L’auteur :
Marie-Sophie Vermot est née à Montreuil en 1960. Elle a passé toute son enfance en Bourgogne. Elle a toujours détesté l'école, ce
qui ne l'a pas empêchée d'étudier la littérature américaine, la danse contemporaine, la philosophie existentialiste ainsi que la peinture expressionniste. Âgée d'une quarantaine d'année, elle est
mariée et est mère de quatre enfants. Elle vit actuellement en Normandie et partage son temps entre la peinture, l'écriture, et récemment la sculpture. Elle a publié une vingtaine de romans pour
la jeunesse chez différents éditeurs.
L'avis de Jean Yves :
Par le plus grand des hasards, Saul, un lycéen, va devenir le « promeneur » de la chienne Lola. Cette après-midi là, Saul rattrape à
temps l'animal que son maître avait laissé échapper et lui évite de passer ainsi sous les roues d'un bus. Monsieur Debray, le vieil homme qui promenait Lola le remercie chaleureusement et lui
explique la situation. Lola n'est pas sa chienne : elle appartient à son voisin, qui trop malade ne peut aller la promener. Monsieur Debray propose à Saul de l'accompagner afin que le véritable
propriétaire le remercie. C'est ainsi que Saul se retrouve le « promeneur » attitré de Lola. Le maître de Lola, Kyle, lui explique rapidement sa situation : il est sidéen et son
compagnon est décédé de cette maladie, quelques années auparavant. Si au départ, Saul voit en cette activité, un moyen de se faire du « fric » pour s'acheter une guitare d'occasion
qu'il a repérée, il va peu à peu s'attacher à Kyle au point de renoncer aux vacances scolaires prévues avec ses parents.
Dans ce roman pour adolescents, Marie-Sophie Vermot cerne bien les besoins de Saul avant sa rencontre avec Kyle : « s'éloigner » des parents, ne pas toujours penser aux travaux
scolaires (les révisions du bac français), se sentir autonome, se réaliser autrement que par les seules activités jusque-là programmées par les parents (la flûte traversière/Saul rêve de faire
partie du groupe de rock que son copain Julien veut créer)…
Son père est, tout à la fois, exigeant et accueillant : il rappelle à son fils ce à quoi il tient (les études) tout en gardant son cœur ouvert. Saul n'a pas de gros problèmes relationnels avec sa
famille : d'ailleurs, s'il commet quelques mensonges, il se rend vite compte que son utilisation répétée ne construit rien de solide.
Marie-Sophie Vermot sait faire partager aux lecteurs les peurs qui bloquent les dialogues (Saul ne dira pas au début que Kyle est atteint du SIDA, par crainte de la réaction de ses parents), les
silences qui en disent toujours plus longs (on peut penser que la mère de Saul accepte mal d'apprendre la maladie de Kyle puisqu'en cachette de son fils, elle tente de mettre fin à leurs
« relations »), les déceptions qui font « capoter » les rêves (Julien, qui démarre son groupe de rock, n'accepte pas la non disponibilité de son ami)…
L'auteure raconte sans aucun misérabilisme la vie qui s'en va, ce qui permet à Saul d'acquérir un état de conscience qu'il n'avait pas jusque-là.
J'ai néanmoins regretté que Marie-Sophie Vermot n'aille pas plus loin dans la découverte de cette nouvelle conscience. Je trouve que la présence de Bettina, en nièce exubérante,
« anesthésie » la relation entre Saul et Kyle. Bettina montre certes qu'il est possible d'accompagner un mourant tout en conservant une gaieté consciente. J'aurais aimé découvrir
comment Kyle aurait fait pour annoncer à Saul qu'il lui rappelait, tant par son physique que par son comportement, son amant décédé (crainte d'une lecture pédophile du roman ?). La fin, tellement
ouverte (Kyle est conduit à l'hôpital) m'a aussi beaucoup déçu : la mort est-elle si redoutable pour ne pas être présente explicitement dans le roman ? Il aurait été intéressant de découvrir chez
Saul les conséquences d'un drame qui le dépasse largement.
Dernier point, qui aurait mérité plus d'interrogation : le quiproquo entre Bettina et Saul à propos de la sexualité de l'adolescent (« Je n'en suis pas un, d'accord ? » lui lança-t-il). Il aurait
fallu creuser les silences de Saul avec Julien, son refus de lui parler de Kyle, son désir de faire de la guitare (même s'il a besoin d'une pause momentanée). De la même manière, articuler la
rupture avec le groupe de Julien et la peur que Saul a d'être perçu comme un homo…
Des émotions manquées, c'est dommage.
Pour plus d'informations :
Publié aux Editions Thierry Magnier (2005)
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