Il y a quelques temps de cela, alors que je me faisais refaire une beauté capillaire chez mon coiffeur attitré, en feuilletant des
magazines je suis tombé sur un numéro de Paris Match. Le poids des mots, le choc des photos : tel était le slogan de la revue populaire fondée par Gaston Bonheur. Soixante
ans après, la formule n’a pas changé. L’exemplaire que j’avais entre les mains reproduisait sur papier glacé une vision effroyable, de celle qui fait s’évanouir les chochottes et vomir
ceux qui ont l’estomac fragile.
Le reportage en question parlait d’un soldat américain, un GI à peine entré dans l’âge adulte. Belle gueule d’étudiant propre sur lui,
dans le style Beverly Hills 90210 ou Dawson’s Creek, le style qui fait craquer les jeunes filles outre-Atlantique. L’une d’elles y a succombé, d’ailleurs. Trois ou
quatre ans plus jeune que lui, on la prendrait pour la parfaite Pom-Pom Girl, mais elle est tout autre, vous allez le découvrir. Ils se fréquentent, s’avouent leur amour. Vient le jour où
le garçon est mobilisé pour partir en Irak. Il ne se dérobe pas à son devoir. Avant de partir, il pose un genou à terre, présente une bague de fiançailles à sa dulcinée et lui demande de
l’épouser. Transportée d’allégresse, elle accepte.
Le mariage sera pour plus tard. D’abord, il faut servir sous les drapeaux, connaître la situation angoissante des prédécesseurs qui ont
fait le Vietnam. À l’ombre de la bannière étoilée, le jeune homme débarque dans l’ancienne Mésopotamie. Il n’en reviendra pas intact. Une roquette ou une grenade, je ne sais plus, mais le
résultat est le même. Une brutale déflagration, le véhicule militaire qui explose, et la vie qui bascule dans l’horreur. Certains de ses compagnons sont morts, lui est vivant… mais brûlé
au troisième degré. Lorsqu’il arrive à l’hôpital, il est encore identifiable, mais les premières bandelettes posées sur ses plaies emporteront à jamais son joli visage.
Depuis, sa tête a doublé de volume, les oreilles et le nez ont disparu, et s’il a encore une bouche, il n’a plus figure humaine.
Imaginez Élephant Man. En pire. Les images sont dures. Elles
sont à la fois repoussantes et fascinantes. On pourrait dire que c’est obscène, une forme de voyeurisme morbide. Pourtant, le propos de l’article est de véhiculer un message d’espoir. Il
s’agit de célébrer le triomphe de l’amour et de la vie sur la fatalité et la mort. La jeune fiancée du héros blessé ne l’a jamais quitté. Elle aurait pu le faire, d’ailleurs il le lui a
proposé. Pour ne pas lui infliger « ça ». Mais elle est restée. Solide et inébranlable. Par amour pour lui. Elle dit que quand elle le regarde, à travers ce visage disparu sous
les atroces brûlures, c’est l’amour qu’elle voit, et un cœur énorme qui bat. En l’occurrence, ce sont deux cœurs gros comme ça qui battent à l’unisson. Des cœurs purs et généreux qui
s’aiment au-delà des apparences et de ce qui est périssable. Pour l’éternité. Ces deux héros ordinaires de l’Amour Vrai se sont mariés à l’automne dernier.
Tous, ou presque, nous avons un idéal. Certains préfèrent les blonds, d’autres les bruns, les roux. Il y a ceux qui
« kiffent » les « rebeus » et les « blacks », ceux qui ont le fantasme du beau suédois, ceux qui préfèrent les charmes de l’Asie. Le prince charmant, tel que
nous en rêvons, a de multiples visages. Chacun a cependant tendance à dresser un portrait-robot selon ses préférences, et tout y passe : de la taille à la couleur des cheveux et des yeux,
en passant par les mensurations intimes et l’âge du candidat. Il est souvent bien difficile de trouver quelqu’un qui réponde à l’ensemble de nos pré-requis. Alors, on se contente de ceux
qui s’en approchent. Mais l’insatisfaction n’est jamais loin, et l’herbe est toujours plus verte dans le jardin du voisin. Ainsi, pour peu qu’on croise quelqu’un d’autre qui semble
« mieux », on quitte son compagnon, sa compagne, pour ce nouveau venu. Mais ce n’est jamais assez bien. Il y aura toujours, quoi qu’on fasse, un homme plus beau, une femme plus
belle, et cet idéal inaccessible qui nous échappera sans cesse.
