle croit être un garçon, la transforme peu à peu. Et c'est tout le talent de Chloe Sevigny de savoir nous rendre perceptible cette lente évolution et attachant ce personnage.
Les autres rôles sont aussi très bien assurés.
Teena Brandon, 21 ans, fut assassinée le 30 décembre 1993, ainsi que ses deux amis Lisa Lambert (Candace dans le film) et Philip Devine (et non pas le bébé de Candace). Ses deux meurtriers furent condamnés l'un à la peine de mort (par injection), l'autre à la prison à perpétuité...
Un film à ne pas rater, malgré sa dureté.
Note 1: Le scénario, refusé par les grands studios US, fut finalement tourné par une réalisatrice « indépendante », Kimberly Peirce.
Note 2: Boys don’t cry (littér: « Les garçons ne pleurent pas », dicton anglais courant), doit aussi son titre à une chanson du groupe anglais The Cure, chanson que l'on entend brièvement dans le film.
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