Si vous vous reconnaissez dans cette situation, si vous faites partie de celles et ceux qui se sentent frustrés parce qu’ils
recherchent une perfection qui n’existe pas et qui s’évapore sous leurs yeux désabusés au moment où ils croient la toucher du doigt, suivez mon conseil : oubliez vos rêves et revenez
à la réalité, déchirez ce portrait-robot du compagnon idéal que vous vous êtes fait, débarrassez-vous de vos critères de sélection, ouvrez les yeux… et laissez-vous surprendre ! Il
n’est peut-être pas loin, mais bien plus proche que vous ne le croyez, le cœur qui vous fera vibrez. Il ne correspond pas forcément à l’image que vous vous en étiez faite, et il y a 9
chances sur dix pour qu’il n’y corresponde pas, mais il vous correspondra, au plus profond de vous-même. Lorsque vous aurez abandonné cette image et déchiré le voile des illusions, alors
vous pourrez le reconnaître. Peut-être le connaissez-vous, ou pas encore, mais il ou elle aura, pour vous, le visage de l’amour.
Pour lire le précédent épisode de Zanzi and the City, cliquez ici.
Le tendre et dangereux visage de l'amour
Le tendre et dangereux
visage de l'amour
m'est apparu un soir
après un trop long jour
C'était peut-être un archer
avec son arc
ou bien un musicien
avec sa harpe
Je ne sais plus
Je ne sais rien
Tout ce que je sais
c'est qu'il m'a blessée
peut-être avec une flèche
peut-être avec une chanson
Tout ce que je sais
c'est qu'il m'a blessée
blessée au coeur
et pour toujours
Brûlante trop brûlante
blessure de l'amour.
Jacques Prévert
Tous les visages de l'amour
Paroles et Musique: Charles Aznavour 1975
© 1975 Editions Chappell
Toi, par tes mille et un attraits
Je ne sais jamais qui tu es
Tu changes si souvent de visage et d'aspect
Toi quelque soit ton âge et ton nom
Tu es un ange ou le démon
Quand pour moi tu prends tour à tour
Tous les visages de l'amour
Toi, si Dieu ne t'avait modelé
Il m'aurait fallu te créer
Pour donner à ma vie sa raison d'exister
Toi qui est ma joie et mon tourment
Tantôt femme et tantôt enfant
Tu offres à mon cœur chaque jour
Tous les visages de l'amour
Moi, je suis le feu qui grandit ou qui meure
Je suis le vent qui rugit ou qui pleure
Je suis la force ou la faiblesse
Moi, je pourrais défier le ciel et l'enfer
Je pourrais dompter la terre et la mer
Et réinventer la jeunesse
Toi, viens fais moi ce que tu veux
Un homme heureux ou malheureux
Un mot de toi je suis poussière ou je suis Dieu
Toi, sois mon espoir, sois mon destin
J'ai si peur de mes lendemains
Montre à mon âme sans secours
Tous les visages de l'amour
Toi ! tous les visages de l'amour
@ Gérard : vous êtes un homme heureux et, pour comble de votre bonheur, vous en êtes conscient. Merci pour votre témoignage.
@ Luc : darling, il ne faut pas croire ce que raconte Daniel. Nous sommes encore en hiver et je ne frétille pas du tout. Si je m'agite, c'est pour retrouver mon visage !
Zanzi
Cyril et Charles Aznavour Star Ac
envoyé par GayClic
c'est peut-être mon visage... à condition que je le retrouve d'abord ! ;-)
Laissez vos coordonnées au webmestre et je vous enverrai une photo dédicacée qui date de la belle époque où j'avais encore un sourire enchanteur.